Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 6 septembre 2022, point 3 de l'ordre du jour

Texte déposé

Cette interpellation porte sur la pratique de l’assurance maladie Helsana qui offre un rabais allant jusqu’à 10% sur son assurance complémentaire aux membres de Pro Life, association anti-avortement, si ses membres s’engagent à renoncer à toute interruption de grossesse.

 

Cet accord n’a aucune valeur juridique. Toutefois, nous le considérons comme problématique sur plusieurs aspects. En effet, la signature d’un tel contrat peut créer une forme de confusion pour les personnes qui le signent et sur le fait que leur droit à l’avortement reste garanti dans le cadre de la Lamal.

 

Par ailleurs, ce contrat constitue une pression morale au moment de faire un choix difficile. Pression qui s’effectue via un argument financier et qui montre que les mouvements pro-vie utilisent des moyens insidieux et créatifs pour faire avancer leurs idées anti-avortement.

 

Finalement, selon un article du Matin, les clients d’Helsana qui ne contractent pas ces accords « payeraient environ 3 à 4% de trop à cause de ce « rabais idéologique » accordé aux pro-vie » [1]. En d’autres termes, les personnes qui n’adhèrent pas à Pro-Life et qui ne signent pas un tel accord seraient financièrement désavantagées.

 

On peut remarquer ici que la CSS a renoncé aux accords anti-avortement avec Pro Life qu’elle pratiquait par le passé[2], ce qui interroge sur le fait qu’Helsana persiste et signe dans cette voie controversée. En effet, face à la déferlante de critiques suscitées par la mise en lumière de l’accord entre Pro Life et Helsana, cette dernière a défendu cet accord motivé par des raisons commerciales. On apprend aussi que dans le processus d’examen des propositions d’accords entre l’assurance et un autre organisme, il n’y a pas de cadre de règles éthiques défini[3].

 

Le phénomène d’accords entre une assurance et des groupes anti-avortement questionne sur le fait qu’une assurance maladie valorise financièrement, via des accords commerciaux privés, des positions idéologiques et par ailleurs contraires aux droits et prestations octroyées par l’assurance maladie de base. C’est en particulier la question de la double casquette des assurances maladie, à la fois étatiques et privées, qui mérite d’être abordée, de surcroît sur un sujet sensible comme l’avortement[4].

 

Ce thème est d’autant plus d’actualité dans le contexte international et suisse d’attaques au droit à l’avortement, via notamment la révocation par la Cour suprême des Etats-Unis du droit à l’avortement le 24 juin dernier, et, en Suisse, via la récolte actuelle de signatures de deux initiatives populaires fédérales lancées par l’UDC et visant à réduire le droit à l’avortement (cf. « l’initiative la nuit porte conseil » et « l’initiative pour sauver les bébés viables »).

 

La présente interpellation a pour but d’encourager le Conseil d’État à se positionner dans le sens de la protection du droit fondamental à l’avortement garanti par la loi suisse, et à utiliser les moyens qui sont en son pouvoir pour influencer le cadre législatif relatif à une neutralité idéologique des assurances maladie et à l’équité entre les personnes assurées dans le cadre des contrats de prestations d’assurances complémentaires fournies par les assurances maladie.

 

 

Dès lors, nous adressons au Conseil d’État les questions suivantes :

 

>Quelle est la position du Conseil d’État par rapport à la pratique des accords de renoncement à l’avortement entre Helsana et Pro-Life dans le cadre des contrats d’assurances maladie complémentaires proposés par Helsana ?

 

>Quels sont les leviers d’action et d’influence du Conseil d’État en la matière? Quelle est la marge de manoeuvre du Conseil d’État au sein des espaces de collaborations entre le Canton et Helsana (on pense, par exemple, aux contextes de conventions tarifaires selon les articles 46 et suivants de la Lamal ou encore de la Fondation Promotion Santé Suisse où collaborent cantons et assurances) ?

 

>Le Conseil d’État a-t-il prévu de relayer ce sujet au niveau fédéral?

 

 

 

[1] https://www.lematin.ch/story/lassurance-helsana-dans-le-viseur-des-pro-ivg-116109826787

[2] https://www.20min.ch/fr/story/un-rabais-sur-la-prime-des-anti-avortement-helsana-sexplique-890849457438

[3] https://lecourrier.ch/2022/08/24/helsana-complice-dune-tromperie/

[4] https://www.rts.ch/info/suisse/13325588-helsana-dans-la-tourmente-apres-avoir-octroye-des-avantages-aux-femmes-qui-renoncent-a-avorter.html

 

Conclusion

Souhaite développer

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Isabelle FreymondSOC
Valérie ZoncaVER
Martine GerberVER
Vincent BonvinVER
Jean-Marc UdriotPLR
Michael WyssaPLR
Marc VuilleumierEP
Didier LohriVER
Elodie LopezEP
Hadrien BuclinEP
Alberto MocchiVER
Oriane SarrasinSOC
Théophile SchenkerVER
Patricia Spack IsenrichSOC
Julien EggenbergerSOC
Yannick MauryVER
Céline BauxUDC
Mathieu BalsigerPLR
Cédric RotenSOC
Thanh-My Tran-NhuSOC
Cendrine CachemailleSOC
Géraldine DubuisVER
Alexandre DémétriadèsSOC

Document

22_INT_103-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Joëlle Minacci (EP) —

Cette interpellation porte sur la pratique de l’assurance-maladie Helsana qui offre un rabais allant jusqu’à 10 % sur son assurance complémentaire aux membres de ProLife, une association anti-avortement, s’ils s’engagent à renoncer à toute interruption de grossesse. Cette pratique apparue dans les médias dans le courant du mois d’août a provoqué, à juste titre, un vague de réactions. Pourtant, elle n’est pas nouvelle et a déjà fait l’objet d’interpellations au Conseil national – une première en 1998 et une deuxième en 2016. Les réponses et positions du Conseil fédéral ont à chaque fois été neutres, argumentant que ces accords étaient passés dans le cadre du droit privé et que le droit à l’avortement assuré par la LAMal n’était pas remis en cause. La pratique a donc continué et c’est bien ce qui est problématique dans les contrats passés entre Helsana et ProLife.

A défaut de pouvoir attaquer frontalement le droit à l’avortement, dans le cadre de la loi, ProLife le fait de manière créative et insidieuse, dans le cadre du droit privé. Cela pose la question suivante : doit-on permettre que le droit privé soit un moyen détourné de faire avancer des idées réactionnaires qui remettent en cause un droit fondamental ? Et dans le cadre de l’offre en assurances complémentaires, est-il justifié de favoriser financièrement les personnes qui renoncent à avorter, défavorisant de fait les personnes qui n’y renoncent pas ? Le contrat Helsana/ProLife pose donc des questions politiques et éthiques, qu’à nos yeux, il est impératif de traiter. De plus, nous sommes dans un contexte où le droit des femmes régresse, en particulier depuis le COVID. Le droit à l’avortement est attaqué de manière radicale, aux Etats-Unis, et de manière plus dissimulée en Suisse. Le cas Helsana est emblématique, de même que les deux initiatives lancées par l’UDC, dont la récolte de signatures est en cours. Rappelons également que le droit à l’avortement n’est pas inscrit dans la Constitution. Nous devons donc faire preuve de vigilance.

Au vu de cette situation, la présente interpellation a pour but d’encourager le Conseil d’Etat à se positionner dans le sens de la protection du droit fondamental à l’avortement garanti par la loi suisse. Nous l’encourageons à utiliser les moyens qui sont en son pouvoir pour influencer le cadre législatif relatif à une neutralité idéologique des assurances-maladie et à l’équité entre les personnes assurées dans le cadre des contrats de prestation des assurances complémentaires.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

L’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.

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