Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 29 novembre 2022, point 12 de l'ordre du jour

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Texte adopté par CE - EMPD Biotopes d'importance nationale - publié

Rapport de commission (21_LEG_111) - Sébastien Cala

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Sébastien Cala (SOC) — Rapporteur-trice

Ce crédit-cadre s’inscrit dans le contexte de la mise en œuvre du plan d’action pour la biodiversité adopté par le Conseil d’Etat en 2019. L’exposé des motifs et projet de décret propose des mesures dans trois des six axes stratégiques de ce plan d’action, à savoir :

  1. la lutte contre les espèces exotiques envahissantes ;
  2. la mise en place de l’infrastructure écologique ;
  3. la protection durable des biotopes.

Le Canton répond en outre à une exigence fédérale de protection des biotopes ; le cadre légal impose en effet aux cantons de protéger, mais aussi d’entretenir et de restaurer les biotopes si leur qualité venait à se dégrader. Une surveillance est effectuée par l’Office fédéral de l’environnement. Les contrôles ont montré les carences d’exécution dans la mise en œuvre de la protection des biotopes, carences que l’Etat s’efforce de corriger par le biais de ce décret. A ce jour, 20% des objets d’importance nationale bénéficient d’une protection qui répond aux objectifs de la Confédération. C’est donc encore insuffisant. A noter que cette obligation légale s’accompagne, bien sûr, d’aides financières de la part de la Confédération. Si la surface totale des biotopes d’importance nationale représente environ 2,2% du territoire helvétique, le Canton de Vaud compte quant à lui 522 objets concernés par le présent décret.

Les membres de la commission ont longuement débattu de l’état de la biodiversité dans le canton, avec des avis pour le moins divergents. Trois éléments techniques ont longuement été discutés :

  1. la définition des objets concernés ;
  2. les contraintes liées à la protection des biotopes ;
  3. les dédommagements prévus pour les exploitations agricoles.

Concernant la définition des objets concernés, il nous a été expliqué que cette définition était de compétence fédérale, mais que le canton pouvait aussi classer des objets de valeur régionale ou locale. Ce travail a d’ailleurs été réalisé depuis dans le cadre de la révision de la Loi sur le patrimoine naturel.

Concernant les contraintes liées à la protection des biotopes, aux zones tampons, les eaux représentant l’ossature qui doit permettre aux espèces de se reproduire et afin de protéger la qualité de ces eaux à proximité des objets classés, la Confédération impose une zone tampon qui entoure les objets dans le but de préserver leur qualité. L’importance des zones dépend du type d’objet classé et du territoire dans lequel s’inscrit l’objet.

Concernant les dédommagements prévus pour les exploitations agricoles, les agricultrices et agriculteurs concernés par des biotopes sont soutenus financièrement au travers de conventions d’exploitation et de subventions complémentaires. Par ailleurs, les exploitantes et exploitants agricoles ont la possibilité, s’ils y trouvent un intérêt, d’inscrire une surface plus importante que ce qui est nécessaire en zone tampon, afin de percevoir une subvention supplémentaire de 1000 francs par hectare. Chaque cas est négocié avec les propriétaires d’exploitations agricoles.

Durant les débats, un amendement a été déposé pour demander une augmentation de 50% – en somme arrondie et simplifiée – du montant dévolu à la protection et à la revitalisation des biotopes. En substance, cet amendement propose de passer le crédit de 4’870’200 francs à 7’200’000 francs, afin d’accélérer la revitalisation et la protection des biotopes. Finalement, cet amendement a été refusé par la commission par 5 voix contre 4.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.                     

M. Hadrien Buclin (EP) —

Le groupe Ensemble à Gauche et POP soutient, bien sûr, le présent décret qui vise à renforcer l’action du canton pour la préservation et la restauration de la biodiversité. Je rappelle que nous avons été actifs sur ce dossier depuis assez longtemps, comme le rappelle la réponse au postulat de mon ancien collègue Jean-Michel Dolivo qui figure dans le présent exposé des motifs.

Cela dit, l’exposé des motifs du Conseil d’Etat révèle que le canton est assez mauvais élève du point de vue des objectifs de promotion de la biodiversité et que ce retard est en particulier imputable au manque de moyens consacrés à l’action publique dans ce domaine. Le Conseil d’Etat le reconnaît lui-même, en page 10 de l’exposé des motifs, où l’on peut lire : « Les retards dans la mise en œuvre de la protection des biotopes d’importance nationale sont en grande partie imputables aux moyens financiers et ressources humaines insuffisants que la Confédération et les cantons ont accordés par le passé à cette tâche. » L’exposé des motifs dresse un tableau particulièrement préoccupant de la situation vaudoise : près de la moitié des milieux naturels du canton sont qualifiés de « menacés ». La comparaison réalisée entre les cantons montre les résultats assez mauvais du canton de Vaud.

Dans ces conditions, nous n’allons pas nous satisfaire du décret dans son volume actuel et nous proposerons d’augmenter les moyens consacrés à la préservation et à la restauration de la biodiversité, comme l’a rappelé le rapporteur de la commission. J’aurais donc l’occasion d’y revenir lors de la discussion article par article. J’aimerais enfin souligner combien l’action pour préserver la biodiversité est essentielle ; il en va de la préservation des conditions de vie dans notre région, une région déjà abîmée. Il faut donc espérer que ce Parlement accepte de consacrer davantage de moyens à cette politique.

M. Sébastien Cala (SOC) — Rapporteur-trice

J’ai oublié de préciser que la commission recommande l’entrée en matière à l’unanimité de ses membres.

Mme Géraldine Dubuis (VER) —

Quand j’étais petite et que nous partions en vacances avec mes parents, ils devaient s’arrêter fréquemment pour nettoyer notre parebrise des traces d’insectes que nous rencontrions sur la route. Quand mon enfant naîtra dans quelques mois, je n’aurais plus besoin de nettoyer ce parebrise sur la route de nos vacances. Selon l’Académie suisse des sciences naturelles, 60% des espèces d’insectes sont en danger ou ont disparu du territoire helvétique.

Quand mon enfant aura atteint l’âge de 18 ans, je ne sais pas quels animaux iel pourra observer dans nos jardins, montagnes ou sur les rives de nos lacs. Mais je sais qu’iel sera témoin avec les jeunes de sa génération de la chute massive de biodiversité et de la biomasse que nous lui laisserons.

En Suisse, 35% des espèces connues sont menacées ou déjà éteintes et 12% sont potentiellement menacées. Ces chiffres, ce ne sont pas les miens, mais ceux de la Confédération, qui relèvent aussi que jusqu’à présent les efforts consentis pour préserver durablement la diversité des espèces dans notre pays sont largement insuffisants.

Sauver des tourbières, hérissons ou prairies sèches, ce n’est pas une façon de jouer aux écolos extrémistes. C’est en réalité une manière de nous préserver. Car sans biodiversité qui permet une meilleure diversité génétique de nos espèces animales et végétales, mais aussi de sauvegarder nos eaux ainsi que nos surfaces agricoles et nos forêts, c’est notre propre espèce qui se retrouvera menacée.

Les propositions du Conseil d’Etat relevant de ce projet de décret sont censées et prennent en compte cette réalité. Le groupe des Verts et Vertes soutiendra l’entrée en matière sur ce projet de décret et nous appuierons l’amendement Buclin demandant à augmenter les moyens.

M. Maurice Neyroud (PLR) —

La lutte contre les espèces exotiques envahissantes, la mise en place d’infrastructures écologiques et la protection des biotopes sont des actions importantes et nécessaires, nous sommes tous d’accord avec cela. Accepter ce projet permettra de se mettre à jour, de rattraper le retard pris en la matière et de respecter une obligation fédérale. Les inventaires fédéraux, révisés en 2017, ont permis de quantifier la surface totale des biotopes d’importance nationale qui représente 2,2 % du territoire suisse. Le canton de Vaud, quant à lui, compte 522 objets qui représentent 2,8 % du territoire cantonal. Des conventions seront passées avec les agriculteurs pour l’entretien de ces biotopes, conventions qui couvriront le 100% des frais d’entretien de ces biotopes.

Le groupe PLR est favorable à cette demande de crédit, mais s’inquiète tout de même de la manière d’interpréter la loi fédérale ; il souhaite que le canton ne cède pas à l’habitude – toute vaudoise – d’en faire souvent plus que nécessaire. Il s’agira de rester mesuré dans les appréciations. Par exemple, une mouille provoquée par une rupture de canalisation ne doit pas être prise pour un biotope et un drainage, dans un tel cas, doit rester possible. Lutter contre une baisse de la biodiversité en maintenant des biotopes de qualité est nécessaire, mais il s’agit de ne pas oublier que le but premier de l’agriculture est de nourrir la population. Il ne s’agit pas non plus de sacrifier encore plus de surfaces nécessaires qui sont bonnes pour l’agriculture. Cette agriculture qui est déjà dans l’obligation de mettre 7% de son exploitation en surfaces de compensation écologique.

En conclusion, malgré quelques réserves, le groupe PLR est favorable à cet exposé des motifs et projet de décret et aux mesures proposées dans le plan d’action. Il vous propose d’accepter l’entrée en matière sur cet objet, mais il refusera l’amendement présenté par M. Buclin.

M. Pierre-François Mottier (PLR) —

Je ne vais pas m’opposer à cette entrée en matière, mais je tiens à dire que le canton de Vaud est tout de même un très bon élève. Je ne peux pas entendre dire que l’on n’en fait pas assez. Effectivement, comme cela a été dit par mon préopinant, 7% de chaque exploitation agricole est en biodiversité suite à la Loi Rothenturm. J’ai la grande chance d’être propriétaire d’un alpage au col des Mosses où le plan d’affectation cantonal (PAC) 292 déploie ses effets et je vous promets qu’il y a des contraintes qui ne sont pas tristes. Effectivement, les zones tampons sont très grandes et extensives et les contrats de prestations sont souvent volontaires au départ et indemnisés, puis ils deviennent obligatoires sans indemnisation. Cela pose un cas de conscience pour certains agriculteurs qui espéraient peut-être avoir quelques subventions supplémentaires, mais qui les perdent et continuent d’avoir les contraintes. J’entrerai en matière sur ce projet de décret, mais n’allez pas dire que le canton de Vaud n’en fait pas assez. Je crois que c’est un très bon élève de la Confédération.

M. Alberto Mocchi (VER) —

Je déclare mes intérêts : je suis membre du comité de Pro Natura Vaud et lorsque j’entends dire que ce canton en fait assez en matière de biodiversité, j’ai un peu de mal à l’entendre. C’est vrai, des choses sont faites, des politiques publiques sont menées par les communes ou par le canton. Il y a des contraintes pour les agriculteurs ou pour les communes, mais il y a aussi des choses que l’on ne fait pas ou que l’on ne fait pas assez. Malheureusement, cela se constate de manière tangible dans l’effondrement de la biodiversité dans notre canton. Certaines espèces très visibles – je n’en citerai pas une à laquelle vous pensez sans doute toutes et tous – reviennent dans notre canton, alors que des dizaines d’autres, voire des centaines, voient leur territoire et leur nombre se réduire. Aujourd’hui, il y a une véritable urgence, mais ce n’est pas une urgence vaudoise, c’est une urgence suisse, européenne et mondiale. Il n’est donc pas question de se demander si le canton de Vaud en fait assez ou pas, il s’agit de dire que chacun doit faire quelque chose aujourd’hui pour protéger et soutenir la biodiversité qui, à l’échelle mondiale, est en train de s’effondrer. Comme nous sommes au Parlement vaudois, nous agissons au niveau vaudois. Je peux par ailleurs vous garantir qu’il y a encore énormément à faire à l’échelle de notre canton pour renforcer et protéger la biodiversité.

Mme Yolanda Müller Chabloz (VER) —

Je voulais revenir sur le lien qui existe entre la biodiversité et la santé. Je mets là ma casquette de médecin de santé publique. La biodiversité, ce n’est pas que des petites fleurs qui sont jolies à regarder, c’est aussi des éléments importants pour notre bien-être à tous et notre santé.

En effet, la biodiversité fournit des services de régulation qui ont un impact direct sur la santé humaine, elle permet de réguler les phénomènes naturels comme la qualité de l’air, l’érosion des sols ou encore la qualité de l’eau. Elle a aussi un rôle dans la prévention des maladies infectieuses. On sait par exemple que la destruction des habitats naturels de certains animaux, qui sont des vecteurs de maladies, favorise la migration des réservoirs animaux et, de par les contacts augmentés avec l’être humain, favorise la transmission de ces virus à l’homme. On sait aussi que l’exposition à une grande diversité microbienne dans l’enfance est liée à une diminution de maladies respiratoires et des allergies. Dans cette optique, la promotion de la biodiversité est aussi une prévention des allergies.

Finalement, on connait très bien le rôle de régulation de la température amené par les espaces verts, les forêts et la végétation au sens large ; cela permet aux habitantes et habitants de mieux supporter les températures actuellement en augmentation. Nous devons tous nous préparer à de plus en plus d’étés caniculaires et il devient ainsi important de maintenir et de développer tout type d’habitat favorisant la couverture végétale.

La nature rend aussi des services dits « culturels ou non matériels ». On sait que l’accessibilité aux espaces verts favorise directement l’activité physique. La randonnée est un des sports les plus pratiqués dans ce pays, ce qui montre que la population vaudoise est sensible à ce point et qu’elle est attachée à ses paysages. La beauté de la nature en elle-même a un rôle direct sur le bien-être et la santé mentale. A ce titre, rappelez-vous simplement le bien que cela faisait d’aller se promener et de contempler la biodiversité pendant les périodes de restrictions liées à la pandémie.

Protéger les biotopes existants et en renaturaliser certains, c’est finalement prendre soin de ce patrimoine tellement apprécié des Vaudoises et des Vaudois et c’est favoriser des environnements favorables à leur santé. Je vous invite donc à soutenir ce décret.

M. Loïc Bardet (PLR) —

Je vais également accepter l’entrée en matière sur ce projet de décret. En revanche, je suis parfaitement d’accord avec ce qui a été dit par mon collègue, M. Maurice Neyroud : il faut trouver un bon équilibre entre les différentes missions confiées à notre agriculture – la première étant de nourrir la population et de pouvoir en vivre. Il est donc important que les mesures mises en place ne remettent pas en cause cette importante activité économique.

Je rappelle qu’il y a une obligation minimale de 7% de la surface agricole par exploitation en surfaces de promotion de la biodiversité – en moyenne suisse, nous sommes actuellement à 19%. On voit donc que de nombreuses choses sont faites du côté de l’agriculture et nous allons continuer à le faire. Des mesures supplémentaires seront mises en place au niveau fédéral à partir du début de l’année prochaine ; elles iront encore dans le sens d’un renforcement des mesures en matière de biodiversité. Néanmoins, il est important que cela soit fait en bon équilibre avec les nécessités économiques des exploitations et la mission première de l’agriculture, à savoir nourrir la population, alors que nous mangeons environ un jour sur deux avec de la nourriture importée.

M. Vassilis Venizelos (CE22-27) — Conseiller-ère d’Etat

A titre liminaire, je me permets de préciser un élément qui me paraît important, parce que je vois que l’on part sur un débat agriculture productive contre biodiversité. Ce n’est pas du tout le sens de ce projet de décret : ici, on ne parle pas de mise en place de conventions de gestion qui concernent l’agriculture et qui représentent un modèle qui fonctionne, avec des paiements directs. Je sais que les agriculteurs ont à cœur de s'appuyer sur ces dispositifs pour améliorer la biodiversité sur leurs terres agricoles. Ici, nous parlons vraiment de protection, d’une part, et de revitalisation de biotopes d’importance nationale, d’autre part. Je voudrais que l’on évite de lancer un débat sur quel type d’agriculture nous devons soutenir et défendre aujourd’hui. Nous parlons bien de protection et de revitalisation de ces différents biotopes. Evidemment, il est aussi essentiel de parler d’agriculture, d’agriculture productive et d’agriculture respectueuse de l’environnement, mais nous sommes aujourd’hui sur un autre débat, celui de biotopes d’importance nationale. Nous parlerons donc de protection et d’assainissement de ces différents sites.

Est-ce que le canton de Vaud est en retard à ce propos ? Le Conseil d’Etat n’a pas envie de distribuer des bons ou des mauvais points. Je me contenterai de dire que, à l’échelon fédéral, la Confédération est liée par un accord international qui vise à réserver 17% de son territoire en zones protégées. Aujourd’hui, à l’échelon national et dans le canton de Vaud, nous en sommes à un peu moins de 5%. La route est donc encore longue et, à l’instar d’autres cantons suisses, le canton de Vaud a effectivement une grosse part de travail à faire.

Aujourd’hui, votre plénum est appelé à se pencher sur les quelque 500 biotopes d’importance nationale du territoire vaudois. De quoi parle-t-on lorsque l’on parle de biotopes d’importance nationale ? On parle de zones alluviales de la Venoge, des tourbières de la Vallée de Joux ou des prairies sèches sur nos alpages. Ces milieux sont rares et fragiles. Ils ne représentent environ que 3% de la surface de notre canton, mais ils abritent une grande diversité biologique. Ces biotopes nécessitent des soins particuliers pour restaurer leur qualité ou la conserver. Ils permettent ainsi aux espèces particulières qu’ils abritent de se reproduire. Deux chiffres éloquents : environ un tiers des espèces menacées en Suisse vivent dans ces milieux qui occupent pourtant moins de 3% du territoire national. Ces zones alluviales, ces hauts marais et ces bas marais, ces prairies et ces pâturages secs sont souvent les derniers refuges et réservoirs indispensables pour de nombreuses espèces en Suisse. Protéger ces 500 biotopes d’importance nationale, même si cela ne porte que sur 3% de notre territoire, c’est un jalon important, une étape nécessaire dans la lutte contre l’érosion de la biodiversité.

Cela a été rappelé, c’est aussi essentiel pour l’adaptation au réchauffement climatique. En effet, ces zones alluviales et ces marais nous protègent des inondations, purifient l’eau et la conservent. Les marais stockent gratuitement et sans technologie innovante du carbone. Il y a donc aussi un intérêt dans la perspective de l’adaptation au réchauffement climatique. Ces biotopes font partie de notre patrimoine naturel ; ils contribuent à la diversité, aux couleurs et à l’attrait de notre canton. Ils permettent à notre territoire de mieux résister aux atteintes environnementales causées par les changements climatiques. Aujourd’hui, deux tiers des surfaces des biotopes d’importance nationale du canton ne sont pas protégés au niveau cantonal. Près d’un quart nécessite des mesures de revitalisation, car plusieurs de ces biotopes portent le stigmate d’interventions passées – liées pour les hauts marais à l’exploitation de la tourbe, par exemple – ou actuelles, comme l’avance de la forêt sur des clairières ou des prairies sèches en altitude. Sans intervention de l’Etat, ces biotopes sont condamnés à perdre leurs caractéristiques de départ et à voir les espèces qui les occupent disparaître.

Ce projet de décret propose différentes mesures : il propose tout d’abord d’agir là où le cœur de la biodiversité bat son plein. Il propose de garantir à long terme la conservation du milieu, de le revitaliser lorsque cela s’avère nécessaire. Le choix de l’instrument qui est décrit dans le projet de décret se veut agile ; il va s’adapter en fonction de la situation. Il tiendra compte des parcours de la nature du terrain, du parcours et des caractéristiques des propriétaires concernés. Evidemment, différents outils pourront être mis à disposition pour déployer ce dispositif.

Enfin, nerf de la guerre, l’argent : tout à l’heure, quelqu’un a évoqué le retard pris par le canton de Vaud. Je ne sais pas si ce dernier a pris du retard, mais il faut relever que, en 2008, lorsque les conventions-programmes de la Confédération ont été lancées, certains cantons étaient peut-être mieux préparés que le canton de Vaud ; certains cantons avaient peut-être plus de ressources à mettre à disposition. A l’époque, il y avait une enveloppe fédérale à disposition et la règle était grosso modo la suivante : premier arrivé, premier servi. Fort heureusement, la Confédération a revu la règle du jeu pour faire en sorte que davantage de cantons puissent disposer de ces deniers publics extrêmement importants. Avec ce projet de décret, l’enjeu est de pouvoir bénéficier de 7,6 millions de francs de la Confédération qui seront disponibles jusqu’en 2025, pour autant que votre Parlement accepte d’octroyer ces montants au Conseil d’Etat.

Il s’agit donc d’une première étape dans la création d’une infrastructure écologique cantonale fonctionnelle, en revitalisant et en sécurisant les surfaces clés pour la reproduction des espèces menacées. Cet objectif est d’ailleurs inscrit dans le Programme de législature ; c’est un objectif important pour le Conseil d’Etat. Dès lors, je vous invite à soutenir ce projet de décret avec l’enveloppe proposée par le Conseil d’Etat. Cette dernière nous permettra d’aller chercher ces montants fédéraux. Si vous êtes tentés de donner plus d’argent au Conseil d’Etat pour aller chercher plus d’argent auprès de la Confédération, ce ne sera pas possible. Je vous invite à revenir en 2024, pour la prochaine convention-programme pour laquelle il y aura des deniers fédéraux à disposition. Nous aurons alors l’opportunité d’aller chercher des montants supplémentaires auprès de la Confédération. Pour l’heure, avec les montants qui vous sont proposés, nous pouvons aller chercher le maximum qui nous est proposé par la Confédération, c’est-à-dire 7,6 millions de francs. Je vous invite donc à accepter ce projet de décret tel que proposé par le Conseil d’Etat.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est close.

L’entrée en matière est admise avec plusieurs avis contraires et abstentions.

Il est passé à la discussion du projet de décret, article par article, en premier débat.

Art. 1.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Comme annoncé, je dépose un amendement à l’article 1 qui vise à augmenter de 50% les moyens dévolus à la préservation et la restauration de la biodiversité dans le canton afin d’intensifier les efforts. Je rappelle que l’action en matière de biodiversité nécessite des moyens humains et financiers conséquents. Par exemple, la revitalisation d’un cours d’eau nécessite parfois d’enlever des revêtements en béton, donc de mobiliser des ouvriers, mais aussi des ingénieurs en environnement pour concevoir ces travaux. Il y a aussi la question de l’information au public et de la surveillance des activités qui peuvent porter atteinte à la biodiversité et qui requiert des moyens humains. Dans ces conditions, le renforcement de ce décret sous l’angle financer paraît opportun. Ma proposition a d’ailleurs été soutenue par une forte minorité en commission, j’espère que cette dernière pourra se transformer en majorité en plénum.

« Art. 1. – al. 1 : un crédit-cadre de CHF 4’870’200.-CHF 7’200’000.- est accordé au Conseil d’Etat pour financer la part cantonale aux frais de protection et de revitalisation des biotopes d’importance nationale. »

M. Loïc Bardet (PLR) —

Pour les raisons déjà évoquées précédemment, je vais m’opposer à cet amendement. En revanche, pour la sérénité du débat sur la biodiversité, il est important d’avoir des chiffres clairs. Je m’étonne un peu du chiffre de 5% qui nous a été donné par le conseiller d’Etat en ce qui concerne le territoire déjà actuellement en surfaces de protection de la biodiversité. En effet, les chiffres du Conseil fédéral parlent de 13,4%. Même l’association BirdLife, qui n’est pas forcément l’organisation la plus positive sur ce point, parle de 9,9%. Il serait donc intéressant de savoir d’où sort ce chiffre de 5%.

M. Pierre Zwahlen (VER) —

Parmi 137 milieux recensés dans l’exposé des motifs, 57 d’entre eux sont directement menacés. Le contrôle de la Confédération a montré des carences d’exécution dans le canton. C’est pour cela que, en ce qui concerne les hauts et les bas marais, les zones alluviales, les sites de reproduction des batraciens, les prairies et pâturages secs, nous avons besoin de montants substantiels. Nous soutenons l’amendement de notre collègue Hadrien Buclin, parce que, aujourd’hui, seul un cinquième des biotopes d’importance nationale dispose d’une protection qui répond aux objectifs de la Confédération. Les agricultrices et agriculteurs sont soutenus financièrement en vue d’entretenir et de restaurer ces biotopes par des conventions d’exploitation et ils reçoivent, s’ils en font davantage, des subventions complémentaires.

Aujourd’hui, il s’agit de nous approcher de ce taux de 17% d’infrastructures écologiques que le Conseil fédéral a fixé. Je ne sais pas non plus s’il s’agit de 5 ou de 9% qui sont déjà protégés dans notre canton. Ce dont nous sommes persuadés, c’est que nous sommes encore très loin du compte. Il importe donc dès aujourd’hui de nous doter de moyens supplémentaires pour y arriver. Je vous remercie donc de soutenir l’amendement proposé.

M. Pierre-François Mottier (PLR) —

J’aimerais savoir sur quoi on se base pour une augmentation pareille. Je veux bien que l’on protège, que l’on prévoit des mesures de plus en plus drastiques et de plus en plus sérieuses, mais je suis toujours un peu surpris de ces augmentations « à la louche ». Ma question est la suivante : est-ce que, dans cette augmentation, il y a aussi la lutte contre les grands prédateurs ? (Réactions dans la salle.)

M. Sébastien Cala (SOC) — Rapporteur-trice

Monsieur Mottier, je laisserai M. Buclin vous répondre. Pour rappel, la commission a refusé cet amendement à une courte majorité, par 5 voix contre 4.

M. Vassilis Venizelos (CE22-27) — Conseiller-ère d’Etat

Monsieur Bardet, en ce qui concerne les chiffres évoqués précédemment, il y a effectivement plusieurs façons de compter. Les 17% que j’ai invoqués, les moins de 5% propres au canton de Vaud, concernent une portion du territoire qui a fait l’objet d’une mesure d’aménagement du territoire et qui est en zone protégée. Les pourcentages que vous évoquez intègrent aussi les ordonnances sur les réserves d’oiseaux d’eau et de migration ou les districts francs qui n’ont pas fait l’objet de mesures d’aménagement du territoire. Il y a plusieurs façons de compter, mais il est juste de dire que les 17 % que j’évoquais – et qui figurent dans la convention internationale à laquelle la Suisse a adhéré – concernent des zones qui ont fait l’objet d’une décision d’aménagement du territoire et qui sont donc en zone protégée. Dans le canton de Vaud, on est à un peu moins de 3%, précisément 2,17% du territoire cantonal qui est en biotopes d’importance nationale, mais d’autres secteurs ont évidemment fait l’objet d’une décision d’aménagement du territoire et qui ne sont pas des biotopes d’importance nationale, mais sont aussi comptés dans ces moins de 5%. Comme nous avons souvent une guerre des chiffres sur ces différents éléments, je propose – et je me tourne vers M. Suter, président de la commission en charge de l’environnement – dans la perspective d’une prochaine séance de commission, de venir avec ces différents chiffres pour que nous ayons tous la même grille de lecture et que nous puissions parler des mêmes valeurs.

En ce qui concerne l’amendement, j’ai eu l’occasion de l’évoquer tout à l’heure, j’apprécie évidemment cette générosité et le soutien envers la biodiversité, mais cela ne permettra pas d’aller chercher plus d’argent auprès de la Confédération, en tout cas à court terme. Le Conseil d’Etat reviendra probablement avec de nouvelles demandes pour pouvoir aller chercher de nouveaux montants dans la perspective de la prochaine convention-programme qui débutera en 2025. Je tiens à préciser que, si le canton n’arrive pas à dépenser l’argent qu’il touche de la Confédération d’ici 2025, il devra rendre cet argent à la Confédération. Aujourd’hui, le dispositif a été mis en place pour obtenir ces 7,6 millions de francs de la Confédération. Evidemment, nous avons aussi besoin de ressources au sein de l’administration pour accompagner ces différentes démarches. C’est bien le montant qui est inscrit dans l’exposé des motifs, à savoir 4’870’200 francs que le Conseil d’Etat demande pour pouvoir aller chercher ces montants fédéraux et pour pouvoir déployer tout le dispositif sur les biotopes qui ont été identifiés dans ce projet de décret.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Une brève réponse à M. Mottier qui a l’air de trouver que cette proposition d’amendement est spécialement généreuse. J’aimerais quand même relativiser un peu et mettre en perspective : on parle de montants que l’on prévoit de dépenser sur cinq ans. Je propose de porter cette enveloppe à environ 7 millions de francs, ce qui donne 1,2 million de francs par année. Sur le budget cantonal d’environ 11 milliards de francs, c’est une goutte d’eau. L’action proposée en matière de biodiversité est finalement très réduite en regard des enjeux extrêmement importants dont nous avons discuté et sachant qu’environ la moitié des biotopes sont aujourd’hui menacés sur le sol vaudois. Le travail et l’action publique ne manquent pas et je pense que ma proposition est tout à fait proportionnée. Même si, je l’admets, ce n’est pas le seul domaine dans lequel des dépenses sont consenties en matière de biodiversité, on reste tout de même dans des volumes financiers modestes.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

L’amendement Hadrien Buclin est refusé par 68 voix contre 59 et 2 abstentions.

L’article 1 est accepté avec quelques abstentions.

Les articles 2 et 3, formule d’exécution, sont acceptés avec quelques abstentions.

Le projet de décret est adopté en premier débat.

M. Sébastien Cala (SOC) — Rapporteur-trice

Au vu de l’urgence du dossier et de la perspective du budget, je vous propose un deuxième débat immédiat.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Comme je l’ai dit ce matin, je considère que, lorsque des amendements ont été déposés, avec un vote relativement serré, il est plus sain, sur le plan démocratique, d’attendre la semaine suivante pour mener le deuxième débat. C’est ma modeste opinion…       

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

Le deuxième débat immédiat est refusé, la majorité des trois quarts n’étant pas atteinte (63 voix contre 56 et 8 abstentions).           

Le deuxième débat interviendra ultérieurement.

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