Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 6 juin 2023, point 8 de l'ordre du jour

Texte déposé

Être un-e jeune proche aidant-e, ne consiste pas à rendre un service ponctuel à ses parents en allant, par exemple :faire une course, donner un coup de main lors d’une grippe ou autre maladie passagère mais est un véritable statut. En effet, le temps consacré à aider, seconder un-e proche est estimé à plus de 10h hebdomadaire.

Ces enfants, adolescents, jeunes adultes de moins de 25 ans s’occupent d’un-e membre de leur famille qui doit s’en remettre à eux. Comme par exemple, dans le cas d’une famille allophone ou des parents qui n’ont pas les connaissances administratives pour répondre et faire face à leurs obligations. Ou lorsque un-e parent.e est atteint-e par une maladie physique (cancer, AVC, sclérose en plaques, etc.) ou lors de maladie mentale (une dépression, compulsion, peur). Cela peut être également dans des situations où les parents ont des troubles cognitifs (personnes ayant des difficultés à comprendre, à apprendre ou à planifier des informations compliquées) ou encore dans des cas de problèmes d’addiction d’un-e membre de la famille, assistance aux grands-parents et autres situations qui demandent une assistance permanente.

 

Selon une étude de la Haute École de Santé de Zurich (Careum) du programme « Young Carers »,8% des élèves de 10-15 ans sont des proches aidants. Ils accompagnent, aident aux activités de la vie quotidienne, aux soins de base, assurent une présence. Ils le font pour leurs parents, frères et sœurs et grands-parents.

Ils assument ainsi un grand nombre de responsabilités en participant par exemple aux soins, y compris la planification des médicaments et/ou des rendez-vous chez le médecin. Ils/elles portent assistance en aidant le-la proche aidé-e à s’habiller, à manger, à se déplacer, à se laver. Les enfants proches aidants apportent également du réconfort et du soutien. Ils-elles doivent souvent rassurer, encourager, consoler, ils-elles peuvent également s’occuper de la fratrie. Il n’est pas rare qu’ils-elles soient également sollicité-e-s pour assumer des tâches ménagères (repas, lessives, nettoyages, etc.) ou encore pour des tâches administratives. La pression et les attentes sur ces jeunes sont encore plus importantes dans les familles monoparentales.

 

Ces enfants sont confrontés à leurs angoisses, leurs peurs, à la culpabilité ainsi qu’à la honte et tabou d’avoir un-e parent-e avec des difficultés. Ils-elles développent de l’hypervigilance, de l’hypermaturité, petit à petit ils-elles s’oublient. Cela s’exprime dans leur vie privée, mais également dans leur vie scolaire et leur vie d’enfant. Ils-elles n’ont plus de vie sociale, s’éloignent de leurs camarades, ont de moins en moins de temps pour eux, pour vivre leur quotidien d’enfant, d’adolescent. Pour réaliser les diverses tâches et répondre aux attentes, ils-elles amputent le temps qui devrait être consacré à leurs études, pouvant mener à l’échec scolaire, à l’arrêt des études ou de l’apprentissage par épuisement.

 

Ce sont souvent des jeunes qui ont une faible estime d’eux-elles-mêmes, car, ils existent que parce que l’on a besoin d’elles et eux et non pour qui ils-elles sont réellement. A certaines étapes du développement de l’enfant cette focalisation sur les besoins du proche plutôt que sur les siens impacte durablement l’identité du jeune. C’est donc un enjeu de prévention. En outre, pour la plupart, ils dissimulent à leur entourage (professeur-e-s, camarades, ami-e-s) leur quotidien et les difficultés rencontrées par la famille par peur de ne pas être dans la norme. Ils-elles doivent faire face à une forme de solitude.

Très souvent, les familles n’ont pas conscience de ce que leur enfant porte et endure, et lorsqu’elles le réalisent, elles sont souvent tristes et démunies face à ce que vit leur enfant. On ne peut aider ces enfants sans aider les proches aidé.e.s (la dyade proche aidant-aidé est indissociable)

 

Diverses associations dans le Canton font un travail remarquable tant auprès des parents que des enfants, afin que chacun-e puisse trouver sa place et jouer son rôle, notamment pour que l’enfant puisse déculpabiliser, avoir des espaces à lui. Il est également essentiel de reconnaître les compétences qu’il-elle a développées.

Il est capital de valoriser l’enfant pour ce qu’il est et non pour ce qu’il fait. Il doit pouvoir exister pour lui-elle tout-e seul-e.

Pour que ces associations puissent agir auprès de ces jeunes et des familles et afin de pouvoir mettre en place diverses mesures pour aider la personne qui en a besoin ainsi que pour libérer de la pression sur les jeunes, il est important de pouvoir détecter au plus vite ces enfants, notamment pour effectuer une prévention des risques de développement psychique, d’épuisement, d’isolement et de décrochage scolaire.

L’école étant le lieu où il-elle passe le plus de temps hors du milieu familial, il est ainsi essentiel que les enseignant-e-s soient sensibilisé-e-s déjà au primaire et qu’ils-elles puissent avoir accès à l’information concernant cette problématique afin de mieux l’appréhender. Cela peut être fait, entre autres, en favorisant une meilleure transversalité entre les divers services concernés et les associations afin que les professionnel-les puissent connaître les ressources et leviers qui peuvent être actionnés.

 

Ainsi, le présent postulat demande au Conseil d’État d’étudier les possibilités de :

 

  • Faire connaître et reconnaître le statut de jeune proche aidant-e
  • Impliquer et sensibiliser les enseignant-e-s, les professionnel-le-s de la santé et de l’enfance et celles et ceux qui œuvrent autour des enfants sur cette problématique.
  • Permettre aux services transverses de disposer de moyens pour informer les enseignant.e.s  professionnel-le-s de la santé et de l’enfance pour favoriser une intervention rapide en cas de doute ?
  • Faire mieux connaître cette problématique à des fins de prévention par exemple lors de la journée des proches aidants, notamment auprès des ensignant-e-s, des élèves et des professionnel-le-s de l’enfance.
  • Développer une sensibilisation et une communication destinée aux jeunes, car le terme « proche-aidant » ne leur permet pas de s’identifier
  • Communiquer sur les associations actives auprès des enfants et jeunes proches aidant-e-s et de mieux faire connaître leurs actions et travail.
  • Promouvoir une rencontre pluridisciplinaire annuelle pour favoriser les collaborations entre les représentant-es des communes, de l’enseignement (y.c. spécialisé), de la promotion et de la santé à l’école, de l’orientation et les associations actives dans le soutien aux proches aidants pour favoriser la réalisation de projets de proximité adaptés aux besoins spécifique de la région.

 

 

Références :

https://www.young-carers.ch/pour-jeunes-aidantes

https://www.pro-xy.ch/prestations

https://www.astrame.ch

http://www.espaceproches.ch

 

 

Témoignages :

https://www.young-carers.ch/que-dissent-les-autres-jeunes-aidantes

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Martine GerberVER
Hadrien BuclinEP
Claude Nicole GrinVER
Alberto MocchiVER
Didier LohriVER
Céline MisiegoEP
Sabine Glauser KrugVER
Felix StürnerVER
Yolanda Müller ChablozVER
Céline BauxUDC
Cédric RotenSOC
Sandra PasquierSOC
Sylvie PodioVER
Yannick MauryVER
Oscar CherbuinV'L
Pierre FonjallazVER
Kilian DugganVER
Claire Attinger DoepperSOC
Pierre WahlenVER
Nathalie VezVER
Théophile SchenkerVER
Julien EggenbergerSOC
Vincent BonvinVER
Denis CorbozSOC
David RaedlerVER
Alexandre DémétriadèsSOC
Muriel ThalmannSOC
Alice GenoudVER
Jean-Louis RadiceV'L
Graziella SchallerV'L
Joëlle MinacciEP
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Laurent BalsigerSOC
Cendrine CachemailleSOC
Valérie ZoncaVER

Document

23_POS_47-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Nathalie Jaccard (VER) —

Je commence par le chiffre de 50’000 : c’est le nombre des enfants entre 10 et 15 ans, en Suisse – soit près de 8 % – qui sont des jeunes proches aidants. Ces chiffres sont issus d’une étude de Careum Hochschule « Qu’est-ce qu’un jeune enfant aidant ? » Vous pouvez aussi trouver des extraits de témoignages sur le site www.young-carers.ch/que-disent-les-autres-jeunes-aidantes. « Je n’ai jamais mentionné que j’étais mal à l’aise et exprimé mes souffrances parce que je pensais que cela allait créer beaucoup plus de dommages. Et finalement, j’ai fait une enfance où l’on m’a complètement ignoré. » Ou : « C’est mon devoir d’aller dans cet hôpital psychiatrique rendre visite à ma mère. Il est impensable pour moi de me dire, alors que ma mère est dans cette prison médicalisée, que je peux aller jouer au basket, que je peux voir des amis, que je peux rigoler et que je peux sourire, ou que je peux être tout simplement un enfant de 13 ans qui s’occupe de ses petits problèmes. Impossible ! Je trahirais ma mère et je deviendrais le même que tout le monde autour d’elle. Je serais contre elle et l’abandonnerais à son triste sort. Je dois être pour elle et donc je ne peux pas être là pour moi. »

Comme le démontrent ces témoignages, ces enfants sont confrontés à leur angoisse, à leur peur, à la culpabilité ainsi qu’à la honte et au tabou d’avoir un parent ayant des difficultés. Car si, pour les adultes, être proche aidant représente une charge de travail et une énorme charge mentale, pour les enfants et les jeunes, c’est encore plus vrai. Pour répondre aux besoins de leurs proches et leur venir en aide, ces jeunes se mettent au service de leur famille. Ils consacrent tout leur temps pour aider, accompagner, encadrer, consoler et seconder la personne malade ou en demande d’aide, ce qui les éloigne de toute vie sociale et ainsi ne leur permet plus de vivre avec l’insouciance de leur âge. Elles et ils existent parce que l’on a besoin d’elles et d’eux, et non pas pour ce qu’elles et ils sont réellement. Leurs compétences ne sont pas reconnues ni valorisées, provoquant très souvent une faible estime d’elles ou d’eux-mêmes. A certaines étapes du développement de l’enfant, cette focalisation sur les besoins du proche plutôt que sur les siens impacte durablement l’identité du jeune. De plus, le temps qu’ils consacrent à leur mission de proche aidant est pris aux dépens de leurs études ou du temps qu’ils devraient consacrer aux loisirs, au repos ou à la détente. Diverses associations, dans le canton, font un travail remarquable – tant auprès des parents qu’auprès des enfants – mais pour qu’elles puissent agir tant auprès des jeunes que des familles afin de mettre en place des mesures pour aider la personne qui en a besoin et libérer les jeunes de la pression, il est important de pouvoir détecter au plus vite ces enfants pour effectuer une prévention des risques pour le développement psychique, d’épuisement, d’isolement et de décrochage scolaire.

Dès lors, le présent postulat demande, entre autres, au Conseil d’Etat diverses mesures pour mieux faire connaître et reconnaître le statut des jeunes proches aidants et également faire connaître l’action des associations actives autour de cette problématique afin de favoriser la prévention et le développement d’une sensibilisation et d’une communication destinée aux jeunes, car le terme de proche aidant ne permet pas à ces derniers de s’identifier. Et parce que l’école est le lieu où ils et elles passent le plus de temps hors du milieu familial, il est essentiel que les enseignants et les professionnels qui gravitent autour de l’enfance soient sensibilisés à la problématique dès le niveau primaire. Je vous remercie de votre intérêt pour ce thème et me réjouis d’en débattre avec vous lors d’une prochaine commission.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

Le postulat, cosigné par au moins 20 membres, est renvoyé à l’examen d’une commission.

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