Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 19 mars 2024, point 41 de l'ordre du jour

Texte déposé

En ratifiant la Convention-cadre sur les minorités du Conseil de l’Europe, la Suisse a reconnu aux Yéniches et aux Manouches de nationalité suisse, qu’ils soient nomades ou sédentaires, le statut de minorité nationale. Cette convention leur garantit ainsi non seulement le respect de leurs droits fondamentaux à la liberté, mais aussi des droits spécifiques aux minorités, tel que notamment celui de pouvoir exercer le mode de vie constitutif de leur identité.

 

La Suisse est ainsi tenue de mettre à la disposition de ces gens du voyage indigènes des possibilités de halte. Outre la mise à disposition permanente et officielle d’aires de séjour et de passage, la halte spontanée doit être rendue possible.

 

Au Mont-sur-Lausanne par exemple, un Plan d’affectation cantonal (PAC) intitulé « Gens du voyage indigènes », ouvre la voie à l’aménagement d’une première aire d’accueil temporaire cantonale et qui permettrait l’accueil de 15 convois au maximum, représentant environ 50 personnes.

 

Depuis plusieurs années, la commune de Bussigny accueille chaque année une dizaine de caravanes de familles de la communauté Yéniche sur un terrain proche de commodités.

Toutefois, selon un article paru sur le site internet de la SRF le 20 mai 2021 (Neuer Bericht zu Fahrenden - Für die Hälfte der Fahrenden in der Schweiz gibt es keinen Platz - News - SRF), il existerait 16 zones d’accueil en Suisse avec au total 248 places d’accueil, mais il manquerait encore 50 aires de passage pour les courtes haltes en été et 20 à 30 emplacement de séjour pour les haltes en hiver.

 

En plus des gens du voyage indigènes, notre canton est également concerné par le transit des gens du voyage européens à travers son territoire. Leurs convois sont plus importants et la cohabitation avec la population et les autorités locales peut se révéler problématique.

 

Dans son rapport du 8 juin 2005 déjà, le commissaire aux droits de l’homme, Monsieur Alvaro Gil-Robles du Conseil de l’Europe, avait déjà demandé à la Suisse de prendre en considération, dans les programmes et décisions relatifs à l’aménagement du territoire, les besoins et traditions spécifiques des gens du voyage et faire des efforts afin d’augmenter le nombre de places de stationnement et de passage pour les gens du voyage à travers toute la Suisse.

 

Actuellement, le Canton de Vaud met à disposition une unique place de passage à Rennaz pour les gens du voyage européens. Ce site fait toutefois l’objet d’une étude de rénovation et actuellement, il ne contient environ que 42 places d’accueil au maximum.

 

A Bussigny, les gens du voyage de la communauté européenne sont arrivés en août 2021 sur une parcelle qui était autrefois le siège de l’entreprise Veillon. Cette parcelle, qui avait été laissée à l’abandon à l’entrée de la ville, a été occupée cette année-là par une vingtaine de caravanes, à la suite d’une demande expresse de l’Etat de Vaud auprès de la société propriétaire, d’accepter cette présence. Les gens du voyage sont ensuite repartis en septembre de la même année.

 

Cette année, dès le 4 mars 2022, des gens du voyage de la communauté européenne se sont installés sur la même parcelle. Rapidement, le nombre de caravanes a augmenté, pour se trouver à près de 90 caravanes, ce qui représente environ 200 personnes simultanément sur la même parcelle.

 

En parallèle, 32 caravanes des gens du voyage de la communauté européenne se sont également installées sur le parking du personnel de la Migros à Crissier. 

 

La commune de Bussigny, constatant que le campement a pris une ampleur qui est devenue impossible à gérer, s’est trouvée dans l’impossibilité d’agir compte tenu du fait qu’il s’agit d’un terrain privé dont elle n’a pas la maîtrise. Elle a constaté différentes problématiques (scolarisation des enfants, équipement des terrains et sécurité, gestion des déchets, emplois, intégration et insécurité, etc.).

 

Force est ainsi de constater que ces campements illicites conduisent, d’un côté à des conditions de vie indécentes pour les gens du voyage et, d’un autre côté, engendrent des troubles à l’ordre public, à la sécurité et à la salubrité publique. Ces difficultés touchent alors toute la population ainsi que le tissu économique des territoires concernés.

 

L’Etat de Vaud s’est d’ailleurs rendu sur place le 28 juillet 2022 et a pu constater que ces différentes problématiques étaient avérées.

 

La parcelle en question a récemment fait l’objet d’une mise à l’enquête publique pour démolition des bâtiments existants et les travaux devaient être finalisés cet hiver. L’année prochaine, cette parcelle ne sera donc plus à disposition des gens du voyage qui reviendront dans la région, respectivement dans le canton de Vaud.

 

Or force est de constater que le canton de Vaud n’est pas équipé pour accueillir autant de gens de voyage l’année prochaine.

 

Manifestement, la Suisse, respectivement le canton de Vaud, ne sont pour l’instant pas parvenus à établir une politique cohérente permettant d’éviter la discrimination des gens du voyage en matière d’aménagement du territoire et d’espaces de vie.

 

Il est temps que le Canton use de sa marge de manœuvre avec plus d’engagement et qu’il soit plus actif sur ce sujet. Les cantons doivent par ailleurs se coordonner et réfléchir ensemble à résoudre cette problématique.

 

D’une manière générale, la présence des gens du voyage de la communauté européenne pose trop souvent des problèmes de gestion des installations illicites d’une part, et de cohabitation avec le voisinage et les autorités locales d’autre part. Il faut donc mettre en œuvre une stratégie pour mieux accueillir et intégrer ces personnes durant leur passage en Suisse et en particulier dans le canton de Vaud.

 

Les communes n’ayant pas les outils suffisants pour gérer cette présence des gens du voyage sur leur territoire, il y a ainsi une nécessité que le canton de Vaud prenne ce dossier en mains, afin d’avoir une politique coordonnée au niveau du canton.

 

 

Compte tenu de ce qui précède, nous avons l’honneur de demander au Conseil d’Etat de bien vouloir :

 

1. Réaliser un état des lieux :

  • Des besoins en places d’accueil des gens du voyage indigènes et des gens du voyage de la communauté européenne dans le canton de Vaud ;
  • Des collaborations intercantonales et des politiques des autres cantons suisses s’agissant des gens du voyage indigènes et des Gens du Voyage de la communauté européenne ;
  • Des freins actuels à la création de places d’accueil pour les gens du voyage indigènes et les gens du Voyage de la communauté européenne ;

2.      Esquisser, en collaboration avec les autres cantons, différents scénarios permettant de pallier les éventuels manques de places au regard de l’augmentation de ces communautés dans le canton de Vaud ;

3.      Définir de manière claire une politique d’accueil des gens du voyage indigènes et des gens du voyage de la communauté européenne et ensuite, mettre en œuvre une stratégie ;

4.      Améliorer les synergies au sein du canton et de ses autorités, dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie ;

5.      Modifier la Loi sur l’exercice des activités économiques du 31 mai 2005 (RSV 930.01) afin de durcir les dispositions d'octroi d'autorisations de pratiquer le commerce ; 

6.      Procéder à une évaluation du droit cantonal actuel afin d’établir une nouvelle législation permettant de dissuader les installations de convois sur des terrains privés sans l’accord du propriétaire et obtenir rapidement une décision d’évacuation, cas échéant les forces de l’ordre étant requises pour mettre en œuvre cette décision ;

7.      Procéder à une évaluation du droit cantonal actuel et cas échéant, le modifier afin de donner les moyens au canton ou aux communes vaudoises de faire expulser les gens du voyage indigènes et/ou les gens du voyage de la communauté européenne.

 

    Conclusion

    Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

    Liste exhaustive des cosignataires

    SignataireParti
    Pierre DessemontetSOC
    Jean TschoppSOC
    Marc VuilleumierEP
    Cédric RotenSOC
    Muriel ThalmannSOC
    Isabelle FreymondSOC
    Joëlle MinacciEP
    Géraldine DubuisVER
    Sébastien CalaSOC
    Denis CorbozSOC
    Julien EggenbergerSOC
    Michael WyssaPLR
    Cendrine CachemailleSOC
    Nathalie JaccardVER
    Oriane SarrasinSOC
    Carine CarvalhoSOC
    Alice GenoudVER
    Sonya ButeraSOC
    Claire Attinger DoepperSOC
    Valérie InduniSOC
    Yves PaccaudSOC
    Stéphane MontangeroSOC
    Romain PilloudSOC
    Hadrien BuclinEP

    Documents

    RC_22_POS_42

    22_POS_42-Texte déposé

    Transcriptions

    Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
    M. Olivier Petermann (PLR) — Rapporteur-trice

    La postulante est municipale d'une commune concernée par l'arrivée de gens du voyage étrangers. Elle constate que le canton a été actif, mais en parallèle, on voit que les gens du voyage s'installent de plus en plus dans d'autres endroits que celui prévu à Rennaz ; ces occupations de longue durée font émerger les préoccupations suivantes :

    • la scolarisation des enfants ;
    • les terrains qui ne sont pas équipés ;
    • la gestion des déchets ;
    • la question des branchements électriques ;
    • la sécurité ;
    • le travail des gens du voyage qui est soumis à l'autorisation dans le canton de Vaud ;
    • la question de l'intégration ;
    • le sentiment d'insécurité ;
    • la question des taxes de séjour.

    Le conseiller d'Etat relève que la thématique est sensible et complexe. Il existe une tension, d'une part, par la nécessité d'ouverture et d'accueil des gens du voyage et, d'autre part, par la nécessité de faire preuve de fermeté dans certaines situations où des dépassements sont observés. La situation exposée par la postulante est celle d'une arrivée relativement importante et massive de gens du voyage qui se sont mis en danger eux-mêmes. Ce sont des situations inquiétantes que l'on connaît depuis de nombreuses années. Il est important aussi de rappeler tout ce que fait le canton ; une stratégie existe. Il faut aussi s'adapter à l'évolution de la situation, aux pratiques des autres cantons, à l'attractivité économique de notre territoire. De plus, il rappelle la distinction qui existe entre gens du voyage indigène, communauté suisse, et gens du voyage européen, qui ont des statuts et des cultures différentes.

    Un député remarque que les points 5 et 7 du postulat demandent au Conseil d'Etat de modifier la loi, ce qui lui semble quelque peu problématique dans le cadre d'un postulat. Le conseiller d'Etat répond que l'on comprend par là que le postulat demande au Conseil d'Etat d'étudier l'opportunité de modifier la loi. Il ajoute que les réflexions sont en cours et qu’un développement sera apporté dans la réponse au postulat. Ses explications et engagements répondent aux interrogations du député concernant ces deux points du postulat. Le conseiller d'Etat confirme que le canton n'a pas attendu ce postulat et n'attendra pas la rédaction de la réponse au postulat pour continuer à agir.

    Au vu des réponses données par le Conseil d'Etat aux interrogations émises concernant le point 5, la commission est invitée à voter sur une prise en considération complète du postulat. Dès lors, la commission recommande au Grand Conseil de prendre en considération ce postulat, par 9 voix et 3 abstentions.

    M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

    La discussion est ouverte.

    Mme Patricia Spack Isenrich (SOC) —

    Je remercie le président de la commission pour son rapport très complet. Je ne reviendrai pas sur l'occupation, par les gens du voyage étranger, en 2022, d'une parcelle à Bussigny, mais j'en profite pour déclarer mes intérêts : je suis syndique de cette commune. Il y a eu une occupation de près de 90 caravanes durant près de 6 mois, mais nous en avons déjà trop parlé...

    En août 2022, lorsque j'ai déposé ce postulat, l'idée était de relayer à l'échelon cantonal la préoccupation des communes de l'Ouest, de mettre en lumière cette problématique dans le but de lancer une réflexion autour de cette question des gens du voyage et de trouver des solutions. Nous avons en effet constaté que les communes étaient relativement démunies face à l'arrivée des gens du voyage sur leur territoire, qu'elles n'avaient pas non plus les forces nécessaires pour gérer la situation. Par ailleurs, de telles occupations ont un impact important sur le territoire ; cela génère des risques sécuritaires et des difficultés relationnelles avec le voisinage. Nous nous sommes vus en commission en janvier 2023 et les discussions au cours de la séance ont été nourries ; je crois que nous étions unanimes à dire que l'attention doit être portée sur cette question et que des mesures doivent être prises. Je tiens donc à remercier les membres de cette commission qui se sont montrés largement favorables à ce postulat, sauf deux abstentions.

    Quant au Conseil d'Etat, il n'est de loin pas resté sans rien faire depuis 2022. Il est clair que l'attractivité économique de l'Arc lémanique et le manque de main-d'œuvre dont souffre le canton de Vaud ont participé à la création de cette situation. Mais depuis, le canton a d'abord nommé un préfet en charge de cette question et il est également intervenu plus activement dans la gestion des campements illicites. Lors de la séance de commission, le Conseil d'Etat a fait savoir qu'il avait l'intention de travailler sur la révision de la Loi sur les campings et caravanings résidentiels et sur la Loi sur l'exercice des activités économiques. Le Conseil d'Etat s'est également engagé à répondre, dans sa réponse au postulat, sur les questions environnementales.

    Depuis l'épisode vécu à Bussigny, force est de constater que le canton a grandement augmenté sa communication et son soutien auprès des communes. On pourrait toutefois déplorer le fait que le Grand Conseil ait voté un projet de décret de 2,2 millions de francs dernièrement pour réaménager l'aire de transit des gens du voyage de Rennaz. Je rappelle ici que le terrain ne possède actuellement ni locaux sanitaires, ni grilles d'écoulement, ni électricité ; c'est donc un aménagement nécessaire. Ce que je déplore, c'est que les travaux devraient se terminer seulement en 2028, ce qui est très loin dans le temps et peu encourageant pour les gens du voyage.

    Malgré cela, en février dernier, le Conseil d'Etat a dévoilé sa nouvelle stratégie de lutte, en misant sur la recherche de terrain, la médiation, la lutte contre les incivilités et le renforcement du cadre légal en vigueur. Il a nommé un délégué du Conseil d'Etat aux gens du voyage ainsi qu'un délégué coordinateur-médiateur. Le Conseil d'Etat va donc dans le bon sens et participe de manière active à la gestion de cette question. Dès lors, je le remercie pour l'attention apportée au traitement de ce sujet, pour les mesures qu'il a d'ores et déjà prises et pour le travail qu'il a déjà annoncé vouloir faire. Cela va demander beaucoup d'énergie et, au regard des expériences vécues ces dernières années, force est de constater que ce sujet ne peut pas être traité par les communes seules.

    Mon message a toujours été très clair : il faut accueillir les gens du voyage sur des terrains équipés permettant d'accueillir 10 à 15 caravanes au maximum, ce qui permet une meilleure gestion et intégration de ces personnes. La répartition devrait se faire équitablement sur l'ensemble du territoire du canton de Vaud et également sur l'ensemble du territoire suisse.

    Je souhaite encore préciser que, le 5 mars dernier, l'Office fédéral de la culture et l'Office fédéral du développement territorial ont ouvert une procédure de consultation et de participation relative au concept « aire de transit ». Les cantons, les communes et la population sont invités à exprimer leur avis sur le sujet. Cette consultation servira ensuite de base pour les planifications d'aire d'accueil destinée aux minorités nomades étrangères. Elle devrait également contribuer à améliorer la situation des Yéniches et des Manouches suisses. Il y a donc clairement un rôle à jouer, tant sur le plan cantonal que fédéral, un rôle que le Conseil d'Etat doit continuer à assumer, et c'est la raison pour laquelle je vous encourage à prendre en considération ce postulat et à le renvoyer au Conseil d'Etat, comme le préconise la commission par 9 voix et 2 abstentions.

    M. Michael Wyssa (PLR) —

    Je ne vais pas revenir sur tout ce qui a déjà été dit par mes préopinants, mais je vais résumer assez rapidement ce que je voulais dire. Tout d'abord, il faut bien différencier les gens du voyage suisse de ceux qui viennent de contrées plus lointaines. Je constate toutefois une grande amélioration de la communication entre les communes, le canton, avec un plan « gens du voyage » ; il y a eu beaucoup d'améliorations depuis que ce sujet a été traité dans ce Grand Conseil.

    Le plus gros problème reste le manque de places d'accueil ; pour l’instant, peu de solutions ont été divulguées, du moins via le département. Je relaie également les inquiétudes des citoyens, concernant les problèmes que ces personnes amènent malheureusement souvent avec eux : de grands dérangements du voisinage, des problèmes écologiques, de grandes discussions sur comment se passe l'employabilité de ces personnes et la légalité de ces emplois dans ce domaine. Je constate donc qu'il y a encore beaucoup de travail, mais je remercie l'Etat pour ses avancées. Le groupe PLR, dans sa large majorité, va soutenir ce postulat.

    M. Hadrien Buclin (EP) —

    Le groupe Ensemble à Gauche et POP s'abstiendra sur ce postulat. Il contient de bonnes propositions, mais nous sommes peu convaincus par les derniers points du postulat qui visent à faciliter les possibilités d'expulsion, notamment le point 7 « procéder à une évaluation du droit actuel et le modifier, afin de donner les moyens au canton et aux communes de faire expulser les gens du voyage indigène ». Cela nous semble être une formulation trop vague et un peu problématique. Je rappelle que nous avons affaire à des travailleuses et travailleurs qui viennent dans le canton pour répondre à un réel besoin de main-d'œuvre dans des domaines comme le bâtiment, le jardinage ou autres. Ce sont des personnes qui travaillent ici légalement, qui profitent des possibilités prévues par l'accord sur la libre circulation qui permet d'exercer une activité lucrative sans autorisation de séjour préalable pour une durée de 3 mois. Dès lors, j'estime que nous devons réfléchir à accueillir ces personnes dans les meilleures conditions possibles et éviter les discours stigmatisants. En ce sens, les derniers points du postulat nous semblent un peu problématiques.

    Pour nous, la priorité est vraiment – et j'ai cru comprendre que M. le conseiller d'Etat voulait aussi s'engager dans ce sens – de favoriser davantage d'aires d'accueil de petite taille qui permettent d'éviter des tensions liées à une trop forte concentration de personnes. Dès lors, il faut favoriser des lieux d'accueil de petite taille avec l'infrastructure nécessaire, que ce soit par l'Etat ou par les communes. Nous pensons que, aujourd'hui, tant l'Etat que les communes ne mettent pas à disposition suffisamment d’aires d'accueil, et qu'il en faudrait davantage et de manière plus décentralisée sur le territoire du canton. Nous espérons donc que c'est en ce sens que les autorités travailleront, avec ou sans ce postulat.

    M. Georges Zünd (PLR) —

    J’ai apprécié les propos apaisants de Mme la syndique ainsi que ceux de notre collègue Buclin. Toutefois, j'aimerais relever plusieurs détails. L'Etat devrait mettre un peu la pression concernant la priorité des travaux prévus à Rennaz pour 2028 ou 2029 ; au Mont, cela ne concerne pas forcément l'Etat, mais rien n’est encore fait, même si c’est prévu pour le courant 2024.

    Je pense aussi qu’il serait intéressant de limiter le nombre de caravanes. Quand il y en a 70 qui arrivent d’un coup à Bussigny, c'est un peu délicat. Peut-être pourrait-on les répartir dans le canton par tranches de 10 ou de 12 ; cela ferait un peu moins peur aux citoyens.

    De plus, j'aimerais m’inscrire en faux. Je déclare mon identité précédente : directeur de la Fédération vaudoise des entrepreneurs. Monsieur le conseiller d'Etat, j’apprécie le fait de vouloir trouver de la main-d'œuvre parmi ces gens, mais ce n'est pas forcément adapté pour les travaux qualifiés par les conventions collectives de nos associations.

    Pour conclure, j’aimerais parler du parking Veillon qui a été défoncé. Dès lors, j’aimerais savoir comment les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) – les éléments nocifs et nuisibles qui sont dans le goudron – sont traités dans le terrain ?

    M. Jean-Daniel Carrard (PLR) —

    Ce « problème » dure depuis des années, voire des dizaines d'années. On n’a pas beaucoup parlé des problèmes de voisinage et d'intégration. Il ne s’agit pas seulement d’une histoire de terrain, parce qu’en discutant avec les communes, j’imagine qu’il est possible d'obtenir des terrains, de préférence répartis sur le canton et pas seulement dans un coin du territoire ou sur quelques communes. Mais il y a un problème comportemental avec ces gens ; il ne faut pas être naïf. Le respect et l'intégration doivent aller dans les deux sens. Parler des terrains est une chose, mais faire entendre raison et expliquer aux voisinages comment se comporter est un vrai défi – il s’agit même du principal défi. Certes, je n'ai pas la clé, parce que nous parlons de cela depuis des dizaines d'années ; si on l'avait, ce serait plus facile. Dans tous les cas, j'encourage M. le conseiller d'Etat à poursuivre dans ce sens et je lui souhaite bon courage.

    M. Hadrien Buclin (EP) —

    Les propos de M. Carrard me font un peu tiquer, quand j'entends qu’il y a un problème comportemental avec « ces gens ». C'est justement ce genre d'amalgame que nous réfutons. On met dans le même sac toutes les personnes qui viennent ici chercher un travail, qui arrivent sur ces aires d'accueil ; dans tout groupe humain, il peut y avoir des problèmes de comportement et des tensions, mais dire qu’il y a un problème avec « ces gens » est un propos inacceptable et inutilement stigmatisant.

    M. Jean-Daniel Carrard (PLR) —

    La prochaine fois que nous aurons un problème pour discuter avec ces personnes, nous inviterons M. Buclin en tant que médiateur. Je suis sûr qu'il sera très fort dans ce domaine et je me réjouis de l'entendre. C’est facile de faire des théories, ici, au Grand Conseil, mais dans la réalité, sur le terrain, c'est totalement différent.

    M. Vassilis Venizelos (CE22-27) — Conseiller-ère d’Etat

    Le Conseil d'Etat a eu l'occasion d'annoncer sa nouvelle stratégie, il y a quelques mois. Cette nouvelle stratégie a pour objectif de retrouver un peu d'apaisement. Le Conseil d'Etat souhaite évidemment que cet apaisement touche aussi ce Parlement, sur cette thématique extrêmement sensible. Je vais me permettre de répondre aux différentes questions qui m'ont été posées avant de rappeler les éléments de la stratégie.

    Tout d'abord, concernant les travaux au Mont, il convient de rappeler que l'aire de stationnement, l'aire d'accueil prévue au Mont est destinée aux gens du voyage suisses, aux Yéniches, et non aux gens du voyage étrangers. C'est la question des gens du voyage étrangers qui défraie la chronique ces derniers temps et qui suscite les différents débats auxquels nous avons pu être confrontés.

    Monsieur Zünd, limiter le nombre de caravanes n'est pas possible ; on doit respecter les accords de Schengen. On ne peut pas empêcher les gens qui souhaitent venir travailler sur le territoire vaudois d'y pénétrer. Les gens de ces communautés peuvent venir sur le territoire vaudois pour travailler pendant 3 mois ; ce sont les accords de Schengen qui nous le disent. Nous ne pouvons pas limiter le nombre de caravanes qui y entrent.

    En revanche, nous pouvons, dès que les caravanes et les communautés sont implantées sur un site licite – nous avons actuellement 180 caravanes sur le territoire vaudois sur des sites licites – nous pouvons contrôler la durée de séjour. Nous pouvons compter ces 3 mois, à partir du moment où elles arrivent. Toutefois, nous ne pouvons pas limiter le nombre de caravanes qui arrivent sur le territoire vaudois. Nous pouvons contrôler la durée de présence sur le territoire, mais nous ne pouvons pas limiter le nombre de caravanes qui pénètrent sur le territoire…

    M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

    Monsieur le conseiller d’Etat, je crois que la question était de limiter le nombre de caravanes sur un site particulier. C'est bien cela, monsieur Zünd ?

    M. Georges Zünd (PLR) —

    La question était de les répartir. Vous avez parlé de familles et cela ne pose pas de problème. Il ne s’agit pas de dire : il y en a 10 ici, alors le 11e va ailleurs. Non, l’idée était de les regrouper, mais en plus petit nombre.

    M. Vassilis Venizelos (CE22-27) — Conseiller-ère d’Etat

    Je vous remercie pour la traduction, monsieur le président. Il s’agit effectivement de la stratégie qui est déployée par le canton. Il est extrêmement difficile de gérer des situations ; nous avons 140 caravanes qui sont concentrées sur un même site – c'est ce qu'on a vécu à Lausanne la saison passée. C'est précisément ce qui est visé, avec la nouvelle stratégie déployée par le Conseil d'Etat. Mais contrairement à ce qui était affirmé tout à l'heure, ce n'est pas si facile de trouver des terrains ou de convaincre les communes que cela peut être opportun et intéressant financièrement ; je rappelle que, pour chaque caravane, entre 20 et 30 francs sont prélevés chaque jour. Accueillir un certain nombre de caravanes peut donc être intéressant pour certains privés ou pour certaines communes. Nous visons d'avoir des sites occupés par 20 ou 30 caravanes plutôt que 140 ; la stratégie va parfaitement dans ce sens.

    Concernant la question de la main-d'œuvre, je confirme que les gens du voyage viennent ici pour travailler et qu’ils sont employés par des entreprises vaudoises. Evidemment, des contrôles sont effectués par les services de l'Etat, pour s'assurer que l'ensemble des dispositions légales soient respectées. Ces contrôles vont être renforcés durant cette saison. Nous sommes dans une année de transition et nous venons avec une nouvelle stratégie. Cette stratégie s'appuie sur deux piliers : l'anticipation, c'est-à-dire prévoir des terrains pour éviter qu'il y ait des campements illicites – je le répète : aujourd'hui, il y a 180 caravanes sur le territoire vaudois et il n'y a aucun campement illicite – et la fermeté. Il y a eu 25 caravanes implantées de façon illicite sur le territoire yverdonois et le canton a su d’abord faire preuve de dialogue, avec le médiateur, pour leur proposer un terrain alternatif, une aire officielle dans un autre canton. Or, les communautés n'ont pas voulu se déplacer dans cet autre canton. Dès lors, nous avons fait preuve de fermeté pour que ce terrain soit libéré, ce qui a été fait.

    Concernant le site de Veillon, des infractions ont effectivement été commises. Il y a eu des plaintes pénales et des amendes ont été délivrées. Toutefois, je suis incapable de vous dire si, aujourd'hui, le terrain est complètement assaini et quels ont été les impacts environnementaux du déversement de l'eau sale des machines à laver – j'imagine que vous faites référence à cela.

    Monsieur Carrard, je vous le confirme : c'est extrêmement difficile de trouver des terrains, de convaincre des communes d'accueillir des campements sur leur territoire. On y arrive petit à petit ; on est dans une phase de transition. Aujourd'hui, on a 42 caravanes à Rennaz, 37 à la Rama à Lausanne et 76 à Yverdon. Des discussions sont en cours pour faire en sorte que ce groupe de 76 soit divisé en deux et qu'un autre site soit proposé pour permettre d'avoir une densité un petit peu moins importante sur le même territoire communal. Il y en a également 25 à Avenches, ce qui fait 180.

    Concernant le respect des lois, monsieur Carrard, la fermeté fait aussi partie de la stratégie du canton. Les lois auxquelles l'ensemble de la population vaudoise doit faire face sont aussi appliquées aux gens du voyage qui viennent ici pour travailler et bénéficient d'offres de travail qui sont portées par certaines entreprises vaudoises ou certains privés. La stratégie du Conseil d'Etat vise à faire en sorte que la pression soit moins forte sur certaines communes, mais appelle aussi à une forme de solidarité intercommunale. Il n'est pas facile de convaincre les communes d'accueillir un campement de ces communautés, mais avec la mise en place de M. Curchod, nouveau médiateur des gens du voyage, on peut intensifier le dialogue avec les communes, mais aussi avec les gens du voyage, pour retrouver une situation apaisée. A l'heure actuelle, la situation est apaisée. Évidemment, des solutions devront être trouvées, notamment pour Yverdon, afin de faire en sorte que les 76 caravanes soient mieux réparties sur le territoire. Nous sommes dans une année de transition et la stratégie du Conseil d'Etat porte ses fruits pour le moment. Elle s'appuie sur de l'anticipation et de la fermeté. Je me réjouis de pouvoir répondre à ce postulat, puisqu’en parallèle des modifications des bases légales sont en cours, ainsi que des échanges avec les autres cantons romands qui sont aussi concernés, qui accueillent aussi des caravanes sur leur territoire – je pense aux cantons du Valais et de Fribourg. Cela nous permettra de continuer à faire preuve d'humanité. Il est important de le rappeler, parce que ces communautés viennent sur notre territoire pour travailler ; il faut faire en sorte que la situation soit maîtrisée et contrôlée, afin qu’il n'y ait pas de campements illicites sur le territoire vaudois.

    M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

    La discussion est close.

    Le Grand Conseil prend le postulat en considération avec quelques avis contraires.

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