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Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 12 octobre 2021, point 7 de l'ordre du jour

Texte déposé

Le revenge porn, littéralement la vengeance pornographique, consiste à diffuser généralement sur internet des images de nus ou à caractère sexuel sans l’autorisation de la personne qui apparaît sur ces images. L’intention est de se venger, dans le cadre d’une relation intime ou d’une rupture, mais l’expression est souvent réductrice. La diffusion non consentie d’images a aussi l’intention de nuire, d’humilier, de menacer la victime, ou pour la forcer à donner de l’argent, à fournir d’autres images, à effectuer des actes sexuels, ou encore pour la faire taire à propos d’un autre délit. Les personnes auteures d’un tel acte peuvent vendre les images à des tiers, par exemple des sites internet ou les montrer à leurs ami·e·s pour s’amuser ou s’auto-promouvoir. Les femmes et les jeunes sont particulièrement touché·e·s par ce comportement, généralement associé aux violences envers les femmes et au harcèlement scolaire.  

 

L’impact de la diffusion non consentie d’images à caractère sexuel est énorme. Une fois qu’une image circule sur internet, il est difficile de la supprimer. La victime y est constamment confrontée et est souvent obligée de se retirer complètement du monde numérique (avec les conséquences professionnelles et sociales que cela implique), de déménager, de changer d’école ou d’emploi.

 

Dans un monde où le numérique prend une place aussi importante, nous ne pouvons que constater les limites du droit Suisse dans la protection des victimes. Actuellement, le revenge porn pourrait être sanctionné pour pornographie (Art. 197 Code pénal suisse), pour autant que l’auteur y confronte un mineur de moins de 16 ans (art. 197 al. 1 CP) ou un tiers de façon inopinée (art. 197 al. 2 CP). Et cela ne serait le cas que si les images peuvent être qualifiées de pornographie, ce qui suppose selon le Tribunal fédéral que les images visent «  à provoquer une excitation sexuelle du consommateur alors que la sexualité est à tel point détachée de ses composantes humaines et émotionnelles que la personne en est réduite à un pur objet sexuel dont on peut disposer à volonté. »[1]. La publication de photos d’une personne, même nue, a ainsi de grandes chances de ne pas être sanctionnée pour pornographie, faute pour la sexualité d’être suffisamment « détachée de ses composantes humaines ». On pourrait également songer à l’infraction pénale de violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d’un appareil de prise de vues sanctionnée par l’art. 179quater du Code pénal suisse. Cette infraction nécessite toutefois que l’image ou la vidéo litigieuse soit parvenue à son auteur sans le consentement de la victime. Si la victime a donné son accord, il est à craindre que l’auteur ne soit ensuite plus punissable en la transmettant, pas plus qu’en la modifiant avant de la transmettre. Cette disposition ne constitue ainsi pas une sanction, respectivement un moyen de prévention adéquate non plus.

La transmission de photos ou images sans le consentement de celle ou de celui qui y figure, à plus forte raison la publication de telles images sur Internet, est constitutive d’une atteinte à la personnalité au sens des art. 28 ss du Code civil suisse. Il appartiendra toutefois en procédure civile à la victime, préalablement à toute protection, de saisir le juge pour rendre vraisemblable une telle atteinte, illicite, à sa personnalité, ce qui n’est pas chose aisée et surtout ce qui suppose qu’entre temps, la publication reste visible sur Internet et que l’auteur de la diffusion perd tout contrôle sur celle-ci. Les images peuvent ainsi être téléchargées ou copiées par un nombre infini d’utilisateurs d’Internet, de sorte que la possibilité même d’obtenir du juge qu’il fasse cesser l’atteinte (art. 28a al. 1 ch. 2 CC) ne protège plus la victime. Pas de quoi créer un effet préventif propre à inciter les auteur·e·s à renoncer à nuire.

Ce sujet n’a pas été intégré dans la révision du droit pénal en matière sexuelle actuellement en examen. D'autres pays européens, à l'instar de l'Allemagne et de la France, ont déjà légiféré sur des dispositions pénales sanctionnant le « revenge porn ». 

 

Au vu de ce qui précède, et afin de combler une lacune dont les conséquences sont graves pour les victimes, nous demandons au Conseil d’État d'intervenir auprès des autorités fédérales afin d'introduire dans le code pénal des dispositions réprimant l’usage abusif de l’image et atteinte à la personnalité.

 

[1]Arrêt du Tribunal fédéral 6B693/2020 du 18 janvier 2021 consid. 5.1

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Isabelle FreymondSOC
Eliane DesarzensSOC
Circé Barbezat-FuchsV'L
Josephine Byrne GarelliPLR
Alberto CherubiniSOC
Anne-Laure Métraux-BotteronVER
Didier LohriVER
Jean-Louis RadiceV'L
Alice GenoudVER
Céline MisiegoEP
Hadrien BuclinEP
Sébastien CalaSOC
Arnaud BouveratSOC
Sacha SoldiniUDC
Jean TschoppSOC
Blaise VionnetV'L
Graziella SchallerV'L
Sonya ButeraSOC
Jean-Claude GlardonSOC
Valérie InduniSOC
Cendrine CachemailleSOC
Jérôme ChristenLIBRE
Yves PaccaudSOC
Delphine ProbstSOC
Muriel Cuendet SchmidtSOC
Cédric EchenardSOC
Julien EggenbergerSOC
Rebecca JolyVER
Nicolas BolayUDC
Elodie LopezEP
Vincent KellerEP
Stéphane MontangeroSOC
Monique RyfSOC
Léonard Studer
Taraneh AminianEP
Felix StürnerVER
Nathalie JaccardVER
Claire Attinger DoepperSOC
Jean-Christophe BirchlerV'L
Anne Baehler Bech

Document

21_INI_8-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Carine Carvalho (SOC) —

Cela porte plusieurs noms : revenge porn – ou vengeance pornographique – ou encore pornodivulgation. La publication d’une photo, d’une vidéo ou d’un enregistrement sonore à caractère sexuel sans le consentement des personnes est une pratique particulièrement malveillante, mais qui, en Suisse, bénéficie aujourd’hui d’un vide juridique. L’intention peut être de se venger dans le cadre d’une relation intime ou d’une rupture. L’expression « vengeance pornographique » est souvent réductrice et tend à culpabiliser la victime. La diffusion non consentie d’images a surtout l’intention de nuire, d’humilier, de menacer la victime, ou de la forcer à donner de l’argent, à fournir d’autres images, à effectuer des actes sexuels, ou encore de la faire taire à propos d’un autre délit. Les personnes auteures d’un tel acte peuvent vendre des images à des tiers tels que des sites internet, ou les montrer à leurs amis pour s’amuser ou s’autopromouvoir. Pour sévir, il suffit d’un téléphone portable.

Le marché numérique nous offre une quantité d’opportunités avec des canaux de diffusion et des outils d’édition permettant le passage, la reproduction, et même le trucage des images. En quelques clics, tout peut basculer : honte, humiliation, isolement. Une image peut être publiée, partagée et repartagée des dizaines de fois, en très peu de temps et la punition étant très peu probable, personne ne se sent fautif ou en danger. La victime est la seule à en pâtir et se trouve impuissante : une fois que l’image circule sur internet, il est difficile de la supprimer ; la victime y est constamment confrontée et peut se voir obligée de se retirer complètement du monde numérique – avec les conséquences professionnelles et sociales que cela implique – de déménager, de changer d’école ou d’emploi. Les femmes et les jeunes sont particulièrement touchés par ces comportements, généralement associés aux violences sexistes ou au harcèlement.

Le Code pénal ne protège pas suffisamment les victimes, car il ne contient pas de dispositions à même de créer un effet préventif propre à inciter les auteurs à renoncer à nuire. Or, ce sujet n’a pas été intégré à la révision du droit pénal, actuellement en examen. Encore une fois, la nécessité de parler et d’insister sur le consentement se fait sentir. Le consentement est particulièrement important quand on parle de numérique, car en ligne, tout se passe très vite, en un seul clic, et on oublie très vite que, derrière les images, il y a un être humain.

C’est pour mieux protéger les jeunes et les femmes contre ces traitements abusifs que je dépose, au nom du groupe socialiste, une initiative cantonale demandant aux autorités fédérales d’introduire dans le Code pénal des dispositions réprimant l’usage abusif de l’image et l’atteinte à la personnalité. Je remercie mes collègues de tous bords politiques qui ont déjà soutenu ce texte par leur signature, et ceux qui le feront en commission, afin de combler une lacune dont les conséquences sont graves pour les victimes.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

L’initiative, cosignée par au moins 20 membres, est renvoyée à l’examen d’une commission.

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