Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 3 mai 2022, point 6 de l'ordre du jour

Texte déposé

Avec le déclenchement de l’invasion russe en Ukraine, notre dépendance européenne (et Suisse et vaudoise) principalement au gaz naturel fossile ainsi qu’aux autres énergies fossiles du régime de Vladimir Poutine a été rendue visible. Depuis que la Russie a lancé son offensive, l’Europe lui a acheté du gaz pour près de 700 millions de dollars par jour !

 

Si les changements climatiques constituent de graves menaces pour la sécurité de nombreuses régions sous pressions de climats beaucoup plus aléatoires, notre dépendance aux énergies fossiles constitue également un risque majeur pour la sécurité de ce monde, car ils financent certains régimes autocratiques et par trop lourdement armés. Le canton de Vaud ne fait pas exception. Chaque année, ce sont entre 800 millions et 1 milliard de francs que les habitants et les entreprises de notre canton dépensent pour importer des énergies fossiles. On notera de plus que la phénoménale augmentation des prix des énergies fossiles, qui s’est manifestée en moins d’un an, montre que la dépendance à cette source d’énergie n’est favorable ni aux entreprises ni aux ménages vaudois ; les prix des énergies renouvelables et locales sont en revanche beaucoup plus prévisibles et stables à long terme, car ils sont très majoritairement constitués d’un investissement de base durable sur des dizaines d’années.

 

Il n’est pas possible de tracer d’où provient la molécule de base dans notre réseau, car le gaz se mélange au fur et à mesure des injections et des consommations du réseau européen. L’électricité a la même problématique, mais a réglé cette question avec des garanties d’origine obligatoire : chaque fournisseur d’électricité achète des garanties d’origine à des producteurs pour la quantité d’énergie qu’il distribue, en précisant la qualité de cette électricité (nucléaire, hydraulique, solaire, etc.). Ainsi, la quantité d’électricité vendue peut être tracée depuis le producteur, même si l’électron ne l’est pas directement. Au niveau du marché du gaz, ces garanties d’origine existent, mais elles sont rares et surtout non-obligatoires. Chaque distributeur est donc libre d’y avoir recours, ou non.

 

Aujourd’hui, 67% des bâtiments vaudois sont chauffés aux énergies fossiles (gaz et mazout), leur consommation représentant près de 80% de la consommation totale des bâtiments. La consommation de gaz naturel a régulièrement augmenté et même dépassé, depuis 2014, le mazout. Cela montre que les propriétaires privilégient le gaz par rapport au mazout. Si l’on ne considère que le court terme, la tendance est favorable, tant en termes de pollution de l’air (les émissions de NOx du gaz sont inférieures de moitié à celles du mazout) que d’émissions de gaz à effet de serre (le gaz émet environ 25% moins de CO2 que le mazout). Néanmoins, ces bilans ne tiennent pas compte des importantes émissions de méthane (autre gaz à effet de serre) générées lors de l’extraction et du transport du gaz naturel. A plus long terme, c’est tout autre chose : les investissements consentis pour installer des systèmes de production de chaleur à base de gaz ne peuvent pas être amortis dans le laps de temps correspondant aux engagements internationaux de la Suisse, au terme duquel nous devrons impérativement avoir réduit nos émissions de gaz à effet de serre. La question des investissements non amortis concerne également les réseaux locaux de distribution de gaz. Autrement dit, un système de chaleur à mazout remplacé par du gaz ne constitue pas une solution durable.

 

Si le gaz naturel va probablement jouer encore un rôle ces prochaines années pour les process industriels à haute température, son utilisation pour le chauffage des espaces de vie et de travail devrait être abandonné. Le canton de Zurich a récemment adopté (en votation populaire) un nouveau projet de loi sur l’énergie qui rend obligatoire le changement de système de chauffage par du renouvelable lors de la fin de vie dudit système. Cette obligation a été rendue acceptable par le fait qu’elle doit être techniquement possible et financièrement supportable. Si les coûts sur toute la durée de vie sont supérieurs de plus de 5 % à ceux d'un nouveau chauffage au mazout ou au gaz, il est permis de réinstaller un chauffage au mazout ou au gaz. L'objectif est d'éviter que les propriétaires et les locataires ne soient confrontés à des coûts supplémentaires élevés. Toutefois, il faut alors soit mettre en œuvre des mesures ponctuelles d'efficacité énergétique dans la maison, soit couvrir une partie des besoins énergétiques avec des énergies renouvelables. Le système zurichois prévoit par ailleurs un dispositif pour les cas de rigueur.

 

L’Etat a également un devoir d’exemplarité en la matière. La Stratégie immobilière de l’Etat de Vaud pour l’horizon 2030, ainsi que l’EMPD 21_LEG_15 accordant au Conseil d'Etat 6 crédits additionnels pour le Plan climat afin de financer les travaux d’assainissement énergétique de 9 bâtiments présentent le rythme prévu d’assainissement. Selon « la loi de Pareto », en ciblant les bâtiments datant d’avant l’an 2'000 et avec une surface de référence énergétique de plus de 2’000m2 (à savoir 77 bâtiments sur les 470 que compte le parc immobilier cantonal – environ 16 %), il serait possible de réduire de 80% les émissions de CO2. Toutefois, le rythme prévu laisse perplexe : 4 rénovations par année pour 475 mios sur 20 ans, ce d’autant plus que cela ne dit rien des 74 % d’autres bâtiments propriété de l’Etat.

 

Au-delà des enjeux liés aux consommateurs de gaz, la stratégie gaz que promet le Conseil d’Etat doit accompagner les propriétaires des réseaux de gaz (qui sont souvent en mains des communes, directement ou indirectement) à préparer la transition vers les énergies non fossiles.

 

Ces différentes considérations amènent les soussignés à déposer la motion demandant au Conseil d’Etat de bien vouloir soumettre au Grand Conseil des modifications législatives visant à :

 

 

1. Proposer des dispositions analogues à celles figurant dans la récente législation zurichoise sur l’énergie prévoyant le remplacement de systèmes de chaleur à base d’énergies fossiles en fin de vie par des alternatives climatiquement neutres, moyennant une gestion des cas de rigueur.

 

2. Prévoir d’accélérer la rénovation des bâtiments de l’Etat par un facteur de 3 pour tous les bâtiments retenus comme prioritaires dans le cadre du Plan climat (cf l’EMPD 21_LEG_15).

 

3. Envisager un soutien ciblé en faveur des détenteurs de réseaux de gaz, et en particulier des communes, leur permettant à moyen terme d’effectuer une transition vers des revenus provenant de sources de chaleur renouvelable (biogaz, gaz synthétique à base d’excédents d’énergie renouvelable, réseaux thermiques).

 

4. Proposer les modifications législatives nécessaires pour donner au canton la compétence d’exiger des gestionnaires de réseau de distribution  de gaz opérant sur le territoire cantonal de fournir à leurs clients des certificats d’origine garantissant que les énergies fossiles qu’ils livrent sont produites par des pays et des entreprises respectant des normes strictes en matière de responsabilité sociale et environnementale.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Didier LohriVER
Yannick MauryVER
Alice GenoudVER
Felix StürnerVER
Jean TschoppSOC
Graziella SchallerV'L
Julien EggenbergerSOC
Pierre WahlenVER
Léonard Studer
Pierre ZwahlenVER
Anne Baehler Bech
Rebecca JolyVER
Sylvie PodioVER
Cendrine CachemailleSOC
Blaise VionnetV'L
Muriel Cuendet SchmidtSOC
Taraneh AminianEP
Claude Nicole GrinVER
Jean-Marc Nicolet
Sabine Glauser KrugVER
Andreas WüthrichV'L
Nathalie JaccardVER
Anne-Laure Métraux-BotteronVER
Sébastien CalaSOC
Olivier Epars
Muriel ThalmannSOC
Pierre FonjallazVER

Document

22_MOT_12-Texte déposé

Transcriptions

Mme Rebecca Joly (VER) —

(remplaçant M. Vassilis Venizelos, absent) Notre collègue Vassilis Venizelos a déposé cette motion en réaction, ou plutôt en résonance, avec les événements internationaux que nous connaissons toutes et tous et qui mettent en lumière notre dépendance directe aux énergies fossiles, notamment au gaz provenant de Russie et d’Ukraine. Ainsi, cette motion vise à nous extraire de cette dépendance et à assurer pour les concitoyennes et concitoyens le coût de cette énergie tout comme son approvisionnement sur notre territoire.

Le texte propose plusieurs mesures analogues à celles que nos collègues zurichois ont récemment adoptées dans leur législation, dont la disparition des systèmes de chaudières à base d’énergies fossiles, mais aussi la question de l’accélération du Programme bâtiments, de la rénovation de ces derniers, tant privés que publics, du soutien à la sortie des réseaux de gaz, de la transition vers des moyens de gaz renouvelables et, enfin, de contribuer à changer la législation afin de prendre en compte toutes ces demandes. Nous avons hâte de pouvoir aborder ces questions en commission.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La motion, cosignée par au moins 20 membres, est renvoyée à l’examen d’une commission.

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