Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 9 février 2021, point 30 de l'ordre du jour

Texte déposé

Le béton est le matériau de construction le plus utilisé dans le monde. Or la fabrication de ciment, composante essentielle du béton, a un impact majeur sur l’environnement. La production de ciment repose sur des ressources en voie de raréfaction qui demandent des extractions de plus en plus néfastes pour l’environnement.

 

Au niveau des paysages et de la biodiversité, sa production nécessite de grandes quantités de roches calcaires, qui sont extraites au détriment d’espaces naturels parfois de grande valeur. La carrière d’Holcim à Eclépens, qui dévore peu à peu la colline du Mormont, en est un bon exemple.

 

Le ciment fait aussi partie des domaines où les attentes en matière de réduction des émissions de CO2 sont importantes. Cette activité est peut-être moins visible que l’industrie des énergies fossiles par exemple, mais le secteur fait clairement partie des grands émetteurs de CO2. Cemsuisse , l’interprofession du ciment, parle ainsi dans son rapport annuel 2019 de 382'000 tonnes de CO2 émises en 2018 en Suisse par ce seul secteur de production. À l’échelle mondiale, on parle de plus de 5% des émissions globales de CO2 induites par cette fabrication.

 

Le béton présente pourtant de nombreux avantages. C’est grâce au béton que les villes modernes ont pu se développer. Le béton a contribué à améliorer la qualité de vie dans les quartiers (assainissements des logements). C’est un matériau solide dont la composition peut varier pour s’adapter à divers types de constructions. Il est présent partout, il relie (ponts), sépare (murs), protège (bâtiments), assure et est parfois un objet d’art. Le béton a aussi marqué tout un courant architectural incarné par le Corbusier qui a su valoriser de façon prodigieuse le caractère « brut » du béton.

 

Pourtant, ces matériaux arrivent probablement à un tournant. À l’heure de l’urgence climatique et de la chute drastique de la biodiversité , le béton présente de nombreux inconvénients dans la nécessaire transition écologique des villes. On ne va toutefois pas pouvoir s’en défaire de façon radicale. Un monde sans béton, ce n’est pas pour tout de suite…

 

On peut par contre prendre des mesures pour limiter sa consommation, ou réduire l’impact de sa production en menant une réflexion de fond sur le choix des matériaux qui composent le béton. Il existe en effet plusieurs façons de produire du béton. En fonction des matériaux choisis, on peut adapter ses propriétés aux besoins de construction…

 

Holcim promet par exemple un « Béton zéro carbone ». En réalité, le nouveau produit du cimentier est loin d'être bon pour l’environnement. Ce produit permet certes d’économiser  jusqu’à 20% de CO2, par rapport aux méthodes traditionnelles. Le 80% des émissions produites restantes sont néanmoins compensées par des financements de projets écologiques en Suisse et à l’étranger…

Il convient donc d’explorer en parallèle, les alternatives au béton traditionnel et de les employer partout où cela est possible. On pense tout d’abord au bois, matière première abondante dans nos régions, et puits de carbone intéressant. Le bois est d’ailleurs revisité pour des constructions modernes et esthétiques. Même les gratte-ciels s’y mettent comme la Brock Commons Tallwood House (Vancouver), tour de 18 étages érigée sur 53 mètres de haut.

D’autres alternatives existent encore, comme le béton allié à des matériaux recyclés ou des techniques qui permettent de modifier sa composition en remplaçant le ciment par des résidus industriels issus de la combustion des centrales à charbon ou des biocarburants. On trouve aussi du béton végétalisé, qui se compose de végétaux dans des alvéoles qui absorbent le CO2 généré par la pollution (bon isolant). D’autres solutions avec des matériaux insolites et biodégradables s’attèlent à ces enjeux de durabilité. De tels usages permettraient d’ailleurs de réduire le volumes des déchets à mettre en décharges contrôlées – à l’heure où celles-ci se font de plus en plus rares.

 

 

Avec l’EPFL, la Suisse et le canton de Vaud figurent parmi les leaders de la recherche mondiale sur ce matériau, et elle peut jouer un rôle central dans ce virage. Or, ces solutions sont trop peu utilisées dans la construction, et le recours au béton traditionnel semble malheureusement un « oreiller de paresse » pour de trop nombreux acteurs. Cela s’expliquerait par le poids des habitudes et des normes et par un conservatisme un peu trop prononcé des mandataires et des professionnels de la construction, sans doute nourris par la crainte de devoir assumer le risque de travailler avec de nouveaux matériaux. Enfin, le  poids des groupements d’intérêt représentés dans les commissions normatives, et qui freinent le référencement de ces nouveaux matériaux ne doit pas être négligé. La SIA développe heureusement certaines normes (SIA 112/1) qui jettent les bases de la construction durable, avec des recommandations pour la gestion des ressources.

 

Par ailleurs, notre parlement a adopté deux motions visant à mieux valoriser le bois local. La motion Yves Ferrari (16_MOT_103)[1] demande notamment de compléter le règlement d'application de la loi forestière, pour promouvoir le bois dans toutes les activités de l’Etat (construction, énergie, promotion économique).  La motion Yvan Pahud (19_MOT_073) [2] demande quant à elle de modifier la législation vaudoise pour que le bois soit privilégié dans les marchés publics.

 

La présente motion vient compléter ces mesures en étendant l’approche à d’autres types de matériaux durables et locaux pour favoriser l’émergence de solutions alternatives au béton traditionnel. Il s’agit aussi d’étendre l’application de ce principe à toutes les constructions, qu’elles soient portées par un acteur public ou privé. Nous proposons ainsi de modifier la loi sur l’aménagement du territoire et des constructions (LATC) pour que les projets de construction favorisent l’utilisation de matériaux de construction alternatifs et présentant un faible impact climatique et environnemental. Le Canton de Vaud et certaines communes ont déjà montré par le passé leur volonté de faire preuve d’exemplarité en privilégiant l’utilisation du bois. Il nous paraît important de généraliser cette approche à l’ensemble des projets de construction et en l’ouvrant à plusieurs types de matériaux.

 

Art. 90 Normes de construction

1 Le règlement cantonal fixe les normes applicables aux différents genres de constructions et de matériaux utilisés, en vue d'assurer la stabilité́, la solidité́ et la salubrité́ des constructions et de garantir la sécurité́ des habitants et celle des ouvriers pendant l'exécution des travaux. Il incite à l’utilisation de matériaux de construction à faible impact climatique et environnemental.Le droit fédéral est réservé.

 

 

[1]Motion Yves Ferrari et consorts - Sortons du bois pour valoriser nos ressources forestières (16_MOT_103) adoptée le 27 octobre 2017 par le Grand Conseil

[2] Pour une véritable promotion du bois comme unique matériau renouvelable (19_MOT_073), adoptée le 4 février 2020

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Hadrien BuclinEP
Muriel Cuendet SchmidtSOC
Marc VuilleumierEP
Claude-Alain GebhardV'L
Alice GenoudVER
Circé Barbezat-FuchsV'L
Sylvie PodioVER
Jean-Marc Nicolet
Olivier Epars
Anne Baehler Bech
Blaise VionnetV'L
Julien EggenbergerSOC
Didier LohriVER
Yves FerrariVER
Rebecca JolyVER
Céline MisiegoEP
Léonard Studer
Pierre ZwahlenVER
Andreas WüthrichV'L
Sabine Glauser KrugVER
Felix StürnerVER
David RaedlerVER
Taraneh AminianEP
Cendrine CachemailleSOC
Muriel ThalmannSOC
Nathalie JaccardVER
Vincent KellerEP

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Vassilis Venizelos —

Le béton est le matériau de construction le plus utilisé au monde. Or, la fabrication de ciment, qui est une composante essentielle du béton, a un impact majeur sur l’environnement, sur la biodiversité et sur les paysages. Sa production nécessite de grandes quantités de roche calcaire, comme en témoigne la carrière de Holcim, à Eclépens, qui dévore peu à peu la colline du Mormont. Cette activité est un bon exemple.

Le ciment fait partie des domaines où les attentes en matière de réduction des émissions de CO2 sont importantes. Cette activité est peut-être moins visible que le secteur des industries fossiles, par exemple, mais il fait clairement partie des grands émetteurs de CO2. A l’échelle mondiale, plus de 5 % des émissions globales de CO2 seraient induites par cette fabrication. Le béton présente pourtant de nombreux avantages ; c’est grâce au béton que les villes modernes ont pu se développer, il a contribué à améliorer la qualité de vie dans les quartiers et c’est un matériau solide dont la composition peut varier pour s’adapter à divers types de constructions. Le béton a aussi marqué un courant architectural incarné par Le Corbusier, qui a su valoriser de manière prodigieuse son caractère brut. On ne pourra s’en défaire de façon radicale.

Un monde sans béton n’est pas pour tout de suite, mais par contre, nous pouvons prendre des mesures pour limiter sa consommation ou réduire l’impact de sa production, en menant une réflexion de fond sur le choix des matériaux qui le composent. Il existe en effet plusieurs méthodes pour produire du béton et, en fonction des matériaux choisis, on peut adapter ses propriétés aux besoins de la construction. Il convient donc d’explorer en parallèle les alternatives au béton traditionnel et de les employer partout où cela est possible. On pense tout d’abord au bois, évidemment, une matière première abondante dans nos régions, avec un aspect carbone intéressant. Le bois est d’ailleurs revisité dans des constructions modernes et esthétiques. Même les gratte-ciel s’y mettent, comme le Brock Commons Tallwood House à Vancouver, une tour de 18 étages érigée sur 53 mètres de haut. D’autres alternatives existent encore, telles que le béton allié à des matériaux recyclés ou le béton végétalisé. Avec l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), la Suisse et le canton de Vaud figurent parmi les leaders de la recherche mondiale sur ce matériau et peuvent jouer un rôle central dans ce virage. Ces solutions sont malheureusement trop peu utilisées dans la construction et le recours au béton traditionnel semble être un oreiller de paresse pour de nombreux acteurs. C’est sans doute lié aux groupements d’intérêts représentés dans les commissions normatives, qui souvent ont tendance à freiner le référencement de ces nouveaux matériaux.

Plusieurs interventions au Grand Conseil ont été faites, ces derniers temps, pour valoriser le bois dans les projets de construction publics. La présente motion vient compléter ces mesures en étendant l’approche à d’autres types de matériaux durables et locaux, pour favoriser l’émergence de solutions alternatives au béton traditionnel. Dans le même temps, il s’agit aussi d’étendre l’application de ce principe à toutes les constructions, qu’elles soient portées par un acteur public ou privé. C’est la raison pour laquelle, au nom du groupe des Verts, j’ai l’honneur de déposer cette motion qui propose une modification de la Loi sur l’aménagement du territoire et les constructions, à son article 90 « Normes des constructions », pour que les projets de construction favorisent l’utilisation de matériaux de construction alternatifs ayant un faible impact climatique et environnemental.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La motion, cosignée par au moins 20 députés, est renvoyée à l’examen d’une commission.

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