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Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 8 novembre 2022, point 18 de l'ordre du jour

Texte déposé

Le manque de places d’hébergement d’urgence a été largement thématisé en 2022 par le biais d’actions menées par le collectif 43m2 lorsque les lits hivernaux ont fermé ce printemps. Le collectif le rappelait ici: “Ce n’est pas la météo qui tue, c’est la rue. C’est le manque d’hygiène, le manque de confort, les violences policières, les difficultés d’accès aux logements, le manque de lien social, le mauvais accès aux soins de santé ; en bref, la survie au quotidien. Les chances de sortir de la précarité, notamment en trouvant du travail, sont ainsi proches de zéro.”[1]

 

Dans sa réponse du 10 mai 2022 à la question orale d’Elodie Lopez “Hébergement d'urgence - Un toit est un droit”[2], Madame la conseillère d’Etat Rebecca Ruiz précise que le rôle du Conseil d’Etat est subsidiaire dans le dossier de l’hébergement, il subventionne les communes et les associations pour gérer des structures. Même argumentaire le 11 octobre 2022 en réponse à l’interpellation de Guy Gaudard “Une couverture, un matelas pour tous”, une manière de réaffirmer que la subsidiarité du Canton constitue la vision politique du Conseil d’Etat de l’hébergement d’urgence et plus généralement du soutien à l’accès au logement.

 

A l’heure actuelle, 5 communes disposent d’hébergements d’urgence sur tout le canton: Lausanne, Renens, Yverdon, Nyon et Vevey. L'expérience de terrain démontre que ces lits ne sont pas suffisants. Le manque de coordination crée une inertie dans les réponses politiques aux problématiques concrètes: il manque une vision d’ensemble, notamment en termes de répartition des lieux, de solidarité entre les communes qui hébergent et celles qui ne le font pas, et le manque de définition des rôles mène à la déresponsabilisation. Cette politique disparate de l’hébergement d’urgence n’est pas adaptée aux besoins et ce décalage produit des effets pervers: pérennisation et aggravation des situations de précarité (avec un impact sur l’état psychique et physique des personnes concernées), personnes à la rue, corps professionnel et associatif en souffrance. On peut finalement noter la précarité de la pérennité des structures d’hébergement d’urgence en l’absence d’une stratégie cantonale: l’exemple du Sleep in est emblématique puisque son avenir semble incertain dans le réaménagement du quartier de Malley, mais comme il l’est depuis de nombreuses années où une date limite d’exploitation est sans cesse avancée puis repoussée et montre le degré d’incertitude imposé aux bénéficiaires et aux travailleuses et travailleurs.

 

On peut, par analogie, poser les mêmes hypothèses sur la politique globale du logement social qui recouvre des prestations telles que l’AIL, les logements subventionnés ou encore les logements de transition qui sont, là aussi, du ressort et du bon vouloir des communes et des associations. Ce n’est pas tant la qualité ou le format des prestations qui pose problème, mais bien l’absence d’une vision à l’échelle du canton structurée ainsi qu’une offre insuffisante qui répond à la logique de la “pénurie comme politique”[3]

 

Le besoin d’une stratégie cantonale de la politique sociale du logement est ressorti le 14 septembre 2022, lors d’une table ronde qui a réuni des actrices et acteurs du monde associatif ainsi que les autorités publiques concernées par les hébergements d’urgence. Outre “l’importance des ressources financières pour pallier le manque de lits, la nécessité d’une pluralité de réponses à ce problème complexe, mais aussi le besoin d’un personnel formé pour assurer l’encadrement des bénéficiaires”, la question des rôles Canton-communes a été abordée. Ainsi, il est souligné que “la coordination entre les communes et le Canton doit également être renforcée, en développant une vision globale et concertée.”[4]

 

Dans le but de définir une stratégie cantonale de la politique sociale du logement, le présent postulat demande au Conseil d’État de mettre sur pied un inventaire des actions et des prestations mises en place par les communes et les associations dans le canton. Nous demandons que cet inventaire permette de dresser un état des lieux, sur la base des retours du terrain, des enjeux relatifs à la politique actuelle du logement dans le canton. Nous demandons, plus précisément que le Conseil d’État: 


 

  • Consulte les communes qui disposent de lieux d’hébergement d’urgence, de logements de transition, qui ont choisi de développer des prestations d’aide au logement telles que l’AIL ou les logements subventionnés pour élaborer un compte-rendu de leur réalité de terrain. Que ce compte-rendu permette de cartographier l’aide sociale au logement développée par les communes, ses enjeux, ses limites et ses besoins.


 

  • Consulte les associations qui fournissent une aide au logement (par exemple l’hébergement d’urgence ou les logements de transition) pour élaborer un compte-rendu de leur réalité de terrain et de leurs enjeux, de la même manière que pour les communes.


 

  • dresse un inventaire des rapports élaborés dans le Canton par des associations et des collectifs actifs dans l’aide au logement ainsi qu’un compte-rendu de la table ronde du 14 septembre 2022 mentionné plus haut, ainsi que leurs conclusions et recommandations.


 

  • dresse un inventaire des rapports scientifiques et universitaires traitant de la question de l’aide sociale au logement dans le canton de Vaud. Nous demandons que cet inventaire rende compte des constats de terrain et des recommandations édictées.

 

 

 

 

[1]https://43m2.ch/cp_070922.pdf

[2]https://www.vd.ch/toutes-les-autorites/grand-conseil/depute-e-s/detail-objet/id/22_HQU_47/membre/612412/

[3]https://www.cairn.info/revue-le-sociographe-2014-4-page-45.htm

[4]https://www.hetsl.ch/fileadmin/user_upload/actualites/Cp_VilleLausanne_220916.pdf

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Théophile SchenkerVER
Didier LohriVER
Sandra PasquierSOC
Alberto MocchiVER
Muriel ThalmannSOC
Monique RyfSOC
Géraldine DubuisVER
Nathalie JaccardVER
Valérie ZoncaVER
Romain PilloudSOC
Cendrine CachemailleSOC
Isabelle FreymondSOC
Claude Nicole GrinVER
Céline MisiegoEP
Yannick MauryVER
Graziella SchallerV'L
Carine CarvalhoSOC
Felix StürnerVER
Elodie LopezEP
Hadrien BuclinEP

Document

22_POS_61-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Joëlle Minacci (EP) —

En avril 2022, dans sa newsletter, le sleep-in redoutait, comme chaque printemps, la fermeture saisonnière de plus de 160 lits pour les personnes sans-abri, à Lausanne, en conséquence de la politique du thermomètre adoptée depuis plusieurs années. Le sleep-in écrit ainsi : « La situation est déjà tendue en ce moment avec une augmentation des problèmes de santé mentale et physique, de nombreuses décompensations et de l’agressivité entre les personnes. La fermeture des centres hivernaux aura donc des répercussions désastreuses : dégradation de la qualité d’accueil pour les structures, augmentation des personnes qui dormiront à la rue et renforcement de la précarité pour les groupes les plus précaires. »

En mai 2022, la même structure écrit : « Comme chaque année à la même période, le système d’hébergement d’urgence a la tête sous l’eau. Ce système qui ne parvient pas à garantir une place pour un enfant de sept ans, ce système qui au 18 mai 2022 a déjà refusé un lit à une personne à 1437 reprises… Attention ! Apparemment, on n’est pas sûr que le dispositif soit saturé. Il semblerait qu’il faille faire une évaluation pour savoir s’il manque des places d’hébergement d’urgence à Lausanne et dans le canton de Vaud. On pourrait s’amuser à démonter l’ensemble des arguments du département les uns après les autres, mais l’envie n’est plus là. On préfère ici se demander comment il est possible que nos référents étatiques soient autant ignorants de notre réalité. Quels sont les retours – lorsqu’il y en a – de ce qui se passe sur le terrain ? »

Sur la base de ces mêmes constats, le collectif « 43m» a ouvert deux centres. L’un à Beaulieu est immédiatement démantelé et le deuxième, dans les jardins de la Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HETSL), entre juin et juillet 2022. La prestation s’est arrêtée par faute de moyens et manque de relais politiques. Pour le collectif, les hébergements d’urgence sont nécessaires, mais : « Ils ne sont pas une solution sur le long terme et encore moins tels qu’ils sont pensés par des institutions n’ayant aucune connaissance des problématiques de la rue. Il faut une réflexion bien plus large sur le logement. »

Des enjeux similaires se retrouvent dans la politique globale du logement social qui recouvre des prestations telles que l’Aide individuelle au logement (AIL), les logements subventionnés, ou encore les logements de transition, qui sont du ressort et du bon vouloir des communes et des associations. L’offre de prestations est ainsi disparate et ne répond pas à toutes les demandes ou situations. On peut aussi noter que l’augmentation des charges de loyer dues à la crise énergétique précarise tout un pan de la population et que les prestations seront d’autant plus engorgées. Ce n’est pas tant la qualité ou le format des prestations qui semblent poser problème, mais bien l’absence d’une vision à l’échelle du canton, ainsi qu’une offre insuffisante, qui depuis des années répond à la logique de la pénurie, en tant que politique. Les limites du principe de subsidiarité du canton sont ainsi évidentes et les témoignages que je viens de citer montrent à la fois des difficultés sur le terrain et un sentiment d’impuissance, de ne pas être entendu, malgré des interventions régulières ou la publication de rapports.

Le besoin d’une stratégie cantonale de la politique sociale du logement est ressorti le 14 septembre 2022, lors d’une Table ronde qui a réuni des actrices et acteurs du monde associatif ainsi que les autorités publiques concernées par les hébergements d’urgence. Outre l’importance des ressources financières pour pallier le manque de lits, la nécessité d’une pluralité de réponses à ce problème complexe, mais aussi le besoin d’un personnel formé pour assurer l’encadrement des bénéficiaires, la question des rôles du canton et des communes a été abordée. Ainsi, il est souligné que la coordination entre les communes et le canton doit également être renforcée en développant une vision globale et concertée ; c’est la volonté de ce postulat. Pour définir une stratégie cantonale de la politique sociale du logement, qui se base sur les réalités des associations et des communes qui œuvrent dans l’aide au logement, il faut faire remonter les réalités du terrain. Pour ce faire, nous demandons au Conseil d’Etat de mettre sur pied un inventaire des actions et des prestations mises en place par les communes et les associations, dans le canton. Nous demandons que cet inventaire permette de dresser, sur la base des retours du terrain, un état des lieux des enjeux relatifs à la politique actuelle du logement dans le canton.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

Le postulat, cosigné par au moins 20 membres, est renvoyé à l’examen d’une commission.

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