Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 20 février 2024, point 7 de l'ordre du jour

Texte déposé

 

Depuis plusieurs jours, sous l’impulsion des agriculteurs français, le mouvement de protestation s’amplifie partout en Europe. La colère gronde, les routes ont été bloquées, etc. : le monde agricole rivalise d’imagination pour déployer des actions symboliques.

 

Dans notre pays, les votations sur les objets en lien avec la production de nourriture, et l’agri-viticulture au sens large, sont l’objet à chaque fois de très vifs débats. Par ailleurs, au niveau fédéral, le poids du lobby des gros distributeurs est gigantesque sous la coupole. Rappelons que les deux géants orange contrôlent à eux seuls près de 80% du commerce de détail. Cela leur permet d’imposer des prix très bas, de bénéficier de marges énormes, aux dépens des producteurs, notamment des petites et moyennes exploitations, des exploitations familiales. Quand les coûts de production augmentent, la grande distribution, si elle augmente ses prix en magasin, ne répercute pas ces hausses sur ses prix d’achat aux producteurs, mais ce sont à nouveau ses marges à elle qui augmentent comme le dénonçait la FRC [1], encore plus pour le bio comme le révélait un récent article de 24Heures[2]. Pas étonnant donc que toutes les tentatives pour rendre transparentes les marges des distributeurs et d’avoir une vision concrète et réelle de l’ensemble des prix payés tout du long de la chaîne alimentaire, aient échoué à Berne. Avec pour conséquence directe que nos paysannes et paysans ne sont pas payés correctement et que leur production ne leur suffit pas pour vivre. Or, une plus grande transparence amènerait sans doute rapidement une nouvelle répartition de ce qui est payé à qui, en particulier pour les personnes tout au début de la chaîne alimentaire et qui veulent avant tout vivre de leur travail et non de la « chasse aux primes ».

 

De plus, à entendre la grogne qui s’élève, cette position conforte le poids de l’industrie agro-alimentaire, des géants de la distribution ou encore du lobby de l’industrie ou des services financiers, face à l’administration fédérale. Pour preuve, à chaque accord international, de type Mercosur, c’est l’agriculture qui paie pour l’ouverture de nouveaux marchés aux autres secteurs. De plus, même selon le vice-directeur de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) interviewé sur les ondes de la RTS le 31 janvier dernier[3], le système des paiements directs actuels a vécu et les empilements administratifs sont gigantesques, avec plus de 4'000 pages de directives et autres.

 

Au niveau vaudois, le Grand Conseil vaudois a très fréquemment soutenu le monde agricole, notamment pour ce qui concerne une juste rémunération du prix du lait. Il s’est également fréquemment préoccupé des circuits courts, de l’importance du rôle de l’état dans tout ce qui concerne la restauration collective ou de s’assurer que ce que nous mangeons est bon pour notre santé. Fréquemment, le gouvernement a proposé des mesures complémentaires de soutien aux divers secteurs et prépare le défi de l’agri-viticulture de demain, en regard des dérèglements climatiques.

 

Au niveau de la société en général, après les si beaux élans vers un retour aux producteurs, pendant la période de pandémie COVID, notamment grâce à l’aide du Canton via les opérations welcome, les habitudes de consommation n’ont hélas pas changé, le naturel des grandes surfaces et autres discounters revenant au grand galop. Il est vrai qu’avec l’érosion massive du pouvoir d’achat des ménages, bon nombre de ceux-ci veillent au moindre centime, notamment pour leur alimentation, secteur toujours plus faible dans le portemonnaie des ménages.

 

Pourtant manger est un acte citoyen, et devrait le rester ! L’alimentation, saine, locale et durable ne devrait pas être le budget dans lequel on taille. Cela fait partie des besoins fondamentaux comme se loger, se soigner, se former ou avoir droit à la sécurité. De même, nos agricultrices et agriculteurs doivent pouvoir vivre dignement de leur travail, et le fait de nourrir la population devrait être autrement rémunéré que cela ne l’est actuellement. A cela s’ajoute le fait que l’équilibre entre la production indigène, les moyens de production idoines, les surfaces nécessaires, celles à réserver, tout cela est toujours plus fragile. Nous devons passer de la confrontation entre les « tout-bio » et les « pro-phyto », à ce qui fait notre force en Suisse : un consensus agricole. Et notre canton, doté de son légendaire « bon sens » qui fait partie de notre ADN devrait être une nouvelle fois pionnier, moteur de ces changements permettant de dépasser les confrontations stériles, et ce pour tout type d’exploitation.

 

Au vu de ce qui précède, nous avons l’honneur de poser les questions suivantes au Conseil d’état :

  1. Quelles mesures rapides le Conseil d’Etat peut-il prendre pour améliorer dans notre canton le travail quotidien des agricultrices, agriculteurs, viticultrices et viticulteurs, en particulier pour ce qui concerne les contrôles et les tâches administratives, par exemple en évitant les doublons ou autres ?
  2. Comment le Conseil d’Etat entend-il contribuer à faire évoluer le système pour que celui-ci minimise les incitations à la « chasse aux primes » et favorise une production nourricière, durable et raisonnée, permettant aux paysannes et paysans de vivre dignement de leur travail ?
  3. De quelle manière le Conseil d’état va-t-il s’engager pour que la Confédération espace les changements, par le biais d’un moratoire sur les modifications d’ordonnances ou un allongement des périodes couvertes par la politique agricole, dans le but d’offrir une vision à plus long terme aux parties prenantes ?
  4. Le Conseil d’Etat pourrait-il entrer en matière, voire soutenir, toute initiative ou résolution qui permettrait d’obtenir une plus grande transparence des marges prises par l’ensemble des acteurs du circuit de la production agricole, du producteur au détaillant ?
  5. Le Conseil d’Etat est-il d’avis que les paysans et paysannes devraient pouvoir vivre dignement de leur travail et de leur production sans devoir avoir recours à des paiements directs ?
  6. Le Conseil d’Etat peut-il indiquer comment les coûts de production ont évolué, comment ont évolué les prix payés aux producteurs et donc quel est le bilan de ces évoluions ces 3-4 dernières années ?
  7. Enfin, par quels biais et avec quels moyens le Conseil d’état va-t-il s’engager à ce que le secteur agricole soit sorti des futurs accords internationaux de type Mercosur ?

 

 

Nous remercions d’avance le Conseil d’Etat de faire diligence, dans son action que pour ses réponses.

 

 

[1]https://www.frc.ch/postpratique/la-frc-revele-le-dessous-des-marges-dans-le-maraichage/

[2]https://www.24heures.ch/agriculture-biologique-les-suisses-paient-le-bio-100-millions-de-francs-trop-cher-447662943219

[3]https://www.rts.ch/play/tv/la-matinale/video/la-matinale-video-presentee-par-valerie-hauert?urn=urn:rts:video:14669450

Conclusion

Souhaite développer

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Marc VuilleumierEP
Alexandre DémétriadèsSOC
Sébastien HumbertV'L
Théophile SchenkerVER
Blaise VionnetV'L
Aurélien DemaurexV'L
Cendrine CachemailleSOC
Didier LohriVER
Sylvie PodioVER
Yves PaccaudSOC
Vincent KellerEP
Jean-Bernard ChevalleyUDC
Laure JatonSOC
Cédric RotenSOC
Claude Nicole GrinVER
Amélie CherbuinSOC
Stéphane JordanUDC
Cédric EchenardSOC
Vincent JaquesSOC
Felix StürnerVER

Document

24_INT_24-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Stéphane Montangero (SOC) —

Les panneaux de nombreuses localités ont été renversés et ainsi il faut se mettre la tête en bas pour pouvoir les lire correctement, ou marcher sur les mains. Cet acte symbolise « on marche sur la tête ! » et pour le mouvement paysan, il signifie que, depuis trop longtemps, tout bon sens a quitté la plupart des décideurs. Il démontre la colère et la défiance envers les représentants agricoles dans les grands groupes ou coopératives agricoles, devenus des gestionnaires davantage que de vrais représentants. Des représentants auraient pu porter la parole de la base, auraient vraiment pesé sur les décisions, notamment pour tout ce qui concerne une juste rétribution, un prix équitable à payer pour que nos familles paysannes puissent vivre dignement.

Vivre dignement n’est notamment pas possible avec les deux géants orange qui détiennent plus de 80 % du marché, mais il faut aussi s’opposer avec véhémence à des accords du type Mercosur. En effet, cet accord – qui est souvent appelé « voiture contre vache », notamment au niveau de l’Union européenne – sacrifie encore une fois l’agriculture aux autres secteurs, comme si elle était de moindre importance. Cette tête à l’envers signale donc une colère envers les bureaucrates et les politiques. Surtout, le manque de perspectives mine le moral de trop de personnes qui en ont marre de se battre pour ce qui semble naturel, car manger est un acte citoyen et devrait le rester. Une alimentation saine, locale et durable ne devrait pas être la part du budget dans laquelle tailler ! Elle fait partie des besoins fondamentaux, comme se loger, se soigner, se former ou avoir droit à la sécurité. De même, nos agricultrices et agriculteurs doivent pouvoir vivre dignement de leur travail et nourrir la population devrait être rémunéré différemment que cela ne l’est actuellement. C’est pourquoi nous posons sept questions qui balayent largement le spectre des possibilités d’action du Conseil d’Etat sur la question agricole, de manière directe ou indirecte. Au vu de l’actualité brûlante, nous demandons plus que vivement que le Conseil d’Etat y réponde, au plus tard, dans les trois mois légaux impartis.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

L’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.

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