Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 20 avril 2021, point 10 de l'ordre du jour

Texte déposé

-

Documents

Rapport de minorite de la commission - 19_MOT_106 - Jean Tschopp - avec annexe

Objet et développement

Rapport de majorité de la commission - 19_MOT_106 - Gregory Devaud

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Grégory Devaud (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

La Commission thématique des institutions et des droits politiques s’est réunie pour traiter cet objet le vendredi 1er novembre 2019. Mme la Présidente du Gouvernement Nuria Gorrite ainsi que MM. Igor Santucci et Vincent Grandjean l’accompagnaient pour nous apporter un certain nombre d’éclairages, notamment en relation avec le Bureau du Grand Conseil, le Secrétariat général du Grand Conseil et le Gouvernement. M. Jérôme Marcel nous a assistés efficacement en rédigeant des notes de séance utiles à ce présent rapport, ce dont nous le remercions vivement.

Le motionnaire parlait d’une matière dont le siège se situe aux articles 16 et suivants de la Loi sur le Grand Conseil (LGC), qui sont à mettre en lien avec le décret qui fixe le montant des indemnités des membres du Grand Conseil, dont je parlais tout à l’heure s’agissant d’anticiper les mesures à prendre les prochaines semaines ou prochains mois en vue de préparer la prochaine législature. La forme de la motion vise à demander le principe d’une modification. Je ne reviendrai pas sur tous les arguments apportés par le Conseil d’Etat, le Chancelier et le Bureau du Grand Conseil, que vous trouvez exposés dans le rapport.

Je ne citerai maintenant que les points argumentant contre la position de M. Dolivo :

– Les différents décrets sur les indemnités, les règles légales et les montants attribués aux membres du Grand Conseil selon les activités du Parlement sont publics et transparents. Nous avons déjà parlé de transparence, précédemment, sur d’autres points de l’ordre du jour, et cette transparence existe aujourd’hui. Par un petit travail sur Internet, tout un chacun peut obtenir les informations souhaitées, nécessaires pour comprendre le fonctionnement du Grand Conseil et l’activité de député.

– Le système actuel semble être le système le plus équitable envers tous les députés, selon leurs activités et leurs revenus en dehors de leur mandat électif. Une modification des usages actuels risquerait clairement d’amener une inégalité face à l’indemnité journalière en vigueur actuellement.

– Les revenus découlant des indemnités des députés peuvent être considérés comme des montants relativement modestes, mais sur le plan fiscal, ils n’impactent clairement pas de la même manière l’un ou l’autre élu. Paradoxalement, il est certain qu’en cas de fiscalisation complète, avec la progressivité de l’impôt, les revenus les plus bas seront plus touchés que les revenus plus élevés.

– Le modèle actuel est le fruit de recherches d’équilibre, d’évolutions et d’adaptations ayant fait ses preuves durant les cinquante dernières années. Il intègre également des éléments en lien avec les contributions sociales, les particularités des uns et des autres en termes de prévoyance professionnelle, et toutes les différences entre les élus, qu’il soient salariés ou indépendants.

– Le statut de député est en soit particulier puisque, évidemment, non-professionnel, de milice, sans « garantie de l’emploi », sans contrat ni nomination, si ce n’est la sanction élective tous les 5 ans.

– Les heures de séance générant des indemnités ne concernent qu’une partie du mandat de député qui doit également, en amont, préparer ses séances et ses dossiers.

– Le Grand Conseil peut agir sur la typologie des indemnités, mais aucune catégorie de contribuables ne décide de son taux de fiscalisation. Le Grand Conseil n’est pas l’autorité fiscale.

– Les municipaux, syndics et pompiers bénéficient également d’un abattement fiscal et il y a une certaine similarité avec la fonction ou le mandat qui nous a été confié.

En conclusion, par 8 voix contre 4 et 2 abstentions, la commission recommande au Grand Conseil de classer la motion, considérant qu’il s’agit d’une fausse bonne idée et que la situation actuelle est la « moins mauvaise » des méthodes, la seule qui garantit une égalité de traitement entre tous les députés.

M. Jean Tschopp (SOC) — Rapporteur-trice de minorité 1

J’aimerais rappeler le fonctionnement des indemnités. Les députés reçoivent des indemnités pour les séances de plénum, de groupes ou de commissions. La question soulevée par notre ancien collègue Dolivo porte sur le traitement fiscal des indemnités. Contrairement à ce qui est indiqué dans mon rapport, l’indemnité étant considérée comme un revenu, est assujettie à l’AVS, mais elle n’est pas un salaire. Cette indemnité qui nous dédommage pour le temps important que nous consacrons à notre activité est défiscalisée à hauteur de 85 %. La situation repose sur une décision du Conseil d’Etat et cet abattement est approuvé par l’Administration cantonale des impôts (ACI). Tout de même, c’est une situation pratiquement sans pareille que de percevoir un revenu qui bénéficie d’un abattement de 85 % de la fiscalité, ce qui cause une sorte de malaise à être dans cette situation. Au sein du groupe socialiste, nous estimons que ce revenu doit être imposé comme tout autre revenu, sans privilèges, car nous ne voyons pas en quoi un privilège se justifie pour l’activité de député.

Deuxième point important : il existe une possibilité de déduire les versements à un parti politique jusqu’à hauteur de 10'000 francs — il faut savoir que, dans la plupart des groupes, les députés reversent une partie de leurs indemnités à leur parti politique. Ce mécanisme permet, en quelque sorte, un nouvel abattement, une nouvelle déduction. Il y a donc en réalité un double privilège sans équivalent ailleurs. C’est là ce que propose de changer la motion Dolivo et c’est pour cela qu’elle nous semble acceptable, car nous considérons que nos indemnités de député sont un revenu comme un autre.

Par contre, je veux insister sur un point : si ce changement doit intervenir, il doit y avoir des mesures d’accompagnement. En effet, l’activité de député nécessite de composer avec une activité professionnelle. Or, il faut s’assurer, par tous les moyens possibles, d’un Parlement aussi représentatif que possible, soit qui permette aux salariés… c’est un enjeu important. Il y a beaucoup d’indépendants et il y a un peu moins de salariés, dans ce Grand Conseil, qui compte aussi beaucoup de municipaux. Or, nous avons besoin d’avoir et de maintenir, de préserver, de renforcer la participation de salariés, d’employés qui exercent toute une série de professions. Cela signifie que, si nous acceptons la motion Dolivo, il faut alors des mesures d’accompagnement pour ne pas dissuader des personnes dans la vie active de renoncer à une activité politique. Il y a là un vrai enjeu de représentativité, d’ailleurs partagé par notre ancien collègue Dolivo, qui était conscient de la nécessité de prévoir des mesures d’accompagnement. Une telle mesure  pourrait être des indemnités un peu plus élevées en compensation de la pleine imposition des revenus des députés. Mais encore une fois, j’insiste sur ce point : de notre point de vue, il n’y a pas de justification valable pour expliquer pourquoi un député peut bénéficier d’un abattement à 85 % et, dans un deuxième temps, d’encore une déduction qui n’existe pas dans d’autres domaines. Nous pensons que ce sera plus sain de passer à un système plus égalitaire par rapport à ce qui se fait dans d’autres domaines. Nous vous invitons à soutenir la motion Dolivo.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Sans surprise, le groupe Ensemble à Gauche et POP vous invite à prendre la motion en considération. L’abattement fiscal dont bénéficient les députés constitue un privilège difficilement justifiable par rapport au reste de la population. Dans un précédent débat, M. Genton s’était élevé contre le privilège que constituerait un congé maternité ou paternité pour les députés. S’il est cohérent avec sa position, on peut compter sur son soutien pour la présente motion. Aux yeux de la population, la déduction fiscale paraît sortir de nulle part. Ce n’est d’ailleurs pas le seul privilège que s’autoattribuent les élus politiques vaudois ni le seul que nous combattons. Je rappelle que nous avons déposé une motion pour supprimer les rentes à vie des conseillers d’Etat, une pratique d’un autre âge qui, nous l’espérons, sera bientôt supprimée. Parlant de pratique d’un autre âge, il est intéressant de constater que l’abattement fiscal pour les députés a été introduit en 1963 et n’a plus été modifié depuis lors. Cela m’a donc fait sourire d’entendre M. Devaud nous parler d’une pratique adaptative ayant évolué au fil des expériences et des pratiques des députés.

L’abattement fiscal dont nous parlons constitue aussi une violation du principe d’égalité devant l’impôt, principe pourtant important dans un Etat démocratique. Il ne repose sur aucune base légale, ce qui le rend assez peu transparent. D’autant plus, comme la rappelé M. Tschopp, qu’il y une deuxième déduction, un double abattement fiscal, puisque les députés bénéficient d’un deuxième abattement au titre du versement à un parti politique. Ils peuvent donc parfois déduire certaines sommes à double, ce qui est assez curieux dans la logique fiscale. Enfin, l’abattement n’est pas très juste, car il favorise surtout les députés ayant de hauts revenus. Si vous avez des enfants à charge et un faible revenu, vous ne paierez de toute façon pas beaucoup d’impôts sur le revenu et, dès lors, vous profiterez peu de l’abattement.

Pour toutes ces raisons, j’espère que vous prendrez en considération une motion qui vise à traiter les indemnités pour ce qu’elles sont, à savoir : un revenu. Ce n’est pas parce que les indemnités ne sont pas un salaire qu’elles ne sont pas un revenu ; elles sont bien un revenu, c’est difficilement contestable, et à ce titre, elles doivent tomber sous le coup de l’impôt sur le revenu.

M. Raphaël Mahaim (VER) —

Tous les arguments ou presque ont déjà été très bien exposés par MM. Tschopp et Buclin. J’aimerais insister sur un point : nous sommes tous conscients du fait que notre système s’ancre dans la tradition longue, profonde et éminemment respectable du système de milice. Personnellement, j’y suis très attaché, car je pense qu’à l’inverse de ce que l’on voit dans certaines autres démocraties européennes, c’est le gage d’une démocratie vivifiante et d’un vrai lien entre les élus, la population, le monde associatif, les entreprises, etc. — vous connaissez l’importance du système de milice. Toutefois, ce système n’est pas nécessairement synonyme du « jeton de présence ». On peut très bien préserver un système de milice, comme on l’aime dans notre canton, sans pour autant en déduire systématiquement la nécessité de jetons de présence défiscalisés et un système qui s’apparente à du bricolage. On peut très bien dire que nous voulons un système de milice, que nous gardons l’idée d’un service à la communauté qui dépasse le cadre de nos activités personnelles, associatives ou professionnelles, mais faire en sorte que les choses soient faites de façon claire et transparente.

Il ne faut pas se mentir : du fait de l’intensité de notre activité, il s’agit réellement d’un revenu. Il y a un siècle en arrière, les députés — qui à l’époque étaient exclusivement de sexe masculin — venaient à Lausanne, de temps en temps, pour prendre des décisions entre notables ; ils rendaient un service éminent à la collectivité en venant à Lausanne pour rendre des décisions. Force est de constater que, depuis ce temps-là, notre fonction a énormément évolué. Plus personne ici ne peut considérer que nous faisons un travail accessoire, de temps en temps, pour rendre service au canton tant aimé ; c’est un vrai engagement. Dès lors, le fait qu’il soit de milice reste parfaitement reconnu, mais s’agissant d’un vrai engagement, il faut reconnaître aussi que cela suppose transparence, égalité devant l’impôt, etc.

Encore un mot pour faire un lien avec les municipalités de notre canton. Je sais que la question n’est pas facile, mais pourrait-on imaginer dire, dans le cadre des municipalités : « à partir d’un certain taux d’activité, ce n’est pas du revenu, alors il y a 85 % d’abattement fiscal » ? Il faut voir où l’on se situe. Je ne vais peut-être pas prendre l’exemple extrême de Lausanne, parce qu’à Lausanne, c’est 100 %. Mais dans les villes de moyenne importance ou dans les grandes communes de 5'000 à 10'000 habitants, les municipaux ont des taux d’activité parfois comparables au taux d’activité d’un député, parfois légèrement supérieurs ; vous voyez-vous défendre auprès de la population de la commune le fait que l’on défiscalise un taux d’activité de 30-40 % d’un municipal, en disant que ce sont des frais de représentation ou des jetons de présence ? Ce n’est pas possible ; cela ne tient pas la route. Je ne vois pas pourquoi les députés devraient bénéficier de ce traitement particulier.

Par conséquent, le groupe des Verts vous invite à soutenir la prise en considération, moyennant des compensations ou des ajustements, parce que si la défiscalisation disparaît, cela entrainera bien entendu un manque à gagner. Cela suppose donc de repenser le système. Certes, l’AVS est prélevée, mais le véritable enjeu est le deuxième pilier qui n’est pas consolidé par les jetons de présence. Il faudrait donc repenser le système vers un système plus durable.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

Je parle en mon nom personnel. Il m’aura donc fallu attendre 30 ans, monsieur Mahaim, pour entendre le même discours que j’avais tenu dans le cadre de mon parti, quand j’y suis entré, en avril 1990. J’ai trouvé d’emblée que l’on était très mal payé. Pour moi, il était hors de question de venir à moins de 500 francs — en 1990 — parce que, même si j’étais très honoré d’avoir été élu député au Grand Conseil vaudois, il ne fallait quand même pas « me la faire » sur le fait que, contre ce très grand honneur, j’obtenais une indemnité que l’on va qualifier de très très modeste. Il est vrai, qu’à l’époque, je n’avais pas considéré l’abattement au niveau des impôts, mais je crois qu’il faut comprendre qu’on fonctionne autrement, maintenant. Quand on a proposé l’abattement d’impôt, à l’époque, je suppose que c’était « pour faire passer la pilule » pour que les indemnités ne soient pas trop grandes, car les Vaudois voyaient d’un très mauvais œil que les députés « se payent » des indemnités plus importantes que dans les communes. Ensuite, on ne voulait pas que ces indemnités soient trop importantes, parce qu’il y a de nombreuses commissions extraparlementaires, administratives, etc. qui fonctionnent avec des jetons de présence basés sur ceux du Grand Conseil — c’est généralement ignoré, mais c’est clairement le cas dans un certain nombre de commissions.

Dès lors, il faut choisir pour la législature prochaine : soit il n’est plus acceptable de faire des abattements fiscaux — je peux l’entendre ; mais alors il n’est plus acceptable non plus de verser des jetons de présence tels qu’ils sont versés actuellement, parce qu’ils ne correspondent plus non plus à une réalité. Il s’agit donc d’un coup de balai qui me semble salutaire pour préparer une nouvelle façon de voir pour les générations qui nous suivent. Dans ces conditions, il ne faudrait pas se focaliser sur cet abattement d’impôt, seulement. Il faudrait vraiment mener de front toute une réflexion sur la manière d’honorer et de dédommager un député, contre le fait qu’il va payer des impôts. Je ne vais pas trancher la question, mais je suis content d’entendre enfin que l’on veut honorer correctement les députés, au niveau des jetons de présence. Depuis les 200-250 francs de l’époque, on est passé à 450 francs. Si vous lisez le Bulletin du Grand Conseil, vous verrez qu’à chaque début de législature j’ai râlé au sujet des jetons de présence qui nous étaient servis et je continue à le faire. Alors, pour ceux qui me succèdent, ne soyez pas gênés : demandez qu’on vous serve le tarif TARMED — trois heures TARMED, cela fait 600 balles, et c’est bon !

M. Jérôme Christen (LIBRE) —

Je serai bref, car mes collègues Tschopp, Mahaim et Vuillemin ont dit beaucoup de choses justes et respectables. Du point de vue du groupe des Libres, la situation est intenable et n’est plus justifiable. Les déductions fiscales appartenaient à une autre époque. Il faut maintenant régulariser la situation, quitte à adapter la rétribution des députés, notamment en revenant peut-être sur l’indemnité de base pour le travail qui est effectué hors des séances de plénum et de commissions. Il ne s’agit pas ici de contester l’importance du travail que nous faisons, mais de clarifier une situation qui manque de transparence. Et cela doit bien sûr s’accompagner de cotisations au deuxième pilier. C’est logique dès lors que nous considérons que c’est une activité professionnelle, même à temps partiel. Le Grand Conseil des années 90 — celui de M. Vuillemin — que j’ai connu en tant que journaliste, puis que j’ai connu par la suite en tant que député, comme mon collègue Serge Melly, n’a évidemment plus rien à voir avec le Grand Conseil d’aujourd’hui. Ce sont les raisons pour lesquelles le groupe des Libres soutiendra la motion de notre ancien collègue Jean-Michel Dolivo. 

M. Julien Eggenberger (SOC) —

Chaque jour lors duquel nous siégeons, nous recevons une indemnité de 480 francs, mais nous ne payons des impôts que sur environ 70 francs. Pourquoi ? Parce que nos indemnités sont défiscalisées à 85 %. Les élues et élus qui composent ce Grand Conseil bénéficient, aujourd’hui, d’un avantage peu connu du public. Ce privilège pose un problème du point de vue éthique et aussi de l’égalité de traitement, car la Constitution garantit l’égalité devant l’impôt. Aujourd’hui, il faut le dire très clairement : 150 Vaudoises et Vaudois bénéficient d’un privilège injustifiable. Il n’existe aucune autre raison fiscale pour défendre le statu quo. Sa base juridique semble faible : une simple instruction interne de 1963. A n’en point douter, si une décision devait être prise aujourd’hui, un tel avantage ne serait jamais octroyé. Or, la population est en droit d’attendre que ses représentantes et représentants respectent et soient soumis aux mêmes règles qu’eux.

La question de la différence entre salaire et indemnité n’a pas de pertinence, ici. Une indemnité est aussi soumise à l’impôt, au moins partiellement ; c’est le raisonnement qui pousse les cantons voisins à fiscaliser la plus grande partie des indemnités, comme le fait aussi l’Assemblée fédérale. Une fois le principe de la fiscalisation des indemnités admis, des ajustements de leurs montants devront intervenir, afin d’équilibrer cette évolution, mais ce n’est pas la question que nous traitons aujourd’hui. Pour toutes ces raisons, et parce que, comme pour l’objet précédent, nous sommes partisans de la transparence et d’un devoir d’exemplarité des élues et des élus, le groupe socialiste vous invite à soutenir le rapport de minorité.

M. François Cardinaux (PLR) —

J’aimerais revenir sur une certaine époque, même si je m’attends à ce que l’on me traite de vieux réactionnaire ou de dinosaure. J’ai été pendant 20 ans sapeur-pompier milicien, à Montreux, au centre de renforts. J’ai commencé à une époque où l’on touchait 5 francs de solde ; ce montant était défiscalisé. Avec le temps que nous prenions pour venir au secours de la population, il était normal de toucher peu, mais sans avoir à payer d’autres frais. Aujourd’hui, nous sommes exactement dans la même situation. Imaginer devenir maintenant des politiciens de métier serait la pire des choses à faire. Nous restons des volontaires, des gens qui sommes à l’écoute, et nous n’avons absolument pas à avoir une indemnité sous la forme salariale. Si nous voulons être salariés, il faut que nous changions pour devenir des employés de l’Etat. Je reste persuadé que nous devons rester des volontaires, des gens qui s’engagent, à droite comme à gauche, mais en gardant une indemnité basse, avec un avantage, tel que j’avais à l’époque aux sapeurs-pompiers.

M. Pierre Volet (PLR) —

Je vais parler en mon nom propre. Dans ce Parlement, j’ai entendu qu’il fallait de l’égalité, que tout le monde soit représenté dans la société. Cela veut dire que pour un chômeur ou une personne qui gagne très peu, si vous le passez en salaire dans son échelle d’impôt, cela ne va pas faire grand-chose. Il est clair que l’on se plaint, du moins dans nos milieux, qu’il n’y a pas assez d’entrepreneurs qui prennent du temps pour venir faire de la politique. Il est bien clair que si nous votons cela, vous ne trouverez plus un seul patron ; vous n’aurez que des fonctionnaires, des gens de l’Etat, des gens qui peuvent prendre la peine de venir ici, à qui l’on donnera peut-être même des congés payés pour venir. Vous n’imaginez pas, dans la grille de salaire… Je prends mon exemple : je gagne 20'000-22'000 francs par année. Je paie 3'500 francs au parti, 1'000 francs à la section de la Riviera, je paie 500 francs à ma section de village. Après il faut se déplacer ici, tout cela pour 480 francs. Et ensuite vous passez aux impôts. Finalement, je vais devoir payer pour venir ici. C’est de la connerie ! Si vous voulez être égalitaires et représenter toutes les couches de la société, les pauvres, les moyens, les riches, il ne faut pas faire cela. Le système existant est très bien. Cela veut dire que si l’on nous défiscalise environ 85 %, c’est correct à peu près pour tout le monde, car ce que l’on doit déclarer ne fait pas, dans la grille d’impôt, un bond trop grand. Car il faut penser que cela va s’ajouter à votre salaire. Ce n’est pas simplement fiscaliser les 20'000 francs que vous touchez ici, mais c’est ce montant augmenté du salaire que vous gagnez déjà. Ensuite vous tomberez dans une échelle d’impôt et vous ferez un bond. Il faudra donc nous indemniser 1'500 francs la journée, comme M. Vuillemin l’a dit, et là on sera d’accord.

M. Grégory Devaud (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

En tant que rapporteur de majorité, il m’appartient d’apporter quelques éclaircissements sur certains points soulevés. Tout d’abord, au sujet de la réflexion globale, vous pouvez lire dans le rapport que c’est effectivement un point qui a été soulevé à de nombreuses reprises en commission. En effet, la commission travaille actuellement sur la Loi sur l’exercice des droits politiques (LEDP), mais également sur une optimisation du processus de notre Parlement, , selon mandat du Bureau. On aurait pu imaginer aller dans ce sens — cela a d’ailleurs été proposé, c’est explicité dans le rapport — et proposer au motionnaire de pouvoir aborder les thématiques des mesures d’accompagnement, notamment en regard de ce qui se fait dans d’autres cantons ou sur le plan fédéral. La possibilité de transformer cette motion en postulat a également été évoquée, ce que le motionnaire a refusé, dans l’idée d’introduire une réflexion plus large, y compris sur les mesures d’accompagnement, dans une fameuse vision globale du type « Parlement 2.0 » pour la prochaine législature. Cela n’a pas été suivi par le motionnaire et nous nous sommes donc concentrés sur le texte déposé.

Ensuite, je tiens à m’inscrire en faux, en tant que rapporteur de majorité, mais aussi à titre personnel : il ne s’agit pas, ici, de privilèges. Nous ne percevons pas de salaire ; ce sont des indemnités. La transparence est assurée en termes de projet de décret sur nos indemnités, puisque tous les éléments sont publics et publiés.

La question des municipalités ayant été soulevée, vous pouvez trouver sur Internet et de manière transparente que c’est le cas, monsieur Mahaim. Les municipalités ont une possibilité de déduction ; une directive élaborée par l’Administration cantonale des finances comprenant des déductions forfaitaires pour certains montants correspond finalement, avec un plancher et un plafond, à grosso modo 15 % du revenu des municipalités. Cela existe dans les communes et c’est pratiqué pour l’ensemble des municipaux de ce canton.

Pour conclure, je vais citer une députée, dont le secret des commissions m’interdit de dire le nom, car je trouve qu’elle résume bien la position de la majorité de la commission : « chaque député a son parcours propre, ce qui génère une grande complexité à mettre en œuvre cette motion. Ce qui pourrait déranger dans cette défiscalisation relève d’un manque de communication. On ne devient pas député par appât du gain. Le fait que le Parlement vaudois siège chaque semaine induit en erreur et porte à croire qu’il s’agit d’un salaire pour un temps partiel, une problématique à laquelle les parlements siégeant en sessions sont moins confrontés. Cela reste un mandat, avec une indemnité journalière de présence, ce qui correspond à un parlement de milice. J’estime que le dépôt de cette motion relève plus d’un manque d’information que de soulever une vraie problématique. » Au nom de la majorité de la commission, je vous encourage à accepter le rapport de la commission et à classer la motion.

M. Arnaud Bouverat (SOC) —

Je suis un peu choqué des paroles de M. Volet. Je l’invite à regarder autour de lui, particulièrement dans les rangs parmi lesquels il siège, pour constater qu’il n’y a guère de pléthore de fonctionnaires autour de lui. Il y a un problème pour l’accession des salariés et des ouvriers, soumis à un contrat de travail et à un employeur qui peut dicter des règles de disponibilité, éléments qu’il est très difficile de concilier avec l’activité parlementaire. Le cri aux abois des patrons dans ce Parlement par rapport à la difficulté de l’accession à la démocratie est tout simplement contredit par les statistiques. J’aimerais donc qu’il y ait une prise de conscience par rapport à ce type de discours. Notre démocratie est imparfaite, mais elle ne l’est pas du fait de la difficulté d’accession des patrons au Parlement et aux lieux de pouvoir, mais bien du fait de l’accès des salariés à la démocratie représentative.

Dans les débats, ont été évoquées des mesures d’ajustement prévues. Il ne s’agit pas, maintenant, de parler de perte massive de revenus par rapport à une situation de fiscalisation des revenus des députés, mais des mesures d’accompagnement seraient inévitables. Toutes les collectivités publiques qui ont fait le choix de la transparence, ont procédé de cette manière et cela ne transforme en aucun cas un mandat de milice tel que le nôtre en un emploi avec des assurances sociales pleines et entières. Ce n’est pas la question débattue aujourd’hui dans ce cénacle ! Des mesures d’accompagnement seront nécessaires. Et quelle serait la différence ? La différence, c’est que pour le contribuable, on peut arriver globalement à un jeu à sommes nulles pour couvrir toujours les coûts et le temps de notre activité parlementaire, mais il est vrai qu’à un moment donné, comme pour n’importe quelle autre activité en faveur de la collectivité, quelqu’un qui est plus riche contribuerait plus par l’intermédiaire de la fiscalité. Et alors ? Vous avez un ministre qui a fait de la contribution des contribuables au bon fonctionnement de l’Etat son leitmotiv ; j’espère que vous y adhérez également. Je ne vois ici aucune encouble à la mise en place du nouveau système. Vous pouvez avoir des griefs par rapport à la suppression d’une défiscalisation, mais pas ceux que vous avez amenés.

Mme Céline Baux (UDC) —

J’aimerais soutenir les propos de M. Cardinaux. En changeant de système, j’ai l’impression de perdre la forme du travail de milice que j’apprécie. Avoir simplement une indemnité lorsque nous siégeons, mais pas lorsque nous avons congé, souligne le fait que je ne suis pas là pour travailler, mais pour défendre et pour représenter les habitants qui nous ont élus. Je n’ai pas tellement entendu de critiques, autour de moi, par rapport à la défiscalisation. Ce qui me fait le plus peur, c’est d’entendre des critiques pour un salaire élevé — ce que nous aurons sera plus élevé que le salaire de la majorité des gens — parce nous devrons payer des impôts dessus. Je ne crois pas que ce changement aidera à nous faire mieux voir aux yeux des gens qui trouvent que la solution n’est pas égalitaire.

M. Julien Cuérel (UDC) —

Je voulais réagir sur deux points. Je parle en mon nom propre. Premièrement, on entend toujours « salaire » ou « indemnité », « soumis à l’impôt » ou « non soumis à l’impôt ». La loi fédérale qui régit ce qui est soumis à l’impôt est claire : l’impôt sur le revenu a pour objet tout revenu du contribuable, qu’il soit unique ou périodique. L’ensemble des revenus à partir du 1er franc est soumis à l’impôt. Dès lors, que ce soit une indemnité ou un salaire, le montant est soumis à l’impôt et il ne peut pas y avoir de discussion là-dessus.

Deuxièmement, il y a l’exemple donné par M. Volet, avec un revenu de 22'000 francs soumis aux impôts à hauteur de 15 % : cela fait 3'300 francs. De ceci est déduit tout ce qui est versé au parti : 5'000 francs. Résultat, pour 22'000 francs touchés, à la fin il y a une déduction de 2'000 francs. Je trouve que cet exemple est choquant, puisque cela veut dire qu’en étant député, en encaissant 22'000 francs, quand bien même 5'000 francs sont versés au parti, on se retrouve quand même avec une déduction supplémentaire sur les revenus de 2'000 francs. Vis-à-vis de l’ensemble des contribuables, c’est quelque chose qui n’est pas acceptable. C’est pour cela que j’accepterai cette motion.

M. Maurice Mischler —

Quand je suis devenu député, j’ai été choqué au moment de faire ma déclaration d’impôt, car j’ai remarqué qu’en tant que municipal je pouvais défiscaliser à 15 %, et en tant que député à 85 %. D’ailleurs, c’était assez drôle, car j’ai cru que je m’étais trompé en la remplissant, car je me suis dit que l’on ne pouvait pas passer de 15 à 85 %.

Je pense que dans la population, personne ne conteste que l’on effectue du travail, en tant que député. Dès lors, parce que l’on fait un travail, on reçoit une certaine somme et cette somme doit être fiscalisée. En revanche, d’après ce qu’ont dit un certain nombre de collègues, tout travail mérite une certaine aide au niveau des rentes et du deuxième pilier. Je pense que cela ne choquerait personne de dire que, comme n’importe quel employé, comme n’importe quelle personne qui travaille, il faut fiscaliser et cotiser. Pour la prochaine législature, non seulement il faudrait accepter la motion Dolivo, mais il faudrait aussi accepter le fait que nous cotisions au deuxième pilier. Ainsi, comme n’importe quel employé — et cela serait très bien vu par la population — ni statut particulier, ni de passe-droit. Il faut donc fiscaliser, d’autant plus que ce sont nous qui faisons les lois et qui déterminons les impôts. Nous devons donc être traités exactement de la même manière que n’importe qui d’autre dans ce canton.

M. Pierre Zwahlen (VER) —

La donne a changé depuis les derniers débats qu’a tenus le Grand Conseil sur ce sujet. Nous nous rappelons la proposition de notre ancien collègue Roger Saugy, qui déjà voulait renoncer à cette défiscalisation. Mais depuis lors, est intervenue la possibilité de déduire les dons aux partis politiques jusqu’à 10'000 francs. C’est le double effet de la défiscalisation à 85 %, d’une part, et de déduction des dons versés aux partis, d’autre part, qui crée une situation de privilèges. Dès lors, c’est cela qu’il faut changer. La proposition de notre ancien collègue Dolivo est tout à fait sensée. Elle permet de remettre les élus cantonaux à égalité devant l’impôt, au même titre que les autres contribuables. Je vous invite à soutenir le rapport de minorité.   

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

En préambule, quel que soit le système que l’on adopte, tout me va, mais je suis tout de même surpris de certains qualificatifs que j’entends : « inégalité », « privilèges », « travail égal, salaire égal », « fiscalisation », « impôt sur le revenu », etc. Vous avez une drôle de conception du travail de député. Il n’y a pas que les séances et les commissions : il y a aussi le travail préparatoire et l’implication légitime, normale et quotidienne des députés vis-à-vis de leurs électeurs. Nous pouvons participer à la cohésion sociale, à l’effort étatique, aux besoins de l’Etat sous forme financière — c’est en partie fiscalisé ; nous sommes tous fiscalisés dans ce Grand Conseil à des degrés divers — mais le travail que nous accomplissons et pour lequel nous sommes indemnisés, ce n’est pas un travail, mais une façon de rendre service à la société. Le parallèle de notre collègue Cardinaux avec un service de pompiers me paraît tout à fait adéquat et opportun : c’est notre mission. Qui vient ici pour décrocher un salaire ?

De plus, j’attire votre attention sur un élément : si vous voulez vraiment parler d’égalité vis-à-vis de l’impôt, véritablement parler de salaire et de rétribution, il y a peut-être une obligation de résultats. Nous disposons d’un registre des députés qui est consultable et public, avec le nombre d’interventions. Vous avez aussi le Bulletin du Grand Conseil, où l’on voit les gens qui s’expriment et ceux qui ne s’expriment pas ; il y a encore le nombre de dépôts et de présences par députés. Cela va être compliqué au niveau de l’égalité, car je vous garantis que les scores sont pour le moins diversifiés dans ce Grand Conseil. Alors faisons attention à ce que nous disons. Chacun accomplit sa mission de député en fonction de sa volonté, de son implication, de la façon dont il entend défendre ses idées politiques et chacun doit être libre au niveau de sa responsabilité individuelle. Mais lorsque l’on commence à parler de fiscalité et d’égalité de traitement devant l’impôt, pour le contribuable auquel on veut se comparer, si vous reprenez le nombre d’interventions de chacune et chacun d’entre nous, les résultats concrets ne sont pas tout à fait les mêmes.

M. Guy Gaudard (PLR) —

Je pense que je ne vais pas me faire que des amis chez mes collègues PLR, mais je rejoins les propos de mon collègue Cuérel. Il ne m’est jamais venu à l’idée de siéger dans ce Parlement pour savoir combien j’y gagnais. J’ai d’ailleurs appris aujourd’hui que c’était 480 francs par séance, cela me conforte. Je trouve qu’il est normal que ce montant soit additionné aux revenus annuellement touchés par un entrepreneur, un salarié, un fonctionnaire ou un retraité. Je ne vois aucune difficulté à ce que l’on additionne les revenus annuels d’un député à son revenu annuel professionnel. Dès lors, je serais assez ennuyé de soutenir le rapport de minorité, mais je ne vais pas non plus soutenir le rapport de majorité. Dès lors, je m’abstiendrai.

M. François Cardinaux (PLR) —

Je reviens sur les propos d’un de mes préopinants qui confond deux choses complètement différentes. Un municipal emploie son temps pour faire cela dans une moyenne ou petite commune, et dans une grande commune il a effectivement un temps réel qu’il doit faire et, souvent, c’est un temps qui peut excéder les 60 à 80 % voire 100 %. Aujourd’hui, nous sommes officiellement à 20 %. Cela veut dire que l’on consacre une journée purement au Grand Conseil. Bien sûr, il y a les commissions, les lectures, et tout ce qui a été dit, mais cela reste une activité accessoire, quelque chose qui nous tient à cœur. C’est surtout le bienêtre de notre population, de nos électeurs, de nos pensées que nous voulons mettre en avant. Nous ne devons donc surtout pas commencer à devenir des employés. Restons tels que nous sommes : des volontaires, avec force et vigueur. Il ne faut donc surtout pas entrer dans cet esprit de devenir des employés.

M. Jean Tschopp (SOC) — Rapporteur-trice de minorité 1

Il faut revenir au texte : ce qui est proposé, c’est d’être imposé sur le revenu que nous percevons. Actuellement, nous ne sommes imposés que sur une infime partie, de 15 %, de ce revenu, dont nous pouvons encore déduire les versements aux partis politiques. L’enjeu du vote n’est absolument pas, comme certains aimeraient nous le faire croire, de savoir si l’on veut professionnaliser le métier de député. Ce n’est pas cela que demande le texte. Député, c’est avoir un mandat dans un Parlement de milice. Mais dans un Parlement de milice, est-ce que oui ou non, nous devons être imposés pleinement sur notre revenu ? Notre collègue Julien Cuérel a tout dit à ce sujet : si l’on est partisan de l’égalité devant l’impôt, alors on devrait soutenir ce texte sans réserve.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion par 68 voix contre 63 et 4 abstentions.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Je demande un vote nominal.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 députés.

Celles et ceux qui suivent la majorité de la commission (classement de la motion) sont priés de voter oui ; celles et ceux qui suivent la minorité de la commission (prise en considération de la motion) votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion par 70 voix contre 63 et 4 abstentions.

* Insérer vote nominal

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :