25_POS_50 - Postulat Martine Gerber et consorts au nom Les Vert.e.s, Martine Gerber - Exposition des enfants Vaudois aux produits phytosanitaires : que sait-on ? (Développement et demande de prise en considération immédiate).
Séance du Grand Conseil du mardi 11 novembre 2025, point 17 de l'ordre du jour
Texte déposé
En préambule, je tiens à affirmer que ce postulat ne cherche pas à stigmatiser un groupe professionnel, à savoir celui représentant les métiers de la terre, dont je fais d’ailleurs partie et je suis bien placée pour savoir le rôle vital qu’il joue, mais bien à apporter un nouvel élément dans une discussion essentielle et qui en l’occurrence touche à la santé.
Force est de relever que la littérature scientifique a déjà largement démontré que les populations vivant à proximité de terres agricoles sont exposées aux pesticides de diverses manières, par le biais de la dérive de pesticides dans l’air, éventuellement aussi par des résidus présents sur les vêtements et rapportés au domicile, ou encore de la nourriture qu’elles consomment. Cela est aussi vrai d’ailleurs pour la proximité avec les terrains de golf, comme le rapportait récemment un quotidien local[1]. On sait aussi que cette exposition peut affecter l’appareil respiratoire (il n’y a qu’à voir comment les ouvriers viticoles « s’harnachent » pour pulvériser ces produits et ils ont bien raison !), mais aussi d’autres maladies plus graves aussi. Des études faites à l’étranger ont montré que les produits phytosanitaires affectent en particulier des groupes de personnes vulnérables, comme les enfants.
Une récente étude[2] faite dans le Valais, à la demande du gouvernement et grâce à son financement, est passée un peu sous les radars médiatiques. Si elle laisse encore beaucoup de questions en suspens -ce qui est normal pour une telle investigation-, elle fournit des observations qui doivent nous interpeller. Elle a été menée dans trois villages de la plaine du Rhône valaisanne, en prenant des mesures à 4 périodes, à savoir, en janvier (moment de « pause » hivernale) puis 3 fois entre avril et juin, moment de la plus grande utilisation de pesticides. Elle a ciblé des enfants d’âge scolaire qui ont porté des bracelets mais chez qui des échantillons d’urine ont aussi été prélevés.
On apprend, entre autres que, sur les 81 pesticides testés, 36 ont été trouvés dans les bracelets des enfants au cours d’au moins une période. Les fongicides représentent les pesticides les plus fréquemment détectés dans les bracelets individuels au total, suivis par les herbicides. Cela a un lien direct avec l’utilisation de ces produits dans ces cultures d’autant que le nombre de pesticides détectés dans les bracelets des enfants est passé de 18 lors de l’évaluation de référence en janvier à 29 au cours de la dernière période en juin. Plus inquiétant encore, certains pesticides, interdits en Suisse depuis quelques années en raison de leur possible atteinte à la santé, ont été retrouvés sur les bracelets.
Les biomarqueurs urinaires de pesticides ont été détectés dans l’urine de tous les enfants au cours d’au moins une évaluation.
Si, comme le souligne l’étude, fort heureusement, les enfants n’ont pas présenté de symptômes respiratoires graves, il n’en reste pas moins que le nombre d’enfant présentant ce type de symptômes a passé de 10% à 20% entre la période hivernale (où pourtant les enfants ont habituellement plus d’infections respiratoires banales), et la période de haute pulvérisation de pesticides (où habituellement les enfants sont moins symptomatiques). L’exposition en soi à de nombreux produits phyto-sanitaires -dont certains déjà interdits- est inquiétante.
A priori, il n’y a pas de raison que la situation soit différente de celle qui prévaut dans la plaine du Rhône valaisanne, en particulier dans le Chablais, Lavaux et la Côte, qui sont aussi des régions très viticoles et/ou arboricoles.
Au vue de ce qui précède, je remercie le Conseil d’Etat de bien vouloir préciser comment il entend s’assurer que la population vaudoise en général, mais les enfants et toute personne vulnérable en particulier, soient protégés des expositions à des produits phytosanitaires, potentiellement délétères pour la santé, et subsidiairement s’il entend mandater une étude complémentaire à celle effectuée au Valais et qui pourrait encore mieux cerner la problématique de santé publique soulevée.
[1] https://www.24heures.ch/sante-habiter-pres-dun-golf-doublerait-le-risque-de-parkinson-809847644985
[2]Exposition aux Pesticides par l’Air et Santé Respiratoire des Écoliers en Valais (PARVAL) :
Auteurs : Lucienne Zinsstag, Anouk Petitpierre, Aline Berweger, Noémie Pidoux, Christine Dalla Pola, Dr Medea Imboden, PD Dr Christian Schindler, Prof. Nicole Probst Hensch, Prof. Samuel Fuhrimann*
Conclusion
Prise en considération immédiate
Liste exhaustive des cosignataires
| Signataire | Parti |
|---|---|
| Claude Nicole Grin | VER |
| Pierre Fonjallaz | VER |
| Felix Stürner | VER |
| Sylvie Podio | VER |
| Oleg Gafner | VER |
| Laure Jaton | SOC |
| Eliane Desarzens | SOC |
| Valérie Zonca | VER |
| Yolanda Müller Chabloz | VER |
| Vincent Bonvin | VER |
| Anna Perret | VER |
| Géraldine Dubuis | VER |
| Isabelle Freymond | IND |
| Yves Paccaud | SOC |
| Denis Corboz | SOC |
| Yannick Maury | VER |
| Blaise Vionnet | V'L |
| Marc Vuilleumier | EP |
| Sébastien Humbert | V'L |
| Vincent Keller | EP |
| Alberto Mocchi | VER |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourJe n’ai aucun intérêt à défendre et précise que ce postulat ne cherche pas à stigmatiser les métiers de la terre, métiers dont je fais partie, comme vous le savez.
S’appuyant sur une étude scientifique conduite par nos voisins valaisans du nom de « Exposition aux pesticides par l’air et santé respiratoire des écoliers dans le Chablais valaisan », le postulat attire votre attention sur un potentiel problème de santé publique, ainsi que sur un enjeu de responsabilité collective en termes de pratiques de production vitiagricole.
Notre alimentation doit rester saine et de qualité. Notre agriculture doit nourrir la population et nos modes de production ne peuvent en aucun cas porter atteinte à la santé des enfants ni à celle de notre environnement. Or, l’étude menée dans le Chablais valaisan nous en fait douter. Il vaut mieux prévenir que guérir et considérer ce type de risques dans toute sa complexité, c’est-à-dire établir des liens entre production et consommation. Ainsi, mener des investigations comparables à l’étude valaisanne permettrait au Canton de Vaud d’anticiper des problèmes graves de santé du vivant et d’adapter nos outils de production au service du bien commun.
Rappelons que l’étude valaisanne a mis en évidence une hausse significative des infections respiratoires chez les enfants du Chablais, survenue à une période peu propice à ce type de pathologies. Des traces notables de substances nocives ont en outre été détectées dans les urines et sur les bracelets des jeunes participants. De tels résultats appellent une vigilance accrue.
L’actualité lausannoise récente, avec les problèmes sanitaires liés à la dioxine et leurs effets néfastes et différés sur la santé, démontre à quel point il est essentiel d’appliquer le principe de précaution, non seulement pour des raisons de santé publique et environnementale, mais également pour des raisons économiques. Anticiper les risques revient bien sûr à éviter demain des coûts humains et financiers considérables. C’est du reste cette actualité – les effets différés de la dioxine sur la santé – qui m’a fait prendre conscience de la complexité du problème soulevé.
Raison pour laquelle, je souhaite proposer un renvoi en commission – contrairement à ce que j’avais annoncé. En effet, revenir sur ce choix revient à mesurer la complexité de la problématique et donner la possibilité d’en débattre en présence de spécialistes, notamment, et savoir si des mesures doivent être prises ou sont déjà prises par le Canton de Vaud.
Par conséquent, je propose que nous réfléchissions aux moyens de nous assurer que la population chablaisienne et vaudoise en général, les enfants et toutes les personnes vulnérables en particulier, sont protégés des expositions à des produits phytosanitaires potentiellement délétères pour la santé, et subsidiairement, demander si le Conseil d’Etat entend mandater une étude complémentaire à celle effectuée en Valais, ce qui pourrait encore mieux cerner la problématique de santé publique soulevée, comme le demande mon postulat. Pour toutes ces raisons, je vous invite à soutenir ce postulat, en le renvoyant à une commission qui, je l’espère, pourrait nous éviter de répéter les erreurs du passé.
Retour à l'ordre du jourLe postulat, cosigné par au moins 20 membres, est renvoyé à l’examen d’une commission.