Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 12 janvier 2021, point 6 de l'ordre du jour

Texte déposé

 

« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. »

 

Déjà Nicolas Boileau (1636 – 1711), donne dans son Art poétique (1669-1674) ses leçons pour bien écrire en français, afin qu’il soit mieux compris.

 

Dans toute entreprise, dans n’importe quelle branche, il y a un langage spécifique, un jargon et des abréviations, ce qui pose souvent des problèmes de compréhension pour toute personne extérieure. Mais il y a aussi des manières différentes d’écrire, de rédiger.

 

En Suisse, pas moins de 800'000 personnes rencontrent des difficultés pour comprendre un texte, soit près d’une personne sur 10. Or l’Etat se doit de se faire comprendre, avant tout de ses administrés. Le langage FALC, pour FAcile à Lire et à Comprendre, basé sur les Règles européennes pour une information facile à lire et à comprendre[1], entend justement palier à une écriture administrative trop souvent incompréhensible pour bon nombre de concitoyennes et concitoyens.

 

Un récent article d’un grand quotidien vaudois[2] met en lumière les enjeux, les avantages du langage simplifié et donne un exemple de texte traduit en FALC :

 

Texte de base « Toute consultation doit faire l'objet d'une demande écrite, à transmettre au directeur de l'établissement. La direction dispose de huit jours pour apporter une réponse quant à la consultation du dossier et proposer une date. »

 

Texte traduit « Je dois faire la demande par écrit au directeur de mon établissement. Le directeur doit me répondre au maximum 8 jours après ma demande. Il doit m'expliquer quand et comment je peux consulter mon dossier ».

 

Ce même article relate les propos d’une traductrice en FALC indiquant « qu’uneétude allemande de 2011 estime que 60% de la population se situent dans les 3 niveaux les plus bas de compétence linguistique, soit A1 à B1 (sur 6 niveaux du Cadre européen commun de référence pour les langues). Ces niveaux de compétence ne permettent souvent pas de comprendre une lettre officielle. Les autorités devraient de façon générale communiquer en B1 et adapter certains sujets pour les niveaux plus bas.»

 

Pour y pallier, dans le canton de Fribourg, un postulat demandant au Conseil d’Etat « d’étudier la question, de définir quels textes rédiger en langage simplifié et même d’édicter une loi ou une ordonnance pour poser un cadre à l’utilisation de cette rédaction en langage simplifié[3] » a été adopté cet automne à une très large majorité. Par ailleurs, la Confédération ou des communes, à l’instar de Bourg-en-Lavaux, ont entrepris des travaux concrets comme la traduction de tout ou partie de leur site web en langage simplifié.

 

Site internet de l’Etat de Vaud, correspondance administrative, notifications de jugements, ORP, police, domaine de la santé, et même musées. Il y a de très nombreux domaines dans le giron de l’Etat qui pourraient voir leurs textes simplifiés. Ainsi, par le présent postulat nous demandons que le Conseil d’Etat nantisse le Grand Conseil d’un rapport sur la possible élaboration de directives d’utilisation du langage simplifié pour certains documents importants, ainsi que sa généralisation dans notre canton.

 

 

[1] https://www.unapei.org/publication/linformation-pour-tous-regles-europeennes-pour-une-information-facile-a-lire-et-a-comprendre/

[2] 24heures du Mercredi 7 octobre 2020, page 3

[3] Postulat 2019-GC-147, Wassmer Andréa, Bourguet Gabrielle, Utilisation du langage simplifié
http://www.parlinfo.fr.ch/dl.php/de/ax-5d88d034bea24/fr_DDE_2019-GC-147_Postulat_langage_simplifi.pdf

Conclusion

Prise en considération immédiate

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Florence Bettschart-NarbelPLR
Jean-Christophe BirchlerV'L
Catherine LabouchèrePLR
Séverine EvéquozVER
Isabelle FreymondSOC
Muriel ThalmannSOC
Valérie InduniSOC
Cédric EchenardSOC
Circé Barbezat-FuchsV'L
Sabine Glauser KrugVER
Alexandre BerthoudPLR
Céline MisiegoEP
Léonard Studer
Laurent MiévilleV'L
Arnaud BouveratSOC
Claire RichardV'L
Julien EggenbergerSOC
Sébastien CalaSOC
Graziella SchallerV'L
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Claude-Alain GebhardV'L
Blaise VionnetV'L
Carole DuboisPLR
Delphine ProbstSOC
Nicolas Croci TortiPLR
David RaedlerVER
Vassilis Venizelos

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Stéphane Montangero (SOC) —

Ce postulat a pour but de travailler sur la facilitation de la compréhension du langage que nous utilisons tous, notamment en termes de jargon ou de structures de phrase. Dans ce Parlement, nous sommes les premiers à témoigner du fait que nous pourrions parler plus simplement. Or, comme le disait Boileau : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement – Et les mots pour le dire arrivent aisément. » En Suisse, pas moins de 800’000 personnes rencontrent des difficultés pour comprendre un texte – soit près d’une personne sur dix. Nous demandons donc que l’Etat se fasse comprendre auprès de ses administrés de manière claire. Pour cela, il existe le langage facile à lire et à comprendre (FALC), qui est basé sur les règles européennes et qui commence à être déployé de manière assez systématique dans un certain nombre d’administrations et de services, et ce, y compris dans des cantons voisins ou dans la commune de Bourg-en-Lavaux, qui a récemment entrepris des travaux pour faire en sorte que son site soit parfaitement compréhensible de l’ensemble des administrés. C’est un enjeu pour notre société, pour notre administration et pour les pouvoirs publics en général, que d’arriver à se faire comprendre de manière simple tant au niveau de la lecture que de l’écriture.

Je m’étais approché de plusieurs collègues de tous bords politiques, notamment les chefs de groupe PLR et vert’libéraux, mais pas seulement, pour que ce postulat soit signé le plus largement possible. Comme il s’agit d’un sujet urgent, et pour faire une économie de moyens, nous demandons le renvoi direct au Conseil d’Etat.    

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Dylan Karlen (UDC) —

Je suis surpris de l’arrivée de ce type de proposition. En effet, la vraie question qui se pose à nous n’est pas de savoir comment s’assurer que les textes présentés soient compris, mais de savoir pourquoi les récepteurs des messages ne les comprennent pas. Je m’inquiète un peu de l’état de la situation de notre instruction publique, si la population n’est pas capable de comprendre des phrases – du moins, selon l’exemple proposé – simples. Quelle est la place de la littérature française dans le cursus scolaire ? Ne pourrions-nous pas envisager directement de supprimer l’écriture inclusive, qui rend la lisibilité difficile dans les textes officiels d’aujourd’hui ? L’exemple qui a été donné par le postulant dans son texte me fait un peu peur, car j’ai l’impression de lire une fiche d’exercices de l’école primaire ou secondaire. J’ai le souci qu’il se produise une infantilisation de la population au travers de cette proposition.

Mme Sylvie Podio (VER) —

Apparemment, M. Karlen ne sait pas pour qui a été développé le langage FALC. En premier lieu, il touche des personnes qui ont un handicap mental ou des difficultés de compréhension et qui ne peuvent donc pas s’exercer à la grande littérature. Ce n’est pas un problème d’enseignement, mais un problème de handicap. Mettre en place ce genre de langage permet à toutes les personnes — y compris celles qui sont en situation de handicap, mais aussi celles qui ont des difficultés de langage, car elles ne sont pas de langue maternelle française — d’avoir accès aux informations indispensables pour exercer leur droit citoyen. Nous vous recommandons de soutenir ce postulat.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

J’abonde dans le sens de ce postulat. Je déclare mes intérêts : je suis présidente de l’association romande Lire & Ecrire. En Suisse, quelque 800’000 personnes ne maitrisent pas la lecture et l’écriture. Cette question de la difficulté de l’accès à l’écrit ou aux calculs concerne énormément de gens. Toutes les administrations devraient faire l’effort d’utiliser ce langage pour communiquer avec leurs administrés. Très récemment, nous avons pu lire l’information que le canton de Fribourg utilise le langage simplifié pour communiquer sur son site fr.ch. Ce langage devrait s’étendre à toute l’administration, afin que tous les administrés puissent comprendre de façon simple les informations qui leur sont destinées.

Mme Florence Bettschart-Narbel (PLR) —

Une partie de mon groupe et moi-même soutiendront la prise en considération de ce postulat. Je suis très sensible à la question du langage simplifié. J’ai travaillé longtemps à la Fédération romande des consommateurs (FRC). On se plaint beaucoup des conditions générales, mais les courriers de l’Etat de Vaud sont parfois de longues conditions générales que l’on a de la peine à comprendre. Pour les citoyens, il est important d’avoir une bonne connaissance. Je suis souvent frappée, en tant que parent d’élève, par les courriers du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture : il est parfois compliqué de comprendre le but du courrier en question, pourquoi il a été écrit et ce que je dois en faire. Je pense ne pas être la seule à penser cela. Dès lors, je soutiendrai ce postulat.

Mme Cesla Amarelle — Conseiller-ère d'État

Ce postulat tombe à point nommé, dans la mesure où mon département soumet désormais tous les courriers adressés aux parents au système FALC, afin que les parents les comprennent, car ils sont généralement importants. Cela se fait de manière progressive. Pour l’année 2020, ce système a d’ores et déjà été mis en place, du moins pour les courriers adressés aux parents. Du point de vue général, le langage FALC est essentiel, parce que de nombreuses personnes sont très sensibles à cette question et doivent pouvoir bénéficier des informations délivrées par l’administration. C’est la raison pour laquelle nous avons aussi élaboré un certain nombre de documents traduits, car c’est souvent la population allophone qui est concernée et touchée par cette problématique. Non seulement nous soumettons les courriers en français au système FALC, mais nous devons faire de plus en plus en sorte, pour que les parents d’élève comprennent ce dont il s’agit, de traduire les courriers qui leur sont adressés.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Dans son développement écrit, l’auteur demande le renvoi direct au Conseil d’Etat.

Le postulat, pris en considération, est renvoyé au Conseil d’Etat par 88 voix contre 29 et 6 abstentions.

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