Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 22 mars 2022, point 24 de l'ordre du jour

Texte déposé

Confronté à la guerre faisant actuellement rage en Ukraine, et aux incertitudes qui y sont liées, le marché des hydrocarbures s’est enflammé ces dernières semaines avec des conséquences économiques réelles à la pompe : le prix du carburant prend l’ascenseur, tout comme celui de l'électricité. Avec des effets économiques concrets pour la population, qui voit ses charges augmenter.

 

Face à ce constat, il pourrait être tentant de chercher à réduire les taxes appliquées à l’essence ou à subventionner autrement son achat. Toutefois, il s’agit là de mesures qui cumulent les conséquences négatives, à la fois environnementales, économiques et sociales. Notamment car cela renforcerait encore la demande d’essence et, donc, l’augmentation des prix…. Cela se ferait en outre au prix d’un très fort coût pour l’Etat, ce qui ne laisserait que peu de moyens à disposition du développement des autres formes de mobilité. Or, c’est bien par ce développement que l’on peut réellement compenser et tempérer l’augmentation du prix de l’essence.

 

Les problèmes liés aux ressources à disposition s’étendant aussi en partie à la production électrique peut aussi s’avérer problématique pour le développement de l’électrification des véhicules individuels motorisés.

 

C’est ainsi qu’il convient plutôt de renforcer, en ces temps difficiles, les alternatives existant à la voiture. Cela peut passer par différentes mesures, dont par exemple une augmentation des cadences des transports publics ainsi que le soutien à des lignes de transport public jugées moins rentables (notamment dans les régions périphériques), de même qu'une réduction temporaire du prix de sur certaines lignes. Cela peut aussi passer par un renforcement des alternatives promouvant la mobilité active.

 

Fort de ce constat, les signataires expriment par la présente résolution leur soutien au Conseil d’Etat dans l’identification et la mise en œuvre rapide de mesures visant à développer, sur le court terme, les alternatives concrètes à l’usage de la voiture individuelle.  

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Didier LohriVER
Anne-Laure Métraux-BotteronVER
Felix StürnerVER
Elodie LopezEP
Marc VuilleumierEP
Yannick MauryVER
Léonard Studer
Jean-Louis RadiceV'L
Alice GenoudVER
Pierre WahlenVER
Nathalie JaccardVER
Anne Baehler Bech
Céline MisiegoEP
Vassilis Venizelos
Pierre FonjallazVER
Blaise VionnetV'L
Sabine Glauser KrugVER
Sylvie PodioVER
Rebecca JolyVER
Maurice Mischler
Claude Nicole GrinVER

Document

22_RES_10-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La résolution étant accompagnée de 21 signatures, la présidente ne demande pas l’appui de 20 membres.

M. David Raedler (VER) —

Ce texte porte sur un sujet cantonal : comment répondre à la hausse des prix, notamment sur les hydrocarbures, mais également sur le reste du panier d’achat des personnes habitant le canton ? A ce titre, l’une des possibilités évoquée est de subventionner ou d’aider à l’achat d’hydrocarbures ou de pétrole. Toutefois, il y aurait des conséquences négatives : d’une part, cela favoriserait l’utilisation de la voiture là où elle ne serait pas nécessaire – et non où elle demeurerait nécessaire et où il serait utile d’avoir ce genre d’aide – et d’autre part, le cercle vicieux fait augmenter la demande en termes de pétrole, et donc le prix, ce qui entraîne un besoin de subventions et une hausse de la demande, etc. C’est un cercle vicieux sans fin. Il convient donc de regarder les alternatives, qui doivent répondre aux besoins de chaque personne et chaque région de notre canton. C’est un point très important ; il y a toujours des endroits du canton pas suffisamment desservis par les transports publics. Un important travail est déjà mené par le Conseil d’Etat ; on a voté des budgets importants pour augmenter les cadences des transports publics dans les régions qui sont moins desservies et répondre à une lacune en termes de transport dans ces régions. Cependant, l’un des critères que l’on applique dans notre canton est la rentabilité, importante pour les transports publics. Face aux circonstances exceptionnelles actuelles et à la nécessité de répondre à l’augmentation des prix et de s’assurer que celle-ci et les mesures prises ne viennent pas faire obstacle aux mesures qui ont été prises dans le cadre du Plan climat et des mesures environnementales qui sont nécessaires, on doit réfléchir à tempérer la question de la rentabilité et privilégier l’utilisation des moyens de transports alternatifs, soit les transports publics et la mobilité active. La résolution vise donc à soutenir l’élan déjà pris par le Conseil d’Etat, en exprimant que le Grand Conseil soutient toutes les mesures qui seraient prises par le Conseil d’Etat afin de favoriser et de développer les transports publics dans les régions moins desservies. Cela passe non seulement par le développement de lignes, mais surtout par une augmentation des cadences, sans mettre l’accent sur une rentabilité pure, mais plutôt sur les besoins et la nécessité de telles lignes dans le contexte actuel, du moins à titre temporaire. Une fois que l’utilisation aura augmenté, on pourra viser leur pérennité. De plus, ces mesures devraient également passer par le développement des alternatives en matière de mobilité active, toujours sous l’angle de la sécurisation, notamment des itinéraires vélos ainsi que la promotion et le renfort des itinéraires piétons. A ce titre, on doit également soutenir les mesures qui seraient mises en place. A l’image de ce qui a été fait dans le contexte du Covid, on doit s’inspirer du bon travail qui a été effectué par le Conseil d’Etat, afin de répondre à une situation exceptionnelle.

En conclusion, cette résolution très générale vise à exprimer le soutien du Grand Conseil à ce renfort pour les régions rurales, les régions moins desservies et qui ont maintenant plus que jamais besoin de transports publics, efficaces, fréquents et peu chers.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Jean-François Thuillard (UDC) —

Une fois de plus, notamment sous l’excuse de l’augmentation du coût de l’énergie, l’auteur de la résolution ainsi que tous les cosignataires souhaitent imposer à toutes les Vaudoises et tous les Vaudois leur vision de la mobilité de demain. La question est claire : voulons-nous une mobilité lausannoise appliquée à l’ensemble du canton ? Pour ma part et pour le groupe UDC, la réponse est non ! Pour Lausanne, c’est son choix. Je respecte l’autonomie communale, même si je ne l’approuve que très moyennement. Pour le canton et surtout les régions périphériques, les transports publics sont en plein développement ; laissons le choix de mobilité à nos résidents, sans restriction au niveau des déplacements individuels. Je vous invite à ne pas soutenir cette résolution qui veut des alternatives concrètes à l’usage de la voiture individuelle. Laissons le choix et la liberté de déplacement aux Vaudoises et aux Vaudois.

M. Jean Tschopp (SOC) —

Du côté gauche de l’hémicycle, le groupe socialiste vous appelle à soutenir la résolution de David Raedler. J’ai le sentiment de ne pas avoir lu le même texte que notre collègue Thuillard. A aucun moment, dans le texte présenté, il est question de Lausanne. C’est un texte qui s’étend à l’ensemble du canton, qui pose la question de la desserte en transports publics dans les régions périphériques et l’ensemble du canton. Le texte pose aussi la question de l’accès aux transports publics, avec des mesures telles que la gratuité ciblée en particulier sur les jeunes ou sur les retraités. Elle est incitative, car quand on est jeune, à l’âge où l’on commence à réfléchir, en tant qu’apprenti ou étudiant, à sa mobilité, c’est là que les habitudes peuvent se prendre. Pour les retraités, elle est incitative, car on a un peu plus de temps à disposition. Avec l’âge, on se sent peut-être moins à l’aise dans son véhicule.

Il faut aussi prendre en compte le contexte de guerre en Ukraine, qui souligne notre dépendance – hélas – à l’approvisionnement en carburant jusqu’auprès de la Russie de Poutine. Il y a toute une série de la population qui réfléchit aux possibilités de réduire sa consommation de carburant. Evidemment, nous ne sommes pas égaux face à cela. Certes, dans les régions périphériques, plusieurs habitants ont besoin de leur voiture pour travailler et se déplacer, parce que la desserte en transports publics n’est pas encore suffisamment développée. Toutefois, nous avons un signal à donner pour développer les transports publics, pour renforcer leur desserte et les rendre plus encore accessibles. C’est dans ce sens que nous apportons notre soutien au texte de notre collègue Raedler.

M. Vincent Keller (EP) —

Le groupe Ensemble à Gauche et POP comprend la résolution de notre collègue Raedler. Au vu des événements dramatiques actuels, notamment la guerre d’invasion du gouvernement russe contre l’Ukraine, d’une part, et les sanctions économiques que notre pays a décidées, d’autre part, le prix du carburant augmente. Il y aura de fait probablement des augmentations indirectes qui pèseront sur le budget des Vaudoises et des Vaudois, particulièrement sur celui des plus précaires. Au lieu de baisser le coût de l’essence, comme le propose l’UDC, notre collègue Raedler propose de renforcer les alternatives existantes au transport individuel motorisé. S’agissant de la mobilité douce, c’est bien, mais cela ne concerne que principalement les villes et, surtout, les personnes valides et en bonne santé. Comme notre collègue l’écrit, cela passe aussi et surtout par un renforcement majeur de l’offre en transports publics, notamment dans les régions périphériques. Fidèles à notre volonté d’augmenter l’offre en transport public, le plus possible et partout où cela est possible, nous soutiendrons cette résolution. Nous ne pensons pas qu’à l’écologie, nous pensons aussi au porte-monnaie des plus précaires. A ce titre, nous regrettons que notre collègue Raedler et ses cosignataires ne soient pas cohérents jusqu’au bout et demandent, du moins temporairement, la gratuité des transports publics sur tout le territoire du canton, une gratuité totale et non partielle, puisqu’elle ne concerne pas les travailleurs et travailleuses qui sont les plus grands voyageurs. Cela démontrerait le bien-fondé de la gratuité, comme outil de transfert modal, profondément social pour la mobilité de toutes et tous et comme levier pour agir contre la crise climatique.            

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

Chers collègues, je vous écoute et m’interroge. Ce que vous proposez et nous demandez est de déployer des transports publics sous la forme de bus qui pèsent entre 5 et 8 tonnes à vide, sur des lignes secondaires dont même la gratuité ne réussira pas à les remplir. D’ailleurs, quand on parle de gratuité, rien n’est gratuit : ce que l’usager ne paiera pas, le contribuable le paiera. Si c’est votre conception de la justice sociale, je m’interroge également, parce que l’usager peut très bien ne jamais contribuer financièrement, car il est dans des classes de revenus qui font qu’ils ne paient pas d’impôts, alors que le contribuable peut payer toute sa vie alors qu’il ne montera jamais dans un transport public. Mais c’est un autre débat…

Certes, vous n’allez pas encombrer les routes, parce que c’est en dehors des heures et des grands axes, mais vous voulez faire circuler des véhicules relativement polluants – si ce n’est pas par les gaz d’échappement, c’est par l’usure des pneus – qui usent les structures des routes. J’ai entendu qu’un véhicule de ce type usait autant que plusieurs centaines de voitures, voire de 1000 voitures. Je ne pense donc pas qu’en dehors de l’aspect dogmatique, on ait sur le plan social et environnemental, une quelconque avancée avec une telle proposition. Je ne plaide pas pour une avancée à l’américaine où les transports publics se concentrent sur les lignes rentables. Mais de là à faire rouler des bus quasiment à vide – des bus articulés ou des trolleys à double articulation – avec un ou deux passagers, je m’interroge, même si je ne suis pas près d’avoir une réponse.

Mme Alice Genoud (VER) —

Je me permets de revenir sur quelques points. On nous a parlé de mobilité lausannoise et dit que ce n’était pas possible de la mettre en place dans les périphéries. Le Conseil d’Etat a montré que c’était possible, notamment avec les 50 millions votés et mis en place pour les régions périphériques et pour toutes les lignes qui, aujourd’hui, n’ont pas encore une rentabilité qui leur permettrait de vivre sur le long terme. Cette résolution demande que l’on continue de répondre à ces questions, pour toutes les personnes qui, aujourd’hui, n’ont pas forcément le choix. Nous vivons dans un canton avec des agglomérations et une périphérie qui ont besoin de voitures. Personne ici ne le nie. Il y a donc des alternatives à développer. C’est sur ce point que nous pouvons faire davantage, notamment pour permettre aux personnes qui ont peut-être moins d’argent à la fin du mois de pouvoir utiliser les transports publics, plutôt que leur voiture qui leur revient déjà cher et plus si le carburant augmente.

Concernant la question de la mobilité douce, il faut une réflexion sur la stratégie vélos – déjà été menée par le Conseil d’Etat, elle va bientôt arriver devant notre plénum. Aujourd’hui, on ne fait plus du vélo uniquement dans les agglomérations ; on fait du vélo dans tout le canton, entre les villages, entre l’agglomération et les villages, entre les gares et les villages. Idem pour les piétons, on marche de plus en plus. C’est cela qu’il faut aider, par des infrastructures efficaces. C’est ce que fait le Conseil d’Etat aujourd’hui, mais cette résolution demande que cela soit accentué ces prochains mois et années. Je vous encourage à soutenir cette résolution pour permettre ce choix que tout le monde veut, mais qui doit encore être mis en place pour les personnes qui ne l’ont pas ; j’espère que cela sera fait dans un laps de temps relativement court.

M. Gilles Meystre (PLR) —

Si Jean-Luc Chollet s’interroge, moi je m’amuse ! L’autre jour, sur La Première, j’entendais Simonetta Sommaruga, la conseillère fédérale socialiste, botter en touche face aux journalistes qui demandaient « Pourquoi ne pas baisser les taxes sur l’essence pour soulager le citoyen ? » et répondre « On peut mettre des panneaux solaires ; cela se fait du jour au lendemain. » Aujourd’hui, j’entends David Raedler nous dire « Il faut augmenter la cadence et le nombre de lignes » ; je me dis Sommaruga-Raedler : même mauvaise foi ! Tous les deux, vous savez à quel point ces mesures sont chronophages, se font à moyen terme et ne répondent absolument pas aux préoccupations des citoyens, qui veulent des mesures immédiates. C’est aujourd’hui qu’il sent son porte-monnaie se vider pour payer des taxes et une essence beaucoup trop chères. Je m’amuse aussi à entendre la proposition de gratuité. David Raedler veut une gratuité pour certains, mais pas pour les autres ; il veut donc déshabiller Paul pour habiller Jean, il veut faire peser sur Paul un certain nombre de taxes et de coûts que Jean ne devrait pas payer. Cela me paraît inacceptable du point de vue de l’égalité de traitement. Pour toutes ces raisons, je vous invite à refuser cette résolution.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

A la lecture des premières lignes de cette résolution et de ce qu’elle demande, je suis extrêmement mal à l’aise et choquée que l’on lie la guerre qui fait rage en Ukraine à la possibilité d’accélérer la mise en œuvre de mesures – que je trouve tout à fait logique de promouvoir. J’aimerais exprimer mon malaise face au fait que l’on utilise la guerre en Ukraine pour aborder tel ou tel sujet. Je vous invite à ne plus le faire et à plutôt penser à la gravité de la situation. Arrêtez de discuter de choses qui vont se développer peu à peu. Je vous incite à ne plus vous servir de cette raison pour promouvoir des idées.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

Il a été dit par M. Raedler – et, dans un premier temps, je suis assez sensible à cela – qu’il faut que les retraités, soit la tranche d’âge 65-80 ans puissent emprunter les transports publics. Sur le fond, je suis assez d’accord : j’ai acheté ma dernière voiture et, quand elle sera usée, je garderai mon permis – qui peut rendre service avec Mobility – mais j’utiliserai les transports en commun, car j’ai la chance d’habiter une ville. Mais c’est toujours la même chose : le manque absolu de considération et de confort pour cette tranche d’âge, qui continue à vouloir préférer se rendre en ville en voiture, pas forcément parce que cela l’enchante de prendre une voiture, mais parce qu’elle ne sent pas ou plus en sécurité dans les transports en commun. Commençons déjà par remarquer l’impolitesse crasse des gens qui restent vissés sur leur siège, alors qu’une personne âgée entre avec une canne. Dans beaucoup d’autres pays, on a un respect de la personne âgée ou handicapée qui s’est largement perdu chez nous. Cela ne va pas ; il y a un côté éducatif à mettre en place.

De plus, qui empêche les concepteurs de véhicules de transports publics d’avoir un génie légèrement créatif et de se demander comment faire pour créer des places, des endroits ou des fauteuils pour que les transports en commun soient confortables pour des gens de 75 ans ? C’est une réflexion que personne ne mène, ou alors on en parle pour en parler, mais sans se soucier réellement de sa réalisation. Si on veut que toutes les tranches d’âge utilisent les transports en commun, il faut commencer à sérieusement réfléchir à ce qu’il faut faire pour la mère et sa poussette ; pour le vélo, on peut toujours lui demander de grimper dessus et lui demander de descendre ou de monter. Il faut se demander ce qu’on fait pour les 65-85 ans, car ils veulent bien utiliser les transports publics, mais pas n’importe quoi et n’importe comment. J’ai testé le M2 dernièrement : il est catastrophique dans sa manière d’accélérer et de freiner !

M. Maurice Mischler —

M. Gilles Meystre s’amuse, mais moi la situation ne m’amuse pas du tout. Cela fait plusieurs années qu’un certain nombre de personnes demandent une transition écologique, une transition de la mobilité. Or, on agit uniquement dans l’urgence. M. Pahud a retiré sa résolution, mais on voit bien, même au niveau fédéral, que les gens paniquent, alors que c’était quelque chose de prévisible.

M. Chollet s’inquiète du fait que les transports en commun, surtout dans les zones périphériques, n’ont pas beaucoup d’usagers, mais un bus consomme environ 30 litres au 100 kilomètres ; il suffit donc qu’il y ait cinq personnes dans le bus pour que cela soit déjà, au niveau écologique, plus intéressant qu’une voiture. Si, comme disait M. Vuillemin, la politique des transports peut être faite pour que les personnes à mobilité réduite soient plus agréablement transportées… Je suis moins négatif que M. Vuillemin quant à son constat : j’ai vu beaucoup de jeunes dans le métro laisser leur place à des personnes âgées ; la police se fait entre usagers.

Enfin, Mme Schaller est mal à l’aise, mais je ne comprends pas pourquoi. D’un côté, elle n’est pas mal à l’aise que l’UDC propose une diminution des taxes, mais d’un autre côté, nous sommes là devant une opportunité de booster la transition écologique, la transition énergétique et la transition au niveau des transports. Pour toutes ces raisons, il est important de montrer au Conseil d’Etat que cette résolution va dans le bon sens.

M. Arnaud Bouverat (SOC) —

Je déclare mes intérêts : je suis secrétaire syndical à Unia. La hausse des prix, conjoncturellement en lien avec les événements malheureux dans l’Est de l’Europe, fait que les salariés sont aujourd’hui immédiatement touchés par cette réalité. Ils doivent aujourd’hui déjà cumuler l’utilisation de leur voiture pour certaines activités professionnelles, et le recours aux transports publics, car ils ne peuvent plus se payer les déplacements sur la base des forfaits octroyés à l’heure actuelle. Cette problématique qui fait rire certains pose donc des problèmes très réels aux salariés de ce canton – et pas forcément uniquement aux salariés. Avec cette résolution, il ne s’agit pas de définir notre politique des transports à quinze ans, mais de réaliser qu’il y a un coup d’accélérateur à donner sur plusieurs mesures, en lien avec ce que nous vivons. Dire que l’on enterre le problème en espérant des mesures purement financières, sans appui pour les transports publics, n’est pas raisonnable. Il faut apporter un soutien ; des gens attendent un signal des autorités. Nous avons été créatifs à certains moments pour soutenir certains publics et inciter au transfert modal. Nous devons nous inspirer de certaines mesures. Le canton est assez avancé sur plusieurs de ces mesures ; je ne crois donc pas que cette résolution changera quelque chose. Il faut prendre en considération cette attente conjoncturelle, mais notre canton est sur de bons rails.

M. Jean Tschopp (SOC) —

Ce sont les propos de M. Meystre qui me font réagir. Il ne faut pas donner le sentiment aux personnes qui nous écoutent que l’Alpha et l’Omega du pouvoir d’achat sont la hausse du prix du carburant. Evidemment, c’est un souci que nous entendons et il faut des mesures pour y répondre. Mais si vous regardez ce qui se passe actuellement avec la guerre d’invasion de l’Ukraine par Poutine, on voit également une dépendance par rapport à tout notre approvisionnement en énergie ; l’Ukraine est le grenier de l’Europe et nous approvisionne aussi en fourrages. Il y a des questions liées au pouvoir d’achat qui sont bien plus larges que le seul prix du carburant. Il faudra suivre ces questions avec beaucoup d’attention. Il faudra pouvoir mesurer la hausse du prix du carburant, réelle en ce moment. Aujourd’hui, le prix du carburant se situe à environ 2 francs le litre. Nous allons suivre cela, mais il y a aussi les effets redoutés sur les charges des locataires et des conséquences pour les propriétaires. Il y a des effets pour les ménages, sur leur consommation, car le prix de certaines denrées risque d’augmenter. C’est sur l’ensemble de ces problèmes que nous avons besoin d’élaborer des réponses ciblées pour soulager le porte-monnaie et soutenir le pouvoir d’achat de la population. Nous défendons donc une vision la plus large que possible. Je note toutefois que, dans sa conclusion, notre collègue Raedler parle de mesures rapides. Nous sommes partisans d’une volonté politique extrêmement ambitieuse sur ces questions. Nous avons la conviction que, sur des mesures très concrètes telles que la gratuité partielle, nous pouvons avancer rapidement. Nous pousserons pour cela ainsi que pour d’autres mesures de soutien au pouvoir d’achat, et ce, partout où elles sont utiles. Je vous invite à soutenir la résolution de David Raedler.

M. David Raedler (VER) —

Il est important de souligner que nous ne sommes pas ici dans un débat villes contre campagne, ou villes contre « régions reculées ou lointaines ». Au contraire, à Lausanne ou dans les centres urbains, il y a beaucoup de transports publics et d’alternatives à la voiture. Or, ces alternatives n’existent pas forcément encore dans les régions reculées. Le Conseil d’Etat a fait voter 80 millions pour développer les lignes de bus dans les régions reculées ; c’est absolument essentiel. Cette résolution vise justement ces cas. A Lausanne, le M2 et les voies de bus sont déjà là et il y a déjà beaucoup de pistes cyclables ; cela continue à se développer. Cela concerne donc les régions reculées. Si des personnes qui ont été élues il y a moins de deux jours par des citoyennes et des citoyennes des régions plus reculées, qui ont besoin de transports publics et d’alternatives à la voiture, notamment lorsque le prix de l’essence monte, votent contre une résolution qui vise à renforcer des alternatives crédibles et réelles pour la population, c’est un véritable non-sens ! Il faudra expliquer aux citoyens en question que vous ne leur laissez qu’un seul choix : la voiture, les bouchons, la pollution et l’impossibilité de prendre les transports publics. J’espère que vous ne souhaitez pas cela. Pour reprendre l’image de M. Meystre, il ne s’agit pas d’enlever les habits à Jacques pour les donner à Paul, il s’agit d’éviter que Jacques et Paul, qui vivent en campagne, ne soient complétement déshabillés et se retrouvent tous nus, en pleine nuit. Nous devons agir sur cela et, à ce titre, je vous invite, campagnes et villes, à soutenir cette résolution et à exprimer ainsi un message fort en faveur des transports publics et des alternatives à la voiture.

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

J’aimerais faire observer à M. Bouverat que certains stéréotypes, en 54 ans – soit depuis Mai 68 – n’ont absolument pas évolué. Ainsi, pour lui, lorsque l’on est salarié, on est pauvre, donc forcément exploité par les patrons ; et quand on est patron, on est riche. C’est simple, il y a deux catégories. Mais j’aimerais vous demander, monsieur Bouverat : où est-ce que vous classez les patrons pauvres et les salariés aisés ? Je crois que, depuis Mai 68, il faudrait penser à faire évoluer votre langage.

M. Eric Sonnay (PLR) —

Je reviens sur les propos de M. Raedler : pour moi, le fossé se creuse toujours davantage entre la ville et la campagne. J’habite à 15 kilomètres de Lausanne, je suis à 4 kilomètres de la gare de Palézieux ; j’ai un bus le matin à 7 heures et le soir à 18 heures, à 1,5 kilomètre de la maison. Chez nous, nous avons aussi des ouvriers qui vont travailler ; ils doivent prendre la voiture – et suivant les cas, chaque personne du couple a une voiture, car il faut aussi amener les enfants à la crèche. Ne mélangeons pas tout ! Proposer aujourd’hui la gratuité des transports, car il y a une crise dans le monde est très grave ! Soyons réalistes et humains ; pensons aux gens de la campagne et de l’extérieur des villes. Il y a aujourd’hui beaucoup de citadins qui achètent des maisons à la campagne. Ces mêmes gens qui quittent la ville, parce qu’il y a trop de bruit, ont aujourd’hui deux voitures. Vous pouvez nous faire la leçon, monsieur Raedler, en disant ceci ou cela, mais on est tous Vaudois ; alors tirons à la même corde et arrêtez ce blabla.

Mme Nuria Gorrite (C-DCIRH) — Président-e du Conseil d’Etat

Je vois que la campagne électorale s’invite dans le débat au Grand Conseil. Permettez-moi d’essayer de rester en dehors de cela et de vous dire ce que fait le Conseil d’Etat depuis un certain temps, avec l’appui unanime de ce Grand Conseil, qui partage notre vision. Cette vision s’inscrit aussi en dehors des préoccupations graves liées à une guerre. Les développements de l’accessibilité générale du canton de Vaud ont très largement précédé les situations dramatiques conjoncturelles que vit notre continent européen en ce moment. Le Conseil d’Etat est engagé, avec vous, dans un plan de couverture et d’accessibilité de l’ensemble des régions de notre canton. Depuis 2013, nous y travaillons et vous nous octroyez les crédits nécessaires au développement des transports publics dans toutes les régions du canton.

Je me permets de rappeler ici les investissements consentis en direction d’une augmentation massive des cadences et de l’accessibilité pour tous les trains régionaux – le Nyon–Saint-Cergue, avec une cadence au quart d’heure jusqu’à Genolier ; l’Yverdon­–Sainte-Croix, avec un doublement de la cadence ; pour nos Alpes vaudoises, avec une augmentation massive en direction des transports publics du Chablais ; en direction de l’Oberland bernois, avec une augmentation massive des cadences en direction de Zweisimmen, notamment. Nous avons investi dans le LEB (Lausanne-Echallens-Bercher) ; vous nous avez notamment octroyé le crédit massif de plus de 100 millions de francs pour réaliser le tunnel du LEB, afin d’augmenter les cadences en direction du Gros-de-Vaud. Nous venons d’ailleurs de terminer les travaux de réalisation de ce tunnel important, qui vise l’augmentation et l’accessibilité, mais aussi la sécurité – dois-je vous rappeler ici les accidents massifs qu’il y avait sur l’Avenue d’Echallens ? Vous nous avez aussi octroyé les moyens de développer le RER vaudois en direction du Nord-vaudois, avec une connexion de Grandson au système de RER vaudois ; en direction de la Broye, avec un doublement des cadences. Vous nous avez permis de réaliser la connexion de Aigle, puis de Bex au RER vaudois. Nous allons prochainement réussir, avec la réalisation de la gare du Day à Vallorbe, à connecter directement la Vallée-de-Joux à Lausanne ; c’est important pour cette région si excentrée qui a besoin de se connecter au centre lémanique, pour ne pas dépendre exclusivement de la main-d’œuvre transfrontalière. Vous nous avez aussi octroyé les moyens de réaliser les transformations de la gare de Cully, qui sont à bout-touchant, pour offrir le RER au quart d’heure entre Cully et Cossonay.

Il ne faut pas tenir le discours qui consiste à faire croire que des régions sont dressées les unes contre les autres, ou des modes de transport dressés les uns contre les autres, alors que nous avons, avec votre appui, voté 25 millions pour réaliser et aider les communes à réaliser les interfaces de transport. Nous sommes conscients que des gens ont besoin de leur voiture, parce qu’on ne peut pas amener un train ou un métro dans toutes les communes du canton – ce serait impensable, notamment sous l’angle du rapport coût-efficacité. Nous sommes conscients que nous devons favoriser l’interconnexion des modes de transport. Des gens ont besoin d’une voiture ce que personne, ici, ne nie. Dresser les régions les unes contre les autres et dresser les modes de transport les uns contre les autres ne va pas améliorer la dynamique économique dont nous avons besoin dans notre canton. Notre canton se situe parmi les cantons les plus performants, notamment sous l’angle des critères de la compétitivité économique, avec un très bon critère : ses excellentes infrastructures de transport. Il est important que nous continuions à avoir ce critère. Comme vous le savez, les temps ferroviaires sont longs. Nous devons planifier et convaincre les offices fédéraux, parce que nous réalisons toutes ces infrastructures avec des cofinancements fédéraux très importants. Nous obtenons de l’argent de la Confédération pour nos gares et le développement de nos cadences, parce que nous sommes crédibles sur la scène fédérale. Mais ces temps ferroviaires sont très longs et couplés avec une prévisibilité nécessaire, parce qu’il faut commander du matériel roulant. Il ne suffit pas de décréter que l’on veut une ligne de transports publics en bus ou en train. Il faut encore la réaliser, commander le matériel roulant, former le personnel, l’engager et assurer durablement les financements – cantonaux ou avec les communes. Ce sont donc aussi des temps longs de négociations et de planification financière.

Je salue aujourd’hui vos prises de parole sur une résolution, mais la logique de l’accessibilité générale du canton de Vaud est en marche depuis longtemps ; elle se planifie et se finance à long terme, et se négocie avec nos partenaires de la Confédération et avec les communes. C’est ce que nous faisons et il est important de le dire ici, parce qu’il n’y a rien de pire que des coups de braquet dans un sens ou dans l’autre.

Il faut une logique d’ensemble. Chaque région est différente et a besoin de solutions adaptées à sa réalité. Les centres urbains lausannois ont une réalité ; le Brassus en a une autre. C’est donc dans une logique d’offrir le bon mode au bon endroit que nous travaillons, en s’affranchissant des logiques d’affrontement et de confrontation. Dans cette même logique, nous avons développé des pistes et bandes cyclables, non pas pour obliger les citoyens à sauter sur un vélo, mais pour leur offrir le choix. Offrir le choix, c’est doter le canton des infrastructures qui permettent concrètement d’opérer ces choix. A défaut d’infrastructures, nous ne réussirons pas à connecter l’ensemble des régions avec l’accessibilité qui leur revient. Pour ces raisons, ces choix ne se font pas ex nihilo. Surtout, ils doivent obéir à des règles. J’entends ici la demande de M. Chollet que les bus ne circulent pas à vide ; c’est pour cette raison que les bus, avant d’obtenir une concession, doivent obéir à des critères fixés par des ordonnances fédérales. Ces ordonnances fédérales posent le critère du taux de couverture, parce qu’il n'est pas question ici de financer à vide et de lancer des billets en l’air. Il s’agit de connecter les régions qui en ont besoin avec le bon mode de transport. C’est ce que nous avons fait avec la mesure des 50 millions en direction de toutes les régions du canton que vous avez plébiscitée pour connecter les régions avec des bus régionaux. Toutefois, nous nous sommes concentrés sur les lignes performantes et utilisées par les gens. En Suisse, nous avons une chance extraordinaire, que nous envie les Français : l’horaire cadencé, soit des bus toute la journée à des heures régulières. C’est une force extraordinaire. Il peut certes y avoir, ici ou là, une heure où le bus est un peu plus vide que l’autre, mais vous savez qu’un bus passe à cette heure-ci devant chez vous. C’est fondamental quand on veut basculer et faire ce choix modal des transports publics.

Avec ma longue intervention, j’ai essayé de vous montrer qu’en matière de transports publics, c’est non seulement une chaîne de décisions et d’institutions, mais assurément de volontés et de visions qui est nécessaire pour réaliser ces accessibilités et pour que notre canton conserve cet avantage compétitif qui nous accompagne dans notre croissance économique, pour toutes les régions du canton. 

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

La résolution est refusée par 65 voix contre 57 et 1 abstention.

M. Alexandre Démétriadès (SOC) —

Je demande le vote nominal.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui soutiennent la résolution votent oui ; celles et ceux qui la refusent votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, la résolution David Raedler est refusée par 66 voix contre 58 et 1 abstention.

*Insérer vote nominal

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