Point séance

Séance du Grand Conseil le mercredi 15 juin 2022, point 26 de l'ordre du jour

Texte déposé

Annoncé comme le plus ambitieux des programmes de recherche et d'innovation de l'Union Européenne (UE), le programme-cadre Horizon Europe(1) dispose d'un budget de plus de € 95.5mia destiné au financement de projets de recherche pour la période 2021-2027. L'accès à ces fonds est réservé aux pays membres de l'UE, ainsi qu'à une sélection de pays "tiers-associés"(2)... dont la Suisse ne fait désormais plus partie.

 

L'exclusion de la Suisse de ce programme-cadre est un véritable coup de massue pour les équipes de recherche de toutes les hautes écoles helvétiques, ainsi que pour leurs partenaires de recherche européens. Dès l'échec de l'accord-cadre, plusieurs organisations et/ou réseaux de recherche européens ont d'ailleurs plaidé pour la réintégration de la Suisse à ce 9ème programme de recherche de l'UE.

 

La présence de 6 Hautes Ecoles Spécialisées vaudoises et 3 Hautes Ecoles conventionnées (toutes rattachées à la HES-SO), de l'Unil, de l'EPFL et du CHUV, fait du canton de Vaud l'un des lieux de formation et de recherche les plus dynamiques de Suisse. Deuxième canton universitaire après Zürich, notre canton partage avec celui-ci la particularité d'accueillir tous les types d'écoles et d'offrir des formations dans tous les domaines de l'enseignement supérieur. Parallèlement aux partenariats intra- ou inter-cantonaux, les hautes écoles vaudoises ont construit des collaborations fertiles avec des établissements européens et internationaux. L'innovation puise son inspiration dans les recherches effectuées au sein des hautes écoles vaudoises, ces coopérations sont donc essentielles à la vitalité économique de notre canton puisqu'elle contribuent à l'attractivité de nos écoles et à la qualité des recherches qui y sont effectuées.

 

L'exclusion de la Suisse du programme Horizon Europe est un terrible coup de frein à la mobilité académique et au transfert de connaissances. D'une part, les jeunes scientifiques suisses, désormais exclu.e.s du marché européen, n'ont plus accès aux prestigieuses bourses ERC. D'autre part, l'attractivité des postes et des projets au sein des hautes écoles et instituts de recherche suisse se voit considérablement affaiblie. En effet, aussi généreux qu'ils puissent être, les montants d’aide transitoires prévus par la Confédération ne pourront compenser l'impossibilité pour un centre de recherche suisse d'être Leading House, c'est-à-dire être porteur d'un projet de recherche estampillé Horizon Europe et de se profiler comme centre d'excellence.

 

Pour la vitalité des milieux de la recherche, tant suisses que vaudois, il est donc impératif que les autorités fédérales fassent de la réintégration de la Suisse au programme Horizon Europe une priorité.

Ainsi, les soussigné.e.s souhaitent que le Canton de Vaud exerce son droit d'initiative cantonale auprès de l’Assemblée fédérale (art. 109 al. 2 Cst-VD). L’initiative cantonale a la teneur suivante :

 

 

Les autorités fédérales entreprennent dans les meilleurs délais toutes les démarches en faveur de la réintégration de la Suisse au programme de recherche de l'UE afin que les chercheuses et les chercheurs suisses soient à nouveau pleinement associés à Horizon Europe.

Conclusion

Prise en considération immédiate

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Cendrine CachemailleSOC
Jean TschoppSOC
Monique RyfSOC
Christine ChevalleyPLR
Jérôme ChristenLIBRE
Cloé PointetV'L
Yves PaccaudSOC
Jean-Bernard ChevalleyUDC
Eliane DesarzensSOC
Stéphane MontangeroSOC
Rebecca JolyVER
Salvatore GuarnaSOC
Muriel ThalmannSOC
Daniel TrollietSOC
Josephine Byrne GarelliPLR
Jean-Claude GlardonSOC
Delphine ProbstSOC
Hadrien BuclinEP
Bernard NicodPLR
Muriel Cuendet SchmidtSOC
Valérie InduniSOC
Cédric EchenardSOC
Blaise VionnetV'L
Gilles MeystrePLR
Vincent JaquesSOC
Pierre-André RomanensPLR
Claire Attinger DoepperSOC
Yannick MauryVER
Marc VuilleumierEP
Anne-Sophie BetschartSOC
Claude Nicole GrinVER
Gérard MojonPLR
Nicolas Croci TortiPLR
Florence Bettschart-NarbelPLR
Denis CorbozSOC
Catherine LabouchèrePLR
Sergei AschwandenPLR
Didier LohriVER
Rémy JaquierPLR
Céline BauxUDC
Jean-Luc CholletUDC

Document

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Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Sonya Butera (SOC) —

Je me fais le porte-voix de la délégation vaudoise de la Commission interparlementaire de contrôle de la HES-SO, que je préside. La délégation vous propose une initiative destinée aux autorités fédérales, dont l’objectif est essentiellement que nous, Grand Conseil, exprimions publiquement notre soutien aux milieux vaudois de la recherche. Rien de plus.

Suite à l’échec de l’accord-cadre survenu il y a environ une année, les milieux suisses de la recherche n’ont plus accès au programme Horizon Europe destiné au financement des projets de recherche pour la période 2020-2021 et 2021-2027 par l’Union européenne. Certes, des mesures alternatives de financement ont été bricolées par la Confédération. Toutefois, l’accès à ce programme-cadre pose des problèmes qui vont bien au-delà de la seule problématique du financement. Elle interfère, par exemple, avec l’attractivité des postes de recherche, des places de travail au sein des hautes écoles et elle prétérite gravement l’avenir des jeunes scientifiques suisses.

Je suis moi-même députée de l’Ouest lausannois et j’ai, parmi mes connaissances, un certain nombre de professeurs universitaires. A ma connaissance, plusieurs personnes devant venir dans la région lausannoise pour entamer un contrat ont renoncé à le faire en raison de cette non-accessibilité au programme Horizon Europe.

Comme je l’ai dit, à l’heure actuelle, d’autres sources de financement existent – le Fonds national de recherche scientifique par exemple – et il n’y a pas une exclusion totale des projets de recherche européens. A l’heure actuelle, moyennant une source de financement complémentaire de la part d’une institution tierce, les équipes de recherche suisses peuvent toujours participer à des études multicentriques en collaboration avec des partenaires européens. Par contre, elles ne peuvent pas assumer la position de leading house – ou Heim Institution pour citer une de nos langues nationales – à moins que le centre de recherche suisse bénéficie d’un financement qui permette de financer intégralement tout le projet de recherche, y compris ces composantes à l’étranger.

En résumé, les montants d’aide transitoires actuellement prévus par la Confédération ne permettent pas aux équipes de recherche de diriger des projets, mais seulement d’y participer. Il faut savoir que lorsqu’on coordonne un projet de recherche, on fixe des priorités et on donne une orientation non négligeable au développement de la recherche et de l’innovation au niveau du continent.

Le canton de Vaud, avec la présence de l’Université de Lausanne, de l’EPFL, du CHUV et des neuf autres écoles rattachées à la HES-SO, est l’un des lieux de formation et de recherche les plus dynamiques de Suisse. Si chacune de ces institutions a déjà exprimé son inquiétude, c’est parce que la perte de l’accès aux fonds européens Horizon Europe ne se limite pas uniquement au milieu académique vaudois. En effet, les fonds de recherche de l’Union européenne sont également accessibles aux projets qui seraient portés par des PME. En guise d’exemple, de 2014 à 2020, 25% des projets suisses ayant bénéficié d’un financement estampillé Horizon 2020, étaient portés par des PME. Il n’existe absolument pas, en Suisse, un instrument de financement équivalent. Sur les 26 projets suisses figurant parmi les projets retenus par la Commission européenne de la recherche comme particulièrement réussis dans le cadre d’Horizon 2020, quatre étaient des projets lausannois. On y retrouve beaucoup l’EPFL, mais également une start-up vaudoise active dans le développement de prothèses améliorées qui permettent aux personnes amputées de retrouver un contrôle s’apparentant à la proprioception.

L’innovation vaudoise ne profite donc pas uniquement de la proximité avec nos hautes écoles, mais également de l’expérience de recherche fondamentale et appliquée acquise par les scientifiques au sein de ces hautes écoles, du financement par l’Union européenne ou lors de séjours effectués auprès de partenaires européens. L’accès à ces fonds de recherche est donc tout aussi essentiel à la vitalité économique de notre canton, que ne le sont les coopérations de recherche en elles-mêmes. Il en va de l’attractivité de nos hautes écoles et de la qualité des recherches qui y sont effectuées.

La perte du statut de pays tiers associé à Horizon Europe pour la période 2020-2021 et 2021-2027 est donc une source de frustration qui va bien au-delà des milieux académiques et hospitaliers. Plusieurs organisations et réseaux de recherche suisses et européens ont déjà manifesté leur souhait que la Suisse réintègre rapidement ce programme de recherche de l’Union européenne, dont les universités, les EPF, les hautes écoles, mais, également l’industrie pharmaceutique suisse, ainsi que d’autres milieux économiques.

Sur le plan politique, d’autres cantons, notamment ceux dont l’économie repose également sur une activité de recherche pour laquelle la présence des hautes écoles est particulièrement valorisée, sont déjà intervenus auprès des autorités fédérales. Il y a deux jours, le Conseil national a adopté une motion demandant que le Conseil fédéral négocie avec l’Union européenne une convention spécifique pour associer la Suisse à Horizon Europe. A titre purement indicatif, sachez que 80% des 19 parlementaires vaudois ont choisi de soutenir cette motion et que c’est l’un des premiers votes auxquels ont participé nos deux collègues assermentés en début de semaine.

En acceptant cette initiative, vous adresserez un message positif à l’Université de Lausanne, aux hautes écoles, aux start-up vaudoises et aux jeunes chercheuses et chercheurs. Accepter cette initiative revient à dire que nous soutenons leur travail et que nous reconnaissons la plus-value que ces établissements et que ces personnes apportent à notre canton et que nous savons que notre dynamisme économique puise une partie de son inspiration dans leurs travaux. Je vous invite, très chers collègues, à soutenir cette initiative qui demande aux autorités fédérales d’entreprendre, dans les meilleurs délais, toutes les démarches en faveur de la réintégration de la Suisse au programme de recherche de l’Union européenne, afin que les chercheuses et les chercheurs suisses soient à nouveau pleinement associés à Horizon Europe.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Catherine Labouchère (PLR) —

En préambule, je déclare mes intérêts : je préside la Fondation pour l’Université de Lausanne, suis membre de la Fondation pour la recherche en biologie et médecine et membre de la délégation de la Commission interparlementaire de contrôle de la HES-SO. J’ai cosigné cette initiative qui fera réagir – du moins, je l’espère vivement – les autorités.

Depuis le 26 mai 2021, date de l’abandon de l’accord-cadre par le Conseil fédéral, pas de plan B. Seulement quelques déclarations pour poursuivre la voie bilatérale et quelques propositions dont on peine à connaître la teneur. C’est une sorte d’anesthésie de prise de position d’envergure, exceptée celle du Conseil national, il y a deux jours. Pendant ce temps, sur le terrain, c’est autre chose. Les milieux académiques sont touchés en premier : plus de participation à Horizon Europe, plus d’accès aux bourses European Research Council (ERC), des enseignants, chercheurs et étudiants qui choisissent d’autres pays, etc. La liste est longue.

Comme la recherche est le carburant pour la création de start-up, puis d’entreprises, tous ces domaines innovants voient leur horizon bien sombre et sont parfois tentés de répondre aux sollicitations étrangères. Dans les domaines industriels, c’est aussi complexe, que ce soit dans les medtechs, la sécurité quantique ou d’autres secteurs de pointe qui font la réputation de nos exportations. Au bout de la chaîne, ce sont des emplois qui partent ou ne se développent pas. Vous allez me dire que ce n’est pas catastrophique, que le chômage diminue en Suisse et dans notre canton, que l’économie se porte bien et que l’Europe a besoin de la Suisse. Attention à ne pas se bercer d’illusions, car la dégradation lente des accords bilatéraux vers l’obsolescence ne constitue nullement un programme.

Sur le plan politique, cet anniversaire du 26 mai 2020 n’est guère joyeux. L’interlocuteur de la Suisse à Bruxelles n’est pas venu à Davos, l’ambassadeur de l’Union européenne à Berne ne cesse d’avertir qu’il est temps de faire des propositions acceptables. Plusieurs parlementaires cantonaux et fédéraux, comme de nombreuses personnes engagées dans plusieurs milieux, ont tiré la sonnette d’alarme, mais rien de tangible ne s’annonce. Pire encore, certaines personnalités affirment que le peuple ne veut pas d’accord et qu’en votation, cela conduirait à un non. C’est une belle présomption : préjuger de la décision populaire quand on ne lui pose pas la question est assurément un raisonnement spécieux. Je vous encourage vivement à accepter cette initiative ; c’est un signe tangible pour sortir de cette léthargie.

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

En tant que cosignataire de ce texte, je m’associe pleinement aux propos tenus par Mmes Labouchère et Butera. J’aimerais rajouter quelques propos personnels. L’Europe de la générosité, l’Europe du partage, l’Europe de la fraternité, l’Europe du progrès et… l’Europe de la mesquinerie. Parce que, voyez-vous, nous ne sommes pas en conflit armé avec Bruxelles. Je trouve absolument lamentable que des choses aussi sensibles et nécessaires que la formation et le savoir soient, pour des mesures de mesquineries, retirées de nos rapports avec Bruxelles. Il me semblait tout de même que ce qui concerne la formation pouvait être retiré du paquet de nos problèmes avec l’Europe.

A titre personnel, je trouve cela dommage. L’Europe se punit autant qu’elle nous punit étant donné que, ces dernières années, à quelques unités près, le nombre d’étudiants européens qui venaient étudier chez nous était équivalent à celui d’étudiants de notre pays et de notre région qui partaient étudier à l’étranger. C’est la raison pour laquelle je vous invite à souscrire à la démarche initiée par la section vaudoise de la Commission interparlementaire de la HES-SO. Nous ne nous faisons pas beaucoup d’illusions quant aux chances de succès, mais je crois que, symboliquement, il est important que nous manifestions le fait que nous n’acceptons pas une telle façon de procéder.

M. Sébastien Cala (SOC) —

Tout d’abord, je déclare mes intérêts : je suis chercheur en sciences du sport à l’Université de Lausanne. En tant que chercheur, j’aimerais appuyer les propos de mes préopinantes et préopinants. Une des premières conséquences de la perte et de l’exclusion du projet Horizon Europe, c’est que les chercheurs ne viennent plus. Les chercheurs suisses et européens échangent moins. L’incertitude qui règne autour de cette situation fait que les chercheurs n’osent plus se lancer dans ce genre de projet. Il faut comprendre que, pour répondre aux demandes d’un projet tel qu’Horizon Europe, il faut plusieurs mois de travail pour déposer un dossier de candidature. Avec l’incertitude qui plane aujourd’hui, les gens renoncent. Cela se résume en perte d’attractivité de la place de recherche et un appauvrissement de la recherche en Suisse. C’est une perte pour l’innovation et, donc, une perte pour la place économique de notre canton et de la Suisse. Cela est d’autant plus dommageable que la Confédération avait souligné que le projet précédent, 2014-2020, avait été bénéficiaire pour la Confédération. Autrement dit, les universités suisses avaient reçu plus d’argent que ce que la Confédération avait donné aux projets européens. Je vous encourage donc vivement à accepter ce texte afin que la recherche suisse retrouve sa place sur le continent européen.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

Dans son développement écrit, l’auteure demande le renvoi direct au Conseil d’Etat.

L’initiative, prise en considération, est renvoyée au Conseil d’Etat avec quelques avis contraires.

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