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Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 22 mars 2022, point 10 de l'ordre du jour

Texte déposé

Depuis quelques années, nous constatons la prolifération d’écrans publicitaires dans nos espaces publics, notamment dans les stations de métro, dans les vitrines, ou encore, dans la rue. Cette motion emboîte le pas au projet de loi déposé à l’Assemblée nationale française en 2019 estimant qu’il est aujourd’hui nécessaire de remettre en question leur présence croissante.

 

Incompatibilité avec les impératifs d’urgence climatique: énergie, pollution lumineuse  

 

Les écrans visibles dans l’espace public sont incompatibles avec nos objectifs climatiques d’un point de vue énergétique d’abord: allumés pratiquement sans interruption, de dimensions scandaleuses ou multipliés sur un espace restreint – comme au Flon – ils constituent un gaspillage électrique important qui nous éloigne de la sobriété énergétique dont nous avons besoin aujourd’hui. Les écrans sont également incompatibles avec les objectifs climatiques du point de vue de la pollution lumineuse: nous savons aujourd’hui que celle-ci a des conséquences néfastes sur le paysage nocturne, les espèces animales, végétales et humaines1. La motion propose ainsi de réétudier leur légalité en regard de ces éléments. 

 

Le regard de nos enfants n’est pas à vendre

 

Du point de vue de la protection de la jeunesse, il nous semble également que 

les écrans publicitaires dans l’espace public cumulent deux problèmes majeurs: l’exposition constante et massive à des messages publicitaires face auxquels ils constituent un groupe particulièrement vulnérable2, d’abord. Ensuite, leur exposition de plus en plus importante aux écrans, dont la place dans la vie des plus jeunes est un enjeu de santé publique incontournable3

 

L’espace public est utilisé par tout le monde, bambins et jeunes enfants compris. Une surexposition aux écrans pour cette catégorie de la population, même passive, n’est pas souhaitable. Les très jeunes ont besoin d’autres formes de stimuli pour appréhender le monde qui les entoure, en particulier dans l’espace public. Il semble donc primordial de de leur conserver des zones sans écran, en particulier dans l’espace public et dans les zones d’attentes, lieux de rencontre par excellence.

 

Enfin, notons que la situation actuelle signifie que l’exposition des bambins et des enfants à des écrans visant à transmettre du contenu publicitaire (qui leur est parfois destiné, d’ailleurs) est acceptable, et donc, qu’il est acceptable de considérer leurs regards comme des marchandises vendues sur un marché.


 

Pour une écologie de l’attention et des espaces publics plus conviviaux

 

Notre attention est  aujourd’hui le bien le plus précieux vendu sur le marché. Nous estimons qu’il est nécessaire de nous la réapproprier. Cette motion propose ainsi de légiférer en faveur d’une écologie de l’attention. S’il y a des années, faire valoir son droit de non-réception publicitaire était possible pour notre boîte aux lettres, la publicité commerciale a trouvé d’autres moyens pour contourner ce droit (la publicité en ligne en est un bon exemple). Parler de matraquage publicitaire, aujourd’hui, n’est ainsi pas exagéré. 

 

Dans ce contexte, cette motion estime qu’il faut accorder à la population des espaces de repos, des espaces où les individus, enfants et bambins compris, peuvent être autre chose que des marchandises. Cet objet vise également à mieux définir ce que sont réellement les espaces publics et les lieux d’attente: des endroits conviviaux et propices à la rencontre avec l’autre.


 

Anticiper les  technologies mettant en danger le traitement de nos données personnelles

 

Enfin, les technologies en matière de publicité intelligente intégrées aux écrans publicitaires existent depuis plusieurs années et ne cessent d’être développées. Elles sont sur le point de faire leur entrée dans notre espace public, alors que nous n’avons pas encore pris la mesure de ce qu’elles impliquent, notamment en matière de reconnaissance faciale et de protection des données. De la même manière que les publicités qui nous ciblent sur le web en collectant nos données, celles-ci permettraient par exemple de nous scanner à l’aide de caméras afin de nous proposer des publicités personnalisées.  Les avancées technologiques sont toujours bien plus en avance que nos législations, de sorte à ce que nous avons toujours un train de retard pour nous demander si nous sommes d’accord avec ce qu’elles impliquent, dès lors que celles-ci sont vendues à des entreprises privées et qu’elles s’immiscent dans notre quotidien. En légiférant sur les écrans, le canton de Vaud anticiperait ainsi cette problématique en réglant la question. 

 

Compte tenu de ce qui précède, cette motion demande au Conseil d’État proposer au Grand Conseil un projet législatif permettant de ne plus avoir d’écrans publicitaires dans l’espace publicet visible de celui-ci, par exemple à travers une modification de la loi sur les procédés de réclame.


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1 Office fédérale de l’environnement (OFEV). https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/electrosmog/info-specialistes/emissions-lumineuses--pollution-lumineuse-.html

 

2 Voir par exemple l’indicateur 6.8 “Publicité visant les enfants et les adolescents” dans Stamm, H., A. Fischer, D. Wiegand, M. Lamprecht : Monitorage alimentation et la citation : activité physique. Recueil d’indicateurs dans le cadre du PNAAP 2008-2016. Etat : mai 2016. Ed. : Office fédéral de la santé publique, Berne 2016. Ou encore la brochure “Vos enfants et la pub” disponible sur le site de la Confédération https://www.jeunesetmedias.ch/recommandations/recommandations-pour-parents-denfants-jusqua-7-ans

 

 Voir par exemple Delgrande Jordan, M. (2020). Les écrans, Internet et les réseaux sociaux - Résultats de l’enquête « Health Behaviour in School-aged Children » (HBSC) 2018 (Rapport de recherche No 114). Lausanne: Addiction Suisse. Ou encore Kassam, Shanoor & Ferrari, Romina. (2020). Les effets de l'exposition aux écrans des enfants et des adolescent-e-s : concepts-clés, revue de littérature et état des lieux des pratiques. Neuchâtel : IRDP. (20.2). 102 p.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Jean-Louis RadiceV'L
Yann GlayreUDC
Werner RiesenUDC
Hadrien BuclinEP
Sabine Glauser KrugVER
Maurice Mischler
Anne-Laure Métraux-BotteronVER
Claude-Alain GebhardV'L
Céline MisiegoEP
Cendrine CachemailleSOC
Rebecca JolyVER
Muriel ThalmannSOC
Didier LohriVER
Jean-Christophe BirchlerV'L
David RaedlerVER
Cédric EchenardSOC
Marc VuilleumierEP
Nicolas BolayUDC
Claude Nicole GrinVER
Felix StürnerVER
Pierre FonjallazVER
Léonard Studer
Cédric WeissertUDC
Alice GenoudVER
Sébastien CalaSOC
Sylvie PodioVER
Nathalie JaccardVER
Muriel Cuendet SchmidtSOC

Document

22_MOT_10-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Elodie Lopez (EP) —

Depuis quelques années, nous constatons la prolifération d’écrans dans nos espaces publics et notamment dans les stations de métro – il y a parfois jusqu’à douze écrans à moins de cinquante centimètres les uns des autres, passant simultanément le même message – dans les vitrines visibles de l’espace public ou encore dans la rue. Ces écrans s’ajoutent à un éventail d’autres supports sur lesquels la publicité commerciale se dispute notre attention, pour nous inviter à consommer tel ou tel produit. Ils se cumulent à une série d’infrastructures lumineuses allumées en permanence, y compris la nuit, à l’extérieur des bâtiments, et à la multitude d’écrans avec lesquels nous interagissons dès le plus jeune âge pour mener nos activités quotidiennes.

Cette motion estime qu’il est aujourd’hui nécessaire de remettre en question la présence croissante de ces écrans dans l’espace public, en raison de leur incompatibilité avec plusieurs points : tout d’abord avec les impératifs d’urgence climatique et l’atteinte des objectifs de durabilité en matière de sobriété énergétique, et de pollution lumineuse plus précisément. Aujourd’hui, en effet, nous devons économiser l’énergie et il est donc nécessaire de questionner et de prioriser nos besoins en la matière. Ensuite, en raison de leur incompatibilité avec des préoccupations de santé publique visant à maintenir des zones de déconnexion, en particulier pour les très jeunes enfants, qui sont des cibles pour la publicité et sont de plus en plus exposés aux écrans. Maintenir des espaces de déconnexion dans lesquels les plus jeunes peuvent appréhender leur environnement par d’autres stimuli que des écrans nous semble primordial, d’autant plus dans les espaces publics et espaces d’attente. Deux papas et élus de l’agglomération lausannoise ont d’ailleurs attiré l’attention du public sur cette problématique, il y a une semaine et demie, avec une action.

Il s’agit également de maintenir des lieux dans lesquels nous soyons – enfants compris – autre chose que des attentions à attraper, des regards à vendre. Cette motion souhaite ainsi contribuer à envisager ces espaces davantage comme des espaces conviviaux et de rencontres avec d’autres. Enfin, nous estimons également important, au moyen de cette motion, d’anticiper les problématiques soulevées par les techniques publicitaires intelligentes, dont ni nos législations ni l’opinion publique n’ont encore pris la mesure, notamment en ce qui concerne la récolte de nos données personnelles et les techniques de reconnaissance faciale.

Compte tenu de ce que je viens de présenter, cette motion demande au Conseil d’Etat de prendre des mesures pour qu’il n’y ait plus d’écrans publicitaires dans les espaces publics, par exemple par le biais d’une modification de la Loi sur les procédés de réclame.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La motion, cosignée par au moins 20 membres, est renvoyée à l’examen d’une commission.

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