Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 12 mars 2024, point 11 de l'ordre du jour

Texte déposé

La situation de l’accueil de jour dans le canton est insatisfaisante. Selon une récente étude quantitative présentée par la Fondation pour l’accueil de jour des enfants (FAJE), il faudra 41'600 places d’accueil en 2025 pour que les besoins des familles vaudoises soient couverts. Aujourd’hui, il n’y a que 29'700 places[1]. De très grandes disparités sont de mise entre les régions avec par exemple un taux de couverture de seulement 14% dans la Broye contre 52% à Nyon, ce qui entraînent de grandes inégalités pour les parents au sein même du canton en fonction de leur lieu de domicile. Certaines familles doivent attendre plus d’une année après la naissance de leur enfant avant de trouver une place, avec toutes les répercussions négatives que l’on peut imaginer notamment sur la vie professionnelle, dans un canton où dans 83% des ménages, les deux adultes travaillent[2]. Parmi les obstacles à la montée en puissance de l’accueil de jour, il y a la pénurie d’éducatrices et éducateurs qui s’explique en particulier par des conditions de travail difficiles : longs stages très faiblement rémunérés avant d’entrer en formation, niveaux de rémunération moyennement attractifs, taux d’encadrement relativement faible au regard des recommandations des spécialistes de l’accueil de jour[3]. Or, le renforcement de l’accueil de jour bénéficie d’un large soutien dans la population, comme l’a montré le mouvement de 2018 lors duquel env. 9'000 éducateur·trices et parents ont manifesté à Lausanne[4].

Afin de contribuer à améliorer la situation, cette motion propose de dégager des ressources financière supplémentaires en faveur de la FAJE avec les deux objectifs prioritaires suivants : 1) favoriser l’ouverture de nouvelles places par les communes au moyen d’une politique cantonale plus incitative, 2) revaloriser les conditions de formation et de travail pour les salarié·es qui font vivre l’accueil de jour afin de lutter contre la pénurie de professionnel·les. En proposant, sur le court terme, d’accomplir un pas en avant dans la montée en puissance de l’accueil de jour, la présente motion se veut ainsi complémentaire par rapport aux postulats Céline Misiego (23_POS_52), qui demande un meilleur pilotage de la création de places supplémentaires vu les nombreux acteurs impliqués, et Jean Tschopp (23_POS_60), qui propose une étude à propos de la création d’un véritable service public de la petite enfance. 

La directrice de la FAJE a récemment souligné dans les médias que l’incitation est efficace pour stimuler la création de nouvelles places par les communes[5]. C’est dans cet esprit que s’inscrit cette motion en proposant d’augmenter le financement cantonal de 25 à 35% de la masse salariale du personnel éducatif des structures d’accueil collectif et des coordinatrices de l’accueil familial de jour rattachées à un réseau d’accueil de jour reconnu. Cela permettrait d’augmenter le financement de la FAJE dans une proportion d’environ 31 millions de francs par an.

Dans la mesure où les entreprises ont un intérêt majeur à la garde des enfants, d’autant plus en période de pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs, cette motion propose aussi d’augmenter la contribution des employeurs à la FAJE : concrètement, il s’agirait de fixer le taux de cotisation à charge des employeurs de 0,16% aujourd’hui à 0,24%. Une telle augmentation est d’autant plus légitime qu’aujourd’hui les entreprises contribuent moins que l’État, les communes et les parents. Cela améliorerait le financement de la FAJE à hauteur d’environ 27 millions par an. L’augmentation de la contribution de l’État cantonal et des employeurs offrirait donc une manne supplémentaire de 58 millions[6]. Un tel montant représente environ 9% du budget total de l’accueil de jour dans le canton. Cette montée en puissance financière permettrait ainsi d’augmenter le rythme de la création de nouvelles places tout en revalorisant les conditions de formation et de travail.

 

Cette motion demande au Conseil d’État de soumettre au Grand Conseil une révision de la Loi sur l’accueil de jour des enfants selon les lignes directrices suivantes :

  • Introduction dans l’art. 25 d’une responsabilité de l’État pour garantir des conditions de formation attractives, en particulier par la fixation de rémunérations minimales permettant aux personnes en formation et aux stagiaires de subvenir à leurs besoins de base, et pour la promotion des métiers liés à l’accueil de jour.
  • Révision de l’art. 45 fixant la contribution de l’État à 35% de la masse salariale du personnel éducatif des structures d’accueil collectif et des coordinatrices de l’accueil familial de jour rattachées à un réseau d’accueil de jour reconnu.
  • Révision de l’art. 47 fixant un taux minimal de cotisation des employeurs à 0,24% de la masse salariale de chaque entreprise.
  • Révision de l’art. 62 visant à une revalorisation des conditions de travail pour les salarié·es de l’accueil de jour. La teneur de cette révision pourrait être la suivante (partie nouvelle en gras) : « Les associations faîtières d’employeurs et d’employés du milieu professionnel de l’accueil collectif de jour sont invitées à négocier une convention collective de travail. Cette convention collective de travail garantit des conditions de travail attractives, propres à prévenir la pénurie de personnel. » Cet modification de l’art. 62 vise à inciter à des revalorisations salariales, à une amélioration du taux d’encadrement et à augmenter le temps à disposition durant l’horaire de travail sans présence d’enfants permettant la formation, la discussion en équipe sur des projets, etc. De plus, l’incitation financière à rejoindre la CCT devrait être renforcée.

 

[1]RTSInfo.ch, 5 décembre 2023.

[2]24 Heures, 5 décembre 2023.

[3]Lignes directrices du SSP pour un accueil de jour de qualité, Lausanne, 2009.

[4]La Liberté, 14 novembre 2018.

[5]24 Heures, 5 décembre 2023.

[6] Ces montants sont calculés d’après le Rapport annuel 2022 de la FAJE, pp. 8-9.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Théophile SchenkerVER
Vincent KellerEP
Felix StürnerVER
Mathilde MarendazEP
Pierre FonjallazVER
Laure JatonSOC
Valérie ZoncaVER
Aude BillardSOC
Joëlle MinacciEP
Denis DumartherayUDC
Cédric RotenSOC
Alexandre RydloSOC
Carine CarvalhoSOC
Jean-Louis RadiceV'L
Claude Nicole GrinVER
Kilian DugganVER
Marc VuilleumierEP
Oriane SarrasinSOC
Elodie LopezEP
Isabelle FreymondSOC
Eliane DesarzensSOC
Didier LohriVER
Martine GerberVER
Cendrine CachemailleSOC
Patricia Spack IsenrichSOC
Monique RyfSOC
Cédric EchenardSOC
Yannick MauryVER

Document

24_MOT_17-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Hadrien Buclin (EP) —

La situation de l’accueil de jour dans le canton reste insatisfaisante. Selon une récente étude quantitative présentée par la Fondation pour l’accueil de jour (FAJ), il faudrait 41'000 places d’accueil en 2025 pour que les besoins des familles vaudoises soient couverts et, aujourd’hui, il n’y a que 29'700 places. Ainsi, entre les places à disposition et les besoins, le fossé est béant. Les disparités entre les régions sont également très grandes, avec par exemple un taux de couverture de 14 % dans la Broye et de 52 % à Nyon, ce qui entraîne de grandes inégalités pour les parents, au sein du canton, en fonction de leur lieu de domicile. Certaines familles doivent attendre plus d’une année après la naissance de leur enfant avant de trouver une place, avec toutes les répercussions négatives que l’on peut imaginer, notamment sur la vie professionnelle, dans un canton où, dans 83 % des ménages, les deux adultes travaillent.

Parmi les obstacles à la montée en puissance de l’accueil de jour, il y a la pénurie d’éducatrices et d’éducateurs, qui s’explique en particulier par des conditions de travail assez difficiles, de longs stages faiblement rémunérés avant d’entrer en formation, des niveaux de rémunération moyennement attractifs et des taux d’encadrement relativement faibles au regard des recommandations des spécialistes de l’accueil de jour. Or, le renforcement de cet accueil bénéficie d’un large soutien dans la population, comme l’a montré le grand mouvement de 2018 où plus de 9000 éducatrices et éducateurs, parents, et autres personnes concernées, avaient manifesté à Lausanne pour un renforcement de l’accueil de jour.

Afin de contribuer à améliorer la situation, cette motion propose de dégager des ressources financières supplémentaires en faveur de la FAJ, avec deux objectifs prioritaires :

  • favoriser l’ouverture de nouvelles places par les communes au moyen d’une politique cantonale plus incitative ;
  • revaloriser les conditions de formation et de travail pour les professionnels de l’accueil de jour.

Nous proposons d’agir d’une part sur le financement cantonal, en augmentant celui-ci de 25 à 35 % de la masse salariale du personnel, pour rendre la création de places plus incitative pour les communes. Dans la mesure où les entreprises ont un intérêt majeur à la garde des enfants dans le contexte de pénurie de main-d’œuvre que nous connaissons, nous proposons aussi d’agir par le biais de la contribution des employeurs à la FAJ. L’un dans l’autre, il y aurait une manne supplémentaire d’environ 60 millions par an, ce qui représente presque 10 % du total de l’accueil de jour dans le canton. Cette montée en puissance financière permettrait à la fois d’augmenter le rythme de création de nouvelles places et de revaloriser les conditions de formation et de travail. Je me réjouis de pouvoir en discuter en commission.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La motion, cosignée par au moins 20 membres, est renvoyée à l’examen d’une commission.

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