Moins de 36 heures après le braquage commis le 18 septembre dans la matinée, le procureur avait demandé la mise en détention des trois Lituaniens en Suisse, et l'extradition d'un de leurs concitoyens interpellés en France. Il a simultanément renoncé à demander le maintien de la garde à vue et l'extradition des deux autres Lituaniens arrêtés en même temps que ce dernier. C'est cette renonciation, qualifiée de "faute professionnelle inacceptable et gravissime" par le plaignant et son avocat, qui lui est reprochée.
Ces reproches omettent la prise en considération du fait, pourtant parfaitement connu du bijoutier et de son conseil, qu'au moment de prendre sa décision le 19 septembre en fin de journée, le procureur s'est notamment fondé sur la synthèse, établie à son intention par les policiers en charge de l'enquête. Or, à l'issue d'un récapitulatif des investigations effectuées jusqu'alors, cette synthèse préconisait la mise en détention des trois prévenus arrêtés en Suisse et de l'un des trois Lituaniens interpellés en France, à ce moment présenté par la police comme étant le quatrième braqueur. En l'état du dossier, les enquêteurs ne disposaient objectivement pas d’éléments concrets impliquant les deux autres personnes interpellées en France.
Ce n'est que par la suite, le 21 septembre, notamment après avoir pu visionner et comparer l’ensemble des images de vidéo-surveillance de provenances diverses, que les enquêteurs ont pu constater que le quatrième auteur du braquage n'était pas celui jusqu'à alors envisagé, et que les deux personnes remises en liberté pouvaient également être impliquées dans cette affaire. Immédiatement informé de ces nouveaux éléments, le procureur a réorienté son enquête en conséquence, d'une part en modifiant sa demande d'extradition, d'autre part en décernant deux mandats d'arrêt internationaux.
Tout en laissant ouverte la question d'une éventuelle erreur d'appréciation du procureur, le Procureur général considère comme sans relation avec la réalité de l'enquête les reproches virulents et péremptoires assénés par l'avocat du plaignant. La véhémence et la violence de ces reproches démontrent au surplus une méconnaissance de la réalité des conditions dans lesquelles les enquêteurs et le procureur travaillent, de la nécessité de prises de décisions rapides résultant d'une appréciation faite dans l'urgence, et des difficultés concrètes de l'entraide judiciaire.
En conclusion, le Procureur général, qui poursuivra l'examen détaillé du déroulement de l'enquête, considère qu'il n'existe aucun motif justifiant de dessaisir le procureur de l'enquête. Le magistrat connaît son dossier. Il l'instruit avec diligence et conformément aux règles en la matière. Le Procureur général souhaite que l'avocat du plaignant, en sa qualité d'auxiliaire de la justice, intègre dans sa vision jusqu'ici unilatérale de la situation les éléments objectifs qu'il connaît, et que les médias fassent montre de la retenue qui convient avant d'ériger en conclusions péremptoires des affirmations empreintes d'une grande subjectivité.
Ministère public central
Eric COTTIER
Procureur général du Canton de Vaud