24_LEG_107 - EMPL modifiant la loi du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux (LI) relative à la fin de la responsabilité solidaire en cas de séparation/décès pour les impôts, cantonaux et communaux, impayés nés durant la vie commune (2e débat).
Séance du Grand Conseil du mardi 8 avril 2025, point 29 de l'ordre du jour
Documents
- Rapport de la commission - EMPL fin de la responsabilité solidaire (min.)
- Texte adopté par CE - EMPL modifiant la LI - fin responsabilité solidaire en cas de séparation pour les impôts - publié
- Rapport de la commission - EMPL fin de la responsabilité solidaire (maj.) avec annexes
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourDeuxième débat
Il est passé à la discussion du projet de loi, article par article, en deuxième débat.
Art. 14. –
Je propose un amendement en lien avec la proposition de ma collègue Muriel Thalmann. Ainsi, je reviens à notre discussion de la semaine passée. En deuxième débat, cet amendement permet une compatibilité avec l’Impôt fédéral direct (IFD) et la gestion de la notion de durée, ce qui permet aussi de clarifier pour l’administration ce que cela représente. En effet, la première proposition de Mme Thalmann conduirait à une situation où un époux, en déposant un acte de défaut de bien d’un montant d’environ 100 francs pour éviter de s’acquitter d’une obligation, se verrait ainsi devenir éligible. A titre personnel, mais aussi en tenant compte de l’administration – puisque j’ai demandé l’avis de l’administration au sujet de mon amendement. Cela permet de clarifier la proposition de ma collègue Thalmann.
« Art. 14. – Al. 1bis (nouveau) : Lorsque l'un des époux est durablement insolvable, la responsabilité solidaire prévue à l'article 14 alinéa 1 1ère phrase cesse, sur demande, pour les montants d'impôts impayés résultant d'une imposition conjointe ; pour autant que la prescription du droit de percevoir l'impôt n'est pas atteinte à l'égard de l'un des deux époux. »
L’amendement que j’ai proposé était un copié-collé du texte de la loi fédérale, ce qui rejoint le niveau fédéral. Or, cet amendement demande davantage de balisage et de cadrage. Toutefois, par souci de paix, je l’accepte.
Je soutiens cette proposition qui clarifie la situation et qui correspond à la pratique du canton de Zurich.
L’amendement Alexandre Berthoud est accepté par 105 voix contre 1 et 10 abstentions.
L’article 14, amendé, est accepté avec une abstention.
L’article 49 est accepté tel qu’admis en premier débat à l’unanimité.
Art. 277m. –
J’ai entendu l’appel à se montrer moins strict sur la rétroactivité. Je me permets néanmoins de vous rappeler qu’il s’agit d’une violation de la Constitution et qu’il s’agit de donner réparation aux personnes victimes de cette pratique. Pour manifester une certaine souplesse et par gain de paix, je propose de modifier l’alinéa 2 en introduisant une rétroactivité en 2019, moment où le Grand Conseil s’est saisi de cette affaire. Je vous rappelle que la majorité de la députation a demandé que cela cesse. Or, il a fallu attendre jusqu’en 2025 pour une mise en œuvre en 2026. Le Conseil d'Etat aurait pu décréter un moratoire. Par conséquent, il me paraît parfaitement justifié de demander la rétroactivité en 2019 et non en 2014.
« Art. 277m. – Al. 2 (nouveau) : S'agissant des époux dont la séparation (art. 10, al. 1 LI) est intervenue antérieurement à la période fiscale 2025, les articles 14 alinéa 1 et 1bis sont applicables à toutes les poursuites « solidaires » introduites dès 2019 ainsi qu'à toutes les décisions fiscales rendues dès 2019 qui ont pour cause de l'obligation la solidarité fiscale fondée sur l'art. 14 LI alinéa 1 dans sa teneur actuelle. »
A titre d'entrée en matière, j’aimerais relever que le premier débat était peut-être un peu technique sur la fin, ainsi j'essaie de revenir un peu aux fondamentaux. J’aimerais donner une définition extrêmement simple de la rétroactivité : demander de rendre des impôts déjà payés. En outre, comme je l’ai aussi dit d'entrée de cause la semaine passée, en droit, la rétroactivité, c'est quelque chose de vilain. Cependant, il a aussi tout de suite été rappelé que la rétroactivité n'était pas non plus absolument interdite, que différentes conditions permettaient de l’admettre. Ainsi, il nous fallait une base légale, ce qui est le cas, puisqu'il est proposé de modifier la loi au sens formel.
En outre, il s’agit de ne pas créer de nouvelles inégalités choquantes. En l'occurrence, on en corrige une, par conséquent cette condition est satisfaite. Il existe ensuite une condition de proportionnalité. A cet égard, j'aimerais souligner les efforts consentis par Mme Thalmann. En effet, la rétroactivité est limitée dans le temps, tenant ainsi compte des questions de proportionnalité. Mme Thalmann concède une rétroactivité moindre par rapport à celle proposée au premier débat. Ensuite, la demande de Mme Thalmann admet un dernier garde-fou : que les dossiers concernés par la mesure ne le soient que sur demande des personnes concernées. Et, enfin, une dernière condition est ajoutée : l’intérêt public. Lors du premier débat, j'ai entendu que cet aspect était relativement contesté. Le Conseil d'Etat nous disait notamment qu'il acceptait de changer sa pratique sous pression du Grand Conseil, mais non pas parce que la mesure était discriminatoire. Or, à ce sujet, je me permets de brandir mon compte Instagram où je lis le post de la conseillère d'Etat en charge du dossier jusqu'à il y a peu, qui nous dit : « youpi, on a mis fin à une mesure discriminatoire ! ». Par conséquent, je peine à entendre l'argument du Conseil d'Etat selon lequel ce qui a présidé à l'adoption de cette nouvelle loi n'était pas une correction d'une inégalité hommes-femmes. Néanmoins, il demeure que le Tribunal fédéral (TF) n'a pas, à proprement parler, reconnu le caractère discriminatoire de la loi. Toutefois, je tiens à préciser que dans d'autres cas, quand une mesure légale frappait des femmes dans 97 à 98 % des cas, la Cour européenne des droits de l'homme a, elle, retoqué le TF sur un certain nombre de ses conclusions, et il n'en va peut-être pas différemment pour cette loi.
Toutes ces raisons me poussent à vous dire que les conditions sont remplies, même si j'entends parfaitement que ce n’est pas le cas pour toutes et tous. Je reste convaincu que les raisons sont réunies pour plaider l'inverse. Ainsi, je soutiens toujours l'amendement Thalmann, à l’instar du groupe des Verts et Vertes.
Pour toutes les raisons évoquées lors du premier débat et par mes préopinants, et dès lors que le caractère discriminatoire de cette loi a été porté à la connaissance publique, le groupe Ensemble à gauche et POP aurait considéré comme juste que nous prévoyons une rétroactivité. Aujourd'hui, la proposition de Mme Thalmann « coupe la poire en deux ». Elle nous paraît relativement raisonnable. Entre le moment où ce dossier a été porté à la connaissance du Grand Conseil, en 2019, un moratoire aurait déjà pu être envisagé. Il aurait permis de ne pas prolonger ces discriminations qui, je le rappelle, violent la Constitution. En outre, l'arrêt du TF de 2021 prévoit expressément des rétroactivités lorsqu'il s'agit d'éliminer une discrimination. Bien que le groupe Ensemble à Gauche et POP regrette qu'une rétroactivité plus antérieure ne soit pas prévue, il se ralliera à la solution de compromis raisonnable et invite ce Parlement à l’imiter.
La minorité de la commission s'opposera à cet amendement et vous prie de rester au texte initial du Conseil d'Etat. Nous comprenons la difficulté dans laquelle les personnes concernées se trouvent, mais rouvrir des dossiers antérieurs, en l'occurrence depuis 2019, créera, selon nous, plus de problèmes que n'en résoudra. Les procédures risquent d'être très longues, sujettes à recours, ce sans compter le personnel important qu'il va falloir engager pour traiter ces dossiers, personnel dont j'aimerais bien que le département puisse nous chiffrer le nombre qu'il va falloir engager. Je le répète : la minorité s'opposera à tout amendement demandant un retour en arrière.
A titre personnel, je soutiendrai l'amendement de Mme Thalmann visant à valider le délai de rétroactivité à 2019. On corrigerait ainsi une discrimination anticonstitutionnelle. En acceptant cet amendement, on permettra à de nombreuses victimes de cette injustice de sortir de l'aide sociale et de réintégrer la vie professionnelle dignement. En le refusant, vous les maintiendrez dans l'engrenage de la précarité ; ce qui n'est pas admissible. A ma connaissance, le nombre de poursuites vis-à-vis des femmes concernées par cette rétroactivité est connu. Et il leur appartiendra d'entreprendre les démarches nécessaires pour faire réexaminer leur dossier et non à l'administration fiscale de rechercher chacune des victimes.
Je ne vais pas me répéter par rapport à ce que j'ai déjà indiqué lors du premier débat relativement aux conditions très strictes dans lesquelles le législateur est autorisé à prévoir un effet rétroactif de brève durée. En attirant votre attention sur le fait que 2019 à 2026 représente une rétroactivité assez exceptionnelle et extra-ordinaire, qui a finalement relativement peu d'appui dans la pratique. Mais, on invoque souvent dans le cadre de ces débats un fameux arrêt datant, dit-on, de 2021. Il se trouve que je l'ai sous les yeux. Malheureusement, cet arrêt de 2021 ne dit de loin pas ce que certains veulent en déduire. En effet, d'abord, le TF rappelle qu'il s'est déjà prononcé à au moins une reprise sur la question de discrimination indirecte ; j’insiste sur l’épithète « indirect ». Il a rappelé que les dettes fiscales nées durant la vie commune prévoyaient un système d'imposition commune prévu non seulement par le droit cantonal, mais par la Loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID) et par la Loi fédérale sur l’impôt direct (LIFD), également. En ce sens, le TF a refusé de modifier sa jurisprudence. Plus intéressant, le TF rappelle qu'un couple marié forme une unité économique et ne traite pas les conjoints comme des sujets fiscaux distincts – à voir si le système va être modifié par des taxations individuelles. Or, comme vous le savez, nous n'en sommes pas encore là. En outre, le TF a rejeté à nouveau les griefs de disproportionnalité en relation avec cette prétendue discrimination indirecte. En revanche, il est intéressant, en particulier pour la suite des débats, d’observer que le TF, au considérant 8 de l’arrêt, dit ceci : « En effet, à supposer que ce grief puisse être élevé dans le cadre d'une procédure portant sur une décision de perception de l'impôt... ». Cela signifie que le TF se place au moment de la perception de l'impôt « par opposition à une décision de taxation, le montant des impôts réclamés pour les périodes fiscales en cause doit être mis en relation avec les revenus imposables ». Dès lors, si nous voulons corriger la problématique de l'entrée en vigueur du nouveau droit, c'est bien sur la question de la perception qu’il faut se fonder, c’est-à-dire au stade ultérieur, et non pas au moment de la décision de taxation… Certes, c'est un peu technique. Toutefois, c'est ainsi qu'on peut avoir un système de rétroactivité improprement dit.
Et, c'est pour cette raison également que je déposerai à l’article 2 un amendement qui vise à toucher la perception, comme le relève le TF, mais non pas le principe de taxation qui entraînerait, à mon avis, et comme l'a relevé à juste titre M. le conseiller d'Etat Borloz, lors du premier débat, d'autres inégalités. En effet, vous allez être obligés de décomposer l'ensemble des taxations qui ont déjà eu lieu. En revanche, ce qu’il est possible de faire, et ce que je vous proposerai tout à l'heure, équivaut à intervenir au moment où on refait la perception en invoquant la solidarité. Cet élément, à mon avis, doit et peut être corrigé, mais pas avec le mécanisme de la rétroactivité touchant la taxation elle-même, parce que vous ne pouvez défaire des choses qui se sont passées il y a déjà cinq ou six ans. Je vous invite dès lors à rejeter cette proposition d'amendement.
Sur le fait que la rétroactivité porterait sur 6 ans, j’aimerais simplement préciser que ce n’est pas le cas, puisqu'une grande majorité des taxations n'ont pas été faites pour 2022, 2023 ou 2024. Il s’avère que la période est vraiment beaucoup plus courte, raison pour laquelle c'est tout à fait faisable.
Dans ce fameux arrêt du 24 juin 2021, le TF a rappelé qu'il prévoit expressément la rétroactivité lorsqu'il s'agit d'éliminer une discrimination et a établi les principes suivants :
« 1. La Constitution exige que la discrimination soit éliminée d'une manière appropriée et dans un délai raisonnable.
2. Le moment à prendre en considération est celui où la victime a dénoncé pour la première fois la discrimination.
3. Il n'est pas insoutenable ni arbitraire de corriger cette discrimination dès le moment où la victime l'a dénoncée. »
Ces principes établis par le TF impliquent un effet rétroactif pour toute modification de loi qui corrige une discrimination, dès le moment où la victime a dénoncé pour la première fois cette discrimination. Dès lors que la loi actuelle viole notre Constitution depuis plus de 15 ans, que la modification de loi doit corriger une situation de discrimination indirecte à l'égard des femmes dénoncées depuis 2014 devant le TF par Me Yves Noël, et depuis 2019 devant le Grand Conseil par l'Intergroupe F, la nouvelle réglementation doit avoir un effet rétroactif pour respecter le droit des victimes d'une loi fondamentalement inconstitutionnelle et donc illégale de faire réexaminer leur dossier à l'aune de la nouvelle loi qui corrige cette discrimination. En décider autrement en rejetant la rétroactivité violerait le principe de la bonne foi et celui de l'obligation positive de l'Etat de garantir le respect de notre Constitution.
Par ailleurs, je ne saisis pas très bien en quoi prendre en considération le moment où la victime a contesté la discrimination pour la première fois conduirait à une inégalité, comme l'a soutenu le conseiller d'Etat Frédéric Borloz, dès lors que le TF prévoit expressément de procéder de la sorte. Il précise qu'il n'est pas insoutenable ni arbitraire de corriger cette discrimination, dès le moment où la victime l'a dénoncée.
A la suite de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) Di Trizio, qui a condamné la Suisse pour discrimination indirecte à l'égard des femmes, le Conseil fédéral a été amené à adopter des dispositions transitoires du 1er décembre 2017 qui permettent aux personnes dont le dossier était clos de le faire réexaminer à l'aune de la nouvelle réglementation qui corrige la discrimination en question. Ainsi, la pratique démontre clairement que lorsqu'une modification de réglementation corrige une situation de discrimination indirecte à l'égard des femmes, la nouvelle réglementation doit avoir un effet rétroactif.
S'agissant de l'enjeu financier, pour mettre fin à la solidarité fiscale qui a été discutée aussi l'année dernière et qui est revenue un peu dans les débats, M. le conseiller d'Etat Borloz a brandi un chiffre de plus de 110 millions de francs ; or, il s'agit de toutes les dettes d'impôt ouvertes des couples séparés ou divorcés de ce canton. Ce n'est pas du tout l'objet du débat qui porte uniquement sur les montants réclamés par les 175 poursuites solidaires annuelles qu'on peut raisonnablement estimer à 50’000 francs en moyenne chacune. On parle donc d'un montant annuel de 8,75 millions de francs.
En outre, le conseiller d'Etat, Pascal Broulis, avait d'ailleurs déclaré le 20 juin 2020, sans produire aucun document officiel, que les recettes fiscales provenant du maintien dans le canton de Vaud de la solidarité fiscale illimitée se chiffreraient à 10 millions de francs par an. Vous observerez que ces chiffres sont assez loin des 110 millions de francs annoncés par M. Borloz, mais qui permet d'avoir une idée des montants qui seraient engagés.
On précisera encore qu'il appartient à chacune des victimes d’entreprendre les démarches nécessaires. Il est par conséquent tout à fait imaginable que toutes les victimes ne demanderont pas un réexamen de leur dossier à l'aune de la nouvelle loi. Pour toutes ces raisons, je vous invite à accepter l'amendement de ma collègue Thalmann.
En effet, l'amendement proposé n'est ni plus ni moins une reconnaissance incontestable d'une problématique constitutionnelle tout de même assez importante. Cela allie des bases juridiques solides, une faisabilité financière et une impérative correction de la morale. Je dois quand même vous avouer que sur ce dossier, en particulier, et c'est assez rare venant de ma part – je parlerai en mon nom personnel – je voterai selon ce que je pense le plus juste pour moi – c'est pour ça que j'ai été élu. Mais dans ce dossier, j’estime que nous naviguons tout de même un peu en eaux troubles. D'un côté, si le Conseil d'Etat reconnaît qu'il y a effectivement eu discrimination, alors toutes les personnes touchées par cette problématique entraînent de la rétroactivité. Si tel n'est pas le cas, que ce soit tant au niveau moral qu'au niveau fiscal, alors je peux comprendre que le Conseil d'Etat s'oppose formellement à cet amendement pour aller de l'avant.
Pour ma part, je reste convaincu d'une chose : une bonne gouvernance implique le respect des droits fondamentaux. Or, sur ce dossier, j’estime qu'il y a un biais. Et, honnêtement, ce biais ne me convient pas. Sans vouloir m’exprimer plus avant, je m'abstiendrai en tous les cas sur ce vote. Il me semble important de relever que cette pratique n'a pas été bonne, ce jusqu'à aujourd'hui et que, moralement, nous avons, en tant qu’élus, une certaine responsabilité. Il nous incombe de faire les choses correctement. J’appelle toutes et tous à voter au plus près de sa conscience afin que nous puissions aller de l'avant sur ce dossier.
D'abord, je me réjouis qu'une large majorité de ce Parlement ait reconnu la nécessité de mettre fin à une pratique aussi injuste qu'indéfendable qui discriminait ouvertement les femmes. Ce vote marque un pas important. Toutefois, cela demeure un seul pas. En matière d'égalité, le chemin est encore long. Nous avons d'ailleurs pu nous en rendre compte ce matin avec le classement du postulat concernant une stratégie d’égalité cantonale. Pourtant, chaque avancée mérite non seulement d'être soulignée mais aussi consolidée.
Aujourd'hui, nous avons l'occasion – ou plutôt même le devoir – d'aller plus loin, de réparer cette injustice en assumant un effet rétroactif. Car, oui, réparer signifie aussi reconnaître le tort causé dans le passé. A cet égard, j'aimerais poser une question très simple à mes collègues majoritairement masculins qui invoquent aujourd'hui les coûts ou les complications administratives : qu'auriez-vous fait, auriez-vous eu cette même réaction si cette discrimination avait concerné des hommes ? J'en doute fortement. En effet, lorsqu'on n'est pas directement touché par une injustice, il est facile – trop facile – d'en relativiser la portée.
Quant à l'argument juridique, il ne saurait nous servir de refuge commode. Les juristes, eux-mêmes, sont partagés. Et, même si l'approche rétroactive bouscule certaines habitudes, cela ne doit pas nous empêcher d'agir. Le droit ne peut être figé, lorsque l'éthique commande d'avancer. En tant qu'homme – et je le dis sans détour – en tant qu'homme d'un certain âge qui n'a jamais subi ce type de discrimination, je veux exprimer ici une chose simple : je refuse qu'on enterre cette réparation au nom de l'économie ou de la commodité ; je refuse qu'on dise à ces femmes que leur combat est légitime mais pas assez rentable pour être soutenu. Parce qu'en réalité ce n'est pas de coûts dont il s'agit, mais de volonté, de conscience, de justice. C'est une question de choix ; et ce choix nous engage. Il dit qui nous sommes, il dit pour qui et pourquoi nous faisons de la politique.
Par conséquent, je vous le demande : voulons-nous être ce Parlement qui reconnaît une injustice, mais recule quand il s'agit de la réparer ? Ou celui qui, malgré les obstacles, choisit l'équité, la dignité et, ainsi, le respect des personnes lésées ? Pour ma part, j’ai choisi. Et j’espère que comme moi, vous choisirez non pas ce qui est facile, mais ce qui est juste.
Il ne suffit pas, en définitive, de modifier simplement la date figurant dans l’amendement pour que celui-ci devienne soudainement acceptable. Pour les mêmes raisons évoquées à l’instant par mon préopinant, je ne fonde pas mon argumentation sur la complexité ou la difficulté de la tâche à accomplir. Certes, le travail est considérable, les difficultés sont réelles et bien documentées – nul ne le conteste – mais ce n’est pas sur ce terrain que repose mon raisonnement. En revanche, je mets en avant le respect du droit, le respect de la légalité. À deux reprises, d’ailleurs, le Tribunal fédéral s’est prononcé sur des questions d’inégalité. On peut bien sûr penser le contraire, mais les choses sont assez claires : la rétroactivité ne peut pas être appliquée n’importe comment.
En l’occurrence, concernant les deux dates qui figurent dans cet amendement, elles sont identiques. Cela concerne les poursuites depuis 2019, par conséquent il s’agit de taxations antérieures. Ensuite, il s’agit des taxations depuis 2019. On part du principe – j’imagine – que la référence est le 1er janvier. Même si c’est la situation au 31 décembre qui fait foi, des taxations intermédiaires peuvent exister – mais n’entrons pas dans les détails techniques. Quoi qu’il en soit, la problématique demeure pleine et entière avec cet amendement, tout comme avec le précédent. Cela implique que l’on remonte à des périodes fiscales antérieures à 2019, ce qui signifie que toutes les taxations depuis cette date seraient concernées. Chacun fera ses propres calculs. Comme précisé dans l’heure des questions, les 118 millions ne sont pas remis en question. Cela demeure intéressant d’observer ce que cela représente sur ces dernières années : environ 25 millions. Et si l’on considère que cette masse doit être traitée jusqu’en 2024, il faut y ajouter 2025, et toutes les taxations antérieures à 2019 qui pourraient être incluses du fait des poursuites engagées à partir de cette année-là.
Sans procéder à un calcul précis, proportionnellement, il s’agit sans doute approximativement de 30 à 35 millions. En tous les cas, cela dépasse les 25 millions ; et ce n’est pas anodin. Statistiquement, cela signifie que dans environ 80 % des cas – ce que j’ai démontré la dernière fois – on ira rechercher l’un des membres d’un couple séparé, généralement celui qui a payé l’impôt, parce que le conjoint, lui, n’a pas réglé sa part. Et dans ces 80 %, ce sont très majoritairement des femmes qui n’ont pas payé leur part. On va donc s’adresser à des femmes qui devront payer – sauf s’il existe une convention. On entre alors dans une mécanique juridique et pratique extrêmement complexe. Je le répète, cela ne doit pas, en soi, nous freiner – ce n’est pas le cœur de mon argument – mais ce n’est tout simplement pas praticable. Techniquement, on se trouve face à une rétroactivité qui n’est pas raisonnable.
Si nous nous entendons sur le principe de la modification légale – sur laquelle tout le monde s’est accordé – et pour laquelle une large majorité du Parlement a été remerciée – et nous pourrions y ajouter le Conseil d’État — et que cela entre en vigueur au 1er janvier 2026, alors il serait intéressant de considérer la proposition du député Buffat. En effet, si tout ce qui est traité à partir du 1er janvier 2026 est inclus, même si cela concerne des faits ou des périodes antérieures, cette forme de rétroactivité pourrait être admise. Car il s’agira de travailler de la même manière sur une taxation liée à une séparation au moment même où l’on change de pratique. Vous aurez alors un mécanisme de rétroactivité raisonnable n’engageant pas d’inégalité de traitement. Je vous rappelle que nous parlons de montants ouverts. L’inégalité naît du fait qu’on traiterait différemment des dossiers ouverts par rapport à ceux qui sont clos et déjà réglés. Et cette différence de traitement, sur le plan pratique, n’est pas tolérable. Pour toutes ces raisons précises, je vous invite à ne pas accepter cet amendement.
Veuillez m’excuser de prendre la parole après le conseiller d'Etat Borloz. Toutefois, j’aimerais préciser un certain nombre d’éléments. D’abord, pour rassurer M. Borloz, on parle bien du 1er janvier 2019.
Par ailleurs, il est intéressant de noter que M. Borloz évoque un cycle « pratique, juridique, complexe » engendré par ce changement de loi. En effet, il n’incombera plus au conjoint solidaire d’entreprendre la démarche d’un cycle « pratique, juridique, complexe » auquel j’ajouterai « difficile et compliqué ». Ensuite, l'abrogation de cet article ne changera pas la pratique relative aux 80 % des personnes qui sont contactées en premier lieu, puisqu'il s’agit uniquement de poursuites solidaires. Ainsi, la pratique actuelle va perdurer. Mais – et c’est différent – on ne pourra pas ensuite se retourner vers le conjoint pour lui dire :« écoutez c'est trop compliqué pour nous, on va d'abord vous demander de payer, puis, après, c'est à vous d'aller faire toutes les démarches ! » La voilà, la différence.
L’amendement Muriel Thalmann est refusé par 72 voix contre 65 et 3 abstentions.
Je demande un vote nominal.
Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celle et ceux qui acceptent l’amendement Muriel Thalmann votent oui ; celles et ceux qui le refusent votent non ; les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, l’amendement Muriel Thalmann est refusé par 74 voix contre 64 et 3 abstentions.
*insérer vote
Suite au refus d'introduire la rétroactivité, je vous propose un amendement sur ce même article. D'entrée de jeu, je vous l’annonce, il s’agit d’un consensus au carré, voire au cube, puisque Mme Thalmann est passée de 2014 à 2019. La proposition qui vous est soumise propose d’appliquer la nouvelle loi à toutes les situations à compter du 1er janvier 2026. Pour être tout à fait clair, je propose que passé le 1er janvier 2026, plus aucune personne, dans plus aucune circonstance, ne soit frappée par la solidarité comme prévue par l'ancien droit vaudois jusqu'à maintenant ; ni plus ni moins. Je reprends l'exemple donné par M. Borloz lors du premier débat : nous avons vécu sous un ancien régime, nous changeons de régime, et nous vivrons à partir du 1er janvier 2026 sous un nouveau régime. Si nous refusons cet amendement, les personnes dont la décision fiscale est antérieure à 2026 et qui ont un plan de paiement qui s'étale sur plusieurs mois verront encore des demandes en paiement, une fois passée la date d'entrée en vigueur de la loi.
J’aimerais encore me référer au rapport de la Commission des pétitions qui a entendu les personnes concernées par ce mécanisme de solidarité fiscale. La lecture dudit rapport nous apprend que les personnes qui doivent s'acquitter d'une dette en solidarité ont 100, 120, 143, parfois 150 mensualités à payer sur plusieurs mois. Par conséquent, passée la date d'entrée en vigueur, le nombre de personnes qui vont devoir payer des montants au nom de la solidarité sont relativement nombreuses. Je tiens encore à préciser qu’il ne s'agirait pas de renoncer aux 118 millions – montant cité par M. Borloz lors du premier débat – mais uniquement à l'outil qu'est la solidarité fiscale. On ne renonce pas aux 118 millions, on renonce à pouvoir couvrir les dettes d'impôt par le biais de la solidarité ; c'est fondamental.
Cela signifie que pour les montants encore ouverts, pendants, en 2026, il faudra en effet recalculer ce qui est dû par l'un et par l'autre, mais à nouveau uniquement pour les montants à payer à partir du 1er janvier 2026. Ainsi, il ne s'agit pas d'une perte nette pour l'Etat, mais, à nouveau uniquement d'être conséquent et de mettre un terme à cette mesure discriminatoire pour toutes les situations à partir du 1er janvier 2026. Pour illustrer mon amendement, j'ai prévu un schéma que je vous propose de commenter très brièvement.
*insérer schéma.
Vous observez la ligne du temps et, en rouge, le 1er janvier 2026. Certaines personnes doivent payer en plusieurs fois, puisqu’il est compliqué de payer une dette d'impôt. Les montants payés avant le 1er janvier 2026 ne seront pas touchés par l'amendement. En revanche, les quelques montants qui devraient encore être payés après le 1er janvier 2026 seraient, eux aussi, concernés par le nouveau droit – la moindre des choses, me semble-t-il – une solution de consensus. Pour reprendre les termes de Mme Lopez, si on devait couper la poire en deux avec l'amendement Thalmann, elle se voit à présent coupée en quatre.
« Art. 277m. – Al. 1 : L’article 14, alinéa 1, 2e phrase est applicable aux époux dont la séparation (art. 10) intervient dès la période fiscale 2026.
Pour les époux dont la séparation (art. 10) intervient antérieurement et jusqu’à l’année 2025 y comprise, l’article 14, alinéa 1 dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2025 demeure applicable. Pour les époux dont la séparation est intervenue antérieurement, la nouvelle s’applique aux montants impayés au 31 décembre 2025. »
La solidarité fiscale du couple n’est pas seule en cause, la solidarité de l'amendement Buffat-Gafner ou Gafner-Buffat ayant également été mise en péril dans le cadre de l'examen de cette loi, puisque nous n'avons pas réussi à nous mettre d'accord sur un texte commun. Mais, peut-être, pourriez-vous, monsieur le Secrétaire général, réafficher le graphique qui vient d'être présenté par M. Gafner et qui illustre finalement assez bien la situation – notre collègue est trop modeste. En effet, l'amendement proposé touche les deux croix rouges, c'est-à-dire un montant impliquant une séparation, des montants liés à la solidarité – les deux petits « vu » verts – situation qui se distingue de la situation où il n'y a pas de « vu » vert et qui se trouve en dessous. La problématique de l'amendement de notre collègue Gafner, auquel je n'ai pas pu me rallier, réside dans le fait qu’il engendrera une inégalité de traitement assez flagrante entre deux situations. La première est relative à une situation d’appel à la solidarité dans laquelle l'appelé solidaire a payé en totalité la créance d'impôts exigible – illustré par le petit graphique qui se trouve en dessus. Une inégalité de traitement sera occasionnée avec ceux qui n'ont pas encore payé, ce pour des raisons financières sans doute légitimes et explicables. Or, de fait, nous nous retrouvons avec deux situations absolument identiques, deux appels à la solidarité qui prendront fin au 1er janvier 2026. Ainsi, ne sera impactée que la question du paiement. Cela me paraît très discutable de privilégier ceux qui ont payé en une fois par rapport à ceux qui paieraient en dix fois et qui auraient peut-être, encore, au 1er janvier, une, trois ou dix annuités à payer. Cet effet rétroactif ne me paraît pas légitime.
Raison pour laquelle je vous proposerai tout à l'heure, à l'article 2, parce que c'est une question de perception, d'agir sur la seconde partie du graphique, c’est-à-dire le troisième « petit point blanc » qui aboutit à un rond noir indiquant « les époux sont séparés », « les époux font l'objet d'une taxation ». Et, ensuite, au 1er janvier 2026, on arrête d'aller rechercher en solidarité l'autre époux, quel qu'il soit. Par conséquent, on n’agit plus sur la taxation mais sur la perception de l'impôt, c'est-à-dire – et c’est ce que je vous proposerai tout à l'heure – d'éviter qu'à partir du 1er janvier 2026 on vienne rechercher pour quelque motif que ce soit l'autre époux en solidarité, puisque la solidarité dans le nouveau système prend fin. Ce n'est pas ce qui était prévu au stade initial, puisque dans l'exposé des motifs, le Conseil d'État dit expressément que cette situation n'est pas touchée par l'effet rétroactif et par l'application de l'article 277m.
Par conséquent, j’estime qu’il est inéquitable de revenir sur la taxation, parce que cela équivaut à privilégier – et excusez mon expression un peu crue mais claire – les mauvais payeurs par rapport à ceux qui ont bien payé. Sinon autant refaire un effet rétroactif comme cela vous a été proposé tout à l'heure, plutôt que de privilégier uniquement des situations durables dans le temps, mais qui ne reposent finalement sur aucune équité fiscale. En conclusion, je vous propose de rejeter cet amendement.
Le groupe Ensemble à Gauche et POP soutiendra la proposition de notre collègue Gafner, solution de « coupage de poire en quatre ». Nous le remercions aussi pour cet amendement et ce schéma. Ce qui m’intéresse particulièrement avec cet amendement, c’est qu’il fait écho à nos débats de la semaine dernière. Vous vous en souvenez peut-être : lorsque nous évoquions les questions de rétroactivité, j’avais interpellé mes collègues du PLR, MM. Buffat et Berthoud, en rappelant qu’un amendement introduisant une forme de rétroactivité avait été accepté dans le cadre du bouclier fiscal, lors des discussions budgétaires. La question se pose alors : dans quel contexte la rétroactivité est-elle considérée comme acceptable, et dans quel autre ne l’est-elle pas ?
Je me souviens que M. Berthoud avait justifié cette différence en expliquant que, dans le cas du bouclier fiscal, nous étions face à des dossiers encore ouverts. Et ce que je trouve particulièrement intéressant dans la proposition de notre collègue Gafner, c’est qu’elle montre précisément que nous sommes ici, aussi, dans des cas où le règlement de mensualités reste ouvert. Lors des échanges précédents, il a été question d’un certain nombre de mensualités – une centaine, je crois, c’est beaucoup ! C’est pourquoi je considère cette proposition de « coupage de poire en quatre » tout à fait acceptable dans ce contexte. Elle permettrait, pour ces cas ouverts, lourds et complexes, de mettre fin à ce fardeau, à ce boulet accroché au pied de personnes engagées dans ces démarches.
Quant à la question d’inégalité de traitement soulevée à l’instant par notre collègue Buffat, j’aimerais souligner qu’elle me semble également transposable au débat que nous avions eu sur le bouclier fiscal. Là aussi, on pouvait relever une inégalité entre les dossiers clos – pour lesquels les montants dus avaient été payés – et ceux qui, étant restés ouverts, auraient pu bénéficier de la rétroactivité de ce bouclier fiscal. À mes yeux, l’argument selon lequel une telle mesure introduirait une inégalité de traitement entre ceux qui ont payé et ceux qui ne l’ont pas fait vaut dans les deux situations. Et donc, dans le cadre du débat d’aujourd’hui, je pense que les enjeux en matière d’égalité sont suffisamment importants pour nous inviter à franchir ce pas et à suivre la proposition de notre collègue Gafner.
Je ne comprends pas très bien mon estimé collègue Buffat : parce qu'effectivement il y a inégalité. La semaine passée, il nous a exposé en long et en large combien ce serait inégal « de faire ça comme ça, de faire ceci comme cela, de faire cela comme ceci. » En fait, c'est inextricable. Quoi que l'on fasse, il y aura de toute façon une inégalité, une inéquité de traitement. Ainsi, finalement, la proposition de mon estimé collègue Gafner nous permet de répondre à l’un des grands reproches adressés par certaines personnes de la droite revenant à dire « ce n’est pas possible, on doit revenir en arrière, on va avoir des complications. » Cet amendement pallie cette problématique. Il permet quand même de soulager certaines personnes. En outre, monsieur Buffat, je suis désolée, il est faux de dire qu’il est inéquitable de revenir sur les taxations, car cela privilégie les mauvais payeurs. Monsieur Buffat, il ne s’agit pas de mauvais payeurs ! Ce sont des personnes qui sont appelées à payer des dettes fiscales sur des montants qu'elles n'ont jamais perçus, à qui l'on demande de payer pendant 100 ou 150 mensualités pour rembourser des dettes fiscales qu'elles n'ont pas créées. Il ne me paraît pas qu’il s’agisse d'inéquité ou de privilégier les mauvais payeurs. Au contraire, ce sont des personnes qui ont payé – et plus que leur part – et qui seraient enfin soulagées. Avec mon groupe, je vous invite à suivre cet amendement et à au moins soulager ces personnes-là.
Pour la minorité de la commission, cet amendement proposé par notre collègue Gafner créera effectivement des inégalités de traitement. Ainsi, nous nous opposerons à ce principe et à cet amendement.
En préambule, je conçois volontiers l'aspect éminemment technique et complexe des discussions que nous avons à 150 devant ce Grand Conseil. Il est vrai qu’un traitement en commission aurait simplifié les choses. Mais, à nouveau, je ne conteste pas le droit de chacune et de chacun à déposer des amendements, bien qu’il faille admettre que la situation est pour le moins complexe et difficile à appréhender. Reprenons donc le schéma de notre collègue.
Madame Thalmann, l'amendement proposé par notre collègue Gafner ne remet pas en cause les situations représentées à gauche du graphique, c'est-à-dire ceux qui ont été séparés, ceux qui ont été invoqués en responsabilité et ceux qui ont payé. Alors, vous affirmez que ce traitement est inéquitable, injustifié, et qu’ils n’auraient jamais dû payer. Or, cela n’est pas en corrélation avec l’amendement de notre collègue Gafner. En effet, ce dernier propose un moratoire, ou j'oserais même un plus gros mot qui ne plaît pas à la gauche, une sorte d'amnistie. Il est tout à fait possible de dire que le principe change. Or, veuillez m’excuser, mais vous proposez clairement pour une bonne partie de contribuables une sorte d'amnistie d'impôt, une sorte d'abandon de créance, voire de remise d'impôts. Peut-être M. le conseiller d'Etat pourra nous en dire quelques mots, il y a un certain nombre de cas où, par le biais de la remise d'impôts, on peut soulager les situations inextricables.
En outre, quant à couper la poire en quatre, je considère surtout qu’il s’agit de ne pas mélanger les poires et les pommes. Lorsque nous avons parlé du bouclier fiscal, il n'a jamais été question d’amnistie fiscale. Au contraire, M. Berthoud a rappelé que ce qui était taxé l’était bel et bien. Ainsi, ceux qui étaient potentiellement soumis au bouclier fiscal et qui étaient taxés malgré l'effet rétroactif ne voyaient pas leur montant d'impôt supprimé. En revanche, ce qu'a dit M. Berthoud était parfaitement correct : les cas qui étaient en suspens pouvaient bénéficier du nouveau régime, puisqu'il y avait un effet rétroactif qui s'appliquait pour les personnes qui n'étaient pas encore taxées. Or, ici, il ne s’agit pas du problème de taxation, mais du moment représenté par les deux flèches rouges où il s'agit d'encaisser ces montants. Si vous acceptez cet amendement, je vous le répète, vous procédez à une sorte d'effet rétroactif indirect et à une amnistie fiscale pour ceux qui n'ont pas encore payé la totalité de leur créance.
Même s’il est quelque peu superflu de l’indiquer, la majorité de la commission acceptera évidemment cet amendement. Par rapport à l'intervention de M. Buffat, et pour m’inscrire dans le prolongement des propos de Mme Thalmann, je distinguerai la question morale de la socio-économique. J'ai l'impression que sur le plan moral, M. Buffat semble penser qu’il y a des gens justes, injustes, bons ou mauvais. Or, j’ai l'impression qu’il s’agit plutôt d’une question socio-économique déterminant le fait qu'on puisse ou qu'on ne puisse pas payer, dans un certain délai ou dans un échelonnement d'un certain nombre de mois, des rétroactions d'impôts. Par conséquent, distinguer « les bons qui ont payé » et « les méchants qui n'ont pas voulu payer » ne tient pas du tout compte de la situation réelle d'un certain nombre de personnes qui sont dans des conditions économiques assez difficiles.
Je souhaitais intervenir dans ce débat en réaction aux arguments avancés. Je m’excuse par avance auprès de toutes et tous, car je crains que cela prenne un tour quelque peu juridique – cela nous arrive parfois. Néanmoins, certains points me semblent importants à souligner. L’amendement dont nous discutons soulève la question de l’inégalité de traitement. À mon sens, ce n’est pas tout à fait exact de présenter les choses ainsi. En effet, lorsqu’on modifie la loi, il y a nécessairement des situations antérieures et des situations postérieures à cette nouvelle loi. On pourrait dire, à ce titre, que les personnes ne sont plus traitées de la même manière. Mais si l’on poursuivait l’objectif d’une égalité absolue entre toutes les situations passées et futures, cela reviendrait à ne jamais modifier la loi – ce qui, je pense, n’aurait pas de sens et ne serait souhaité par personne. En effet, le changement de régime proposé met fin à la solidarité fiscale entre conjoints séparés. Ce nouveau cadre juridique s’appliquera aux situations qui naîtront après son entrée en vigueur. Pour autant, il nous faut aussi traiter les situations en cours au moment du changement. Cela porte un nom : le droit transitoire. Il s’agit d’un principe commun, classique qui permet précisément de déterminer ce qui est le plus juste et le plus approprié, à la lumière des nouvelles règles et des valeurs que nous souhaitons désormais porter. Et cela me paraît fondamental.
Si nous n’adoptons pas cet amendement aujourd’hui, nous ne pourrons malheureusement pas dire que nous mettons un terme à la pratique de la solidarité fiscale. Et cela, c’est un point essentiel. Nous avons été nombreux, dès l’entrée en matière et tout au long des débats, à dire que cette pratique n’était ni juste ni soutenable, et qu’elle devait cesser. Or, sans cet amendement, cette solidarité fiscale continuera d’exister pendant encore de nombreuses années. En effet, les plans de paiement peuvent s’étaler sur de longues périodes, et de nouveaux cas vont encore apparaître cette année. Entre le moment où nous adoptons cette loi — au mois d’avril — et le 31 décembre, de nombreuses personnes risquent d’être recherchées en responsabilité. Concrètement, cela signifie que des contribuables, informés de l’adoption d’une nouvelle loi censée mettre fin à cette solidarité, recevront malgré tout, des plans de paiement dans le courant de l’année. Je trouve cela personnellement assez désagréable, et je pense que ce sera difficile à comprendre – et à accepter – pour les personnes concernées.
Nous disposons aujourd’hui d’un consensus : nous voulons mettre fin à une pratique. L’amendement nous offre l’outil pour y parvenir, en disant qu’à compter du 1er janvier, il n’y aura plus de solidarité fiscale entre conjoints séparés dans notre canton. Si nous ne saisissons pas cette opportunité, nous risquons de voir perdurer des situations, certaines personnes mourraient même en conservant une dette fiscale de leur ex-conjoint, une dette dont ils n'auront jamais pu s’acquitter – cela arrive et n’est, hélas, pas si rare.
La rétroactivité improprement dite – et veuillez à nouveau me pardonner le jargon juridique – est un mécanisme assez courant en droit, et notre collègue Buffat l’a reconnu lors du premier débat. On le retrouve notamment en droit pénal : lorsqu’une infraction a été commise, mais que le droit change avant la condamnation, c’est la règle la plus favorable à la personne poursuivie qui s’applique, même si elle n’était pas en vigueur au moment des faits. C’est exactement la même logique ici. On pourrait dire que les contribuables concernés sont, d’une certaine manière, comparables à des prévenus. Si nous acceptons ce principe en droit pénal, il n’y a pas de raison de ne pas faire de même en droit fiscal. À mes yeux, les situations sont relativement similaires. Il ne faut pas parler d’inégalité de traitement : ce que nous proposons relève d’une règle juridique bien établie, qui figure dans le Code pénal depuis plus de 70 ans ; c’est une pratique courante.
Je souhaite également revenir sur un point soulevé par notre collègue Gaudard, à propos des personnes concernées qui sont souvent en grande difficulté économique. Grâce à cet amendement, ces personnes pourraient enfin être soulagées dès le 1er janvier 2026. Elles pourraient souffler un peu et envisager l’avenir sous un jour meilleur, ce sans les tracas administratifs qu’évoquait M. Weissert à propos d’une rétroactivité proprement dite, qui aurait impliqué de rembourser des sommes et généré une charge administrative considérable. Or, ici, ce n’est pas le cas : il n’y a quasiment pas de travail administratif à prévoir. En effet, il suffirait de suspendre les plans de paiement des personnes concernées par la solidarité fiscale. En revanche, comme l’a justement rappelé notre collègue Gafner, la créance fiscale reste bien entendu due. La différence réside dans le fait qu’elle ne peut pas être réclamée à la personne qui n’est pas concernée par cette dette.
L’État conserve son droit de réclamer cette créance, mais uniquement auprès de la personne qui l’a effectivement générée, non pas auprès de son ex-conjoint. Autrement dit, la dette fiscale demeure, mais elle n’est exigible que de la personne qui l’a créée ; et c’est là toute la différence. C’est précisément ce que nous allons voter – si nous nous prononçons favorablement. A l’avenir, seules les personnes à l’origine d’une dette fiscale devront l’assumer. Il n’y aura plus de solidarité automatique avec le conjoint ou l’ex-conjoint. Nous l’appliquerions dès le 1er janvier 2026 ; c’est cela qui est fondamental. Mous sommes face à une mesure de droit transitoire. C’est pourquoi je vous invite à soutenir cet amendement.
Je souhaite simplement rassurer mon éminent collègue Buffat et lui dire que j'avais très bien compris le schéma de M. Oleg Gafner et qu'il n'y avait pas besoin de me l'expliquer en long et en large. (Rires) Ensuite, j’aimerais ajouter que j’ai été très surprise d'entendre le rapporteur de minorité dire que la minorité ne soutiendrait pas cet amendement, alors que cet amendement n'a pas été traité en commission.
J'aimerais vous inviter à soutenir la proposition de M. Gafner qui constitue un énième compromis, après de nombreux autres. Quand j'entends M. Buffat parler d'inégalité, j’aimerais rappeler pour remettre les choses à leur place qu’il s’agit en effet d’un système inégalitaire et discriminatoire qui a duré pendant des années. Le but des amendements consiste à réduire et réparer au maximum les discriminations qui ont perduré pendant des années. Souvenez-vous aussi que nos discussions sont liées au fait que depuis 2019, le Conseil d'État n'a pas déclaré de moratoire sur ces pratiques discriminatoires, alors qu'il le pouvait, faisant ainsi preuve d’une certaine passivité, et que des personnes qui n'avaient rien demandé se sont retrouvées soumises à un système totalement injuste. Il est à noter que des options différentes auraient permis de suspendre cette pratique le temps de prendre une décision. A cet égard, cet amendement constitue un compromis qui s’appuie sur un fait sur lequel nous nous accordons tous : il faut mettre fin à ce système discriminatoire. Par conséquent, je vous invite à accepter cet amendement et de permettre ce geste adressé aux personnes qui subissent encore ce système.
Je confirme ce que j’ai dit lors du premier débat et je demande au secrétariat général d’afficher l’amendement que je vous proposerai tout à l’heure, non pas à l’article 277, mais à l’article 2, et ce, pour une meilleure compréhension des débats à venir. Cet amendement semble effectivement aller dans le sens d’une solution acceptable et consensuelle concernant la taxation :
« Art. 2. –
1 Les articles 14 alinéa 1, 49 alinéa 5 et 277m de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2026.
2(nouveau) L’article 14 alinéa 1 deuxième phrase est applicable aux époux séparés dès la période fiscale 2026 pour l’ensemble des procédures de perception pendantes et fondées sur l’article 14 alinéa 1 selon sa teneur jusqu’au 31 décembre 2025 et dont l’objet sont des montants d’impôts non payés résultant de l’imposition conjointe. »
Vous le savez, je ne suis pas partisan de ceux qui opposent les uns aux autres. Je ne crois pas qu’il y ait des « bons » ou des « mauvais » payeurs, ni que certains méritent plus d’accessits que d’autres. Il ne faut pas opposer les contribuables les uns contre les autres, pas plus que les femmes contre les hommes ; cela serait totalement inacceptable.
Pour illustrer cette inégalité, prenons une personne en difficulté financière, par exemple une ex-épouse, qui a été appelée à payer 50’000 francs d’impôts en 2020, à titre de solidarité. En 2022, elle reçoit un petit héritage ou vend l’appartement en PPE issu de la liquidation du régime matrimonial. Que fait-elle avec cet argent ? Elle paie sa dette fiscale afin de la solder. Imaginons maintenant qu’elle ne reçoive pas d’héritage ; imaginons qu’elle vende l’appartement, mais qu’elle décide de ne pas payer sa dette fiscale. Dans ce cas, avec l’amendement Gafner, on lui accorde une sorte de cadeau, en amortissant une partie de ce qu’elle devait encore, à cause de cette réparation inéquitable. En revanche, celle qui a payé de bonne foi n’a plus que les yeux pour pleurer.
Je tiens maintenant à aborder la proposition que je vais soumettre et c’est la raison pour laquelle je vous demande de rejeter l’amendement Gafner. Si vous examinez l’exposé des motifs, à la page 2, le Conseil d’Etat nous indique : « Pour les époux qui remplissaient déjà les conditions de l’imposition séparée antérieurement, y compris pour l’année précédant l’entrée en vigueur de la loi, le régime de solidarité de l’ancien droit s’appliquera. » Avec cet élément, il me semble que nous pouvons aller plus loin et faire mieux. C’est pourquoi, contrairement à ce que propose le Conseil d’Etat, je propose que, dès le 1er janvier 2026, nous ne puissions plus percevoir d’impôts basés sur l’ancienne solidarité. En effet, je trouve cela choquant. Nous allons changer de système au 1er janvier 2026, mais avec le système proposé par le Conseil d’Etat, votre responsabilité pourrait être invoquée, puisque votre situation dépend de l’ancien droit. Elle est antérieure au 1er janvier et jusqu’au 31 décembre 2025.
Ma proposition, qui est cohérente avec la règle du Tribunal fédéral, consiste à mettre fin à cette perception. A partir du 1er janvier 2026, vous ne pourrez plus invoquer une responsabilité solidaire à l’égard d’un époux, quelle que soit la situation, en raison de la solidarité fiscale jugée discriminatoire. Ce système résout parfaitement le problème de l’égalité de traitement, car il distingue clairement deux situations fondamentalement différentes : celles qui ont été recherchées en responsabilité avant le nouveau système, et celles qui le seraient après. Il s’agit donc de mettre fin à ces systèmes juridiques dès le 1er janvier 2026, non pas pour ceux qui seront séparés, mais pour ceux qui le sont déjà et pour lesquels une action en solidarité pourrait encore s’appliquer postérieurement au 1er janvier 2026. Cette situation est en contradiction avec ce que propose le Conseil d’Etat et me semble effectivement choquante. Jusque-là, je pouvais admettre un système de rétroactivité de la nouvelle loi. Je vous inviterai, dès lors, à soutenir mon amendement à l’article 2, et à rejeter l’amendement Gafner.
Comme l’a dit Mme Joly, c’est un débat de juristes ! Mais en tant que citoyen lambda qui paie des impôts, il est toujours intéressant de savoir quelles règles et lois sont mises en place dans ce canton. Je comprends parfaitement ce que vient de dire mon collègue Marc-Olivier Buffat et je suis entièrement d’accord avec lui. En effet, ce qu’a proposé M. Gaffner montre clairement que la situation s’annule à partir du début de l’année 2026. Selon moi, le message qui en ressort est celui-ci : « Ne payez pas vos impôts avant 2026, car cet impôt sera annulé ! » C’est ce message qui est envoyé ici, et c’est un risque assez sérieux à prendre en compte.
En conclusion, je pense qu’il est important de soutenir l’amendement proposé par M. Marc-Olivier Buffat afin d’éviter de prendre des risques et de transmettre des messages contradictoires et quelque peu pervers.
Une décision prise en 2026 n’aura pas le même impact qu’une décision prise en 2025 à la suite du changement de loi. Je suis tout à fait d’accord avec ce principe. Cependant, comme l’a rappelé M. Buffat, ici la situation est différente : nous venons corriger une décision prise dans le passé, alors qu’un plan de paiement est encore en cours. Il s’agit donc d’une question d’égalité.
Ensuite, pour répondre à Mme Thalmann, la minorité de la commission a été sollicitée concernant cet amendement, puisqu’il nous a été présenté en cours de journée par son auteur. Nous avons donc eu l’opportunité de décider de la manière dont nous souhaitions procéder. De plus, cela n’a pas empêché le rapporteur de la majorité de donner son avis sur cet amendement. Ainsi, je pense que vous pouvez conserver vos réflexions et vous concentrer sur le fond du débat.
J’aimerais intervenir sur deux points. Le premier concerne la question morale qui a été posée, suggérant un choix presque binaire entre le bien et le mal, avec d’un côté des « masculinistes méchants » et de l’autre ceux qui défendent les femmes. A mon avis, ce n’est pas la bonne approche. La véritable question iest celle de l’égalité pour les contribuables, et, au fond, l’enjeu homme-femme n’est pas central. La question, c’est : est-ce qu’A doit payer les dettes de B ? Que A soit un homme ou une femme, à mes yeux, cela reste secondaire.
Le véritable enjeu, lorsqu’on fait une loi, est de savoir où on place le curseur, notamment à partir du 1er janvier. Ceux qui auront réglé la situation le 31 décembre ne seront pas concernés, tandis que ceux qui attendront après le 1er janvier le seront. Il me semble que la proposition de M. Buffat évite de donner une prime à ceux qui font traîner les choses. Paradoxalement, ceux qui font traîner les choses ne sont pas nécessairement les plus désargentés. Ce sont souvent ceux qui ont les moyens de s’offrir des avocats, ceux avec une situation complexe, et ceux à qui on conseille de patienter avant de payer, etc. Je ne suis donc pas certain que chacun défende réellement ceux qu’il croit défendre. La proposition de M. Buffat semble éviter cet écueil, même si, pour ma part, j’aurais soutenu une autre solution déjà rejetée auparavant. Je vous encourage à accepter la solution de M. Buffat, qui me semble « plus juste ».
Le secrétariat peut-il projeter une dernière fois le schéma dans sa deuxième version, celui que je lui ai transmis ? J’essaie ici de ramener un peu plus de clarté à tous ces débats. Si possible, j’aimerais que cela puisse se faire dans un certain silence. Merci, chers collègues.
*Insérer image
Ce qui est entouré en bleu correspond à l’amendement que je vous propose. Il s’agit de faire en sorte que toutes les situations encore pendantes, qui n’ont pas été réglées conformément au plan de paiement, puissent être reconsidérées quant à la personne devant payer la mensualité. Autrement dit, nous renonçons uniquement à l’outil de la solidarité, sans pour autant renoncer à la créance. L’Administration cantonale des impôts doit effectuer ce calcul pour l’impôt fédéral direct, comme prévu à l’article 13, alinéa 1. Nous savons déjà comment le faire pour l’impôt sur le revenu. Le seul impôt pour lequel le canton devra effectuer ce nouveau calcul est l’impôt sur la fortune, qui relève exclusivement du droit cantonal. Cela concerne ce qui est encadré en bleu, soit mon amendement.
M. Buffat, avec qui j’ai eu le plaisir d’échanger ces derniers jours, a porté le consensus vers une hypothèse un peu plus restreinte que celle que je vous ai présentée, en considérant que certaines situations peuvent tout de même être comprises dans le cadre du nouveau droit. C’est ce qui est représenté dans l’encadré rose, qui concerne les personnes séparées avant le 1er janvier 2026, et qui n’ont pas encore fait l’objet d’une décision de taxation, mais dont la séparation est survenue avant cette date.
J’espère que cette petite modification du schéma clarifie la situation. Pour moi, la question qui se pose est finalement très simple, même si nous avons compliqué le débat. La question est la suivante : à partir du 1er janvier 2026, un Vaudois ou une Vaudoise sera-t-il encore concerné par la solidarité fiscale ? Si nous ne votons pas l’amendement que je vous propose, cela ne sera pas le cas. Pendant 10, 20, voire 30 ans, des Vaudoises et des Vaudois seront appelés à payer en solidarité. Je trouve cela insatisfaisant. Si vous estimez que ce n’est pas le cas, vous pouvez accepter l’amendement Buffat. Je le soutiendrai aussi, c’est le moindre mal. Comme l’a dit M. Vogel, il s’agit d’une question de curseur. Je pense que nous sommes maintenant prêts pour voter ces amendements.
Je ne suis pas juriste, alors je vais essayer de préciser ma position de manière aussi simple que possible. Il y a des explications concernant ces amendements, mais aussi des phrases inscrites directement dans l’amendement. Si je lis la fin de l’amendement de M. le député Gafner : « Pour les époux dont la séparation est intervenue antérieurement, la nouvelle loi s’applique au montant à payer au 31 décembre 2025. » Cela signifie que, potentiellement, l’on rouvre les 118 millions. Autrement dit, cette phrase nous ramène à la situation de la semaine dernière, avec l’amendement de la semaine passée, où tout est rouvert. On irait chercher des montants depuis 1998, pour faire simple. Enfin, j’ai déjà donné quelques détails à ce sujet la dernière fois, et j’ai aussi précisé les choses lors de la question de Mme Thalmann en début de cet après-midi.
C’est pourquoi je dis que l’explication ne correspond pas tout à fait au texte. Je regrette vraiment que les principaux protagonistes n’aient pas trouvé un terrain d’entente, car, dans l’explication, ils ne sont pas très loin d’un compromis. Dès lors, je suis vraiment favorable au texte proposé par le Conseil d’Etat, tout le Conseil d’Etat, rien que le Conseil d’Etat – comme d’habitude. Cela dit, même si mon préavis n’est pas particulièrement positif, on pourrait vivre avec l’amendement de M. Buffat, qui va tout de même dans le sens évoqué dès le début par Mme Thalmann, à savoir un peu de rétroactivité. Cela permettrait de prendre en compte ce qui s’est passé avant et d’appliquer cette rétroactivité uniquement au niveau de la perception. Dans ce cas, on pourrait soutenir cet amendement pour aller dans ce sens. Mais pas celui qui est actuellement en discussion, car, encore une fois, il ouvre toute la chaîne des 118 millions, rendant ainsi l’article 277 caduc.
Je vous prie de m’excuser de prendre la parole après le conseiller d’Etat. Cela fait longtemps que je ne travaille plus comme juriste et que j’ai réorienté ma carrière, mais il y a quelque chose qui m’a un peu interpellé dans votre dernière prise de parole. Vous nous avez démontré, par A+B et de diverses manières, que la volonté de cet hémicycle ne pourrait pas être mise en œuvre si nous votons les différents amendements – peu importe leur formulation. Je pense qu’il est important de rappeler que, lorsque nous votons une loi et ses amendements, ce qui est dit en ce plénum prête à interprétation et oriente la direction de l’interprétation du texte sur lequel nous votons. Les différents avis exprimés, ainsi que les interprétations des collègues juristes, viennent clarifier le texte et la volonté que nous souhaitons traduire à travers l’acceptation ou non de cet amendement. Nous verrons, évidemment, au moment des votes.
Cela, c’est pour le côté technique de cette prise de parole. De manière plus globale, j’aimerais aussi rappeler qu’aujourd’hui, nous avons refusé la prise en considération du postulat de Mme Thalmann sur la mise en place d’une stratégie d’égalité, ce qui relève un peu du hasard du calendrier. Mais c’était un véritable pied de nez aux femmes vaudoises. Certes, l’égalité touche aussi bien les hommes que les femmes, mais c’est tout de même avant tout les femmes qui sont actuellement victimes de discrimination. En refusant cet amendement, nous ferions un nouveau pied de nez aux Vaudoises. Je pense que cette dimension doit aussi être prise en compte dans le message que ce Parlement veut transmettre. Nous sommes tous d’accord sur le fait que cette cosolidarité fiscale est discriminante et injuste. Nous devons agir pour que cette injustice et cette discrimination n’affectent pas plus longtemps la vie des Vaudoises concernées.
L’amendement Oleg Gafner est refusé par 72 voix contre 65 et 4 abstentions.
Je demande un vote nominal.
Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui soutiennent l’amendement Oleg Gafner votent oui ; celles et ceux qui le refusent votent non ; les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, l’amendement Oleg Gafner est refusé par 73 voix contre 66 et 4 abstentions.
*Insérer vote nominal
L’article 277m est accepté tel qu'admis en premier débat par 92 voix contre 1 et 44 abstentions.
L’article premier est accepté.
Art. 2. –
Je dépose formellement l’amendement présenté tout à l’heure :
« Art. 2. –
1 Les articles 14 alinéa 1, 49 alinéa 5 et 277m de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2026.
2(nouveau) L’article 14 alinéa 1 deuxième phrase est applicable aux époux séparés dès la période fiscale 2026 pour l’ensemble des procédures de perception pendantes et fondées sur l’article 14 alinéa 1 selon sa teneur jusqu’au 31 décembre 2025 et dont l’objet sont des montants d’impôts non payés résultant de l’imposition conjointe. »
Je tiens à rappeler que, dans l’arrêt du Tribunal fédéral du 16 juin 2021, ce dernier souligne que la question de la proportionnalité, voire de la discrimination indirecte, se pose principalement au moment de la perception, et non au moment de la taxation. C’est précisément cet aspect sur lequel je souhaitais travailler dans le cadre de cet amendement.
Je voudrais également rappeler le texte du message du Conseil d’Etat, qui maintenait une solidarité complète jusqu’au 31 décembre 2025. Comme je l’ai expliqué plus tôt, j’ai été sensible à certains arguments, et je pense que, en particulier pour ce qu’a évoqué tout à l’heure notre collègue Joly, cet amendement répond à au moins 50% de ses préoccupations. En effet, dès le 1er janvier 2026, y compris pour les séparations et taxations antérieures au 31 décembre 2025, il ne sera plus possible d’invoquer la solidarité entre époux. Cela aurait été possible avec le texte initialement proposé par le Conseil d’Etat.
En effet, dans l’exposé des motifs, il est clairement indiqué que la solidarité s’applique aux époux séparés jusqu’au 31 décembre 2025, ouvrant ainsi théoriquement la porte à des appels en responsabilité solidaire après le 1er janvier 2026, bien que la loi ait été modifiée. Il me semble que cette proposition constitue un juste milieu, en mettant fin, dans les faits et du point de vue juridique, à toute possibilité d’invoquer la solidarité fiscale entre époux dès le 1er janvier 2026. Cela me semble refléter une majorité des avis exprimés au cours de nos discussions. Dès lors, je vous remercie donc de bien vouloir soutenir cet amendement.
Monsieur Buffat, j’accepterai votre amendement, et ce, pour plusieurs raisons. Cela marque un pas en avant, mettant ainsi fin, à partir de 2026, à la solidarité fiscale pour les couples séparés ou divorcés. Cela rejoint tout de même le principe de corrélation d’une discrimination, même s’il est appliqué de manière prospective. Mais dans l’ensemble, cela va tout à fait dans ce sens. Les juristes sont très jaloux de la sécurité juridique. Cet amendement la garantit, il respecte ce principe. Je pense aussi qu’il réduit le risque d’instabilité légale ou financière lié à cette rétroactivité extensive. Enfin, la cohérence des délais me semble raisonnable. Par rapport à ce que nous n’avons pas voté auparavant, soutenir cet amendement représente un moindre mal. Je pense que, avec cet amendement, nous pouvons aller de l’avant.
Je dois avouer que j’ai vraiment beaucoup de peine à comprendre le texte qui nous est soumis. Nous en venons à nous demander s’il manque des virgules ou autre chose... Ce que j’ai compris en le lisant, c’est qu’il s’applique aux époux qui se sont séparés pendant la période fiscale de 2026. C’est effectivement l’objet de la loi, donc je ne vois pas trop l’intérêt de cet amendement. L’article devrait être rédigé de manière que l’on comprenne bien qu’il concerne tous les époux séparés avant le 1er janvier 2026, mais dont la décision de taxation n’a pas encore été rendue, quelle que soit la période fiscale en question. Du coup, les procédures de taxation et de perception commenceraient après le 1er janvier 2026.
Peut-être manque-t-il quelques virgules entre « séparés » et « dès la période fiscale 2026 », pour clarifier que cela s’applique à toutes les procédures de perception pendantes. Mais honnêtement, en lisant cet amendement tel quel, j’avais un peu de mal à comprendre le message, et si l’on parle des personnes séparées en 2026, alors oui, évidemment, la nouvelle loi s’appliquera à elles.
Je tiens néanmoins à signaler que, contrairement à ce qui a pu être dit précédemment, cet amendement ne met pas fin à la pratique de la solidarité fiscale, puisque plusieurs procédures en cours continueront pendant des années, voire des dizaines d’années. Certaines personnes continueront à payer des dettes qui ne sont pas les leurs, et elles ne pourront jamais se retourner contre les personnes réellement responsables de ces dettes, même si les principes de solidarité s’appliquent. Ainsi, aujourd’hui, nous avons raté une véritable occasion de restaurer un peu de justice pour ces personnes, qui continueront de payer pendant des années et qui, peut-être un jour, nous feront comprendre ce qu’elles ont vécu. Ce micmac juridique pourrait d’ailleurs donner lieu à des recours divers et variés.
Puisque nous n’avons pas pu discuter de cet amendement au sein de la minorité, et pour ne pas me faire reprendre par Mme Thalmann qui pourrait penser que je dicte les choix de la minorité, je vais parler uniquement en mon nom : j’accepterai l’amendement de notre collègue Buffat pour les mêmes raisons que celles évoquées par notre collègue Jobin.
Il y a peut-être un problème de virgule… (Rires dans la salle.) La formulation n’est pas suffisamment claire pour ne pas ouvrir la rétroactivité sur les 118 millions… Pendant que je parle, Me Buffat a un peu de temps pour réfléchir à ce texte. Je lui redonne la parole pour de plus amples précisions, mais nous ne sommes pas loin de trouver un accord – ce qui me réjouirait.
A propos de virgules, il y a une célèbre histoire qui circule parmi les juristes et qui dit : « acquitté, pas pendu ! » Selon la position de la virgule, le sort du condamné n’est pas tout à fait le même. Je suis donc conscient de l’importance des virgules. M. le Secrétaire général a eu la gentillesse de me présenter un projet auquel je peux me rallier :
« Art. 2. –
1 Les articles 14 alinéa 1, 49 alinéa 5 et 277m de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2026.
2(nouveau) L’article 14 alinéa 1 deuxième phrase est applicable aux époux séparés, dès la période fiscale 2026, pour l’ensemble des procédures de perception pendantes et fondées sur l’article 14 alinéa 1 selon sa teneur jusqu’au 31 décembre 2025 et dont l’objet sont des montants d’impôts non payés résultant de l’imposition conjointe. »
C’est effectivement ainsi que cela doit être compris. Toutefois, le graphique de notre collègue Gafner est correct quant à l’implémentation du texte qui vous est proposé – la partie violette, sauf erreur. Tout est dans la virgule !
Décidément, on aura coupé la poire en six dans ce débat... Je soutiendrai cet amendement et remercie ma collègue Joly d’apporter ces précisions nécessaires. Je tiens toutefois à souligner une chose –j’espère vraiment que ce sera entendu par M. Borloz et par les représentants de l’administration cantonale : nous votons ici une disposition dans le but de sauvegarder certains cas qui pourraient être frappés par ces situations transitoires. Cela ne doit pas inciter l’ACI à rendre une décision de taxation avant 2026 dans le but de faire sauter la portée de cet amendement. Je ne dis pas que telle est la volonté de l’ACI, mais c’est un risque que nous devons écarter. L’ACI doit entendre le message général du législateur qui est de changer de système à compter du 1er janvier 2026. Il ne faut pas taxer rapidement, et avant le 31 décembre 2025, un nombre de contribuables supplémentaires. J’espère que ce message sera entendu.
Il n’y a aucune volonté de réouvrir les 118 millions. Monsieur Buffat, vous êtes bien au clair à ce sujet ? J’ai beau relire le texte, malgré la virgule, cela ne me semble pas encore limpide. J’aimerais que cela soit précisé ici. M. Buffat acquiesce et je m’en satisfais en l’état. Je vous laisse donc voter.
Il faut dire les choses clairement, dans le sens de ce que disait notre collègue Gafner. Avec cet amendement, nous souhaitons que, dès le 1er janvier 2026, toute pratique de taxation fondée sur l’ancienne solidarité prenne fin. C’est clair ! Les époux sont séparés et sont taxés séparément, ou simultanément.
Ensuite, concernant la perception des impôts – et contrairement à ce qui figure dans l’exposé des motifs – nous ne pourrons plus invoquer la solidarité fiscale entre époux postérieurement au 1er janvier 2026 – ce qui était possible avec votre texte et votre exposé des motifs. C’est ce dont le Grand Conseil – je l’espère – ne voudra pas, lors du vote.
Retour à l'ordre du jourL’amendement Marc-Olivier Buffat est accepté par 127 voix contre 1 et 7 abstentions.
L’article 2, amendé, est accepté avec quelques abstentions.
L’article 3, formule d’exécution, est accepté tel qu'admis en premier débat.
Le projet de loi est adopté en deuxième débat.
Le troisième débat interviendra ultérieurement.