Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 16 avril 2024, point 11 de l'ordre du jour

Texte déposé

MCH2 mise à jour de la loi sur les finances LFin

 

Historique de MCH

La Conférence des directeurs et directrices cantonaux des finances (CDF) a publié en 2008 le manuel intitulé «Modèle comptable harmonisé pour les cantons et les communes». Ce manuel contient 20 recommandations concernant les divers aspects de la présentation des comptes publics accompagnées de notes explicatives. La documentation, à l’instar du nouveau plan comptable, se fonde sur la loi fédérale sur les finances de la Confédération (LFC) et son ordonnance d’application (OFC).

La CDF recommande aux cantons d’introduire le MCH2 dans un délai de dix ans, soit en 2018 au plus tard.

 

Situation cantonale

Pour notre canton, depuis des années, ce modèle comptable harmonisé est brandi comme la SOLUTION pour comparer les collectivités de droit public que sont les communes.

De par sa présence à la conférence des directeurs et directrices cantonaux des finances, notre canton s’appuie de manière très surprenante et surtout très aléatoire sur MCH2 lorsque nous traitons du budget, des comptes ou simplement justifier sa position au gré des courants dans d’autres sujets financiers.

Le département des finances, sous ses diverses appellations et têtes dirigeantes, argumente, botte en touche toutes les interventions demandant des mesures réelles en fonction des recommandations fédérales unifiées.

 

Proposition

Sans vous remémorer les débats homériques des comptes 2022 et de ses préfinancements, un collègue suscitait les députés de modifier les lois pour que cessent des discussions inutiles par rapport au but recherché par la Confédération de mettre en place un système de comparaison entre les cantons suisses afin d’affiner les critiques de la péréquation fédérale.

Prenant notre bâton de pèlerin, force est de constater que le canton de Vaud n’a pas proposé de modifier sa loi sur les finances comme les cantons suisses l’ont fait dès 2016. Quelle n’est pas la surprise de constater que la loi sur les finances ne mentionne à aucun moment la mention MCH comme les autres lois cantonales. Nous prenons un exemple parmi la petite vingtaine de documents à jour des cantons :

 

Art. 42 (BE 2014)

Normes applicables

1 La présentation des comptes se fonde sur les recommandations du modèle comptable harmonisé pour les cantons et les communes.

 ou

Art. 21 Plan comptable de l'Etat (GE loi du 4 octobre 2013)

1 La classification par nature du plan comptable est établie conformément au plan comptable général figurant dans le modèle comptable harmonisé pour les cantons et les communes (MCH2), publié par la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances.

 

Conclusion

Les signataires demandent que le Canton modifie la loi sur les finances (LFin de 2005) de manière à harmoniser son texte de loi avec les autres cantons et en totale cohérence avec sa présence au sein de la Conférence des directeurs et directrices cantonaux des finances (CDF).

Les signataires ont l’honneur de demander au Conseil d’Etat de soumettre au Grand Conseil une mise à jour de la loi sur les Finances où figure :

 

les termes « Modèle Comptable Harmonisé »

 

ainsi que les références idoines dans d’autres règlements ou textes légaux à l’intention des collectivités publiques.

 

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Julien EggenbergerSOC
Sabine Glauser KrugVER
Céline MisiegoEP
Hadrien BuclinEP
Nicolas GlauserUDC
Felix StürnerVER
Pierre-André RomanensPLR
Nathalie JaccardVER
Amélie CherbuinSOC
Yvan PahudUDC
Graziella SchallerV'L
Sylvie PodioVER
Pierre FonjallazVER
Sébastien HumbertV'L
Jerome De BenedictisV'L
Kilian DugganVER
Jean-Louis RadiceV'L
Guy GaudardPLR
Joëlle MinacciEP
Andreas WüthrichV'L
Circé Barbezat-FuchsV'L
Maurice GayPLR
Yolanda Müller ChablozVER
Alexandre BerthoudPLR

Documents

Rapport de commission - RC - 23_MOT_21_min_2_J. De Benedictis

Rapport de commission - RC - 23_MOT_21_min_1_K. Duggan

Rapport de la commission - RC - 23_MOT_21_RC_maj_Florence Gross_avec annexe

23_MOT_21-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Florence Gross (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Par l'intermédiaire de ce texte, le motionnaire souhaite modifier la Loi sur les finances (LFin) pour correspondre aux orientations du Manuel comptable harmonisé (MCH) et la rendre ainsi cohérente avec les pratiques cantonales. Le modèle comptable harmonisé fournit les bases de présentation des états financiers des cantons et des communes. Le modèle MCH2 a été développé à partir de MCH1 par le groupe d'études pour les finances cantonales à la demande de la Conférence latine des directrices et des directeurs cantonaux des finances (CLDF). En s'appuyant sur certains standards, dont les International public sector accounting standards (IPSAS) et en coordination avec le nouveau modèle comptable de la Confédération, la CLDF a développé 20 recommandations constitutives du MCH2. Ces 20 recommandations ainsi que l'ensemble du manuel y relatif ont été adoptés en janvier 2008 par la CLDF.

En commission, la conseillère d'Etat a rappelé qu'il existe diverses pratiques cantonales, dont des exemples figurent en page 2 du rapport de majorité. De plus, ce que demande le motionnaire a déjà été abordé en 2012 par le Conseil d'Etat qui recommandait également son refus. En effet, – et il s’agit de l'un des arguments forts de la majorité de la commission –, il ne retourne que de recommandations et non d'obligations ; de surcroît, ces recommandations sont appelées à évoluer. Il n'y a donc aucune raison de les amener à figurer stricto sensu dans une base légale. Ces recommandations autorisent également des dérogations qui figurent – si utilisées – dans l'annexe de la brochure des comptes. Par conséquent, le Conseil d'Etat recommande de ne pas prendre la motion en considération.

Lors des discussions, il est notamment rappelé par les commissaires de la majorité qu'à aucun moment il n'y a lieu d'aborder la problématique des communes dans ce débat, sachant qu'il n’est nullement pertinent de comparer celles-ci aux cantons, mais uniquement les communes entre elles ; en outre, qu'il est important, voire primordial, de maintenir une souveraineté cantonale ; qu’une une recommandation n'a pas force d'obligation et que son application reste optionnelle, mais doit être argumentée. A fortiori, l'impact de l'application obligatoire de certaines recommandations pourrait être problématique. A cet égard, l'exemple de la réévaluation du patrimoine financier est flagrant. Ainsi, accepter cette motion revient à adopter une recommandation et voir les fluctuations boursières menacer le petit équilibre et n'amener aucune transparence supplémentaire, transparence pourtant demandée.

Quant aux compétences décisionnelles sur les préfinancements incombant à l'exécutif, cette motion n'y changerait rien. Les bases légales relativement aux compétences respectives du Conseil d'Etat et du Parlement dans le bouclement des comptes sont claires. Pour ces différentes raisons, la majorité de la commission, par 5 voix contre 4 et 4 abstentions, recommande au Grand Conseil de ne pas prendre en considération cette motion.

M. Kilian Duggan (VER) — Rapporteur-trice de minorité 1

Nous traitons un texte qui affecte la manière dont notre canton – et par extension nos communes – gère ses finances. Il s'agit de l'inscription du terme Modèle comptable harmonisé (MCH) proposée par notre collègue Didier Lohri dans notre base légale. La transparence financière ne constitue pas seulement une exigence pour nos administrations, mais une attente de tous nos concitoyens et toutes nos concitoyennes. En adaptant la LFin pour inclure le terme MCH, nous prenons un engagement clair pour une gestion des finances publiques à la fois transparente et uniforme. Cette démarche est importante pour maintenir la confiance de la population envers nos institutions publiques. L'exemple que nous donnons en tant qu'autorité cantonale est fondamental. Les communes, qui observent de près les pratiques que nous adoptons au niveau cantonal, s'inspirent souvent de ces dernières pour ajuster leur propre méthode de gestion. En adoptant et en inscrivant le MCH, il ne s'agit pas d'une simple mise à jour administrative. Nous renforçons notre rôle de modèle en matière de gouvernance financière, encourageant les communes à emboîter le pas. Il est de notre devoir d'assurer que toutes les strates de notre administration adhèrent à un standard de clarté et de précision qui renforce l'équité et la transparence. En harmonisant nos pratiques comptables, nous facilitons une meilleure comparaison et une meilleure compréhension des finances à travers le canton et ses communes, ce qui est indispensable pour évaluer l'efficacité des politiques publiques et pour prendre des décisions informées. Aussi, au nom de la minorité 1, je vous invite à soutenir cette motion. Adoptons le MCH pour démontrer notre engagement vers la transparence, pour servir d'exemple à suivre pour les communes et pour garantir que notre gestion financière reste solide, responsable et respectueuse des principes comptables adoptés par la CLDF, dont notre canton est membre.

M. Jerome De Benedictis (V'L) — Rapporteur-trice de minorité 2

Je m’exprime au nom de la minorité 2 de la Commission des finances (COFIN) qui vous recommande l'abstention. Les arguments exposés par mes deux préopinants comprennent tous des aspects positifs – ce qui justifie l’abstention. Permettez-moi néanmoins de vous donner quelques exemples qui permettent d'aller dans ce sens-là. Le MCH2 qui est publié par la CLDF donne de nombreuses recommandations. Par exemple, l’un des principaux enjeux de la recommandation numéro 8 concerne les préfinancements : ces derniers ont engendré de nombreux débats notre noble Parlement. Il y est notamment mentionné que « les préfinancements permettent en particulier aux communes de répartir les charges financières de gros projets sur plusieurs années. La décision de recourir à un préfinancement relève de l'organe disposant de la compétence décisionnelle en matière d'autorisation de dépense. Au niveau cantonal, le Parlement décide. » Je n'ai pour ma part pas le souvenir d'avoir décidé de préfinancements.

A cela s’ajoute que « La Conférence de présentation des comptes publics (CSPCP) considère que le recours aux préfinancements n'est plus nécessaire dès qu'une collectivité publique opte pour des amortissements linéaires sur la durée d'utilisation. » C'est notre cas. Le Conseil d'Etat continue pourtant à pratiquer les préfinancements. De plus, le manuel et la recommandation numéro 8 prévoient que du point de vue du principe de l'image fidèle, un principe qui me tient à cœur – et j’espère qu’il en va de même pour vous – les préfinancements doivent être clairement écartés. Le mot clairement est bel et bien repris dans les recommandations ; et cela s’avère problématique. En effet, nous avons des recommandations – qui ne sont que des recommandations, j’en conviens – mais qui doivent être suivies par le Conseil d'Etat.

Si pour une raison extraordinaire, le Conseil d'Etat décide de ne pas les suivre, il doit en faire mention dans la brochure des comptes. Dans celle de 2022 – dernière brochure complète des comptes avec les annexes qui nous a été transmise – aux pages 319 et 320, les dérogations au MCH2 explicitées par le Conseil d'Etat ne parlent absolument pas des préfinancements. Ainsi, inscrire MCH2 dans la loi est problématique, ce que la présidente de la COFIN a expliqué par le truchement de certains éléments que je peux rejoindre. Or, aujourd'hui, le Conseil d'Etat fait fi de certaines de ces recommandations sans en expliquer le pourquoi ni le comment : cela pose un immense problème législatif.

Par conséquent, vous me voyez obligé de proposer de vous abstenir pour envoyer un message clair qui consiste à dire : nous ne pouvons pas inscrire MCH2 dans la loi pour les contraintes évoquées. Toutefois, madame la conseillère d'Etat, mesdames et messieurs du Conseil d'Etat, je ne saurais que trop vous prier de tenir compte de ces recommandations et d’expliquer honnêtement celles auxquelles vous dérogez.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — premier vice-président

La discussion est ouverte.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Le groupe Ensemble à Gauche et POP est partagé quant à cette motion. En effet, d’un côté, nous sommes favorables à la demande de notre collègue Didier Lohri en faveur de davantage de transparence dans les comptes de l’Etat par le biais de la mise en œuvre d’un modèle comptable harmonisé, puisqu’un tel modèle permet de favoriser les comparaisons entre cantons, voire à un niveau international. De plus, ces dernières années, nous avons souvent critiqué la tendance du Conseil d'Etat à réaliser des écritures de bouclement visant à camoufler d’importants excédents sans grand débat démocratique autour de l’affectation desdits excédents. Ces arguments plaident donc en faveur de la prise en considération de cette motion.

Toutefois, nous exprimons également quelques craintes relatives aux conséquences de la mise en œuvre d’un tel plan comptable harmonisé s’il ne se voit pas accompagné d’aménagements assez importants. En commission, un exemple relatif à la comptabilisation des titres d’entreprises détenus par l’Etat a été donné ; cet exemple nous a inquiétés. En effet, si ces titres sont comptabilisés à leur valeur du marché, alors la première année, cela peut produire un excédent important dans les comptes de l’Etat. Or, ensuite, en cas de péjoration de la situation économique et d’une baisse du cours des titres – par exemple de la BCV – nous nous demandons s’il n’existe pas le risque que l’Etat doive corriger la valeur de l’action au bilan, ce qui péjorerait les comptes et risquerait d’actionner les mécanismes d’assainissement prévus par la Constitution, mécanismes qui sont selon moi trop rigides et libéraux – mais il s’agit là d’un tout autre débat.

Compte tenu de cette inquiétude, certains au sein de mon groupe s’abstiendront sur cette motion, ce qui revient à dire que nous sommes favorables à la mise en œuvre d’un modèle comptable harmonisé, mais avec des aménagements significatifs qui évitent que la transparence comptable se retourne de manière indésirable contre le service public, rejoignant ainsi la minorité portée par notre collègue Jérôme de Benedictis.

Mme Amélie Cherbuin (SOC) —

Par le biais de ces trois rapports, nous constatons – une fois n’est pas coutume – que les positions dépassent les clivages gauche-droite. Le rapport de majorité conclut de ne pas introduire MCH2 dans la LFin, puisqu’il ne s’agit que de recommandations qui, de surcroît, sont régulièrement mises à jour. Leur inscription dans les bases légales les rendrait contraignantes et plus rigides. Ainsi, il est plus intéressant de permettre au Conseil d'Etat de déroger à ces normes selon son appréciation au cas par cas. Pour étayer ce refus, il est relevé que ces recommandations demandent une réévaluation du patrimoine financier, ce qui constitue une difficulté non négligeable du fait que le canton possède un certain nombre – voire un nombre certain – d’actions de la BCV qui subissent de plein fouet toutes sortes de fluctuations de la valeur boursière. En effet, une dévaluation des marchés boursiers entraîne une baisse de la valeur du portefeuille qui doit être enregistrée à charge à la fin de l’exercice. Cette pratique pourrait fortement affecter les comptes du canton et mettre en péril le petit équilibre, alors qu’il ne s’agit fondamentalement que d’une écriture comptable.

A l’inverse, le rapport de minorité 1 appuie une application stricte des recommandations de MCH2 en introduisant des normes dans nos bases légales à l’instar de la plupart des cantons, dont celui de Berne. Cela permettrait une lecture harmonisée des comptes, une meilleure transparence de la gestion des finances publiques, de pouvoir se comparer de manière plus pertinente avec nos voisins et de faire preuve d’exemplarité à l’heure où les communes devront se plier à cette comptabilité.

Raison pour laquelle un troisième rapport est présenté offrant une alternative à ce plénum en proposant une abstention massive sur la question, non pas faute d’une opinion claire sur le sujet, mais pour permettre de mettre en exergue les problématiques soulevées par M. le député Lohri concernant la pratique obscure des préfinancements, sport cantonal bien maîtrisé par notre ancien ministre des finances.

Pour le groupe socialiste, il semblait utile, par ce rapport proposant l’abstention, de montrer que certaines recommandations mériteraient de figurer dans la législation, notamment en ce qui concerne les préfinancements et les diverses modalités d’amortissement, mais que d’autres recommandations devraient s’accompagner d’adaptations spécifiques, par exemple en réduisant les risques de dévaluation du patrimoine par une obligation de prévoir une réserve à cet effet. L’abstention massive permettrait une alternative qui ne doit être interprétée ni comme un refus ni comme une acceptation, mais plutôt comme une demande adressée au Conseil d'Etat d’affiner ses recommandations aux particularités de notre canton, d’en mesurer les conséquences, et ce, avant d’envisager de les inclure dans la LFin plutôt que de simplement les faire figurer telles quelles, brutes de décoffrage. Par conséquent, le groupe socialiste vous recommande de suivre le rapport de minorité 2 et de vous abstenir.

M. Didier Lohri (VER) —

Accordez-moi en préambule une petite réflexion qui vaut son pesant d'or. Le communiqué de presse concernant le résultat des comptes 2023 a décoiffé le cénacle politique. La présentation du Conseil d'Etat introduit la notion de MCH2 : nous sommes dans une situation amusante et kafkaïenne ! Mais revenons à notre objet : la motion MCH déposée le 29 août 2023.

Ce dépôt, comme Mme notre collègue Cherbuin l'a relevé, a engendré trois rapports. La composition des signataires des différentes prises de position ne laisse aucun doute quant à l'issue du vote. Permettez-moi d'être content de constater des désaccords entre commissaires de même groupe politique avec une sensibilité différente au sujet de MCH. Est-ce dû à leurs responsabilités en qualité d'élus communaux ou est-ce pour faire allégeance à la position du Conseil d'Etat antérieure à la publication des comptes du 26 mars 2024 ? Sans répéter le débat tenu en Commission, permettez-moi néanmoins de reprendre les éléments les plus surprenants qui semblent démontrer une forme de peur du changement pour affronter l'avenir, alors que nous avons parlé d'efficience en ce début d'après-midi.

MCH est le premier outil d'analyse de l'efficience. La position inlassablement répétée par le Conseil d'Etat repose sur une décision prise en 2012 et réitère des arguments qui ne sont pas rédhibitoires au fait d'inscrire MCH dans la loi. Le discours du Conseil d'Etat n'est plus crédible lorsqu'il justifie par la voix de son chef de service que l'application de la recommandation numéro 13 du MCH2 portant sur la vision consolidée engendrerait des difficultés quasi insurmontables afin d'offrir une vue financière d'ensemble sur les entités prises en compte dans la consolidation, telles que la BCV ou Romande Energie ; je reviendrai sur ce point, parce que ce n'est pas tout à fait vrai.

Dans sa conclusion, le rapport de majorité philosophe en présentant une autre forme de la position du Conseil d'Etat : « la souplesse proposée permet au canton une certaine souplesse ». Cette souplesse que je considère comme discutable, subjective et inqualifiable en matière financière a réactivé dans mon centre de créativité cérébrale une citation de Montaigne dont la teneur est la suivante : « Infinis esprits se trouvent ruinés par leur propre force et souplesse ». Cette situation de souplesse n'est pas viable. Souvenez-vous du 19 mars 2024, date à laquelle le plénum a accepté deux motions et une interpellation déposées par le PLR sur la transparence des entités annexes et les souplesses rendant opaques leur comptabilité. N'oublions pas les longs débats au moment des comptes ou du budget sur les questions de préfinancements, comme cela a été relevé par notre collègue de Benedictis et Kilian Duggan.

Toutes les tendances plénières se heurtent à un petit souci avec l’interprétation des préfinancements : le problème fondamental posé par MCH. Comment les partis peuvent-ils s’opposer ou s'abstenir à la motion déposée qui va exactement dans le but recherché, c’est-à-dire la transparence pour les citoyennes et citoyens ? Prenons un autre argument surprenant tentant de justifier la position du Conseil d'Etat : comment ce dernier peut-il, en 2017, renouveler et signer à nouveau la Convention MCH de 2008 qui fixait comme objectif de mettre en application le principe du modèle comptable harmonisé au plus tard en 2018 ? Par cet engagement, le Conseil d'Etat a invité de façon presque obligatoire les communes à se soumettre à MCH2 d'ici 2026. Les arguments du canton sont les suivants et ils requièrent votre complète attention : « Ce modèle a pour objectif de renforcer l'harmonisation de la présentation des comptes et de se rapprocher des normes internationales. La situation financière des communes et des associations de communes sera plus transparente et sa lecture sera plus aisée pour chaque citoyenne et citoyen. » D’ailleurs, je ne saisis pas très bien où est la relation internationale au niveau des communes. Le canton peut ergoter sur les termes « recommandations » ou « normes » afin que vous refusiez la motion, mais cet argument est anecdotique, voire absurde. En effet, il existe suffisamment d'exemples où la recommandation a plus de poids qu'une norme, par exemple les secteurs de télécommunication ou de l’aviation – vous savez très bien que nous sommes obligés de travailler avec ces recommandations.

Le canton doit être exemplaire. Il ne peut pas inviter les communes – qui possèdent, elles aussi, des parts d’entités identiques au canton, comme la BCV ou la Romande Energie – à introduire MCH2 et à la fois refuser de mentionner cette disposition dans sa loi sous forme évolutive MCH. Le Conseil d'Etat, en date du 26 mars 2024, a utilisé ouvertement MCH2. Il est temps d'adapter une loi ne correspondant plus à ses actions et faisons fi – s'il vous plaît – du nom de famille du porteur de cette motion. Nous devons conserver en tête la réalité du terrain.

Par conséquent, j'en appelle au bon sens de la centaine de députés, syndics, municipaux, conseillères, conseillers, suppléants, suppléants communaux ou généraux, ainsi qu'à la vingtaine de députés, anciens politiciens communaux ou élus du peuple de ce plénum, pour soutenir cette motion par cohérence avec vos prestations de serment, en total respect de la population que vous représentez, comme l'ont fait 22 cantons suisses dans leur loi, et ce, indépendamment des mots d'ordre de leur parti.

M. Denis Dumartheray (UDC) —

Je déclare mes intérêts : je suis syndic d'une commune, mais siège également à la COFIN. Exemplarité ? Comment convaincre nos communes, nos boursières, nos syndics responsables des finances ou municipaux de fournir des comptes répondant à MCH – peu importe que ce soit 1 ou 2, mais il s’agit de MCH2 aujourd'hui – et simultanément leur expliquer que le canton, dans sa base légale et dans sa loi, ne l'a pas inscrit ? Je connais très bien les dribbles et les feintes de mon cher collègue Lohri, mais sur ce point-là, je ne peux que le suivre et encourager mes collègues syndics municipaux ici présents, l'ensemble des députés à prendre en considération cette motion. Comment expliquer à nos concitoyens que nous travaillons sur un modèle comptable que le canton n'applique pas ? Laisser le choix au canton de faire comme il veut ? Je ne suis pas sûr que ce soit opportun. En revanche, la possibilité d’y déroger paraît judicieuse, comme s’y emploie le canton de Berne. Aussi, je ne peux que vous encourager à suivre la motion Didier Lohri.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

J’ose espérer que moi aussi suis un petit peu dans la réalité du terrain ! Monsieur Lohri, l’objectif ne consiste pas à mettre votre texte au pilori ! J’aimerais néanmoins amener quelques éléments dont le premier porte sur l’une des recommandations dont mon collègue Buclin a parlé : le patrimoine financier. Pour le PLR que je suis, introduire une norme au sein d’une loi s’avère toujours un petit peu compliqué. En effet, les experts qui modifient ces normes ne sont pas élus. Ainsi, nous ignorons la forme que revêtiront les normes demain, après-demain, dans 10 ou 15 ans. Ainsi, inscrire une norme dans la LFin me pose un réel problème.

Je déclare mes intérêts – si besoin est – comme collaborateur à la Banque cantonale vaudoise dont l'Etat est actionnaire pour 67 %, soit à peu près 86’000 actions, ou plutôt 86 millions d'actions en raison du split. Le cours extrême de 2022 s’élevait à 28 francs, ce qui équivaut à 240 millions. En 2021, il s’agissait de 295 millions, c’est-à-dire la différence entre le cours le plus haut et le plus bas sur une année. Demandez-vous comment le gouvernement va pouvoir introduire cet aspect-là dans la comptabilité, avec les effets potentiellement engendrés relativement au frein à l’endettement sur l'exercice futur. Il s’agit d’une norme : cela implique qu’elle doit être appliquée à 100 %

Monsieur Lohri, je comprends bien votre problème avec les préfinancements. Cependant, nous devons tenir compte de l’ensemble des éléments. Comment allons-nous intégrer ces 240 millions, en sachant que, finalement, peu de variations ont été constatées au niveau boursier ?

Monsieur Dumartheray, vous parlez des communes. Même si je fus par le passé conseiller général d'une petite commune de 140 habitants, je ne suis ni conseiller communal, ni municipal, ni syndic. L'objectif de MCH2 consiste à comparer une commune avec une autre, parmi 300 communes – des pommes avec des pommes, des poires avec des poires. Certes, la nouvelle péréquation produira moins d'effets, mais je pense que cela demeure important en termes d’indicateurs de performance ou de ratio.

Le canton de Vaud, en tant que canton souverain, est unique au monde. Son actionnaire majoritaire est la banque cantonale, à l’inverse d’autres cantons dont l'actionnaire majoritaire n’est pas la banque cantonale. Le Contrôle cantonal des finances (CCF) demande que les dérogations soient mentionnées dans la brochure des comptes : ce à quoi le gouvernement s’emploie. Alors, si l’on considère que la mention des dérogations est insatisfaisante et les préfinancements peu compréhensibles, je suggère d’essayer de les comprendre un peu mieux, car il en va du travail parlementaire, notamment de celui des commissions de surveillance. Pour ma part, il est hors de question, malgré tout le respect que je vous dois, d’introduire une norme dans la LFin qu'on ne maîtrisera pas, demain ou après-demain. Par conséquent, je vous demande de refuser le texte de mon collègue Lohri.

M. Pierre Dessemontet (SOC) —

Je déclare à nouveau mes intérêts : je suis syndic de ma ville et responsable de ses finances. Comme cela a été rappelé, la motion veut rendre automatiques et obligatoires les recommandations de la CLDF en modifiant la LFin. Dans les circonstances actuelles, le pilotage et la maîtrise des finances publiques relèvent vraiment de l'équilibrisme, preuve en fut d'ailleurs le long débat portant sur le point précédent de l’ordre du jour, qui nous a permis de nous rendre compte qu’un petit 2 %, pouvait s’avérer le vecteur de grandes difficultés. A ce titre, rigidifier le système, transformer une règle de recommandation en norme qui ne tolère pas d'exception – le sens même du postulat de notre collègue Lohri – peut et va provoquer des effets délétères, malvenus, qui ne sont pas anticipés à l'heure actuelle.

Dans le cadre du difficile pilotage des finances publiques, il est essentiel que des marges de manœuvre puissent demeurer. A ce titre, dans le cadre de recommandations, la marge d'interprétation est autorisée, a fortiori extrêmement souhaitable. Par conséquent, je vais m'opposer à la motion Lohri parce qu’elle veut précisément supprimer ces possibilités. La perception de la réalité par le motionnaire – j'ai toujours un peu ce sentiment avec M. Lohri – s’opère en noir et blanc, en juste ou faux, de manière absolument nette et précise. Je l’envie, parce que la mienne est composée de gammes de gris, de flou, d’arbitrages qui ne sont pas toujours extrêmement cohérents. Cependant, mine de rien, ce gris, ce flou, ce cohérent permet des marges de manœuvre qui, dans le très difficile pilotage des finances publiques, offre quelques libertés. Vous me voyez extrêmement attaché à ces libertés. Vous avez entendu que mon groupe vous propose de s'abstenir. Quant à moi, je ne vais pas suivre cette recommandation mais m'opposer et suivre les conclusions du rapport de majorité.

Mme Séverine Evéquoz (VER) —

En tant que membre récente de la Commission des finances et digne remplaçante ou successeure de M. Didier Lohri, je tiens à prendre la parole aujourd'hui pour vous communiquer ma compréhension de ce sujet. Si je me trouvais aujourd'hui en train d'écouter le Grand Conseil depuis mon bureau ou sur Sonomix, à la maison, je me dirais : « Mais tiens, que peut-il bien y avoir à cacher ? Quelle contre-indication y a-t-il à adopter ou en tout cas à mentionner un principe dans une loi sur les finances cantonales, un principe sur des normes comptables harmonisées auxquelles le canton de Vaud a lui-même contribué en appartenant notamment à la CLDF ? »

La question est complexe car le canton participe d'une certaine façon à établir des normes harmonisées pour pouvoir agréger des données cantonales qui permettent aussi de disposer de données statistiques cohérentes au niveau national, c’est-à-dire à posséder un modèle qui permet de renforcer la transparence, la confiance de la population dans la gestion des finances publiques. Ainsi, je me poserais légitimement la question de ce qui empêche de reprendre ce principe dans LFin, puisqu’un chapitre complet – le 6, si je ne m'abuse – traite de la présentation des comptes. A cet égard, je me permets un petit aparté : une comparaison intercantonale aiderait certainement le travail de M. Moscheni dans ses vérifications de gestion financière et des comptes. Par conséquent, il serait très intéressant de posséder ce principe au niveau de la LFin. Comme membre de la minorité 1, je vous propose d'accepter la motion de M. Lohri.

Enfin, j'aimerais terminer en disant que je ne partage pas l'analyse de mon collègue Dessemontet sur le principe d’application stricte de ces normes ou de ces recommandations, si nous venions à les intégrer en tant que principes dans notre législation ; mon approche est très différente. En outre, il me semble que les éléments mentionnés par Mme Cherbuin ou M. Buclin pourraient tout à fait être abordés, tout comme les dérogations déjà actuellement employées pourraient continuer à l’être. En effet, c'est déjà le cas dans d'autres cantons, notamment Berne. Sur un principe de pourquoi ne pas s'imposer à soi-même ce qu'on demande aux autres, je vous recommande d’accepter la motion Lohri qui me paraît pertinente et cohérente d’avec la demande adressée aux communes.

M. Didier Lohri (VER) —

J’aimerais réagir à la dernière intervention de M. Dessemontet, qui me chagrine. Si ma logique de fonctionnement est binaire, la sienne est floue et me gêne profondément. Dans la presse du 25 mars, ce dernier évoque le passage au nouvel outil de gestion des comptes harmonisés imposés aux communes comme le vecteur surprenant d’une grosse différence de la dissolution des réserves. Par conséquent, son emploi du terme délétère échappe à ma conception. L’emploi de ce genre de termes explique peut-être ma démission de la Commission de finances.

Monsieur Berthoud, j'aimerais que vous m'expliquiez la différence entre le patrimoine financier de la Romande Energie que détient le canton de Vaud et le patrimoine financier que détiennent les communes de la Romande Energie. Vous n'avez pas de réponse ? Il s’agit d’un exemple concret d’une situation à laquelle la théorie ne s’applique pas.

Monsieur De Benedictis, pour terminer, je suis très reconnaissant des propos que vous avez tenus et qui me font chaud au cœur, car vous avez mis le doigt sur la problématique des préfinancements. Or, il y a un problème ; je vous rappelle qu'on ne fait pas de l'amortissement linéaire mais on le présente dans les comptes. Les comptes et les amortissements sont, semble-t-il, proportionnels à la dépense qui a été faite dans l'année.

Concernant la souveraineté cantonale, il serait intéressant de savoir si le canton de Vaud renouvelle l'affaire de la péréquation financière (RPT). En effet, je vous rappelle que Vaud était le seul canton qui ne redistribuait pas la RPT aux communes. Quand M. Berthoud parle de nouvelle péréquation cantonale, je rappelle qu'au niveau fédéral une nouvelle péréquation prévaut également. Il serait peut-être utile de posséder un alignement des procédures MCH, de telle façon qu'entre les cantons et la nouvelle péréquation fédérale le terrain soit prêt. D'un point de vue professionnel, je vous rappelle que dans le monde des télécommunications qui n'est pas ancien, je vous mets au défi de trouver un pays ou une région qui voudrait inventer sa propre règle en la matière avec des ondes électromagnétiques à une certaine fréquence qui impliquerait que personne ne pourrait communiquer avec lui. Ainsi, l'argument de souveraineté cantonale lorsqu'on parle de recommandations et de normes me paraît inapproprié. Je vous invite à regarder un petit peu à côté de vous dans le « monde réel », car dans ce dernier on ne fait rien sans recommandations et sans harmonisation. Comme le canton l'a dit, je le répète encore une fois, « les communes sont priées de respecter, de se rapprocher des normes internationales ». Je vous invite à la raison. MCH est un petit pas auquel il y a toujours moyen de déroger. Je n'ai d’ailleurs jamais prétendu que MCH ne permettait pas de le faire, mais il s’agit avant tout de le publier, d'avoir des recommandations correctes.

M. Julien Eggenberger (SOC) —

Tous les membres de la Commission des finances se seront bientôt exprimés, ce qui montre que le débat est aussi vif qu'il le fut en séance de commission. Pourquoi en sommes-nous là ? Parce que ces dernières années, nous avons observé des pratiques peu claires, adopté des comptes peut-être moins lisibles que ce que nous aurions espéré. Tout cela a été toléré. Nous ne pouvons en revanche pas dire que les arbitrages opérés au niveau de l'application des normes MCH2 sont secrets, puisque vous pouvez trouver une annexe aux comptes sur les dérogations aux principes de MCH2. Je vous le concède, cette annexe aux comptes n'est ni très lisible, ni très claire, ni soumise au vote du Parlement.

Que propose la motion ? De nous lier les mains avec des recommandations d'experts, hors de tout contrôle politique ; stipuler dans la loi que nous devons systématiquement et sans discussion appliquer les recommandations MCH2. Or, que faudrait-il faire pour résoudre le problème évoqué en introduction ? Demander au Conseil d'Etat de justifier et de soumettre au Parlement sa manière de mettre en œuvre les recommandations MCH2. Cela pourrait être le cas, par exemple, dans un rapport à une motion ou encore nous pourrions modifier la loi qui l’oblige à soumettre ces éléments à notre Parlement. Mais la motion discutée aujourd'hui permet-elle cela ? Non. Permet-elle de mieux expliciter les choix que ce Parlement devrait faire sous l’application des normes MCH2 ? Non. Donne-t-elle des pouvoirs au Parlement ? Non plus. Raisons pour lesquelles, comme M. Dessemontet, et contrairement à la majorité de mon groupe, je vous invite à refuser cette motion.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

Je me permets de répondre à la question de M. Lohri sur les actions de la Romande Energie. L'ensemble des communes vaudoises possèdent 16,22 % du capital actions de la Romande Energie qui représente un montant de l'ordre de 25 millions, dont une commune dans les grandes actionnaires : Lausanne. Cette dernière possède 3,05 %, soit 4'730’000 francs de capitalisation boursière. Vous imaginez ce que cela représente comme différence : 10 % sur l'ensemble des actions vaudoises, soit 470’000 francs. Des chiffres très différents de notre représentation de l'actionnariat de la Banque cantonale vaudoise. Toutes les informations sont consultables sur les sites, vous pouvez par conséquent les vérifier. Enfin, je regrette que votre démission de la Commission des finances soit lié au fait que nous ne nous soyons, à une occasion, pas montrés gentils avec vous ! (Rires)

M. Didier Lohri (VER) —

Je rassure mon collègue Berthoud, ma thérapie de groupe avait des limites. J'ai préféré retrouver ma liberté et l'interprétation de mes propres recommandations. Par rapport à votre manière de présenter la question de la Romande Energie : c'est un vrai discours de banquier, voire d'astrologue de la finance ! Non, il s’agit plutôt de regarder la proportionnalité. Il y a une rigueur. Vous êtes le premier à avoir enseigné cette rigueur à la Commission des finances. Alors, ayez le courage d'aller jusqu'au bout de votre rigueur et admettez que vous vous enferrez dans cette discussion sur MCH2. Peut-être que dans quelque temps, dans 10, 12 ou 15 ans, il y aura un nouveau ministre des finances dans le canton de Vaud. Aujourd'hui opposé à MCH2, il aura peut-être découvert dans 12 ans qu'il fallait passer à MCH2. Donc, je ne me fais pas de soucis. MCH2 viendra bien un jour. Que les choses soient claires : je regrette que nous n'affrontions pas l'avenir riches d’outils, d’une harmonisation de notre comptabilité qui offre une transparence souhaitée par les citoyens. Quant aux préfinancements qui ne sont pas cachés, comme l'ont rappelé M. Eggenberger ou de M. Benedictis, il s’avère très compliqué de les suivre. Je vous encourage à vous abstenir, à voter favorablement au renvoi de cette motion.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

Je suis très heureux d'apprendre que j'étais le professeur de M. Lohri… mais était-ce pour l’astrologie ou l’économie ? J'ose espérer pour la seconde ! Monsieur Lohri, je ne peux pas répondre plus factuellement à votre question. La valorisation boursière de la plus grosse commune du canton qui détient les 3,05 % du capital d'action de la Romande Energie est Lausanne. Cela représente 4,7 millions de capitalisation. Si l’on part du principe que l'action de la Romande Energie baisse de 10 %, cela équivaut à 470’000 francs. Je ne peux pas inventer d'autres chiffres que ceux de la vraie vie et du terrain.

M. Didier Lohri (VER) —

Je remercie M. Berthoud pour ses quelques précisions. Qu'il se rassure : ce n’est guère en l'astrologie que je crois. Toutefois, j'aimerais simplement qu'il comprenne que lorsqu’il s’agit de comptabilité, on ne peut pas prendre l'exemple de Lausanne. Vous ne pouvez pas commencer à adopter des règles différentes pour l’une ou l’autre commune ; les règles doivent rester identiques. Vous avez cité le canton de Berne, un exemple que j'aime beaucoup. Pour évaluer son patrimoine financier, le canton de Berne adopte une pratique qui n'est pas contraire à MCH2. Par conséquent, rien n'empêche le Conseil d'Etat de prendre les standards MCH2 et de définir une valeur pour déterminer son patrimoine financier.

Mme Florence Gross (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Monsieur Lohri, monsieur Berthoud, votre tandem – si j'ose l'appeler ainsi – m'avait presque manqué ! Tout le monde souhaite indéniablement l’uniformité et la transparence. En revanche, les termes de la comparaison doivent admettre commune-commune ou canton-canton et non pas canton et commune. Monsieur Duggan, je vous ai peut-être mal compris. Toutefois, quand il est question d'efficacité et de politique publique, je peine à croire qu'on puisse comparer canton et communes. Or, si toute commune n'est pas encore passée à MCH2, sachez que l'Etat a émis un excellent tableau de bord interactif des finances communales qui permet déjà d'effectuer certaines comparaisons plus qu'intéressantes.

La CLDF a adopté des principes – un terme utilisé par différentes personnes qui souhaitent prendre en considération cette motion. Il s’agit véritablement de principes et non de normes. Je vous invite à consulter les annexes du rapport de majorité qui font état de ces recommandations et démontrent leur utilisation par les différents cantons. Vous le constaterez, Vaud ne fait pas exception, contrairement à ce qui a été dit par certains, dans l'application de ces différentes recommandations – mais non de façon exhaustive comme certains autres cantons.

Monsieur Lohri, vous vous attachez au préfinancement et à ses nombreuses conséquences. Je pense que nous pourrions aisément rallier des majorités au sujet de la complexité des préfinancements. Or, cette motion touche aussi d'autres sujets et recommandations ; ce qui a notamment été relevé par mon collègue Eggenberger. La question de la valorisation du capital a aussi occupé une bonne partie de la discussion qui ne s’est pas limitée aux préfinancements – l’une des raisons du refus de ce texte par la majorité de la commission. En effet, les risques d'effets délétères engendrés par l’obligation de devoir appliquer l'ensemble des recommandations sont trop importants, comme l'a très bien rappelé mon collègue Dessemontet.

Il est vraiment question de recommandations et non de normes. J’estime que laisser une marge de liberté – une valeur qui fait encore heureusement partie de la devise de notre canton – doit rester valorisée. Par conséquent, comme la majorité, je vous invite à ne pas prendre en considération cette motion. Je rejoins monsieur Eggenberger : beaucoup de points ne seront pas réglés par cette motion. Or, il s’agit de ceux qui mériteraient davantage de transparence.

Enfin, lors de ce débat en plénum, j'invite Mme la conseillère d'Etat à tenir compte des diverses observations sur les aspects de clarté, de transparence, sur la nécessité d’explications relatives à l’application ou non des recommandations dans la brochure des comptes.

M. Kilian Duggan (VER) — Rapporteur-trice de minorité 1

Je suis également attaché à la devise de notre canton, toutefois c'est bien la première fois que j'entends qu’il faut faire preuve d'une certaine liberté en matière de comptabilité ! J'ai plutôt cru comprendre que la comptabilité devait être fidèle à une image. Et, comme M. Berthoud n'a pas le monopole de la vraie vie, si nous regardons ailleurs, par exemple en direction des collectivités publiques, les entreprises sont, elles aussi, soumises à des normes comptables, par exemple International financial reporting standards (IFRS), SwissGap ou encore USGap. Beaucoup de normes auxquelles, après accord, tout le monde se soumet.

J'ai entendu M. Eggenberger dire qu’il faut se soumettre à des recommandations d'experts. Non, monsieur Eggenberger, il ne s’agit pas de recommandations d'experts mais de la CLDF, c’est-à-dire des élus, dont je pense – et j'espère – Mme Dittli fait partie. La recommandation – qu'on l’appelle d'ailleurs recommandation ou norme, il ne s’agit finalement que d’un terme – est validée, votée, acceptée par des membres d'exécutifs cantonaux qui disent : « oui, c'est une bonne recommandation, il faut qu'on puisse l'appliquer de manière le plus uniforme possible sur le territoire à des fins de comparaison ». Ainsi, l'efficience des normes nous permet de comparer une prestation, une tâche publique entre cantons – un élément judicieux lorsqu’on essaie d’analyser la façon dont nous dépensons l'argent du contribuable, celle dont nous délivrons des prestations publiques. Elle peut être aussi intéressante dans le cas où des questions se posent relativement à l’acteur qui doit effectivement délivrer une prestation. Par exemple, les communes pourraient-elles parfois mieux délivrer une dite prestation que le canton ou inversement ? Comparer les comptabilités permettrait de faire un choix éclairé.

Comme répété à de maintes reprises par M. Lohri, que la norme figure dans la loi n’interdit pas d’y déroger. Le Conseil d'Etat est libre de présenter les dérogations qu'il souhaite en les expliquant de manière étayée. Je pense que tant la Commission des finances que notre Parlement y gagneront en clarté. L'ensemble de nos concitoyennes et concitoyens aimeraient être capables de comprendre les comptes de l'Etat.

M. Jerome De Benedictis (V'L) — Rapporteur-trice de minorité 2

Permettez-moi de revenir sur deux éléments sur lesquels j'ai été interpellé, dont le premier concerne les communes. Je n’avais pas déclaré ma fonction de syndic à Echandens n’imaginant pas qu’il s’agissait d’un intérêt. En revanche, j’aimerais préciser que ce n'est pas MCH2 qui a été imposé aux communes – au sens de l’ensemble de recommandations – mais le plan comptable prévu par MCH2, c'est-à-dire la comparabilité des comptes. Aujourd'hui, toutes les mesures prévues, notamment sur les préfinancements et autres recommandations spécifiques, ne sont, à ma connaissance, pas imposées aux communes.

Ensuite, j'ai été interpellé sur la question des amortissements. Sauf erreur de ma part, les amortissements prévus par le Conseil d'Etat dans la présentation des comptes sont linéaires. Ils bénéficient de deux « maniclettes ». La première consiste en l'amortissement supplémentaire, qui bafoue un petit peu l'équité intergénérationnelle, mais qui peut se justifier dans certains cas. Quant à la deuxième, elle est une fois de plus liée au préfinancement : des amortissements linéaires sont financés par des préfinancements. L'effet de cette mesure et de cette manière de procéder est la suivante : lorsque 39 millions de pertes sont annoncées avec respectivement 51 millions de bénéfices, ces résultats ne considèrent pas les 10 amortissements, vu qu'ils ne sont pas couverts comme une charge, mais par un préfinancement prélevé sur des bénéfices passés.

Fort de ces clarifications, permettez-moi, en mon nom propre de vous recommander une fois de plus de vous abstenir lors du vote. J'imagine que la minorité 2 de la COFIN que je représente ici attend avec impatience et curiosité la position claire et ferme de Mme la conseillère d'Etat sur les problématiques majeures que nous avons soulevées dans notre rapport.

Mme Séverine Evéquoz (VER) —

Pour revenir sur la position de la minorité 2, cette dernière revient finalement à refuser la motion, puisqu’à priori la majorité suggère de ne pas la soutenir. Ainsi, cette solution d'entre-deux ne va pas solutionner le problème. Je voudrais rappeler l’importance de la transparence et de l'exemplarité. Notre Parlement doit pouvoir travailler en toute transparence avec le plus de souveraineté possible. Ainsi, je considère que le Conseil d'Etat possède une importante marge de manœuvre qui échappe simplement au Parlement. Par conséquent, je vous recommande de soutenir la motion de notre collègue Didier Lohri.

M. Didier Lohri (VER) —

J'ai une interrogation par rapport aux propos de M. De Benedictis concernant sa remarque sur les préfinancements dans les communes. Je ne sais pas si la loi a changé, mais les communes n'ont pas la possibilité de procéder à des préfinancements. Fais-je erreur ?

M. Jerome De Benedictis (V'L) — Rapporteur-trice de minorité 2

Monsieur Lohri, en quelques mots, j'ai affirmé que je n'avais pas connaissance de son inscription dans une loi. Le respect des normes comptables est laissé à l'appréciation des communes. Je n'ai pas connaissance que MCH2, pour ses recommandations, soit légalement imposé aux communes. Comme cela a pu être sous-entendu, le plan comptable a été imposé aux communes. La confirmation de mes propos formulés au conditionnel ne pourrait à mon avis n’être que validée par les services de la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC), mais qui ne sont pas présents aujourd'hui ; c’est regrettable. Pour répondre à Mme la députée Evéquoz, le principe d’abstention tend à conférer un message.

Accepter cette motion représenterait un risque pour la présentation des comptes et pour l'équilibre à long terme. Comme indiqué en introduction, je retiens que les arguments relevés par le motionnaire ainsi que par le rapporteur de minorité 1 tiennent également la route. Toutefois, la forme proposée, à savoir l'inscription de MCH2 dans la loi, n'est à mon avis pas opportune. Nous voulons de la transparence dans MCH2. Cette transparence se traduit par les explications qui sont fournies aux pages 319 et 320 de la brochure des comptes 2022. Or, nous souhaitons que ces dernières gagnent en clarté, en précision et en exhaustivité.

M. Julien Eggenberger (SOC) —

Je réagis à l'intervention de Mme Evéquoz. Beaucoup ont mentionné la nécessité d’une plus grande transparence, d’une justification plus explicite des choix techniques et comptables opérés. Or, adopter cette motion ne garantirait pas ce principe. En revanche, elle imposerait d’endosser les recommandations numéro 1 à 21 qui figurent sur le site internet de la CLDF. Lors de l'examen en commission, nous avons abordé une série de ces recommandations. Ainsi, j’invite toutes les personnes qui seraient tentées de soutenir cette motion à consulter ces dernières, parce qu’elles deviendraient la loi dans le canton, ce que nous ne souhaitons pas. La motion n’énonce pas seulement la nécessité d’un principe général de transparence mais stipule que ces recommandations doivent être appliquées. Enfin, peut-être aurions-nous dû proposer un « contre-projet », sous la forme d'un postulat qui permette d’amener cette transparence souhaitée afin que ceux qui la désirent ne se retrouvent pas devant la solution insatisfaisante qui consiste à s'opposer ou à s'abstenir.

M. Didier Lohri (VER) —

Monsieur Eggenberger, vos propos sont erronés et vous formulez des choses qui peuvent s’avérer trompeuses. En effet, inscrire MCH dans la loi n’impose pas une application à la lettre des recommandations. Vous-même avez indiqué la possibilité d'expliquer les différences et les modifications qui seraient admises par rapport à cela. Monsieur Eggenberger, je crois plutôt que vous faites un blocage intellectuel quant à la possibilité de voir les choses de manière évolutive. Un postulat ? Je vous rappelle que nous nous sommes côtoyés pendant une année pendant laquelle j'ai essayé de bien des manières à ce que vous ameniez un postulat par rapport à ces questions. Vos propos m’étonnent donc quelque peu. Votre interprétation de l’inscription de MCH 2 dans la loi me gêne, car si je vous entends bien, je me demande alors pourquoi le canton a resigné la convention MCH2 en 2018.

Mme Valérie Dittli (C-DFA) — Conseiller-ère d’Etat

Je remercie d’abord la Commission des finances d'avoir pris le temps de traiter cet objet et d’avoir élaboré trois rapports. Pour répondre aux potentiels sous-entendus, j'aimerais vous dire que le canton de Vaud respecte MCH2. Nous avons bien sûr des dérogations. L’audit du CCF vous est transmis dans un rapport qui confirme que les comptes du canton de Vaud ont respecté MCH2. A mes yeux, il ne faut pas confondre un vœu de transparence via une harmonisation ou ce même vœu par présentation explicite des éléments qui figurent dans les comptes de nos finances cantonales. Personnellement, je préférerais la deuxième école. Je pense que nous pouvons démontrer la transparence de ce qui figure dans les finances, le budget et les comptes d'une manière claire. Cela ne veut pas forcément dire que l’harmonisation est nécessaire.

Les directives MCH2 visent l’harmonisation et l’uniformité à des fins de comparaison. Pour moi, il est beaucoup plus important de vous montrer ce qui se trouve dans les comptes et le budget de l'Etat, parce que j'estime qu’il s’agit de l'argent du contribuable. La notion de transparence est extrêmement importante. Nous allons réussir à l'atteindre via des explications qui figurent dans la brochure des comptes ou alors dans la brochure du budget. Or, le but des recommandations de MCH2 consiste à obtenir une comparaison. Les ministres des finances ont décidé de rassembler les plus grands dénominateurs communs et ainsi une harmonisation pour être en mesure d’obtenir une comparaison.

Quant aux dérogations, elles sont nommées dans la brochure des comptes. Je le répète : le canton respecte MCH2, ce que l’audit du CCF montre. Au cas où ces dérogations ne sont pas assez claires, nous fournirons davantage d’explications. Sur une vingtaine de mesures ou de recommandations, nous dérogeons partiellement sur 5 points – c'est très peu. En outre, l'annexe est aussi auditée par le CCF.

En principe, l'amortissement est linéaire. Monsieur Lohri, j'ai l'impression que vous confondez les amortissements supplémentaires ou les amortissements non planifiés. A l'époque, nous avons procédé à des amortissements non planifiés, ce qui était possible sous MCH1, mais qui ne l’est plus sous MCH2. En revanche, les amortissements supplémentaires sont encore possibles, ce que vous pouvez lire dans notre brochure des comptes.

Quant aux communes, elles ont plutôt tendance – parce qu'elles n'ont pas encore l’obligation légale de respecter MCH2 – à utiliser les amortissements non planifiés, ce à quoi le canton de Vaud ne veut plus s’employer – ce que les nombreux syndics dans la salle confirmeront ou infirmeront. Pour changer cela, pour appliquer MCH2, les communes ont à disposition un manuel. A terme, pour aller vers l'application de MCH2, cela exigera de changer la loi.

Au niveau des préfinancements, si le mécanisme est insuffisamment clair, je mets à disposition les chiffres et les outils nécessaires pour que vous puissiez mieux suivre les préfinancements. A cet égard, une liste présentant l'état actuel de chaque préfinancement est à disposition. Je reste bien entendu à votre entière disposition pour amener plus de clarté à ce niveau. D’ailleurs, leur appellation est sans doute un peu mal choisie, car les préfinancements sont plutôt des préamortissements.

Monsieur Lohri, la RPT n’a rien à voir avec MCH2. En revanche, je vous entends lorsque vous dites qu’il faudrait peut-être répartir la RPT entre le canton et les communes. Toutefois, je vous signale aussi que dans deux ans, nous serons de nouveau donneurs. En d’autres termes, il ne faut pas créer d'automatismes dans l'application de ces recommandations, car elles sont appelées à évoluer dans le temps. En outre, certaines recommandations offrent même un choix, notamment au niveau des préfinancements. Au vu de ces trois points et des arguments que je viens d'évoquer, je vous invite à suivre le rapport de majorité.

M. Jerome De Benedictis (V'L) — Rapporteur-trice de minorité 2

Veuillez m'excuser de prendre la parole après la conseillère d'Etat. Je répète ce qui est marqué dans ces règles. D'un point de vue du principe de l'image fidèle, cette dernière constitue l'équité intergénérationnelle – le fait que les comptes présentés soient respectueux d'année en année de l'image qu'on puisse comprendre. Du point de vue du principe de l'image fidèle, les préfinancements doivent être clairement écartés. Je ne vous demande pas la manière dont vous comptabilisez les préfinancements. Je vous dis que selon le manuel MCH2, nous ne sommes pas censés en faire. Le cas échéant tout de même, il s’agirait d’expliquer clairement pourquoi.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — premier vice-président

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion par 64 voix contre 39 et 20 abstentions.

Mme Géraldine Dubuis (VER) —

Je demande le vote nominal.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — premier vice-président

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui suivent la recommandation de la majorité de la commission, à savoir le classement de la motion, votent oui ; celles et ceux qui préfèrent la recommandation de la minorité 1, à savoir la prise en considération, votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion par 62 voix contre 39 et 23 abstentions.

*insérer vote nominal

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