Chaque année, du 18 au 24 novembre, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) lance une campagne visant à sensibiliser le grand public, les prescripteurs et les décideurs politiques à la problématique et aux conséquences de l’antibiorésistance. En partenariat avec le CHUV, le Canton promeut cette action avec une campagne de sensibilisation auprès des médecins prescripteurs aussi bien dans le milieu hospitalier (soins aigus et centres de traitement et réhabilitation et cliniques) que dans les soins ambulatoires, en cabinet et en EMS.
Mission Antibiotix : prendre les bonnes décisions pour lutter contre l’antibiorésistance
La campagne 2025 porte sur la durée optimale des antibiothérapies. En effet, optimiser la durée des traitements contribue à lutter au quotidien contre l’antibiorésistance. Les médecins prescripteurs, qu’ils soient actifs à l’hôpital, en EMS ou en ambulatoire se voient proposer une nouvelle version du jeu virtuel « Mission AntibiotiX » avec 20 nouvelles vignettes cliniques. Il s’agit d’autant de missions avec un seul objectif : prendre les bonnes décisions thérapeutiques.
Interview du Dr Emmanouil Glampedakis, médecin coordinateur pour HPCI Vaud à la Direction générale de la santé.
Dr Glampedakis, pouvez-vous nous expliquer simplement ce qu'est l'antibiorésistance ?
Les antibiotiques sont des médicaments précieux qui servent à tuer les bactéries qui nous rendent malades. Mais les bactéries développent des stratégies de survie et on parle d’antibiorésistance lorsqu’elles ont appris à résister à ces traitements. D’un point de vue de la santé, cela signifie que des infections qui se soignaient facilement deviennent plus difficiles à traiter, et parfois les antibiotiques habituels (de première ligne) ne fonctionnent plus.
Qu’est-ce qui crée de l’antibiorésistance ?
Les bactéries sont des êtres vivants minuscules dotés d’une grande faculté d’adaptation. Quand elles sont exposées à un antibiotique, elles cherchent des moyens de survivre. Avec le temps et l’exposition aux antibiotiques, certaines réussissent à développer des “astuces” pour résister aux médicaments. Leurs principales façons de s’adapter sont
- Le blocage : elles apprennent à bloquer l’antibiotique. Certaines fabriquent des substances qui détruisent l’antibiotique avant qu’il ne fasse effet,
- La porte d’entrée : elles modifient leur surface. Alors que l’antibiotique doit en général entrer dans la bactérie pour l’éliminer, certaines bactéries changent la forme de leurs portes d’entrée pour empêcher le médicament d’y accéder.
- L’expulsion : elles expulsent l’antibiotique qui aurait réussi à entrer.
Ces stratégies apparaissent surtout quand les bactéries sont souvent exposées aux antibiotiques, par exemple : si les antibiotiques sont utilisés trop fréquemment ou quand il n’y en a pas besoin. La durée d’un traitement antibiotique doit être celle recommandée pour le type d’infection parce que, si elle est trop courte, certains microbes survivent et apprennent à résister. A l’inverse, avec un traitement trop long, on expose inutilement les microbes à l’antibiotique, ce qui leur donne aussi plus d’occasions de devenir résistants. Une durée optimale permet de guérir efficacement tout en évitant de créer des bactéries capables de résister aux antibiotiques.
Concrètement, quels risques entraîne-t-elle pour la santé humaine ?
L’antibiorésistance rend les infections plus difficiles à traiter. Des traitements plus forts, plus coûteux et avec plus d’effets secondaires sont nécessaires pour faire face à des infections à germes résistants, vu que les traitements de première ligne ne sont plus efficaces.
Y a-t-il aussi d’autres risques (environnement, animaux…) ?
L’antibiorésistance ne concerne pas seulement la santé humaine : elle touche aussi notre alimentation, notre environnement et l’équilibre global entre humains, animaux et nature. Lorsque les animaux d’élevage reçoivent trop d’antibiotiques, des bactéries résistantes peuvent apparaître dans leur intestin. Ces bactéries peuvent ensuite se retrouver dans les aliments comme la viande, le lait ou les œufs, et ainsi passer à l’être humain.
Elles peuvent également se diffuser dans l’environnement. Par les déjections animales, les eaux usées ou certaines pratiques agricoles, ces bactéries résistantes peuvent contaminer l’eau des rivières, des lacs, le sol ou même les plantes.
Cette circulation constante des bactéries entre l’être humain, les animaux et l’environnement crée un lien très fort entre tous ces milieux. C’est pourquoi on parle d’approche « One Health » : la santé humaine, la santé animale et la santé environnementale sont indissociables
Qu’est ce que Mission Antibiotix apporte dans la lutte du canton de Vaud contre l’antibiorésistance ?
Mission Antibiotix est un outil concret pour soutenir la lutte du canton de Vaud contre l’antibiorésistance en renforçant la formation des médecins à l’utilisation prudente des antibiotiques. Les prescripteurs ont des journées très chargées, et il est souvent difficile d’y ajouter de la formation continue qui rappelle les bonnes pratiques. Le jeu répond à ce défi : il propose des vignettes cliniques courtes, réalistes et faciles à intégrer dans leur pratique quotidienne, sans alourdir leur emploi du temps. En sensibilisant les médecins à la problématique de l’antibiorésistance et en améliorant leurs décisions de prescription, Mission Antibiotix agit directement sur la santé humaine, là où la résistance aux antibiotiques a les conséquences les plus immédiates
L’escape game est accessible aux professionnels qui peuvent participer en équipe, en individuel et/ou lors de rencontres interservices, via
- Les plateformes d’e-learning internes aux établissements
- Le site internet http://www.missionantibiotix.ch , librement accessible dès le 18.11.2025 et durant toute l’année suivant la campagne.
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