Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 15 mars 2022, point 15 de l'ordre du jour

Document

21_PAR_21_Rapport annuel 2020-2021 de la Commission des visiteurs du Grand Conseil

Transcriptions

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Mme Anne-Sophie Betschart (SOC) — Rapporteur-trice

Le rapport que la commission a le plaisir de vous soumettre aujourd’hui couvre la période du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021. Pendant cette période, 13 visites ont été organisées et accompagnées par un ou plusieurs experts, dont 8 ont été faites dans les lieux de détention du canton de Vaud et 3 hors canton, soit à Neuchâtel et à Genève. La commission a ainsi auditionné plus de 115 personnes détenues dans le canton de Vaud et 16 personnes détenues dans des établissements situés hors du canton de Vaud. Elle a également reçu, durant l’année, plus de 50 courriers auxquels elle a répondu rapidement. Ce rapport contient neuf recommandations, et force est de constater que certaines d’entre elles reviennent depuis plusieurs années.

Il s’agit bien évidemment de la population carcérale dans les établissements de détention avant jugement et de la détention illicite dans les zones carcérales de l’Hôtel de Police de Lausanne et de la Blécherette. La prison est-elle un long fleuve tranquille ? Tranquille, certainement pas, mais long, c’est le moins que l’on puisse dire. Depuis plusieurs années, la commission dénonce les conditions de détention illicites, mais sans que rien ne change. Bien sûr, ce ne sont pas les geôles infectes du Midnight Express, mais ce sont des cellules sans lumière du jour, et pour certaines sans l’eau courante, même si les bouteilles d’eau sont distribuées à la demande. Elles présentent un minimum de confort et personne ne devrait y séjourner plus de 48 heures. Or, même si elles ne sont pas toutes occupées, la durée médiane de janvier à mai 2021 à l’Hôtel de Police de Lausanne est de quatre jours, avec une durée maximale de 26 jours, ce qui est beaucoup trop. La cause en est le manque de places dans les établissements de détention avant jugement.

La crise sanitaire du Covid a nécessité la fermeture de certains établissements pendant une période et des mesures de quarantaine ont été mises en place. Ces mesures strictes ont néanmoins été bien comprises par les personnes détenues et la pandémie a ainsi été contrôlée. Afin de maintenir le contact avec des familles, un système de visioconférence a été mis en place. La commission espère qu’il pourrait être pérennisé par la suite, et ce qui semble être déjà le cas.

Dans son rapport, la commission insiste également sur l’amélioration de l’organisation des activités physiques, notamment lors des weekends, ainsi que sur la condition des détentions et des rémunérations des personnes qui sont en arrêt de travail.

La surpopulation endémique des établissements avant jugement du Bois -Mermet ou de la Croisée ne permet pas que toutes les personnes détenues puissent bénéficier du régime de détention adéquat à leur situation, ce que la commission déplore d’année en année. Par contre, elle constate avec satisfaction le développement des possibilités de formation et de réinsertion mises en place dans les différents établissements afin d’éviter la récidive, de même que le projet pilote de justice restaurative qui devrait se développer.

Une augmentation des troubles du comportement et des cas psychiatriques est constatée dans tous les lieux de détention, et la commission reste toujours très attentive à cette problématique et à la prise en charge des personnes détenues sous mesure. Des unités spécialisées ont été ouvertes pour prendre en charge des personnes détenues présentant des troubles psychiatriques ou en âge avancé, mais le nombre de places est encore très restreint et le personnel n’est toujours pas suffisant.

Les arrêts disciplinaires en isolement peuvent durer jusqu’à 30 jours et même si cette longue période ne semble pas être utilisée plus que 15 jours, elle reste possible malgré la recommandation du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) – ce que la commission déplore.

La commission remercie les directions et le personnel pénitentiaire de leur accueil et de leur disponibilité lors des visites. Une attitude respectueuse des agents de détention envers les personnes détenues a souvent été mentionnée lors des entretiens. Elle se réjouit également du projet de construction de l’établissement des Grands-Marais qui met en avant la réinsertion et qui améliorera nettement les conditions de détention ainsi que celles du travail du personnel pénitentiaire. Elle espère que le délai fixé à 2026 pourra être respecté. Cela étant dit, le problème de détention dans des lieux inappropriés et vétustes ne sera pas entièrement réglé tant que les travaux d’assainissement ne seront pas terminés.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Rebecca Joly (VER) —

Le groupe des Verts remercie la commission pour son travail qui n’est pas toujours facile, mais qui est mené avec une grande diligence et avec un grand sérieux. Nous partageons pleinement les préoccupations de la commission ainsi que toutes ses recommandations. Effectivement, nous constatons chaque année avec une forme d’impuissance acquise que la surpopulation carcérale reste préoccupante dans notre canton, notamment dans certaines conditions pour les détentions avant jugement qui sont extrêmement préoccupantes et qui ne sont pas totalement adéquates. Nous voyons aussi que le Conseil d’Etat tente différents types d’actions au niveau du Service pénitentiaire (SPEN), mais malheureusement ce n’est pas le seul acteur dans cette chaîne. Nous pouvons aussi nommer la question de la rapidité des jugements, qui pourrait être accélérée, si nous donnions un plus de moyens à la justice.

Par ailleurs, nous tenons à rappeler ici que la politique en matière de détention n’est pas de la responsabilité du Conseil d’Etat et que la volonté de certaines personnes dans cet hémicycle de réintroduire les courtes peines privatives de liberté ainsi que de punir très sévèrement par de longues peines privatives de liberté certaines infractions, notamment en lien avec la loi sur les stupéfiants, n’est pas du tout étrangère à cette surpopulation carcérale. Au contraire, c’est l’un des principaux facteurs. Le SPEN est en bout de chaîne, il fait ce qu’il peut, mais ce n’est pas lui qui décide qui va combien de temps en prison. Cette politique de détention importante est un vrai problème aujourd’hui, puisque construire une prison n’est pas évident : le projet des Grands-Marais a longtemps été bloqué en raison de la difficulté à obtenir les crédits. En ce moment même, ce projet n’est pas encore abouti. Nous reconnaissons que même des solutions provisoires sont compliquées à mettre en place pour ces mêmes raisons. Aujourd’hui, nous sommes donc devant un problème majeur.

Nous remercions aussi la commission pour sa recommandation concernant la santé des femmes et leur accès aux soins psychiatriques et gynécologiques qui nous semblent être des choses extrêmement importantes. Nous voyons aussi que le SPEN a tenté des réponses immédiates et nous nous réjouissions aussi des réponses sur le plus long terme qui seront apportées à cette problématique spécifique de ce public carcéral. En résumé, comme le Conseil d’Etat partage très probablement les préoccupations de la commission, la réponse doit être aussi multiple. Nous remercions la Commission des visiteurs pour son rapport.

Mme Muriel Cuendet Schmidt (SOC) —

J’interviens en tant que membre de la Commission des visiteurs et ma prise de parole porte sur la recommandation numéro 9 de notre rapport annuel qui demande, entre autres, au Conseil d’Etat d’établir un concept de prise en charge et une organisation qui garantissent un accès aux soins psychiatriques pour l’ensemble des femmes détenues. Le premier rapport annuel de la Commission des visiteurs date de 2013 et sa première recommandation concernait la mise en place d’infrastructures adaptées à la prise en charge psychiatrique des personnes détenues. Cette recommandation a été réitérée en 2017 et en 2018. En 2019, c’était un postulat, déposé par Valérie Schwaar– pour lequel nous attendons toujours une réponse – qui contenait une demande d’un accès aux soins psychiatriques pour les femmes équivalent à celle des hommes. En novembre 2020, le Conseil d’Etat indiquait dans ses déterminations avoir validé la création d’une unité psychiatrique pour les femmes détenues à la Prison de la Tuilière pour la fin des travaux et après soumission du projet au printemps 2021 à la Conférence latine des chefs de départements de justice et police (CLDJP), qui a d’ailleurs accepté ce projet. Cette même année, dans ses réponses aux observations de la Commission de gestion (COGES), le Conseil d’Etat mentionnait avoir renoncé à cette unité, en jugeant que le projet était trop complexe à intégrer dans un bâtiment existant et fragilisé par des problèmes d’entretien. Entretemps, les travaux de rénovation ont débuté à la Tuilière et l’unité psychiatrique pour hommes a déménagé à la Prison de la Croisée. Mais lorsque nous avons questionné le personnel sur cette éventualité de la création d’une telle unité pour femmes, les réponses n’étaient visiblement pas très claires : « Peut-être ou peut-être pas. » Or, tous les spécialistes, experts, personnes de terrain sont unanimes sur la forte augmentation des troubles psychiatriques au sein de cette population. Lors de nos visites annuelles à la Tuilière, les femmes détenues nous font part chaque année des difficultés liées à la cohabitation avec des personnes souffrant de troubles psychiatriques lourds et ne bénéficiant pas d’une prise en charge adaptée à leurs besoins. Même si la bienveillance est de mise, tant de la part des détenues entre elles ou que de la part du personnel, ce type de situations est très dommageable. Dommageable pour le personnel du SPEN et du Service de médecine et psychiatrie pénitentiaires (SMPP) qui fait au mieux, mais qui ressent une grande impuissance face à ce type de situations et dont les conditions de travail extrêmement difficiles. D’ailleurs, lors de notre dernière visite qui date de février 2022, nous avons appris qu’une agression physique sur une infirmière avait eu lieu la semaine précédente. Je profite de mon intervention pour saluer leur engagement dans ces fonctions difficiles. Dommageable pour les codétenues qui sont réveillées la nuit, parfois empêchées de dormir durant de longues heures et qui sont elles aussi des spectatrices impuissantes de la souffrance psychique de certaines de leurs codétenues. Enfin, dommageable pour les personnes malades elles-mêmes et dont les pathologies se chronicisent, s’aggravent et dont les chances de réinsertion s’amenuisent chaque jour un peu plus.

A la lecture des dernières déterminations du Conseil d’Etat, je me réjouis qu’il envisage enfin la création de cette unité, sous réserve d’octroi de ressources supplémentaires. J’enjoins par avance le Grand Conseil d’accepter ces nouveaux crédits lors qu’ils seront soumis au plénum. Dans le cas contraire, que ferons-nous de ces personnes ? Les garderons-nous en détention éternellement parce que, une fois leurs peines purgées, elles ne pourront plus vivre en société en raison de l’absence de prise en charge adéquate durant leur incarcération ? Et comment gérerons-nous les problèmes de surpopulation carcérale auxquels nous sommes confrontés depuis de très nombreuses années dans notre canton ?

Au vu de ce qui précède, j’espère que cette unité psychiatrique va enfin voir le jour au sein de la Prison de la Tullière afin que les femmes en détention puissent, au même titre que les hommes, bénéficier de soins adaptés à leurs besoins en matière de santé psychique. Je vous remercie de votre attention et d’accepter notre rapport annuel.

M. Philippe Cornamusaz (PLR) —

Le groupe PLR a pris acte des neuf recommandations de la commission et les accepte avec satisfaction. En effet, nous voyons qu’il y a plus de formations offertes aux détenus et qu’un système de visites par Skype a également été mis en place. Nous saluons également le professionnalisme du personnel encadrant dans les prisons. De nombreux membres du groupe PLR estiment également que les conditions de détention dans les zones carcérales doivent être améliorées. Finalement, le groupe PLR acceptera ce rapport.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

Le rapport de la commission est approuvé à l’unanimité.

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