Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 9 février 2021, point 3.12 de l'ordre du jour

Texte déposé

Lors de mes derniers paiements, j’ai versé 50.- à l’association MédiCuba qui a son siège en Suisse. Surpris, j’ai reçu un coup de fil de mon conseiller bancaire, très géné, me demandant de justifier le versement d’un tel montant pour un tel pays. Le gouvernement américain, sans base légale, exigerait des explications sur toutes transactions bancaires avec Cuba se réservant le droit de prendre des sanctions économiques à l’encontre d’entreprises ou de banques jugées malveillantes! Nous rappelons que la Suisse entretient des relations diplomatiques normales avec Cuba et, en plus, représente les intérêts américains dans ce pays. Comment le Conseil d’Etat justifie -t-il une telle pratique dans une banque dont il est actionnaire majoritaire?

Transcriptions

M. Marc Vuilleumier (EP) —

Les 50 francs pour Cuba qui posent problème à la BCV

Lors de mes derniers paiements privés, j’ai versé 50 francs à l’association MédiCuba qui a son siège en Suisse, à Zürich — chacun pourra prendre connaissance des nobles objectifs de cette association en allant sur son site internet. Surpris, j’ai reçu un coup de fil de mon conseiller bancaire, très gêné, me demandant de justifier le versement d’un tel montant pour un tel pays. Ce serait l’administration américaine qui exigerait de justifier tous les versements comportant le mot « Cuba » dans le destinataire du versement.

Nous rappelons que la Suisse entretient des relations diplomatiques normales avec Cuba et, en plus, représente les intérêts américains dans ce pays. Comment le Conseil d’Etat justifie-t-il une telle pratique dans une banque dont il est actionnaire majoritaire ?

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

Dans la conduite de ses affaires, la BCV se doit d’analyser les risques juridiques et de réputation qui peuvent résulter du droit étranger et doit prendre les mesures adéquates pour les maîtriser, conformément aux exigences définies par la Loi sur les banques et par l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA). Ce n’est donc pas de gaieté de cœur que la banque applique de telles mesures, mais par absence de choix. A l’instar des organes de la BCV, le Conseil d’Etat déplore cet état de fait et rappelle que ce n’est pas la première fois que les institutions bancaires suisses ont l’occasion d’expérimenter la portée extraterritoriale du droit des Etats-Unis.

Le Conseil fédéral a rappelé le 18 février 2015 — en réponse à l’interpellation 14.4215 « Ordres de paiement destinés à Cuba et sanctions des autorités américaines » — que « si les banques helvétiques ne sont tenues ni directement ni explicitement de respecter le droit étranger en Suisse, elles doivent en revanche — comme le prescrit l’article 12 de l’Ordonnance sur les banques notamment — déterminer, limiter et contrôler de façon appropriée les risques juridiques et de réputation dans le cadre de leurs activités financières transfrontières. Cette règle est aussi valable pour ce qui est des sanctions étrangères. Cette analyse des risques peut amener une banque à interrompre totalement ses relations de clientèle ou à renoncer à ses transactions avec des pays sanctionnés — par les Etats-Unis — comme Cuba ou l’Iran. Ne pas respecter de telles mesures, c’est s’exposer à des pénalités élevées à l’étranger. » Au vu du caractère incontournable du dollar américain pour l’ensemble des transactions internationales, la BCV doit malheureusement respecter les mesures imposées par les Etats-Unis d’Amérique à l’encontre de Cuba, et interdire en principe les paiements en lien avec ce pays. Il existe cependant des exceptions, s’agissant notamment des transactions à caractère humanitaire ou relatives à la santé, à la recherche médicale ou à l’importation de médicaments. Lorsque la banque est en mesure d’établir avec certitude que les transactions dont elle est chargée ne contreviennent pas aux sanctions américaines, leur exécution est autorisée.

M. Marc Vuilleumier (EP) —

Je remercie le Conseil d’Etat pour cette réponse. Je suis heureux que ce dernier trouve cette situation tout à fait anormale, ne se contentant pas d’un certain « à-plat-ventrisme » de la politique étrangère de notre pays face à l’administration américaine en ayant peur de la froisser. Il s’agit toutefois d’une politique discriminatoire, notamment par rapport au citoyen que je suis et qui veut faire un don à une association — l’association en question a pignon sur rue — et à un pays qui entretient des relations normales avec le nôtre. C’est une situation déplorable, une situation de blocus économique scandaleuse. Je suis content que le Conseil d’Etat déplore également cette situation.

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