Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 20 avril 2021, point 6 de l'ordre du jour

Texte déposé

La colline du Mormont est exploitée depuis 1953 pour son calcaire. La carrière alimente une des six cimenteries du pays et couvre environ 20% de la consommation annuelle nationale de ciment.

 

Cette activité lucrative entre en conflit avec les qualités naturelles et historiques du site qui est inscrit à l’inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d’importance nationale (IFP). L’IFP relève que « les forêts du Mormont garantissent une continuité des espaces forestiers entre les massifs du Jura et le Plateau et constituent de ce fait un passage stratégique important pour la grande faune » (p.3). Avec une végétation riche et variée la colline est un des hauts lieux botaniques du canton et fait le bonheur des randonneurs et des passionnés de la nature. Le Mormont abrite aussi un site archéologique exceptionnel classé en tant que bien culturel suisse d’importance nationale.

 

Depuis des décennies les autorités locales, cantonales et fédérales tentent de trouver un équilibre entre la nécessité d’approvisionner le pays en ciment et la volonté de préserver ce site d’importance paysagère, faunistique, naturelle et historique d’envergure nationale. En se baladant sur le site, ou en observant les flancs éventrés de la colline depuis le train qui relie Lausanne à Yverdon-les-Bains, on se rend vite compte que cet équilibre entre économie et protection de l’environnement a été rompu depuis bien longtemps.

 

En Suisse, quelque cinq millions de tonnes de ciment sont nécessaires chaque année pour nos projets d’infrastructure et de constructions. D’après un récent rapport de la Confédération sur l’approvisionnement de la Suisse en matières premières indigènes[1], 86% des besoins sont couverts aujourd’hui par les six cimenteries suisses. Différentes démarches sont en cours dans le canton de Vaud pour réduire notre dépendance au béton et favoriser l’utilisation de matériaux de construction alternatifs[2].

En 2022, l’exploitation de la carrière du Mormont arrivera à la limite du périmètre d’exploitation autorisé. Le plan directeur des carrières (PDCar) adopté en 2015 par le Grand Conseil, prévoit une extension de plusieurs hectares sur le plateau agricole de « la Birette ». Le projet prévoit l’extraction d’environ 2,8 millions de m3 de calcaire, qui offriront sept ans de réserves d’exploitation à la cimenterie. Cette extension est la septième autorisée par le canton depuis le début des activités d’extraction sur le site. Le projet de la Birette est inscrit dans un plan d’affectation cantonal (PAC) qui fait l’objet d’un recours porté par des organisations non gouvernementales et des particuliers depuis 2015.En cas de décision positive du Tribunal Fédéral sur l’acceptation du projet, les prochaines étapes seraient les suivantes : défrichement, fouilles archéologiques, décapage des sols puis exploitation de la roche. Une telle opération réduirait quasiment à néant le passage à faune identifié dans le réseau écologique cantonal. Avec cette extension, l’exploitant pourra par contre poursuivre son activité avec des matériaux locaux jusqu’en 2035.

Au-delà, de ce secteur, le PDCar identifie une réserve sur le site de « Fontaine ». Son exploitation nécessiterait une modification du PAC. Pour le reste, la zone sommitale est identifiée comme « secteur à exclure » dans le PDCar et les secteurs situés un peu plus à l’ouest sont compris dans le périmètre de l’IFP. L’inscription dans un inventaire fédéral représente toutefois une protection relative. Cela ne signifie pas qu’on ne puisse rien y faire à moyen terme. La Loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage offre en effet des possibilités d’exception pour des « intérêts équivalents ou supérieurs, d’importance nationale » (art 6 LPN). L’exploitation d'un gisement participant de manière importante à l'approvisionnement du pays pourrait ainsi être un argument suffisant pour convaincre les autorités qui nous succéderont de grignoter les derniers mètres cubes de calcaire du site, ce qui condamnerait définitivement cet anticlinal qui a pourtant résisté aux mouvements du glacier du Rhône au Quaternaire.

 

Après 70 ans d’exploitation, nous estimons qu’il est temps d’y mettre fin. S'il parait plus difficile aujourd'hui d'intervenir dans le dossier pendant par-devant le Tribunal fédéral (secteur la Birette), nous pouvons par contre, empêcher de nouvelles extensions en renforçant le statut de protection du Mormont par une décision cantonale. Ainsi, les signataires de cette motion demandent au Conseil d’Etat de lui soumettre un décret ou un projet de loi permettant de :

 

-       protéger durablement la colline du Mormont de toute nouvelle activité d’extraction ou de transformation des ressources naturelles ;

-       garantir un passage à faune fonctionnel et suffisamment généreux sur le site, quelle que soit la décision du Tribunal Fédéral sur l’extension de la Birette ;

-       planifier les actions à entreprendre pour rétablir un espace naturel de qualité (comblement et/ou reconstitution et/ou plan de renaturation des falaises et/ou toute autre mesure adéquate)

 

[1]Matières premières nécessaires à la fabrication du ciment – Besoins et état de l’approvisionnement en Suisse », swisstopo, OFEV, 2021

[2] - Motion Yves Ferrari et consorts - Sortons du bois pour valoriser nos ressources forestières (16_MOT_103) adoptée le 27 octobre 2017 par le Grand Conseil

- Pour une véritable promotion du bois comme unique matériau renouvelable (19_MOT_073), adoptée le 4 février 2020

- Motion Vassilis Venizelos – Laisse béton (21_MOT_3)

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Valérie InduniSOC
Didier LohriVER
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Andreas WüthrichV'L
Anne Baehler Bech
Sabine Glauser KrugVER
Jean TschoppSOC
Maurice Mischler
Raphaël MahaimVER
Nathalie JaccardVER
Claude-Alain GebhardV'L
Séverine EvéquozVER
Sylvie PodioVER
Jean-Marc Nicolet
Yves FerrariVER
Anne-Laure Métraux-BotteronVER
Rebecca JolyVER
Alberto CherubiniSOC
Felix StürnerVER
David RaedlerVER
Léonard Studer
Hadrien BuclinEP
Graziella SchallerV'L
Muriel ThalmannSOC
Muriel Cuendet SchmidtSOC
Jean-Claude GlardonSOC

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Vassilis Venizelos —

L’action des zadistes aura suscité de nombreuses réactions, parfois passionnées. Leur action aura mis deux éléments en lumière : la nécessité de préserver la colline du Mormont et celle de trouver des alternatives au béton. Sur ce deuxième point, différentes interventions parlementaires ont déjà été déposées par mes collègues Ferrari, Pahud et plus récemment par le groupe des Verts avec la motion (21_MOT_3) intitulée « Laisse béton ». Sur la nécessité de préserver la colline sur le long terme, les députés signataires ont estimé nécessaire d’aller un pas plus loin et c’est le sens de la présente motion.

La colline du Mormont a des qualités naturelles et historiques indéniables, reconnues par toutes et tous. Pendant de nombreuses années, les autorités ont tenté de trouver un équilibre entre la nécessité d’approvisionner notre pays en ciment et celle de préserver ce site d’importance paysagère, faunistique, naturelle et historique d’envergure nationale. Il faut reconnaître que cet équilibre a maintenant été rompu. Il suffit de se rendre sur le site pour y voir les flancs de la colline éventrée et se rendre compte que l’activité d’extraction a pris le dessus sur la nécessité de préserver le site. Les signataires de la motion estiment qu’après la septième extension autorisée par les autorités cantonales pour l’exploitation de cette colline, il est temps de tirer la prise.

Dans le développement, le texte parle du secteur de la Birette qui va faire aujourd’hui l’objet d’une décision du Tribunal fédéral. La volonté des motionnaires n’est évidemment pas d’intervenir sur une décision prise au niveau du Tribunal fédéral. Nous espérons évidemment que la décision ira dans le sens souhaité, c’est-à-dire d’une préservation de la colline. La motion porte sur des extensions potentielles « post-Birette », soit au-delà du secteur visé par un recours au Tribunal fédéral. La motion cible les autres secteurs qui pourraient être exploités, identifiés dans différentes planifications et qui font l’objet de niveaux de protection. L’idée est d’obtenir un niveau de protection plus élevé au travers d’une décision cantonale. En effet, nous estimons qu’après 70 ans d’exploitation, il est temps de mettre fin à cette activité. S’il parait difficile d’intervenir sur une décision du Tribunal fédéral, nous pouvons, par contre, empêcher de nouvelles futures extensions.

La motion demande ainsi :

1.         de protéger durablement la colline du Mormont de toute nouvelle activité d’extraction ou de transformation des ressources naturelles ;

2.         de garantir un passage à faune fonctionnel et suffisamment généreux, sur le site, quelle que soit la décision du Tribunal fédéral sur l’extension de la Birette ;

3.         de planifier les actions à entreprendre pour rétablir un espace naturel de qualité, que ce soit par le biais d’un comblement, d’un plan de renaturation des falaises, ou de toute autre mesure adéquate qui permettrait de rendre le site à la nature.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La motion, cosignée par au moins 20 députés, est renvoyée à l’examen d’une commission.

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