Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 26 mars 2024, point 13 de l'ordre du jour

Documents

Texte adopté par CE - EMPL art.15 LPrPNP - publié

Rapport de minorité de la commission - RC 23_LEG_236 - Grégory.Bovay

Rapport de majorité de la commission - RC 23_LEG_236 - Alberto.Mocchi

Tableau comparatif 23_LEG_236 (LDrPNP)

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Alberto Mocchi (VER) — Rapporteur-trice de majorité

La commission s'est réunie le vendredi 9 février 2024, à la salle de la Cité. Elle était composée de Mmes Aude Billard, Alice Genoud, Joëlle Minacci qui remplaçait Mathilde Marendaz, Carole Schelker, ainsi que de MM. Laurent Balsiger, Loïc Bardet, Grégory Bovay, Pierre Fonjallaz, Sébastien Humbert, Pierre-André Pernoud, Pierre-André Romanens, Alexandre Rydlo, Maurice Treboux, moi-même et M. Nicolas Sutter, président. M. Venizelos était accompagné de M. Beuchat, directeur de la Direction des ressources et du patrimoine naturels (DIRNA), ainsi que de Mme Catherine Strehler Perrin de la Division biodiversité et paysage. Les notes de séance ont été prises par M. Cédric Aeschlimann, secrétaire de commission, que je remercie ici pour son travail.

M. le Conseiller d’Etat a indiqué que l’exposé des motifs et projet de loi reprenait ce qui avait été annoncé lors de la séance plénière, avec une proposition intégrant les préoccupations du motionnaire, à savoir un allégement de la procédure pour les demandes de dérogation à la conservation du patrimoine arboré. Il s’agit notamment de faciliter la procédure en cas de danger imminent et direct. Un nouvel alinéa 4 précise qu’une autorisation peut être octroyée sans mise à l’enquête. Pour le reste, à la demande du motionnaire et d’un certain nombre de communes, la publication dans la Feuille des avis officiels (FAO) sera désormais réservée pour les arbres remarquables, et pour les projets de construction, avec une procédure qui existe déjà dans le cadre de la Loi cantonale sur l’aménagement du territoire et des constructions (LATC). M. le conseiller d’Etat a également fait état des travaux en lien avec le règlement d’application de la Loi sur la protection du patrimoine naturel et paysager (LPrPNP), en cours de discussion au niveau du Conseil d’Etat, et qui devrait reprendre et préciser les points principaux de la loi, sans aller plus loin que l’esprit de cette dernière.

Lors de la discussion générale, un commissaire a formulé son étonnement quant au fait de voir rouvrir un chantier législatif juste derrière l’adoption d’une loi. La discussion s’est ensuite portée sur l’article 15, alinéa 4, qui prévoit des possibilités d’abattage sans mise à l’enquête en cas de danger. Il a été demandé quelles sont les circonstances qui le permettent et quelle autorité peut décider d’un cas de force majeure qui autoriserait un abattage rapidement. Plusieurs commissaires ont fait état de risques relatifs à des coupes abusives, et à la nécessité de veiller à ce que ladite décision soit validée par un expert ou une experte, comme un garde forestier. Selon eux, une mise à l’enquête rétroactive devrait également être systématiquement exigée, afin de garder une trace écrite de la coupe, et des compensations demandées. D’autres commissaires ont au contraire estimé que le personnel communal avait généralement les compétences nécessaires pour déterminer le degré de dangerosité d’un arbre, et qu’il n’était pas nécessaire d’alourdir le système avec des expertises externes.

Des commissaires se sont enquis de la taille et de la circonférence des arbres qui devaient nécessiter une autorisation pour leur abattage, et ont demandé qu’un chiffre apparaisse à cet égard dans la loi. Il leur a été indiqué que l’exposé des motifs et projet de loi traité par la commission était une réponse à la motion, et que la notion de circonférence ou de diamètre figurerait dans le règlement. Il a par ailleurs été rappelé que le motionnaire s’était engagé à ne pas aller au-delà de la demande formulée dans le texte de sa motion, et que trop détricoter le projet risquerait de générer des tensions inutiles. Un commissaire s’est étonné de la mention dans le texte de loi à un encouragement aux communes à publier les demandes d’abattage sur leur site internet, cela étant jugé incompatible avec l’autonomie communale. D’autres ont au contraire estimé que cela allait dans le sens d’une meilleure information de la population.

Aucune remarque particulière n'a été formulée lors de l'examen point par point, les différentes questions et prises de position ayant été formulées lors de la discussion générale. Il y a eu un certain nombre d'amendements que nous allons traiter. Au vote, par 8 voix contre 6 et 1 abstention, la commission recommande au Grand Conseil l'entrée en matière sur ce projet de loi.

M. Grégory Bovay (PLR) — Rapporteur-trice de minorité

Je remercie mon collègue Mocchi pour le résumé des positions que je rappellerai d'une manière assez succincte dans ce rapport de minorité. Pour rappel, cette motion vise à ne plus obliger les communes à publier dans la FAO, sauf pour les arbres remarquables et les projets de construction. L’exposé des motifs et projet de loi qui nous a été présenté répondait effectivement favorablement au motionnaire, notamment en facilitant la procédure en cas de danger imminent et direct. Comme cela a été rappelé par mon collègue, un nouvel alinéa 4 précise qu'une autorisation peut être octroyée sans mise à l'enquête. Le projet prévoit que la publication dans la FAO sera désormais réservée pour les arbres remarquables et pour les projets de construction avec une procédure existant déjà dans le cadre de la LATC.

A l'instar du motionnaire, la minorité remercie le Conseil d'Etat pour cette réponse rapide à la motion. La modification proposée laisse une marge de manœuvre bienvenue. Toutefois, elle trouve regrettable que le règlement de la loi ne soit toujours pas disponible et souligne le fait que 300 communes sont dans l'attente. La minorité trouverait en effet utile de connaître quels arbres ne seraient pas soumis à l'obligation de mise à l'enquête. A cet égard, un chiffre devrait néanmoins apparaître dans la loi et non pas dans le règlement, comme la notion de circonférence ou de diamètre. Sur ce point, le règlement de la Loi sur la protection du patrimoine naturel et des paysagers est actuellement en discussion au niveau du Conseil d'Etat. Le chef de département a précisé que 25 cm de circonférence correspondent à un diamètre de 8 cm, soit un chêne de 15 à 20 ans ; cela pourrait peut-être donner une idée du maxima sans pour autant en avoir les certitudes. Le dispositif sera en effet adopté au retour du terrain et à la réalité observée avec les spécialistes.

Concernant l’alinéa 3ter, la minorité estime que le texte tel que rédigé par le Conseil d'Etat va à l'encontre de l'autonomie des communes. Pour la minorité, les communes sont libres de publier du contenu sur internet ou pas et, légalement, seul le pilier public est valable pour une mise à l'enquête. Pour ces raisons, la minorité de la commission avait proposé un amendement qui visait purement et simplement à supprimer la seconde partie de l’alinéa 3ter, c'est-à-dire « l'Etat encourage les communes à la publier également sur leur propre site internet ». Par conséquent, l'amendement qui a été adopté par la majorité va plus loin et impose aux communes de publier la demande de dérogation. Il s’agit purement et simplement d’une violation de l'autonomie communale.

Au sujet des possibilités de dérogation d'abattage sans mise à l'enquête en cas de force majeure, la minorité ne partage pas les inquiétudes de la majorité. Pour les commissaires de la minorité, la commune a l'historique de la gestion de son patrimoine arboré dont elle est responsable. Par ailleurs, l'application de la loi est de la responsabilité de l'autorité communale. Ainsi, une commune qui abattrait un arbre qui ne constitue pas un danger imminent et direct ne respecterait pas la loi. Aussi, il est de la responsabilité de l'autorité communale de s'assurer que la compensation a été effectuée et que l'article 16 de la loi a été appliqué.

Enfin, concernant le danger, un arbre qui menace ou est en train de tomber ne fait pas de doute quant à la rapidité de l'intervention. Dans le cas d'un arbre malade, des experts établissent un rapport et ensuite une décision est prise pour l'enlever, si on ne veut pas le sauver. Quoi qu'il en soit, l'autorisation de la municipalité suffit largement. Au surplus, les commissaires de la minorité ne voient pas la nécessité d'une enquête rétroactive. L'obligation pour la commune de faire venir un expert pour évaluer la mise en danger imminente est contre-intuitive par rapport à la notion d'urgence et serait donc disproportionnée.

En conclusion, la minorité salue la célérité dont a fait preuve le Conseil d'Etat pour répondre à la motion. Cependant, le rapport du Conseil d'Etat ne convainc pas parfaitement la minorité de la commission, notamment en raison de l'absence prolongée de règlements qui a pourtant une influence notable pour les communes de notre canton dans la mise en œuvre de la politique du patrimoine arboré. Surtout – et c'est le point le plus important – la minorité ne peut pas soutenir le texte de loi tel qu'amendé, étant entendu que, de son point de vue, l'autonomie communale est atteinte. En définitive, les amendements adoptés par la majorité dénaturent quelque peu l’exposé des motifs et projet de loi. Alors que le motionnaire demandait une simplification des procédures, le texte tel que soumis à ce plénum vient alourdir les procédures, et c'est très regrettable. C'est pour cette raison, et non sans regret, que la minorité de la commission recommande au Grand Conseil de ne pas adopter ce projet de loi tel qu'amendé et de ne pas entrer en matière. Enfin, par 9 voix et 6 abstentions, la commission recommande au Grand Conseil d'accepter le rapport du Conseil d'Etat.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.

M. Nicolas Suter (PLR) —

Le rapport de minorité prône un retour à la réponse du Conseil d'Etat à la motion Monod, ainsi qu'un refus d'entrer en matière. Les sept rapporteurs de minorité ont voulu signifier leur écœurement face à ce qui peut s'apparenter à un acte de flibusterie parlementaire. En effet, effectuons un petit retour en arrière : dans l'attente du règlement d'application de la LPrPNP, de nombreuses municipalités expriment leur incompréhension face aux lourdeurs administratives générées par l'article 15, en particulier l'obligation de publier dans la FAO toute demande de dérogation.

La motion Monod, déposée le 21 novembre 2023, avec les signatures de 26 députées et députés, puis renvoyée directement la semaine suivante au Conseil d'Etat, demande uniquement la suppression de la publication dans la FAO des demandes de dérogation. Ce texte est le fruit d'un consensus justifié par l'urgence de légiférer et la volonté de ne pas rouvrir un dossier traité il y a peu. Le Conseil d'Etat y répond sans délai. La commission met cet objet rapidement à l'ordre du jour. L'exposé des motifs et projet de loi du Conseil d'Etat répond exactement à la motion que le Grand Conseil lui a renvoyée. Si, de part et d'autre de cet hémicycle, nous avons toutes et tous encore de nombreuses questions en lien avec l'application de la LPrPNP, elles trouveront des réponses satisfaisantes – nous l'espérons – dans le règlement d'application de cette loi. Il semblait clair que l’exposé des motifs et projet de loi que nous traitons aujourd'hui n'était pas le terrain pour y planter toutes sortes de propositions exotiques, la motion et l’exposé des motifs et projet de loi traitant d'une question simple et unique : la publication dans la FAO des demandes de dérogation.

Malgré cette situation limpide, la majorité de la commission a profité de la réouverture de l'article pour y greffer plus de contraintes et d'administratif, par exemple, l'obligation de publier les mises à l'enquête sur le site internet de la commune, idée saugrenue à double titre. Premièrement, une grande partie des communes publie déjà les mises à l'enquête sur internet. Deuxièmement, cet amendement irait plus loin que les exigences actuelles pour la mise à l'enquête d'un nouveau collège de 18 classes et d'une salle de gym double, par exemple, ou en l'occurrence pour l'abattage d'un arbre remarquable. Vouloir traiter dans cette loi les détails de procédures de mise à l'enquête est une erreur. Prendre en otage cette motion et cet exposé des motifs pour alourdir la loi va à l'envers du bon sens. Ces amendements pourraient n'être que des chicaneries ajoutées pour alourdir une loi qui l'est déjà passablement.

En outre, l'amendement à l'article 15, alinéa 4, qui demande à l'autorité compétente de faire appel à une évaluation par un professionnel qualifié pour décider d'une situation de danger imminent est, au mieux, incompréhensible, au pire, de la méfiance déplacée. L'autorité compétente, la municipalité en l'occurrence, est une autorité élue et assermentée. Pour avoir été municipal, je peux vous dire que cette autorité prend plusieurs dizaines de décisions chaque semaine, des décisions d'amende d'ordre, de naturalisation, d'aménagement du territoire, d'investissement, de conclusion de contrat, d'embauche, etc. Croire que les municipalités prennent des décisions à la tête du citoyen sans peser l'ensemble des responsabilités engagées et des enjeux en présence serait mal connaître la réalité actuelle des municipalités. Chaque décision est aujourd'hui scrutée par les citoyens et nul besoin de rajouter encore une couche administrative à des procédures complexes.

Le groupe PLR sera partagé sur l'entrée en matière, déçu des travaux de commission, mais conscient de l'importance de légiférer sans délai pour que les communes soient fixées. Si l'entrée en matière est votée, le groupe soutiendra le retour complet à la proposition du Conseil d'Etat et refusera donc les trois amendements proposés par la majorité.

Mme Alice Genoud (VER) —

Avec ce débat, on rouvre en effet un chantier. Nous avons bien entendu que certaines personnes n'en étaient pas très heureuses, mais finalement, ce sont aussi les joies de la légistique. Nous sommes tous et toutes conscients qu'il faut aller assez vite. Tout le monde, notamment les communes, attend ce règlement, mais pour avoir un règlement, il faut une loi consolidée. Finalement, rajouter un peu d'émotion au débat après l'adoption permet d’avoir plus de délais ; c'est aussi quelque chose à prendre en compte. Je pense qu'on va revenir de façon plus précise sur les différents amendements, car les Vertes et les Verts les ont soutenus en commission et continueront à les soutenir.

Par ailleurs, j'ai un point de vue différent de M. Suter concernant la question des amendements. La loi permet d'être plus clair sur qui fait quoi, ce qui engendre plus de transparence. La question des arbres – et sûrement que nos élus et élus communaux s'en rendent compte tous les jours – est extrêmement importante pour les citoyens et citoyennes et cela peut aussi être des moments qui créent pas mal de tensions. Mettre en place une meilleure transparence permettra aux citoyens et citoyennes de mieux effectuer leur travail.

Pour la question des experts, nous y reviendrons par la suite. Lorsque nous en avons parlé en commission – nous en parlons désormais comme si c'était quelque chose d'énorme – nous envisagions de demander, par exemple, l'avis aux gardes forestiers, qui sont des experts sur le sujet. Nous ne parlions pas forcément de faire quelque chose de très grand. L'idée était d’avoir l'avis de quelqu'un qui puisse s'y connaître, parce qu'il y a des petites communes qui n’ont peut-être pas la possibilité d'avoir toujours quelqu'un sous la main qui s'y connaisse. Cela permet d'aller plus loin. Il faut donc voir ce projet comme un projet important pour notre canton, mais qui, finalement, est assez mesuré et permet de clarifier un peu les choses.

Enfin, je ne comprends pas très bien ce refus d'entrer en matière, parce que cela veut dire que le dossier doit repartir au Conseil d'Etat, que cela va prendre plus de temps, et qu’on va devoir attendre encore plus ce règlement. Or, nous avons besoin d'aller de l'avant. Je rappelle que cette loi a été adoptée à une forte majorité. On doit donc aller de l'avant sur cette question. Il ne faut plus revenir sur chaque détail, mais plutôt faire en sorte que les communes demandant des clarifications puissent les obtenir.

M. Pierre-André Pernoud (UDC) —

Le groupe UDC vous suggère d'entrer en matière sur ce projet de loi. En revanche, il vous recommande également de refuser tous les amendements à l'article 1, sous dérogation à l’alinéa 3ter et 4.

M. Laurent Balsiger (SOC) —

Le groupe socialiste vous invite à suivre les propositions du rapport de majorité. Ces propositions répondent à la demande de simplification, tout en précisant certains points qui le méritent, notamment sur la manière de procéder en cas d'urgence, avec l'avis d'un spécialiste qui nous paraît opportun. Quant à la communication, il nous paraît judicieux de la faciliter et de la rendre la plus accessible possible aux citoyens. Nous avons d’ailleurs encore parlé ce matin d'un postulat allant dans ce sens. Nous vous encourageons donc à soutenir ces améliorations.

M. Jerome De Benedictis (V'L) —

Permettez-moi en préambule de rappeler mes intérêts : je suis syndic de la commune d’Echandens. Le groupe vert’Libéral tient à remercier le conseiller d'Etat pour la rapidité du projet soumis. Je parle au nom de mon groupe, mais aussi en ma fonction de syndic. Il est vrai que les communes attendent impatiemment d'avoir une loi claire sur laquelle se baser, avec un règlement d'application leur permettant de modifier leur propre règlement sur les arbres et sur le traitement de ces derniers, afin d’avoir des bases claires et précises à opposer ou à discuter avec leurs habitants, mais aussi dans le cadre de procédures qui pourraient être lancées devant les instances judiciaires. Le groupe vert’Libéral vous recommande donc vivement, pour les raisons que j'ai citées, à entrer en matière sur ce projet. Il est urgent et primordial de modifier cette loi, de la voir entrer en vigueur et d’avoir un règlement d'application. Refuser d'entrer en matière serait une grave erreur.

Mme Joëlle Minacci (EP) —

J’ai participé aux séances de cette commission, en remplacement de ma collègue Mathilde Marendaz. En préambule, je souhaite rappeler l'esprit de la loi. Cette dernière a pour but de préserver et de promouvoir la qualité et la diversité du patrimoine naturel et paysager. En outre, dans un contexte d'urgence, de dérèglement climatique, d'effondrement de la biodiversité, dans un contexte où la préservation du parc arboré est nécessaire et non négociable, cette loi vise notamment à faire face aux changements environnementaux et climatiques, à prévenir, réduire et réparer les atteintes à la biodiversité, à garantir une infrastructure écologique, fonctionnelle et pérenne. Ce sont les fondements.

La motion Monod qui a été acceptée par le Grand Conseil contraint le Conseil d'Etat à retravailler cette loi, à peine entrée en vigueur, pour faciliter les procédures d'abattage d'arbres. On peut souligner ici la rapidité avec laquelle le Conseil d'Etat est revenu avec une proposition qui répondait aux demandes de cette motion. La majorité de la commission, dont je fais partie, a déposé des amendements parce que nous sommes inquiets face à cette facilitation de procédure qui risque de vider la loi de sa substance. Nous avons le sentiment que la minorité de la commission veut tout simplement avoir le moins de cadres possibles, sans jamais faire référence à la nécessité de préserver ce parc arboré. Non sans une certaine surprise, la minorité de la commission a souhaité aller un peu plus loin que ce qu'elle avait initialement demandé, en abordant le thème de la circonférence des arbres, qui doit figurer dans le futur règlement. Il lui a alors été rappelé, comme c'est écrit dans le rapport, qu'il avait été convenu de ne pas aller plus loin que la demande initiale du motionnaire. Or, nous avons ici le sentiment que la minorité de la commission a finalement voulu aller plus loin, avec le risque d'affaiblir cette loi qui est pourtant importante.

Lors des discussions en commission, les commissaires ont défendu le fait qu'il n'y avait pas de coupe abusive d'arbres dans les communes, que tout se passait très bien et qu'il ne fallait pas toucher à l'autonomie communale. D'autres commissaires ont amené des exemples concrets d'arbres abattus, alors qu'ils n'auraient pas dû l'être. Or, il est difficile de dire que toutes les coupes urgentes d'arbres sont bien faites ou pas, la réalité se trouvant un peu entre les deux. Des amendements ont donc été proposés afin de cadrer ces éléments. Si la commission dans son ensemble, y compris la majorité, était favorable à l'idée d'une facilitation des procédures, la majorité de la commission était d’avis qu’il était important de maintenir des garde-fous pour garantir l'esprit de la loi, qui est la préservation du parc arboré. Il faut donc trouver un équilibre pour répondre à ces deux aspects, c'est-à-dire à la fois avoir des procédures pas trop complexes et faciles à mettre en œuvre par les communes, mais aussi qui permettent de répondre à l'esprit de la loi. Je vous invite donc à entrer en matière et à voter les amendements déposés par la majorité.

M. Pierre-Alain Favrod (UDC) —

Je déclare mes intérêts : je suis municipal de ma commune et en charge des forêts et des arbres. Les communes ont fait ou font leur travail concernant l'élaboration du recensement des arbres remarquables ; elles connaissent leur territoire. Nous demandons des simplifications administratives et pas seulement pour l'agriculture. Les services nous compliquent sérieusement la vie, empiétant sur notre autonomie communale. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Il est grand temps de simplifier ces procédures et je vous recommande de soutenir le rapport de minorité de M. Grégory Bovay.

M. Loïc Bardet (PLR) —

Je déclare mes intérêts : je suis municipal dans une petite commune, celle qui doit justement se faire aider selon la majorité de la commission, alors même que dans ma commune, le municipal en charge des forêts est un agriculteur qui exploite lui-même la forêt et que l'employé communal est paysagiste. Ces personnes sont donc à même de juger de l'état sanitaire d'un arbre. J'ai plusieurs points sur lesquels je reviendrai lorsqu'on discutera des amendements. Cependant, je me permets de répondre à Mme Genoud et de lui rappeler certains points. La loi dont on discute a été adoptée par le Grand Conseil le 30 août 2022. Elle est entrée en vigueur au 1er juillet 2023. Quant à la motion Monod, elle a été déposée le 21 novembre 2023. Madame Genoud, ne dites dès lors pas que c'est à cause du PLR que le règlement n'est toujours pas sorti.

M. Vassilis Venizelos (CE22-27) — Conseiller-ère d’Etat

Je me permets de rappeler quelques éléments relatifs à l'adoption de cette loi. Cette loi sur le patrimoine arboré vise un certain nombre d'objectifs, notamment pour renforcer les réservoirs de biodiversité, mais aussi pour assurer une ventilation climatique naturelle. Il y a aussi un impact et un rôle en matière de qualité des paysages que l'on peut observer dans nos villages et dans nos villes. Quand on voit la difficulté de porter un projet de construction en milieu urbain, il est important pour les communes, mais aussi pour le canton, d'accompagner le développement de l'urbanisation vers l'intérieur par un renforcement du patrimoine arboré et un renforcement des espaces verts. C’est précisément pour cette raison que votre Parlement a adopté à l'unanimité, moins 2 abstentions – il y a bientôt de cela deux ans maintenant – cette loi sur la protection du patrimoine arboré. Dans la foulée, le Conseil d'Etat a pris ses responsabilités en établissant un règlement avec les différents partenaires, les communes, les associations de protection de l'environnement, les milieux agricoles, les préfets, bref l'ensemble des acteurs concernés par la mise en œuvre de cette loi, votée à l'unanimité par votre Parlement et discutée dans le cadre de la construction du règlement avec une commission consultative.

Le règlement était prêt et votre Parlement a décidé de rouvrir la loi. Vous comprendrez donc qu'il était difficile pour le Conseil d'Etat d'adopter un règlement, alors que votre Parlement souhaitait rouvrir la loi que vous aviez adoptée quelques mois auparavant. Nous avons donc travaillé extrêmement rapidement pour proposer au Grand Conseil cette modification ciblée. Nous avons eu des échanges très francs – et j’en remercie le député Monod – sur le champ ciblé par la motion. Le Conseil d'Etat est donc venu avec un projet de loi qui ciblait précisément les assouplissements, ce que je comprends et entends. J'ai des échanges chaque semaine avec les communes qui attendent effectivement ce règlement avec grande impatience et qui s'inquiètent du dispositif qui va être mis en place, de la lourdeur administrative que cela pourrait représenter.

Nous venons aujourd'hui avec une modification législative qui va permettre de répondre à ces préoccupations, mais surtout qui permettra, dans la foulée, au Conseil d'Etat d'adopter le règlement qui est attendu par les communes et les professionnels, pour que cette loi puisse déployer l'ensemble de ces moyens, que le dispositif puisse porter ses effets concrètement sur le territoire, et que les règles du jeu soient claires pour tout le monde. Nous avons aujourd'hui des situations où il y a des recours sur le territoire. Il est nécessaire de clarifier les règles du jeu, mais pour cela nous avons besoin d'une décision de votre Parlement sur cette modification. Encore une fois, le Conseil d'Etat en est resté à ce qui a été demandé par le Grand Conseil, et il vous invite à en rester à ce qui est proposé à travers le projet de loi qui vous est soumis, mais surtout à rechercher une voie d'apaisement. Encore une fois, les communes attendent que ce règlement puisse être adopté, et le Conseil d'Etat ne pourra pas l’adopter tant que vous ne vous serez pas prononcés sur ces modifications législatives.

J’appelle donc ce Parlement à un minimum d'apaisement et de sagesse sur ce dossier, et ce, dans l'intérêt de tout le monde. Le règlement est prêt et il va être discuté au Conseil d'Etat, sitôt que votre Parlement aura adopté cette modification législative. Si le texte devait être amendé, je vous invite à trouver un chemin pour éviter que l'on ouvre à nouveau la boîte de Pandore et que l'on entre dans un cycle infernal qui empêchera le Conseil d'Etat d'adopter ce règlement. Je vous remercie donc pour cette intervention parlementaire qui permet de cibler spécifiquement un problème qui a été identifié sur le terrain. Le Conseil d'Etat y répondra rapidement ; le règlement est prêt. J'invite ce Parlement à en rester au texte proposé par le Conseil d'Etat. Dans un monde idéal, ce dernier serait encore plus satisfait de la situation s'il pouvait y avoir deux débats aujourd'hui et une adoption par votre Parlement des modifications souhaitées à travers ce projet de loi.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

L’entrée en matière est admise par 108 voix contre 14 et 17 abstentions.

Il est passé à la discussion du projet de décret, article par article, en premier débat.

Article premier. –

Art. 15. –

M. Sébastien Humbert (V'L) —

Je commence par déclarer un intérêt – si c'en est un – comme municipal en charge du patrimoine arboré de ma commune. J'ai régulièrement l'occasion de devoir faire appliquer la loi en termes de mise à l'enquête des requêtes d'abattage et des plantations compensatoires proposées. Concernant la demande initiale de la motion Monod, lors du soutien à cette dernière, le groupe vert’libéral a indiqué durant la séance du 28 novembre 2023 : « il est impératif que les communes mettent toute requête d'abattage à l'enquête publique au niveau communal de manière transparente et en respectant l'esprit de la nouvelle loi ».

Les deux amendements qui découlent de cette intention sont la publication sur Internet et la mise à l'enquête, que ce soit lors d'un abattage normal ou en urgence. Concernant la publication sur Internet, l'intention de la mise à l'enquête tend à ce que les voisins – éventuellement les autres personnes concernées – puissent être informés de ce qui va se passer à côté de chez eux et éventuellement se prononcer sur la proposition. Qui se déplace régulièrement au pilier public pour voir si une mise à l'enquête concerne une parcelle voisine ? Ne pas mettre sur Internet une mise à l'enquête se résume d’une certaine façon à aller à l'encontre de l'intention même de la mise à l'enquête, c’est-à-dire au désir de transparence. Cette question de la publication sur Internet soulève la réflexion plus générale du besoin de transparence lors des mises à l'enquête. Considérant qu'il faut que nos lois atteignent leur but, dont l'importance de la transparence consiste aussi à s’adapter à l'évolution technologique de notre société, j'encourage le Conseil d'Etat, indépendamment de cet amendement, à présenter des propositions pour la généralisation de l'utilisation d'Internet dans les mises à l'enquête.

Maintenant, comme mentionné, concernant la mise à l'enquête ultérieure après un abattage d'urgence, l'intention de la mise à l'enquête lors d’une requête d’abattage vise à ce que les voisins puissent se prononcer sur ce qui va se passer à côté de chez eux. Une requête normale porte sur le caractère judicieux ou non de l’abattage d’un arbre, alors que pour une requête en urgence, l'arbre a été abattu, mais il reste toujours la question de la plantation compensatoire, ainsi que le lieu et l'essence. Certains voisins peuvent par exemple souffrir d’allergies causées par certaines espèces. Si votre voisin, comme plantation compensatoire, plante une essence qui vous cause une allergie, il est normal que le voisin puisse éventuellement discuter avec le propriétaire pour voir si un changement d’espèce est envisageable. Aussi, si la plantation compensatoire est juste devant votre fenêtre, peut-être que cela vaut la peine de discuter avec le voisin pour savoir si on peut déplacer l'arbre de 4 mètres. Cela ne changera rien à la biodiversité, mais apaisera les relations entre les voisins. De cela, il faut une trace écrite. En cas de plantation compensatoire – si elle est demandée par la municipalité sans mise à l'enquête ultérieure – lors d'un abattage d'urgence, où trouver la trace écrite pour savoir si, dans une année ou deux, l'esprit a été respecté ? C'est pourquoi je vous encourage à compléter la loi et à soutenir l'amendement présenté sur la mise à l'enquête ultérieure.

M. Alberto Mocchi (VER) — Rapporteur-trice de majorité

Concernant l'amendement à l’alinéa 3ter de l'article 15, j’aimerais simplement indiquer que la commission s'est prononcée favorablement à son endroit par 8 voix contre 7.

« Art. 15. – Al. 3ter : La demande de dérogation est publiée dans la Feuille des avis officiels du Canton de Vaud lorsqu'elle concerne un arbre remarquable ou lorsqu'elle est coordonnée avec une demande de permis de construire. Dans les autres cas, elle est affichée au pilier public communal et.L'Etat encourage les communes à la publier également sur leur propre site internet. »

« Art. 15. – Al 4 (1) : En présence d’un danger imminent et direct, évalué par un professionnel qualifié, qui menace la sécurité (…) »

« Art. 15. – Al 4 (2) : (…) ou dès la connaissance du danger,moyennant une mise à l’enquête ultérieure. L’article 16 est applicable pour le surplus. »

M. Jean-Rémy Chevalley (PLR) —

J'aimerais d'abord remercier le Conseil d'Etat pour la rapidité d'élaboration de ce nouveau texte qui s’inscrit parfaitement dans la ligne de la motion et qui vise à soulager le travail administratif des communes. Maintenant, à entendre les amendements proposés par la majorité… veuillez m’excuser, mais j'ai l'impression qu'on continue à marcher sur la tête ! Depuis plusieurs semaines déjà, on voit dans certaines communes des panneaux tournés à l'envers pour démontrer que le monde marche sur la tête. Eh bien, nous ne sommes pas prêts à les voir remis à l'endroit si nous acceptons ces amendements ! Pourquoi ? Par exemple, pour un frêne malade ; aujourd'hui, beaucoup le sont. Il est procédé à ce qu'on appelle des abattages sanitaires. Or, que se passe-t-il si l’on doit faire venir un spécialiste. D’abord, cela coûte entre 150 et 250 francs de l'heure. Ensuite, on demande une mise à l'enquête rétroactive. L'arbre a été abattu pour des raisons sanitaires, cependant il faut mettre à l'enquête. Avez-vous une idée de combien coûte une mise à l'enquête nantie d’une publication dans les journaux ? Ainsi, finalement, pour un frêne malade, 1000 francs de frais administratifs sont engagés. S'il vous plaît, reposons les pieds sur terre, retournons les panneaux dans le bon sens ! Je vous invite vivement à accepter la version claire et pertinente proposée par le Conseil d'Etat et à refuser ces amendements qui nous font marcher sur la tête.

Mme Alice Genoud (VER) —

Nous revenons sur les débats tenus en commission… et nous sommes aussi en train de peindre le diable sur la muraille, car les différents amendements sont à mon avis mesurés. Comme Mme Minacci l'a très bien indiqué, l'idée consiste aussi à cadrer cette loi qui a été votée presque à l'unanimité… avec 2 abstentions. Ces amendements permettent une clarification opportune ! Quand on parle d'expert, cela fut maintes fois répété, le principe souhaité est simple : clarifier ce qui ne l’était pas. On parle d'un-e garde forestier-ère.

Ainsi, ces trois amendements réunis visent à ce que le règlement soit plus clair pour tout le monde et que les communes gardent un contrôle sur ces arbres – de grands arbres, non de tous les arbres ni de chaque brindille. Au début du débat, nous avons notamment évoqué la question de la taille des arbres. Le règlement fixera ces aspects.

Forte de ces éléments, je vous invite à accepter ces amendements et la loi ainsi amendée qui représentent le meilleur moyen de s’assurer que les intérêts des communes et de la biodiversité soient réunis. Un message doit passer : nous avons besoin de ce règlement rapidement… je suis très contente d'entendre le conseiller d'Etat dire qu'il était déjà sur la table – la motion a quand même fait perdre quelques mois. Mais c'est sûrement reculer pour mieux sauter !

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Je viens d'apprendre que le règlement se trouve à 1 mètre de moi ! J'aimerais que nous présentions les différents amendements de la majorité de la commission pour que nous puissions nous concentrer sur les amendements en cours de discussion.

Mme Aude Billard (SOC) —

Je souhaite me prononcer sur l’alinéa 4 et l’amendement y relatif, la demande portant sur le professionnel qualifié pour de se déterminer sur l’abattage d’un arbre et le danger imminent qu’il peut représenter. Cet aspect me paraît totalement raisonnable. Il ne vise pas à remettre en question l’autorité des municipalités, puisque ce sont toujours ces dernières qui, en dernier lieu, restent maîtresses de la décision, c’est-à-dire de donner suite ou non à une demande d’abattage puis de l’approuver à la lecture de l’expertise. A cet égard, des garde-fous me semblent absolument nécessaires. La majorité des municipalités possèdent l’expertise nécessaire pour juger du besoin avéré d’un abattage, bien qu’on ne puisse garantir que ce soit toujours le cas, puisque les municipalités sont composées de citoyennes et de citoyens aux parcours divers et variés. Ce ne sont pas des professionnels d’un secteur ou de l’autre – là réside d’ailleurs la force de nos instances politiques – qui peuvent démontrer une expertise de tous les sujets. Ainsi, les municipalités s’appuient régulièrement sur des avis d’experts, car cela leur permet de prendre des décisions en toute connaissance de cause, mais aussi de mieux justifier leurs décisions auprès des concitoyens pour qu’elles soient mieux acceptées.

Concernant l’abattage d’un arbre, il est vraiment difficile de penser qu’il est donné à tout un chacun de déterminer si un arbre est malade ou fragilisé au point de demander un abattage. En effet, parfois il paraît malade mais une alternative peut être proposée comme l’étêtage. Or, seul quelqu’un qui possède les connaissances suffisantes peut déterminer la caractéristique d’un danger imminent. Nous avons choisi le terme de « professionnel qualifié » après un long débat – un aspect sur lequel nous nous sommes tous accordés. A l’évidence, le terme est vaste. On peut très bien imaginer que si un membre de la municipalité a acquis suffisamment d’expertise au cours d’années de pratique dans sa commune ou de son parcours professionnel hors municipalité, cette personne peut suppléer à la demande d’expertise.

En conclusion, cet alinéa vise simplement à prodiguer un garde-fou. Dans la majorité des cas, cette demande d’expertise d’un professionnel qualifié sera rapidement satisfaite par les personnes en présence. Je vous encourage par conséquent à suivre la majorité qui s’était exprimée par 10 voix favorables.

M. Charles Monod (PLR) —

J’aimerais remercier la célérité du Conseil d'Etat pour avoir rapidement répondu à ma demande de simplification de procédure. A l’instar des 300 communes de ce canton – et je déclare mes intérêts comme municipal – l’absence de règlement d’application pose des problèmes puisque nous ignorons comme traiter exactement les cas. Ayant déposé mon texte au mois de novembre, je ne considère pas être le responsable du retard de la publication dudit règlement d’application.

Je souhaite aussi revenir sur la proposition de modification de l’article 15. Pour moi, la proposition du Conseil d'Etat me convient parfaitement et je vous encourage à adopter cet article tel quel, une formulation simple et complète qui répond aux attentes des 300 communes de ce canton.

Mme Joëlle Minacci (EP) —

J’aimerais vous encourager à accepter les amendements proposés par la majorité de la commission et peut-être évoquer un peu plus précisément celui que j’ai suggéré et qui ajoutait la mention de « évalué par un professionnel qualifié ». Le problème inhérent à la version initiale de cet alinéa 4 réside dans le terme de « danger imminent et direct ». En effet, il s’agit de termes très subjectifs qui amènent le risque que des arbres soient abattus alors qu’ils ne le devraient pas, c’est-à-dire d’une décision prise dans l’urgence sans l’avis d’une personne au bénéfice d’une expertise. En commission, l’exemple parlant d’un grand cèdre dont la branche était tombée a été donné. Une décision d’abattage avait d’abord été émise mais sur laquelle la commune était finalement revenue grâce à l’avis d’un expert qui avait pu préciser qu’un abattage n’était pas nécessaire, qu’un élagage suffisait.

Initialement, j’avais proposé la formulation « d’expert habilité » mais qui s’est transformée en « évaluation par un professionnel qualifié ». Un choix validé par une assez large majorité, puisque 10 personnes contre 5 se sont prononcées favorablement. Le terme est très large. Ainsi, en fonction de la commune, il peut s’agir de personnes internes qui bénéficient d’une expertise. Et dans les toutes petites communes, le garde forestier, par exemple. Il s’agit d’une dénomination large pour permettre aux communes de l’appliquer selon leur configuration sans que cela complexifie la procédure : un garde-fou largement acceptable. En outre, une partie de la minorité de la commission a elle aussi accepté cet amendement.

M. Pierre-André Romanens (PLR) —

En préambule, j’aimerais revenir sur la loi adoptée par ce Parlement : la preuve que tous les partis sont attachés à la protection de tout ce qui touche à la flore, en particulier des arbres. Nous essayons de trouver une solution par rapport à l’application de cette loi qui complique la vie des municipalités – but poursuivi par la motion Monod. Il s’agirait d’en rester à cet aspect et non de s’en écarter. Or, en commission, ce fut le cas, et nous sommes allés trop loin. Par exemple, notamment concernant la publication sur le site Internet. Si vous consultez le pilier public sur le site Internet d’une commune de votre choix, vous observerez que le pilier public publie toutes les informations concernant les autorisations données par une municipalité entre autres choses. Un très grand nombre de communes s’y emploient. Or, nous voulons encore compliquer la vie des municipalités.

Quant à l’alinéa 4, je peine à comprendre l’expression de la suspicion quant à l’autorité de la commune. Je tiens à rappeler que cette dernière est composée d’élus qui forment un exécutif. Les membres de ce dernier – dont c’est le rôle – se penchent quotidiennement sur de multiples problématiques et sur le bien-fondé des demandes. En outre, un exécutif prête serment par les articles 9 et 62 de la Loi sur les communes (LC) qui stipulent : « Avant d'entrer en fonction, les membres de la municipalité prêtent le serment prescrit à l'article 9, auquel on ajoute :

- "Vous promettez également d'administrer avec fidélité et impartialité les biens communaux ; de ne jamais taire les contraventions aux lois, ordonnances et règlements de police qui pourraient venir à votre connaissance ; de nommer toujours le plus éclairé et le plus propre à l'emploi dont il s'agira ; enfin de n'excéder jamais les attributions qui vous sont confiées." »  

S’agit-il vraiment de remettre en question cela ? Je ne le crois pas.

Quant à la question de la rétroactivité de l’enquête publique, il s’agit d’arbres malades ou morts qui menacent de tomber ou de causer des problèmes à autrui et dont les propriétaires ont la responsabilité. L’arbre est mort ? Je dois l’enlever et si possible le remplacer à l’endroit même où l’ancien se trouvait ou le déplacer. Or, nous discutons ici d’une mise à l’enquête rétroactive. Diable ! A quoi cela sert-il ? Si votre voisin s’intéresse à vos arbres, il ne manquera pas de remarquer que vous en avez enlevé un et que vous allez sans doute le remplacer. Dans le canton de Vaud, cela porte un nom : le bon voisinage. Sommes-nous en train de perdre l’usage de cette pratique ? Il me semble qu’on peut se parler entre voisins ! Je citerai encore le Code rural qui impose des distances aux limites et des règles par rapport à la plantation d’un arbre sur votre propriété. Le voisin doit-il savoir ce que je plante ? Il ne me semble pas. Il me semble bien que M. Chevalley a raison : nous marchons sur la tête sans chaussures !

Enfin, j’aimerais encore évoquer certaines pratiques et vous lire un extrait d’une enquête publique parue dans une commune : « Enquête publique : abattage d’arbres classés par le diamètre du tronc. Désignation et taille de l’arbre : un saule pleureur. Situation : coordonnées moyennes, propriétaire, mandataire, plantation compensatoire à définir. Durée de l’enquête : mi-mars / mi-avril 2024. Préavis municipal : favorable. Motif : l’arbre est mort. »

J’ignore si nous allons passer sur TF1, mais cela commence à me sembler comique.

En conclusion, il nous faut rester au texte du Conseil d'Etat qui convient très bien. Il faut cesser de se compliquer l’existence, demeurer dans des règles de bon voisinage et de bons sens comme les Vaudois savent le faire.

M. Alberto Mocchi (VER) — Rapporteur-trice de majorité

Je me permets de présenter quelques arguments évoqués pendant la séance de commission concernant cet article. La question de l’incompétence ou d’une volonté de nuire des autorités communales n’a bien entendu pas été évoquée – il n’a jamais été question de cela ; bien au contraire. J’en profite pour déclarer mes intérêts, étant moi-même syndic d’une petite commune vaudoise. La majorité de la commission a mis en avant les risques éventuels d’erreur concernant des demandes d’abattage d’arbres et le besoin d’une expertise forte de personnes du milieu. Dans certaines communes, cela peut se faire par le biais des employés communaux qui bénéficient des compétences y relatives. Or, dans d’autres communes, cela n’est pas forcément possible. Ainsi, pour être sûr qu’un arbre doit effectivement être abattu – le but de cette loi consiste à protéger le patrimoine arboré de nos communes – recourir à un ou une professionnel-le reste la meilleure manière de s’en assurer. Enfin, je le répète, les discussions n’ont jamais été orientées dans l’esprit d’une remise en question des compétences ou de la probité de nos autorités communales.

Pour ce qui a trait à la rétroactivité des mises à l’enquête pour des arbres qui auraient été abattus rapidement, il s’agit d’une question de suivi et de trace de ces abattages. En outre, tout abattage doit faire l’objet de compensation et, s’il n’y a pas de trace administrative de cet abattage – car effectué sans mise à l’enquête – il est plus compliqué d’ensuite pouvoir procéder à ces compensations.

Enfin, quant à la publication sur Internet, les arguments mis en avant par la majorité de la commission étaient clairement liés au principe d’une information large de la population et non d’une volonté de délation ou de conflit de voisinage.

M. Grégory Bovay (PLR) — Rapporteur-trice de minorité

Je souhaite revenir sur l’alinéa 4 et sur la notion de « en présence d’un danger imminent et direct ». J’aimerais imager cette définition.

*insérer image.

J’ai reçu cette photo via un bureau technique intercommunal. La photo représente un arbre dangereux. Comme vous pouvez l’observer, il se déracine et ne tient debout que par la présence des autres arbres. Dans ce cas, la question ne se pose pas : il faut l’abattre sans attendre que ne survienne un accident. A cet égard, dans la proximité d’une gare d’une ville de la Riviera, il n’y a pas longtemps, un arbre est tombé et a blessé une personne. Dans ce cas, la commune s’était prononcée pour l’abattage mais une bisbille s’est tenue sur son maintien entre les autorités communales et un certain nombre de citoyens.

Dès lors, face à une situation tout à fait exceptionnelle où la sécurité de nos citoyens est en jeu, il est plus judicieux de commander des travaux immédiatement pour ne pas perdre de temps en essayant de trouver un professionnel qui serait peut-être disponible. Si le principe porte en effet – ce que ma collègue Minacci a rappelé – sur la protection du patrimoine naturel et paysager, il est ici question de dérogation qui permet de s’écarter exceptionnellement du principe dans un état de nécessité.

Je vous recommande de soutenir la version du Conseil d'Etat.

M. Pierre-Alain Favrod (UDC) —

Les explications de M. Humbert éloignent le principe de simplification…Madame Minacci, lorsqu’il s’agit de décider si un arbre doit être ou non abattu, nous travaillons toujours en collaboration avec le garde-forestier, ce afin d’être dûment informés et conseillés. Ainsi, rien ne sert de l’inscrire dans la loi. Pour ma part, je refuserai ces amendements et conserverai la version du Conseil d'Etat.

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

Si certaines communes ont la chance d’avoir des municipaux spécialistes des arbres comme dans la commune de M. Bardet, ce n’est pas le cas de toutes. J’aimerais revenir sur l’importance de consulter un spécialiste afin d’obtenir l’évaluation d’un expert habilité. J’aimerais prendre le cas d’un magnifique hêtre rouge presque centenaire qui a été attaqué aux racines par un champignon. Le paysagiste consulté en guise de premier expert a préconisé un test de traction. Le second avis, celui de l’arboriculteur, a montré que la présence de ce champignon était très localisée et qu’elle n’affaiblissait que peu l’arbre et qu’un test de traction n’était pas du tout indiqué. L’expert a proposé d’infiltrer un autre champignon qui vit en symbiose avec les arbres afin de le fortifier. Cet exemple montre l’importance de consulter un arboriculteur et que les connaissances d’un paysagiste ou d’un agriculteur ont parfois leurs limites. Je vous invite par conséquent à soutenir les amendements qui préconisent l’évaluation par un expert habilité.  

Mme Chantal Weidmann Yenny (PLR) —

Je déclare mes intérêts comme syndique d’une commune de 3400 habitants. En principe, une loi émet des principes généraux. Mes collègues ont mentionné plusieurs fois la nécessité du garde-fou. Selon moi, les garde-fous se trouvent généralement dans les règlements. Vous comprendrez donc aisément que je ne suis guère favorable aux amendements proposés. La version du Conseil d'Etat permet d’établir ces principes généraux, notamment en encourageant les communes à publier sur Internet sans forcément les y obliger. En ce qui concerne la mise à l’enquête rétroactive, vous oubliez que même sans mise à l’enquête, il existe une annonce de travaux, une demande d’autorisation auprès des autorités exécutives des communes, une nécessité de décision et une correspondance existe entre les autorités et le citoyen. Vous ne remettez ainsi pas seulement en cause les autorités exécutives mais aussi législatives. En effet, il existe des commissions de surveillance qui peuvent se saisir de l’évaluation des procédures. Quant à l’exemple cité par Mme Minacci concernant le grand cèdre, il s’agit sans doute d’un arbre remarquable pour quel cas la procédure est complètement différente.

Il faut encore savoir que les autorités exécutives ne sont pas les seules responsables ; le citoyen l’est aussi. Le responsable de la demande d’abattage d’un arbre doit lui aussi se conformer à la loi et au règlement, un règlement que nous attendons en effet avec impatience. Le citoyen peut aussi demander l’avis d’un expert pour pouvoir justifier sa demande auprès d’une autorité communale. Telle est la pratique en cours dans ma commune.

Mme Alice Genoud (VER) —

J’aimerais ajouter sur la question des experts et relativement à la photo montrée par M. Bovay qu’il y a des experts et expertes qui peuvent procéder à un constat dans un délai extrêmement court. Dans la majorité, il s’agit plutôt de cas dans lesquels la personne suspecte que son arbre a un problème et doit le faire abattre. Plus avant, nous parlions de responsabilités. Il s’agira de celle de la commune et du municipal de s’assurer que l’arbre en question est bel et bien malade et que n’existe nulle autre volonté relative à cet abattage. L’aide d’un expert me paraît être bénéfique pour les communes. Il ne s’agit pas d’une création ex nihilo. Je ne vois vraiment pas en quoi cette pratique serait une attaque contre les communes. Lorsque les différents aspects sont clarifiés, la situation devient plus évidente pour tout le monde, d’où la nécessité d’un règlement.

M. Loïc Bardet (PLR) —

A ce jour, les communes sont déjà autorisées à demander l’avis d’un expert en cas de doute. Par conséquent, il est superflu de l’inscrire dans la loi. Je remercie Mme Thalmann pour sa franchise. Sa prise de position démontre que pour son camp la reconnaissance des compétences communales sera extrêmement compliquée, voire carrément impossible. Une véritable usine à gaz sera créée pour certifier des municipaux ou des employés communaux. Il sera préférable d’utiliser une expertise externe qui coûtera de l’argent. Par conséquent, il faut refuser cet amendement. En tant que Grand Conseil, il faudrait également que nous prenions le temps d’évaluer les résultats concrets de ce qui est ressorti des travaux de commission. Si nous suivons tous les amendements de la majorité, cela créera plus de chicaneries pour abattre un arbre malade qu’un arbre remarquable. Pour toutes ces raisons, je vous invite à suivre la minorité de la commission.

Mme Laure Jaton (SOC) —

Je rappelle mes intérêts comme membre d’une municipalité. J’ai bien regardé la photo affichée et aussi entendu certains propos quelque peu alarmistes. Notre ordre juridique connaît les mesures provisionnelles, très provisionnelles, voire super provisionnelles qui permettent à l’autorité d’agir en cas de danger imminent. Ainsi, si un arbre menace réellement de tomber sur une place de jeu ou une école, par exemple après une tempête, la commune va pouvoir agir sans attendre, il n’y aura pas besoin de mettre en branle la procédure liée à une expertise. Tout existe déjà dans notre ordre juridique. Je m’interroge aussi sur les propos de certains députés concernant l’action des municipalités – tout en rappelant que j’en suis. Les autorités œuvrent – ou en tous les cas le pensent – toujours dans le respect du droit. Or, nous ne sommes pas toutes et tous des experts juristes dans tous les domaines, et il nous arrive de nous tromper ou ne pas tenir compte des intérêts des uns et des autres de façon équilibrée. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il existe des droits de recours. Si tout était si beau dans ce monde merveilleux, les tribunaux n’existeraient pas. Si nous lisons la jurisprudence de la Cour de droit administratif et public (CDAP), on réalise que parfois les municipalités se trompent. De façon personnelle, en tant que municipale, je n’ai pas honte de dire que parfois je me trompe. Je validerai par conséquent les amendements proposés par la commission.  

M. Maurice Neyroud (PLR) —

Vous me voyez très attristé par le manque de considération et de confiance exprimé envers les autorités municipales, ce que dénote l’expression garde-fous. Or, fondamentalement, les municipalités sont constamment confrontées à ce genre d’exercices, cela soit-il pour un bâtiment en mauvais état, un problème dans la circulation, un glissement de terrain, une chute de rochers, qui exigent des décisions rapides. Si le problème s’avère de peu d’importance, la municipalité peut régler le problème et prendre la décision en toute connaissance de cause, mais parfois la situation s’avère plus compliquée et elle peut – une pratique déjà courante – prendre langue avec un spécialiste pour obtenir un avis extérieur. La déclaration de Mme Minacci l’a démontré, dans le cas cité, la municipalité a pris langue avec un spécialiste qui a rendu un rapport et a ensuite pris une décision en toute connaissance de cause, parce que dans ce cas, cela était nécessaire. Or, imposer dans tous les cas l’avis d’un spécialiste me paraît totalement exagéré, raison pour laquelle, je vous encourage à refuser ces amendements.

Mme Joëlle Minacci (EP) —

Je souhaite revenir sur l’amendement discuté. Comme l’a rappelé M. Mocchi, cet amendement vise à éviter les risques d’erreur. M. Romanens, parmi d’autres collègues, dit que nous remettons en question les compétences communales, que nous mettons à mal les relations de bon voisinage. Nous pouvons aussi vous faire observer que vous nourrissez dans vos discours une vision bien angélique des choses, comme s’il n’y avait jamais d’erreur, comme l’a relevé Mme Jaton. Le but ne consiste pas à remettre en question les compétences des communes mais plutôt à dire que des erreurs sont possibles et qu’il est de notre ressort de les éviter le plus possible. Il serait de bon aloi de cesser ces caricatures. Cet amendement me paraît réaliste, adapté pour permettre une marge de manœuvre et éviter aux municipalités que cela devienne trop contraignant. Monsieur Favrod, vous nous dites que vous faites déjà appel en cas de doute au garde forestier, par exemple. En fait, vous indiquez que ce que je propose se pratique déjà, mais il ne faut pas l’inscrire dans la loi ! C’est une logique que je peine à comprendre.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Monsieur le président, j’ai une question de procédure à vous adresser. J’avais cru comprendre que vous ouvriez une discussion générale sur l’article 15. Or, je m’aperçois que depuis plus d’une demi-heure, il est spécifiquement question des amendements. Je pars de l’idée que vous rouvrirez la discussion à propos de chaque amendement et de chaque alinéa, ce qui nous permettra de réentendre ce que nous avons déjà entendu depuis une demi-heure… Si toutefois mon interprétation était inexacte, je vous prierais de bien vouloir me redonner la parole, car j’aimerais m’exprimer relativement à l’alinéa 4. Je vous remercie pour vos précisions.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Je n’avais nullement prévu d’ouvrir à nouveau spécifiquement la discussion sur tous les amendements.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Je déclare des intérêts dans plusieurs sociétés actives dans le domaine de la construction et je travaille comme avocat dans cette spécialité. En écoutant les derniers propos, je me demande si je ne vais pas m’assurer une spécialisation supplémentaire : avocat spécialisé dans le domaine des arbres ! Nous évoquions tout à l’heure qu’il s’agissait de ne pas peindre le diable sur la muraille…j’estime que nous pouvons laisser Satan où il est, dans le cas où bien sûr, il existe. Dans le mur, en revanche, je crois que nous y sommes déjà, à défaut d’être dans l’arbre ! Lorsque nous recevons des mémoires de recours, que cela soit du côté du constructeur, de l’opposant ou de la municipalité – ce qui arrive souvent – ces derniers font 20 pages dont 2 sur la problématique de la construction, la hauteur, le coefficient d’utilisation du sol, puis 18 pages sur les arbres, le cerisier, le pommier, le frêne, etc. et chacun y va de sa spécialité et de son avis. Le problème est par conséquent réel. Je remercie le Conseil d'Etat représenté par le chef du département d’aller rapidement de l’avant surtout sur le règlement car le flou juridique, aujourd’hui, réside dans ce qu’on entend par des arbres remarquables, à préserver, les circonférences, etc. Monsieur le conseiller d’Etat, cette clarification est effectivement urgente.

Venons-en à l’alinéa 4, soit la formulation « Evalué par un professionnel qualifié ». Les avocats savent bien de quoi il s’agit. Cependant, les experts sont assimilables aux avocats : autant d’experts autant d’avis. Il ne me semble pas que cela simplifie la procédure, sans parler du temps que cela demandera.

Ensuite, je rappelle que l’activité de l’Etat admet deux principes fondamentaux : celui de la base légale et celui de proportionnalité. Pour le second, il me semble que nous sommes largement au-delà. Quant à la mise à l’enquête ultérieure, on voudra bien m’expliquer à quoi cela est utile, dès lors que l’arbre est déjà abattu. En effet, on ne demande pas une validation de l’abattage d’urgence de l’arbre, mais une mise à l’enquête. L’arbre n’est de toute façon plus là, vous ne pouvez pas faire intervenir votre expert spécialisé. Le problème devient caduc excepté pour son versant administratif. L’avis du municipal suffit largement. Je le répète : dans le domaine de la police des constructions, les municipalités ont des pouvoirs propres sans mise à l’enquête publique pour un cabanon, une véranda, une ouverture dans un mur, par exemple. On ne comprend par conséquent pas comment la mise à l’enquête publique se justifierait en l’espèce. Quant à l’évocation de mesures provisionnelles, je suis navré de dire qu’en matière de procédure administrative, elles n’existent pas. En outre, il faut bien à un certain moment que quelqu’un prenne une décision. Si vous exigez une mise à l’enquête, les mesures provisionnelles seront difficiles à être ordonnées si ce n’est par la municipalité et, précisément, dans les situations d’urgence. Ainsi, si on veut des mesures provisionnelles, il faut laisser cette compétence à la municipalité. Il faut insister sur le fait que si les situations se péjorent, que des dégradations sur les véhicules garés sur la voie publique se produisent, qu’il y a des blessés ou même des morts, la responsabilité en incombe au propriétaire – article 58 du Code des obligations. Je vous laisse lui dire qu’il s’agissait d’attendre pour voir si l’arbre allait vraiment tomber… !

Enfin, il me semble que le projet du Conseil d'Etat est parfaitement équilibré, proportionné, et raisonnable. Je vous invite à refuser tous les amendements, en particulier celui qui concerne l’alinéa 4.

Mme Aude Billard (SOC) —

Je remercie M. Buffat d’avoir parlé plus calmement que lors de ses précédentes interventions, car je regrette véritablement le climat devenu un tout petit peu délétère dans cette assemblée – d'une part et d'autre de l'hémicycle – où certains profèrent des propos un peu véhéments. J’aimerais simplement rappeler que tout le monde est convaincu de nourrir les meilleures intentions. Les meilleures intentions consistent effectivement à éliminer un danger quand il est immédiat et, ensuite d'éviter des abattages trop rapides. J'aimerais aussi rappeler qu’il ne s’agit vraiment pas de dénigrer les compétences municipales. Toutefois, les compétences des experts ne doivent pas en faire l’objet non plus. Parfois, des arbres penchent mais peuvent être parfaitement redressés. Parfois, même après une tempête, il suffit d'utiliser un serre-tronc ou des aubages. Parfois, un arbre a l'air malade, et il l'est, mais il ne l'est pas indéfiniment, ça dépend de ses racines. Il faut peut-être reconnaître qu'une expertise peut apporter un plus sans remettre en question les compétences des municipalités. J'aimerais vraiment encourager tout le monde à travailler de concert, car nous sommes tous mus par de bonnes intentions.

M. Grégory Bovay (PLR) — Rapporteur-trice de minorité

J’aimerais revenir sur l’exemple de ma collègue Mme Jaton. Je considère qu’il faut véritablement prendre en considération l’alinéa 4 et interpréter ce qui y figure : « en présence d’un danger imminent et direct évalué par un professionnel qualifié », c’est-à-dire un danger imminent et direct, notamment après une catastrophe naturelle. C’est ainsi que je l’interprète, mais je suis bien sûr ouvert à entendre d’autres exemples de dangers imminents et directs.

Mme Joëlle Minacci (EP) —

Je voudrais simplement préciser à M. Buffat que la formulation finale de l’amendement évoque un professionnel qualifié plutôt qu’un expert. En outre, il peut être interne à la commune ou si celle-ci n'en dispose pas, cela peut très bien être le garde forestier, par exemple. Quant au principe de proportionnalité, il me semble que cet amendement en fait preuve. En commission, j’ai adapté mon amendement dans une direction consensuelle. Monsieur Bardet, vous dites que définir qui est habilité à être ce professionnel qualifié produira une usine à gaz. J'ai envie de vous répondre que vous avez demandé d'élargir les termes pour permettre une marge de manœuvre aux communes ; raison qui m’a poussé à revoir mon amendement. Maintenant, si vous trouvez que c'est une usine à gaz… je ne sais pas trop quoi vous dire hormis que cela laisse une agilité ainsi qu’une marge de manœuvre réelle et proportionnée aux communes.

M. Sébastien Humbert (V'L) —

Une question soulevée par notre collègue Buffat en amène une autre pour le chef de département. L'article 14, alinéa 2, stipule que les communes adoptent un règlement pour la protection du patrimoine arboré visant notamment à assurer son développement, qu’il est soumis à l'approbation du chef du département. Alors, j'ai une question de compréhension. Est-ce que le chef de département va demander que les plantations compensatoires soient indiquées dans la requête d'abattage qui sera mise à l'enquête publique ? Si la réponse est négative, où la mention de plantation compensatoire est-elle indiquée ? Enfin, dans le cas contraire, cela répond à la question de notre collègue Buffat sur l'utilité de la mise à l'enquête ultérieure et l’information aux voisins sur la plantation compensatoire.

Mme Thanh-My Tran-Nhu (SOC) —

J’aimerais simplement dire à M. Marc-Olivier Buffat que si je suis d'accord avec lui pour dire qu'il y a autant d'avis que de juristes, je ne peux en revanche pas le laisser dire qu'il n'y a pas de mesures provisionnelles en procédure administrative. Je l'invite donc à lire les articles 86 et 87 de la Loi sur la procédure administrative (LPA) vaudoise sur les mesures provisionnelles et celles sur les mesures d'extrême urgence.

M. Vassilis Venizelos (CE22-27) — Conseiller-ère d’Etat

Je vous remercie pour ce débat qui fait ressortir ce que l'on a déjà entendu en commission par rapport au rôle et aux responsabilités que l'on souhaite donner aux communes. Avec ce projet de loi, le Conseil d'Etat est parti du principe que les communes étaient responsables, aptes à mettre en œuvre les différentes dispositions de la loi. Évidemment, le canton va accompagner celles qui n'auraient pas de services suffisamment étoffés pour la mise en œuvre de la loi et du règlement – je tiens d'ailleurs à préciser que le règlement est prêt. Si le Parlement pouvait se décider rapidement, nous pourrions aller de l'avant, et je crois que cela satisferait tout le monde.

L'esprit de la modification proposée ici vise à consolider la responsabilité des communes dans une fonction qu’elles occupent déjà. Les communes seront soumises aux différentes dispositions de la loi. Monsieur Humbert, les modalités liées aux compensations figureront évidemment dans le règlement, mais ce ne sera pas une condition nécessaire pour adopter les différents règlements communaux. Posséder de claires règles du jeu est évidemment dans l'intérêt des communes.

L’examen successif des trois amendements nous montre que pour l'obligation souhaitée par une majorité de la Commission d'une publication sur Internet, toutes les communes ne sont pas égales dans les ressources à disposition. Par conséquent, il a semblé juste au Conseil d'Etat d’indiquer que le canton encourage les communes à faire preuve de transparence et à diffuser les différentes informations utiles pour le citoyen, mais sans contrainte supplémentaire. Je vous invite par conséquent à suivre l'article du Conseil d'Etat tel que proposé. Quant à la question des spécialistes, j'entends les craintes exprimées. Cependant, la plupart des communes ont des professionnels compétents sur leur territoire qui pourront procéder à cette évaluation, prendre les bonnes décisions. Et, pour les communes qui ne posséderaient pas ces compétences à disposition, elles ont toujours la possibilité de mutualiser leurs ressources pour faire appel à des spécialistes. C'est ce à quoi s’emploient de nombreuses communes, notamment en matière d'aménagement du territoire ; et cela fonctionne bien. S'il devait y avoir des erreurs, voire des abus – personne n'en a évidemment parlé de cette façon, mais c'est ce qu'on entend malgré tout dans les sous-titres – le canton conserve sa responsabilité de haute surveillance. L'esprit de ce projet de loi consiste à donner des compétences et des moyens aux communes pour appliquer ce dispositif, de les accompagner dans le déploiement de ce dernier, mais nullement de les contraindre à une certaine méthode, même si, à l’évidence, chaque commune devra établir un règlement spécifique pour expliquer les modalités de mise en œuvre de la loi.

Enfin, sur la question des compensations des arbres malades ou qui représentent un danger, aujourd'hui déjà, il n’y a pas besoin de passer par une mise à l'enquête publique pour abattre un arbre qui représenterait un risque pour la population ou serait atteint d'une maladie. Là, à nouveau, la compensation constitue la seule contrainte de la loi. Ainsi, les communes qui seraient amenées à abattre un arbre qui représente un danger pour la population devraient compenser l’arbre coupé. A nouveau, la loi est très claire, et le règlement précisera les différentes modalités d'application, les règlements communaux expliciteront en toute transparence aux citoyens le narratif et les méthodes de mise en œuvre de la loi. C'est tout l'esprit de la modification proposée. Je me permets de répéter que nous n’attendons qu'une chose : que ce Parlement prenne une décision pour que le règlement puisse être adopté par le Conseil d'Etat et que les communes puissent être rassurées dans la mise en œuvre d’une loi unanimement votée par votre Parlement.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

L’amendement de la majorité de la commission (alinéa 3ter) est refusé par 80 voix contre 54 et 5 abstentions.

L’amendement de la majorité de la commission (1) (alinéa 4) est refusé par 82 voix contre 53 et 6 abstentions.

L’amendement de la majorité de la commission (2) (alinéa 4) est refusé par 74 voix contre 54 et 13 abstentions.

L’article 15 est accepté par 117 voix contre 4 et 17 abstentions.

Les articles premier et 2, formule d’exécution, sont acceptés à l’unanimité.

Le projet de loi est adopté en premier débat.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Après un débat nourri, intéressant, qui a permis à chacun de s’exprimer, l'article 15 a finalement été adopté sans amendement, ce par 117 voix. Par conséquent, compte tenu de l'urgence et du fait que le Conseil d'Etat indiquait tout à l’heure que le règlement attendait la décision du Grand Conseil, et de surcroît quels qu’aient été les avis ou les bords, il semble que tout le monde soit pratiquement unanime sur l’importance d’avancer, j'ai l'honneur de proposer un deuxième débat immédiat.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Le deuxième débat immédiat est admis à la majorité des trois quarts (119 voix contre 10 et 9 abstentions).

Deuxième débat

Le projet de loi est adopté en deuxième débat.

La discussion générale est ouverte.

Mme Alice Genoud (VER) —

Nous avons voté pour que le deuxième débat puisse se tenir rapidement. Nous avons toutes et tous conscience de la nécessité d’un règlement, ce pour pouvoir aussi aplanir les débats et finalement mettre en vigueur cette loi dans tous ses aspects bénéfiques à la biodiversité – son but. Enfin, j’aimerais insister sur le fait que nous n'accepterons pas d'autres attaques ou d'autres changements relatifs à cette loi. Nous devons maintenant aller de l'avant. Les Verts et les Vertes ainsi que plusieurs associations environnementales sont dans les startingblocks quant à ces questions-là et regardent avec attention ce qui se passe au Grand Conseil. Aujourd'hui, nous avons tendu la main pour faire en sorte que la loi, et subséquemment le règlement, soit rapidement adoptée ; nous nous y tiendrons toute la législature : je tiens vraiment à le préciser. Pour nous, cette loi est extrêmement importante, car elle constitue un énorme pas en vue d'une meilleure acceptation et promotion de la biodiversité dans notre canton. En effet, cette dernière souffre énormément et nécessitera des moyens et des actes de la part de tous les acteurs et actrices, cela soit-il à un niveau communal, cantonal et bien sûr associatif. Enfin, le Grand Conseil doit continuer à travailler pour faire en sorte que cette loi soit appliquée à sa juste valeur.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

Le projet de loi est adopté définitivement avec une dizaine d'abstentions.

Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion Charles Monod (23_MOT_31)

Décision du Grand Conseil après rapport de la commission

La discussion n’est pas utilisée.

Le rapport du Conseil d'Etat est approuvé avec 1 abstention.

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :