Votre identité

Section de recherche

Espace sécurisé

Gérez facilement vos démarches administratives en ligne pour les particuliers, entreprises, fondations et communes.
Exemples de démarches
  • Remplir et déposer sa déclaration d’impôt
  • Consulter son dossier fiscal
  • Remplacer son permis de conduire (particuliers)
  • S’inscrire à la maturité professionnelle post-CFC (étudiants)
  • Obtenir une première autorisation frontalière (entreprises)
  • Demander un soutien à un projet culturel (associations)
  • Accéder au registre cantonal des personnes (communes)

Portail IAM

Accès aux applications pour les collaborateurs-trices de l’Etat de Vaud et les partenaires.
Exemples d’applications
  • ACTIS (Camac 2010)
  • EasyVista
  • LAGAPEO
  • LA PLACE
  • NEO
  • PAREO
  • Passerelle Employeur - Impôts à la source
  • RCPers - Registre Cantonal des Personnes
  • Réquisition - Désignation Électronique (ReqDes)
  • RDU
  • Themis
  • Votelec - Dépouillement
  • Wiki projets ACV

23_LEG_147 - EMPL (1er débat) Loi sur l'énergie (LVLEne) - révision totale ; Préavis du CE sur l’initiative Vassilis Venizelos et consorts « 300 millions pour une relance favorable à la transition énergétique » et projet de décret ; Rapports et réponse à 4 motions, 16 postulats et 3 interpellations.

Séance du Grand Conseil du mardi 23 septembre 2025, point 7 de l'ordre du jour

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Stéphane Montangero (SOC) — Président-e

J’attire votre attention sur les points suivants : plusieurs amendements ou sous-amendements qui seront déposés risquent de devoir être opposés. Je vous rappelle la teneur de l’article 97, alinéa 3, de la Loi sur le Grand Conseil : « Dans tous les cas, les sous-amendements sont mis aux voix en premier lieu, puis les amendements, les uns, le cas échéant, opposés aux autres, enfin la proposition principale amendée ou non. » Par ailleurs, selon l’article 59, alinéa 2, du Règlement d’application de la Loi sur le Grand Conseil : « le sous-amendement est une modification du texte d’un amendement proposé au Grand Conseil. Il ne peut porter que sur un texte ou une partie de texte soumise à amendement. »

M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Tout d’abord, j’annonce mes intérêts : j’occupe un poste de direction aux Services industriels de Genève (SIG) en tant que directeur de la gestion des participations, et je suis président du conseil d’administration de la Société électrique des forces de l’Aubonne (SEFA), un gestionnaire de réseau de distribution (GRD) de la région de la Côte. Le traitement par ce Parlement de la révision complète de la Loi cantonale sur l’énergie s’inscrit dans un processus qui, premièrement, s’appuie sur les exigences fédérales. En effet, la Loi sur l’énergie fédérale demande, à son article 45, aux cantons de réglementer le domaine des bâtiments, notamment le remplacement des installations de chauffage, ainsi qu’une utilisation économe et efficace des bâtiments existants et à construire. Les cantons s’acquittent de cette obligation en transcrivant dans leur législation cantonale, les dispositions dont ils conviennent dans les Modèles de prescriptions énergétiques des cantons (MoPEC). A ce sujet, le dernier MoPEC, qui vient d’être voté, sera repris à court et à moyen terme par tous les cantons suisses au rythme de leur révision législative. Il comporte les modules suivants, qui seront repris dans le projet de révision de la Loi sur l’énergie vaudoise (LVLEne) : remplacement des chauffages fossiles, remplacement des chauffages électriques, obligation de couverture solaire, prise en considération de l’énergie grise, assainissement des bâtiments énergivores, équipement pour recharge des véhicules électriques. 

La deuxième exigence fédérale est la Loi sur le climat et l’innovation, validée par le vote populaire du 18 juin 2023 – à 69,51% dans notre canton – qui fixe pour le secteur du bâtiment un objectif de baisse de 82% des émissions de CO2 depuis 1990 jusqu’en 2040. C’est sans surprise que la LVLEne – dont nous allons débattre – se focalise sur les compétences cantonales en matière d’énergie, à savoir le bâtiment. Etant donné que la consommation des bâtiments représente près de la moitié des besoins énergétiques vaudois, la loi vaudoise est un levier extrêmement important pour faire face aux deux enjeux centraux de la politique énergétique, à savoir la réduction des gaz à effet de serre et la réduction de notre dépendance à l’importation d’énergie, qui représente aujourd’hui 84% de la consommation énergétique vaudoise. La loi vaudoise vise à atteindre ces deux objectifs en développant le recours aux énergies renouvelables locales et solaires en priorisant le potentiel énergétique vaudois, tout en diminuant la consommation énergétique – assainissement des passoires énergétiques et sobriété – en remplaçant les installations de chauffage à énergie fossile et en renforçant l’accompagnement des acteurs impliqués. La Commission thématique de l'environnement et de l'énergie (CENEN) a opté pour une organisation de son travail en deux lectures successives. Entre les deux lectures, la commission a procédé à 11 auditions dont vous trouverez le compte-rendu dans le rapport de majorité. L’objectif de ces auditions était d’entendre les acteurs de la branche et d’approfondir certains aspects techniques. Durant les travaux de commission et les auditions, plusieurs problématiques ou réserves ont été exprimées. Néanmoins, personne n’a remis en cause le bien-fondé de la révision complète de la loi et de ses objectifs. 

Comme précédemment mentionné, l’un des deux objectifs principaux de cette loi est l’indépendance énergétique de notre canton ; permettez-moi de m’arrêter sur ce point. De tout temps, la disponibilité d’énergie abondante et abordable a été l’un des facteurs déterminants de la prospérité et du développement d’une société. Aujourd’hui, notre canton dépend à 84% de l’étranger pour son approvisionnement énergétique. Cette situation, si elle perdurait, représenterait un risque important pour le maintien de notre prospérité à moyen et long terme. Consommer moins et prioriser les énergies renouvelables et locales est un enjeu stratégique essentiel. 

Sur le plan économique également, l’étude réalisée par la société E-CUBE – consultant spécialisé dans le domaine de l’énergie – qui figure dans l’exposé des motifs et projet de loi (EMPL) que vous avez sous les yeux au chapitre 3.8.1.1, mérite de s’y attarder. Cette étude montre les charges annuelles d’énergie fossile dans notre canton pour les années 2020 à 2050 et leurs conséquences si la loi dont nous débattons ici – avec ses mesures d’efficience – est appliquée. On y voit que la consommation d’énergie fossile passerait de 850 millions par année en 2020 à 187 millions en 2050, soit une baisse de plus de 600 millions de francs par an. Dans le même temps, les investissements dans le domaine de l’énergie – à savoir les moyens de production, l’assainissement et l’efficience – passeraient de 1 milliard par an en 2020 à 1,7 milliard en 2025. Sans débattre des chiffres et de leur valeur absolue, cette analyse est finalement assez intuitive : chaque année, nous allons moins dépenser en énergie fossile importée, et plus en rénovation ou installation de production d’énergie renouvelable. 

Au niveau macro, si l’on prend l’ensemble du canton, cela semble donc une évidence. Investissons dans les rénovations et la production de renouvelables dans notre canton plutôt que d’acheter du pétrole. De plus, il ne faut pas oublier la création significative d’emplois nets que cela va engendrer dans notre canton. Si cet enjeu peut paraître évident à l’échelle du canton, il l’est moins à l’échelle individuelle du propriétaire, qui va, lui, devoir faire face à des investissements importants sur une ou deux années, sans commune mesure avec sa facture annuelle de combustible. C’est la raison principale qui a mené la commission à faire un certain nombre d’amendements qui permettent un échelonnement plus graduel des travaux, et ceci à un moment plus opportun en fonction de la typologie des différents propriétaires. A cela s’ajoutent les dispositions voulues par le projet de loi du Conseil d’Etat, qui établit plusieurs dispositifs pertinents de dérogation. Ces aménagements effectués par la commission au projet de loi du Conseil d’Etat permettent également de répondre à une préoccupation clairement exprimée des milieux de la construction, qui craignent que la pénurie actuelle de main-d’œuvre n’engendre un afflux d’entreprises externes au canton, parfois avec des standards de qualité inférieurs.

Les grands principes de la loi, largement retravaillés par le Conseil d’Etat à la suite de la consultation de novembre 2023, ont été maintenus par la commission et parfois ajustés. Nous pouvons notamment relever le principe général de dérogation de l’article 8 ; le principe d’une dérogation à l’assainissement à l’article 32 pour les bâtiments qui démontraient une consommation faible, qui a aussi été ajoutée suite à la consultation ; l’obligation d’installer des panneaux solaires à l’article 39, ainsi que celle d’installer des bornes de recharge, qui sont maintenues tout en étant assouplies. La fin des chauffages fossiles est toujours établie à l’article 40, mais amendée pour ce qui est du remplacement des pièces, tel que le brûleur. L’extinction très restrictive des vitrines de l’article 44 a été assouplie. Diverses dispositions ont été amendées pour expliciter l’importance stratégique du stockage, de la sobriété et de l’économie circulaire dans le domaine de la construction. 

A l’issue des travaux de commission, l’unanimité de la prise en considération de ce projet de loi ne reflète pas l’unanimité sur tous les articles de la loi ou sur chaque amendement, mais représente un accord sur l’importance de cette loi, ses objectifs et sur les dispositifs principaux de celle-ci. La commission remercie chaleureusement le secrétaire de commission, M. Aeschlimann, ainsi que le secrétaire général pour le support reçu, ils ont rendu notre travail possible dans des conditions optimales et constructives.

Mme Mathilde Marendaz (EP) — Rapporteur-trice de minorité

Comme l’a évoqué le président de la commission, l’unanimité derrière ce projet de loi ne représente pas une unanimité pour chaque article, mais pour l’importance de cette loi. La minorité de la commission se réjouit du progrès que représente la révision de la LVLEne. La minorité de la commission estime que la planification énergétique doit être équitable et socialement juste. Cette perception d’une transformation sociétale, écologique et sociale n’a de loin pas toujours obtenu le consensus de l’ensemble de la commission. Dès lors, ce rapport de minorité entend présenter une vision sociale de la transition énergétique, adoubée à une vision plus ambitieuse des changements à réaliser pour répondre aux exigences scientifiques internationales en matière d’atténuation des bouleversements climatiques. 

Si la minorité de la commission soutient ce projet de loi afin d’aller dans le sens nécessaire de la transition, elle est également consciente qu’il est insuffisant au regard des exigences scientifiques internationales. En effet, dans ce projet de loi, la vision d’une durabilité faible, qui place le critère économique supérieur à la dégradation des critères écologiques, est bien trop souvent préférée à celle d’une vision de la durabilité forte. Cette dernière perçoit le cadre des limites planétaires comme socle critique – climat, biodiversité, ressources non renouvelables – qui doit encadrer l’économie tout en assurant une vie décente pour l’ensemble de la population, dans l’esprit de justice sociale. Une croissance sans limite n’est pas soutenable à long terme. Une vision incitative et facultative est trop souvent préférée à une vision claire et concrète. Dans une vision long-termiste, la durabilité forte implique que l’économie doit, en effet, s’inscrire dans les limites planétaires, et que la rentabilité doit se plier aux contraintes environnementales irréversibles, et non l’inverse. La vision ambitieuse, réaliste et sociale de la transition énergétique que porte la minorité de la commission sera donc présentée au travers de 13 différents amendements qui ont été discutés durant les travaux de commission. La minorité de la commission remercie M. le secrétaire de commission Cédric Aeschlimann, les différentes organisations auditionnées – dont certaines ont impulsé certains amendements – et les différentes personnes du groupe Ensemble à gauche et POP ayant représenté la minorité de la commission, Joëlle Minacci, Elodie Lopez, Hadrien Buclin et Marc Vuilleumier. 

M. Stéphane Montangero (SOC) — Président-e

La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.

M. Loïc Bardet (PLR) —

Comme les choses vont vite, nous avons tendance à oublier que cette législature a commencé avec deux décrets urgents face au risque de pénurie énergétique, qui démontrent la dépendance extérieure de notre canton. De plus, ils montrent la problématique et les besoins que connaît notre canton, dont le développement est particulièrement rapide. En effet, aujourd’hui, 84% de l’énergie est importée dans le canton de Vaud. Par ailleurs, comme mentionné par le rapporteur de majorité, ces dernières années, plusieurs votations – tant au niveau suisse qu’au niveau vaudois – ont fixé des objectifs ambitieux dans les domaines énergétique et climatique. D’ailleurs, le rapporteur de majorité a évoqué un point important : lors des différentes auditions qui ont eu lieu en commission, l’ensemble des milieux qui se sont exprimés ont indiqué que, même s’il existait des divergences, tout le monde était favorable au principe d’une nouvelle LVLEne. 

Par ailleurs, entre l’avant-projet mis en consultation en 2023, et le projet de budget adopté par le Conseil d’Etat en 2024, il y a eu un certain nombre de modifications qui montrent que la consultation a, pour une partie, été écoutée. Au niveau des travaux de commission mentionnés dans le rapport de majorité de 2025, plusieurs amendements et modifications ont été apportés dans le cadre d’un large compromis au sein de la commission. Ce compromis a également permis de rallier les représentants de la minorité, qui se sont finalement prononcés en faveur de l’entrée en matière. De ce fait, la majorité du groupe PLR soutiendra l’entrée en matière lors du vote que nous aurons tout à l’heure. En revanche, comme cela a déjà été souligné tant par le rapporteur de la majorité que par celle de la minorité, certains points et amendements seront à discuter. 

Du reste, l’expérience en début de législature de la fameuse Loi sur la protection du patrimoine naturel et paysager (LPrPNP) et de sa mise en œuvre a laissé un certain nombre de traces de notre côté de l’hémicycle. De plus, demeure une crainte persistante que cette nouvelle loi crée un véritable monstre administratif. De ce fait, une forte minorité du groupe PLR s’opposera, ou alors s’abstiendra, lors du vote d’entrée en matière. Enfin, comme cela a déjà été mentionné lors des débats proprement dits, quelques amendements supplémentaires seront déposés afin d’améliorer le projet pour optimiser le rapport entre les coûts engagés et les effets attendus des différentes mesures.

M. Laurent Balsiger (SOC) —

Tout d’abord, permettez-moi d’annoncer mes intérêts sur ce dossier énergétique, puisque je suis directeur de la Société électrique des forces de l’Aubonne (SEFA) et, à ce titre, membre de différents conseils d’administration de sociétés actives dans les énergies renouvelables. Par ailleurs, je suis président de l’association des distributeurs multifluides MULTIDIS et membre du comité des gaziers romands. Ce premier jour de traitement de cette révision complète de la LVLEne est un moment très attendu par nous, mais aussi par nos concitoyennes et concitoyens. Dès le début de cette législature, ces derniers ont d’ailleurs régulièrement manifesté depuis le lancement de cette révision. Avant de plonger dans le détail des articles, il me semble important, dans ce débat d’entrée en matière, de se rappeler pourquoi cette révision majeure est si importante, et d’en rappeler brièvement les deux principaux enjeux.

Premièrement, réduire les émissions de gaz à effet de serre. A ce titre, les chauffages fossiles produisent 28% des émissions de gaz à effet de serre dans notre canton. D’une manière globale, c’est quasiment le même pourcentage au niveau mondial. Je rappelle que l’on doit arriver à zéro d’ici 2050. Le deuxième point consiste à réduire notre dépendance à l’importation d’énergie, qui représente aujourd’hui – comme déjà évoqué – 84% de la consommation énergétique vaudoise. Sur ce point, le canton vise à arriver à l’horizon 2050 à 10% dans le but de devenir plus autonome et résilient, ce qui, dans le monde actuel déstabilisé au niveau géopolitique, serait un grand atout et un avantage pour notre indépendance. 

L’énergie est donc au cœur de notre société : sans elle, tout s’arrête. D’ailleurs, Jean-Marc Jancovici, ingénieur bien connu du domaine, expert en énergie et conférencier internationalement reconnu, l’a rappelé lors de son passage à l’EPFL, il y a 2 semaines. Chacun de nous peut compter, dans notre société actuelle, sur plus de 1000 esclaves énergétiques qui font toutes sortes d’activités à notre place : produire – que ce soit dans les ressources, l’agriculture, l’industrie ou les services – déplacer des marchandises à des personnes, nous chauffer, enfin ce qui concerne des systèmes informatiques et tous les divertissements. L’énergie est au cœur de notre société – elle l’a toujours été d’ailleurs, comme l’a rappelé notre président de commission – de notre confort de vie, de notre sécurité, et aussi des impacts économiques, climatiques et environnementaux majeurs. 

Finalement, grâce à cette révision de la loi, le coût énergétique pour notre société va tendre à diminuer. En effet, les coûts d’exploitation vont réduire en même temps que les investissements vont – dans un premier temps – augmenter. De la sorte, les coûts d’importation des énergies passeront de presque un milliard aujourd’hui, à moins de deux cents millions d’ici 2050. Ainsi, c’est six cents millions qui pourront être investis dans notre économie et redirigés vers la création de plus de 2500 emplois, quelque chose de très important pour le groupe socialiste. D’ailleurs, j’aimerais rappeler que durant ces dix dernières années, le secteur photovoltaïque a développé plus de 1000 emplois dans notre canton avec succès. Je crois alors que nous pouvons faire confiance à nos entreprises et à nos entrepreneurs pour la création de ces emplois répondant aux besoins actuels. En somme, la révision de cette loi nous mènerait à un peu plus de 2% du produit intérieur brut à investir dans le domaine énergétique. Par le passé – soit lors des années 1950-1960 – lors de la construction des barrages, le produit intérieur brut atteignait plus de 5%. Nous voyons donc, à travers cet exemple, que notre pays et notre canton ont déjà su faire face à des situations où il a fallu investir massivement dans les énergies. 

La CENEN a pris à bras-le-corps ce projet de loi présenté par le Conseil d’Etat. Elle l’a analysé article par article, sous toutes ses coutures, en 21 séances, en procédant à plusieurs auditions d’experts sur les sujets les plus sensibles, comme la protection des locataires – très importante pour nous socialistes. J’aimerais remercier chaleureusement mes collègues de la CENEN pour le travail de fond solide qui nous a permis d’adapter ce projet de loi, avec plus de 70 amendements, pour le rendre acceptable par toutes et tous les membres. Ce compromis, durement négocié et validé par l’unanimité des membres de la commission, engage l’assouplissement de certaines mesures pour les petits propriétaires, garantit la protection des locataires et fixe la fin du chauffage fossile. Ces éléments sont primordiaux pour le groupe socialiste. Modifier ce compromis – comme je l’ai entendu tout à l’heure – signifie prendre le risque de perdre cet équilibre trouvé en commission et devoir recommencer tout le travail, sans garantie de succès. 

Dès lors, j’invite ce cénacle à la tempérance en matière d’amendements. En effet, ce serait un terrible gâchis et une grosse perte de temps que de devoir recommencer cet équilibre durement acquis. Je vous invite donc, chères et chers collègues, à faire confiance à vos représentants à CENEN, qui ont encore une fois œuvré d’arrache-pied et se sont donné les moyens de maîtriser cette problématique ô combien importante et complexe, en auditionnant de nombreux experts. Pour toutes les raisons évoquées – la sécurité d’approvisionnement, notre économie, nos emplois, le climat, et tout en étant raisonnable sur les exigences envers les petits propriétaires et en réduisant les risques pour les locataires – le groupe socialiste vous invite très énergétiquement à entrer en matière sur cette révision de la LVLEne et à soutenir ce compromis durement acquis par la CENEN. 

M. Kilian Duggan (VER) —

Dire que le groupe des Vertes et des Verts attend cette loi depuis longtemps serait un euphémisme. Notre parti alerte depuis des décennies sur les conséquences du réchauffement climatique, et propose depuis des mesures pour y répondre. Nous avons commencé à douter, à nous fatiguer, à jouer les Cassandre. Ce projet de loi – même s’il n’est de loin pas celui que nous aurions proposé dans d’autres circonstances – a plusieurs mérites, dont celui, à quelques voix, de se trouver devant nous aujourd’hui. A cet égard et au nom de notre groupe, je tiens à remercier tous celles et ceux qui ont porté ce texte : le Conseil d’Etat, le conseiller d’Etat en charge du dossier, la Direction générale de l’environnement (DGE), nos commissaires à la CENEN, ainsi que son secrétaire. 

La nécessité de passer à l’action n’est plus à démontrer. Et si, par hypothèse, un ou une de mes post-opinants venait à tenter de semer le doute, j’aimerais vous rappeler quelques faits. Aujourd’hui, la consommation d’énergie pour l’habitat représente 38% de la consommation totale d’électricité, et presque 50% de celle des combustibles fossiles. Aujourd’hui, nous importons 84% de l’énergie dont nous avons besoin. Aujourd’hui, nous dépendons des autres pour nous approvisionner. Aujourd’hui, nous brûlons des combustibles qui, non seulement, participent au réchauffement climatique, mais surtout qui chauffent nos maisons mal isolées. Aujourd’hui, en réalité, nous importons du pétrole et du gaz de l’étranger pour réchauffer notre atmosphère locale. A priori, cela ne semble pas très efficient. Pour demain, il s’agit de fixer des conditions-cadres claires. Pour demain, nous devons nous fixer collectivement un objectif et nous y tenir. Pour demain, nous devons développer des mesures et nous y tenir. Pour demain, nous devons accompagner tous les acteurs et toutes les actrices de cette transition et nous y tenir. 

Dès lors, il y a cette loi qui, comme je l’ai mentionné en introduction, comporte plusieurs mérites. Elle fixe effectivement des objectifs, principalement la neutralité carbone à l’horizon 2050, avec comme levier la baisse de la consommation par une meilleure efficience de nos bâtiments et le développement de sources d’énergie locales. Avec cette loi, le but est de faire de l’efficience du local, ce qui devrait plaire à la majorité de notre Parlement. Le groupe des Vertes et des Verts salue de manière générale cette grande avancée pour la transition énergétique. Néanmoins, nous émettons certains doutes quant au rythme proposé, et nous craignons que les mesures égrainées dans ce projet ne soient pas suffisantes pour atteindre l’objectif zéro net en 2050. Nous sommes d’autant plus réservés par le fait que les travaux de commission ont légèrement affaibli ce projet. Je le répète, l’objectif zéro net en 2050 doit être tenu et nous devons nous donner les moyens de nos ambitions. 

Toutefois, notre groupe est réaliste et pragmatique. Compte tenu des équilibres qui prévalent aujourd’hui, mieux serait difficile. Ainsi, même si nous devons avaler quelques couleuvres, nous nous en tiendrons aux accords trouvés en commission. L’esprit de compromis qui s’est dégagé des travaux de notre commission doit inspirer nos débats. Le groupe des Vertes et des Verts entrera en matière sur ce projet de loi et le soutiendra tel que sorti des travaux de commission. En bref, nous tiendrons notre ligne. Puisse chacun et chacune dans cette assemblée en faire de même. 

M. Cédric Weissert (UDC) —

Nous partageons tous l’objectif de réduire notre consommation d’énergie et d’assainir le parc immobilier vaudois. Beaucoup de privés et d’entreprises ont d’ailleurs déjà entrepris des efforts considérables en ce sens. Cependant, le projet de loi qui nous est présenté va beaucoup trop loin, trop vite, et surtout au détriment des Vaudoises et des Vaudois. De nombreux articles du projet qui nous est proposé sont tout simplement impossibles à mettre en œuvre dans les délais évoqués. Le manque de main-d’œuvre qualifiée, la pénurie de matériaux et la lourdeur administrative rendent ces obligations irréalistes. De nouvelles tâches sont imposées aux communes, sans tenir compte de leurs moyens financiers et humains. En bref, la mise en œuvre au pas de charge de cette loi va principalement financer à la fois des emplois frontaliers et des bouchons supplémentaires sur nos routes, causés par lesdits frontaliers, engagés avec l’argent des Vaudois. J’ouvre une parenthèse : ces bouchons seront d’autant plus vrais depuis que le Conseil d’Etat a abandonné la jonction autoroutière de Chavannes, comme nous l’avons récemment appris – parenthèse fermée. 

Ce projet de loi ne finance pas seulement l’emploi frontalier et les bouchons sur les routes vaudoises ; il est surtout une bombe à retardement pour le porte-monnaie des Vaudois. Les rénovations énergétiques forcées concerneraient plus de 2500 bâtiments par an pendant 15 ans. Pour les propriétaires, les coûts se chiffrent entre 80’000 et 150’000 francs pour une maison individuelle, et jusqu’à plus d’un million pour un immeuble locatif. Pour les locataires, cela signifie une hausse possible de loyer de 200 à 500 francs par mois en moyenne après de tels travaux. Dans un canton où la crise du logement est déjà aiguë et où le pouvoir d’achat – nouvelle parenthèse – notamment en raison d’impôts élevés – fin de parenthèse – est étranglé, c’est tout simplement insupportable. La loi interdit encore les chauffages électriques, tout en imposant massivement l’installation de panneaux solaires et de bornes de recharge. Nous voulons couvrir la majorité des toits du canton, alors même que notre réseau électrique n’est pas capable d’absorber une telle production. Pire, ces panneaux solaires viendront massivement de Chine, transportés par des bateaux au bilan écologique désastreux. Où est la cohérence ? 

Chers collègues, je pourrais ouvrir après chaque phrase une petite parenthèse supplémentaire. Après l’emploi frontalier financé par les Vaudois, la hausse des bouchons routiers, les impôts qui grèvent le pouvoir d’achat, je pourrais aussi ouvrir d’autres parenthèses sur la pertinence de financer l’industrie chinoise avec des subventions vaudoises. Toutefois, mon discours serait interminable alors que vous en connaissez déjà la conclusion. Je vais donc cesser de chicaner le Conseil d’Etat sur son très mauvais projet de loi et me contenter de poser deux questions avant de conclure. Chers collègues, faut-il vraiment forcer au pas de charge le tournant énergétique d’un canton de 800’000 habitants, dont l’impact sur les émissions globales de CO2 est insignifiant, en s’en prenant massivement aux porte-monnaie des Vaudois ? 200 à 500 francs de loyer en plus par mois, cela représente entre 2400 et 6000 francs par an. Qui dans notre canton peut se le permettre aujourd’hui ? De plus, au sujet de l’importation massive de panneaux solaires chinois, il n’y a personne, parmi tous les spécialistes en économie environnementale que compte notre Parlement, pour se rappeler la très célèbre argumentation de l’ingénieur écologiste Jean-Marc Jancovici – je partage les mêmes références que mon collègue Balsiger, mais pas pour les mêmes conclusions – qui est membre du Haut Conseil pour le Climat en France, qui rappelait dans une séquence vidéo qui, je le cite : « Quand on importe des panneaux solaires depuis la Chine, on a tout faux sur toute la ligne. » 

En conclusion, cette loi est ratée. Elle impose un tournant énergétique impraticable et discrédite le pouvoir politique aux yeux des citoyens. En effet, quel crédit donner à un Parlement qui vote des lois qu’il sait impraticables. Pire, ce projet menace directement le pouvoir d’achat des familles, des retraités, des locataires et la compétitivité de nos PME. Comme le disait Jean-Marc Jancovici avant moi, « on a tout faux sur toute la ligne ». J’ouvre une dernière parenthèse : la vidéo dure 120 secondes et le la tiens à disposition de ceux qui ne l’ont pas vue ou ne se rappellent pas de l’avoir vue, afin qu’ils ne demeurent pas ignorants. Chers collègues, pour toutes ces raisons, le groupe UDC vous invite à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi. 

M. Jerome De Benedictis (V'L) —

A titre liminaire, permettez-moi de vous rappeler mes fonctions de syndic de la commune d’Echandens, les communes étant citées dans le projet de loi qui nous est soumis. Nous n’avons plus le luxe d’attendre ! Soutenir le projet de loi sur l’énergie, c’est décider d’accélérer la transition énergétique, de stimuler la rénovation de nos bâtiments. C’est surtout donner au Canton de Vaud les moyens concrets d’atteindre les objectifs climatiques qu’il s’est fixés. Nous ne pouvons plus ignorer l’évidence. La crise climatique est là ; elle n’est plus un horizon lointain, elle est déjà notre quotidien. A cette urgence environnementale s’ajoute une autre réalité : les pénuries énergétiques à venir, que chacune et chacun ici – quelle que soit sa couleur politique – ne peut plus nier. Qui peut venir m’affirmer que l’électricité abondera toujours comme aujourd’hui ? Qui peut venir m’affirmer que nous allons pouvoir inverser la raréfaction du pétrole ? Qui peut m’affirmer que nos importations de gaz sont garanties, dans un contexte où nos principaux fournisseurs – je ne les citerai pas, mais vous les connaissez certainement – démontrent une instabilité politique notoire et une absence de valeurs démocratiques ? La réponse est absolument personne, simplement parce que ce sont des réalités scientifiques et qu’elles sont déjà perceptibles aujourd’hui. C’est pourquoi, il est indispensable que notre canton se dote d’une loi ambitieuse, visionnaire et applicable, qui réduise notre dépendance aux énergies fossiles et améliore notre efficacité dans les énergies renouvelables. Il en va de notre résilience. 

Le texte de loi amendé qui nous est soumis aujourd’hui, fruit du travail approfondi de la commission –que je remercie, tout comme son président, pour le consensus auquel elle est arrivée – est un projet ambitieux, adopté à l’unanimité. Ambitieux parce qu’il trace une voie claire ; ambitieux parce qu’il équilibre avec justesse les attentes de la population, les contraintes des propriétaires et les besoins de notre économie. Elaborer ce texte, c’est avoir su construire ensemble, avec pragmatisme, un cadre solide pour concilier les défis climatiques, les défis économiques et nos équilibres politiques. Le Parti vert’libéral apporte son soutien unanime à ce projet commun, convaincu qu’il représente une étape déterminante vers un avenir énergétique durable, responsable, mais surtout économiquement viable. Nous avons là une occasion rare : celle d’unir nos forces au-delà des clivages qui pourraient régner dans ce Parlement, pour donner au Canton de Vaud une loi qui protège le climat, renforce notre autonomie énergétique et prépare l’avenir de nos enfants. Ne pas saisir cette chance serait une erreur historique. La saisir, c’est choisir le courage politique et la responsabilité. Je le répète, nous n’avons plus le luxe d’attendre. 

Mme Elodie Lopez (EP) —

Ça y est, nous y sommes enfin. Nous entamons aujourd’hui la révision de cette tant attendue LVLEne. En parallèle, nous avons passé le cap des 1,5 degré de réchauffement climatique. Vendredi, l’ONU annonçait l’effondrement imminent de cet objectif pourtant crucial : contenir le réchauffement à 1,5 degré aurait permis de limiter significativement ses conséquences les plus catastrophiques. 

La révision de la LVLEne est un projet très attendu, car elle est un jalon crucial dans nos politiques publiques climatiques. Elle est l’opportunité de faire preuve de courage et d’ambition, et de fournir des efforts pour limiter ce réchauffement à notre échelle. Les répercussions de ce réchauffement, c’est aussi chez nous que nous en voyons – et que nous en verrons – les répercussions. En outre, nous ne serons pas tous et toutes touchés de la même façon : d’abord les paysannes et les paysans, les travailleurs et les travailleuses – celles et ceux qui travaillent à l’extérieur, dans les champs ou sur le bitume, par exemple – puis enfin les personnes les plus vulnérables. En 2025, en Suisse, 326 décès ont été attribués à la chaleur. Nous qui, aujourd’hui, sommes si inquiets de la dette économique que nous laisserons à nos enfants, devons sérieusement considérer la dette climatique et environnementale que nous leur lèguerons. Si nous devons être solidaires demain, nous devons déjà l’être aujourd’hui, car certains coûts sont inestimables : le dédommagement des cultures noyées par les pluies, les cultures touchées par le gel, les pans de montagne qui s’effondrent, les arbres qui tombent sur les maisons et les voitures, les inondations et la grêle. Franchir le seuil des 1,5 degré, cela implique des conséquences chez nous, mais aussi partout ailleurs dans le monde. Par ailleurs, ce seront – et ce sont déjà – les gens qui ont le moins contribué à ce réchauffement qui payeront en premier, à l’heure où certaines régions du monde deviennent progressivement inhabitables. Ceci est une injustice qui nous appelle, nous, pays ayant une responsabilité plus importante dans ce réchauffement, à fournir des efforts ; c’est une question de justice. 

En substance, cette loi doit permettre de prendre des mesures ambitieuses. Le rapport de minorité, avec les amendements qu’il présente, propose d’aller plus loin que le compromis de commission, et le groupe Ensemble à Gauche et POP le suivra aujourd’hui. En effet, notre environnement nous rappelle que, si aucun accord n’est trouvé aujourd’hui pour s’inscrire dans le cadre des limites planétaires, elles nous seront imposées. Il s’agit d’une réelle bombe à retardement. 

Aujourd’hui, nous saluons le travail qui a été effectué autour de cette loi au sein des départements, par le Conseil d’Etat et aussi au sein de la commission qui a réalisé un travail de longue haleine, qui fait un pas dans la bonne direction. Nous souhaitons relever un point qui nous semble très important et que nous tenons à saluer dans ce projet de loi : c’est qu’il intègre la sobriété comme une composante des mesures visant à atteindre la neutralité carbone et à accélérer la transition énergétique. Ainsi, la sobriété complète les mesures d’efficience et de recours aux énergies renouvelables, stratégie qui, seule, n’est pas assez ambitieuse pour atteindre les objectifs. La sobriété est entendue comme un ensemble de mesures et de pratiques du quotidien qui évite les demandes en énergie, en matériaux, en sol ou en eau, tout en assurant le bien-être de tous et toutes dans les limites planétaires. La sobriété n’est pas une mesure d’efficacité : elle ne vise pas à faire mieux, mais à faire moins. La sobriété ne doit pas uniquement toucher les changements de comportement individuel, puisqu’il est entendu que ceci dépend grandement des conditions structurelles, et elle doit toucher le secteur des bâtiments, du transport et de l’industrie. 

Finalement, les intentions de sobriété exposées dans ce projet de loi doivent évidemment se traduire en mesures concrètes. Aujourd’hui, elles sont trop faibles et insuffisantes, compte tenu de l’importance d’accélérer le pas. En définitive, le rapport de minorité propose d’aller plus loin, et nous soutiendrons donc aujourd’hui la ligne qu’il trace. Pour toutes ces raisons, le groupe Ensemble à gauche et POP entrera en matière sur ce projet et soutiendra les amendements présentés par la minorité.

M. Alberto Mocchi (VER) —

Le rapport de majorité, tout comme l’entrée en matière proposée par le rapport de minorité, ne tombe pas du ciel. Il y a eu un travail important en commission, quelques couleuvres – pas d’espèces protégées, je précise – ont été avalées de part et d’autre. De surcroit, c’est une volonté commune émanant de tous les partis représentés dans cet hémicycle de trouver le dénominateur commun, permettant à notre canton de se doter d’une LVLEne réaliste, mais ambitieuse. Elle doit pouvoir répondre aux objectifs que nous nous sommes fixés à plusieurs reprises ici même, car nous avons régulièrement débattu du fait d’aller de l’avant avec la transition énergétique. Aujourd’hui, il faut saisir l’occasion de passer de la parole aux actes, non seulement en respectant les objectifs que notre pays a ratifiés à l’échelle internationale, mais surtout en répondant aux aspirations d’une majorité de la population vaudoise, qui a soutenu, ces dernières années, plusieurs objets fédéraux allant dans le sens d’une transition énergétique claire et profitable à toutes et tous.

Je tiens ici à saluer particulièrement le travail du président de la commission qui a tenu la barre, parfois par vents contraires, et plus généralement l’ensemble des commissaires qui se sont saisis de ce dossier pour trouver des solutions ensemble. Le résultat, c’est une loi qui « tient la route », même si elle ne satisfait pas complètement les uns et les autres. Cette loi favorise la durabilité et l’économie locale car, une fois importés, les panneaux solaires produisent de l’énergie locale pendant 25 ans. En revanche, le mazout n’est pas – à ma connaissance – produit à Peney-le-Jorat ou à Molondin, mais est importé par milliers de tonnes chaque année de pétromonarchies pas sincèrement fréquentables. Je vous laisse juger où se trouve la durabilité. Cette loi permet surtout de faire notre part d’effort en matière de transition énergétique et d’offrir à nos enfants et petits-enfants un futur un peu plus durable. Alors, allons de l’avant, en avançant sur les 3 chemins façonnés par la commission. Notre canton mérite cette nouvelle LVLEne. 

M. Jean-François Thuillard (UDC) —

Je serais tenté de renommer ce texte « Loi sur les bâtiments », tant il ressemble davantage à un programme politique issu des milieux à tendance écologique qu’à une véritable loi qui devrait encourager et inciter les propriétaires à rénover ou transformer leurs biens – avec les moyens dont ils disposent ou qu’ils peuvent obtenir – et non leur amener des contraintes par des obligations, des contrôles et surtout un système dérogatoire plus que discutable. 

La loi est issue d’un Conseil d’Etat de droite… et d’un département dont le chef est vert ; elle contient 80 articles. La CENEN a travaillé durant plus de 20 séances pour nous proposer 95 amendements ; arriveront encore ceux du plénum, certainement en masse. Pour l’instant, nous devons donc discuter 80 articles et 95 amendements. Que va-t-il ressortir de cette loi ? Un texte qui ne conviendra certainement pas à grand monde, ce qui m’inquiète fortement. 

J’aimerais faire part de quelques considérations générales. L’on parle de simplifications administratives dans tous les milieux. J’en doute, pourtant. A combien se monteront les ETP dans le canton et les communes autour de cette loi, même si nous avons reçu une note tentant de minimiser son impact ? Quelles seront les conséquences fiscales de la loi sur le plan du canton et des communes ? Je suis syndic d’une commune qui doit déjà absorber la chute des rentrées fiscales dues, après une analyse plus que sérieuse, à la pose de pompes à chaleur, de panneaux photovoltaïques et de transformations énergétiques conséquentes. Ma commune abrite une part de propriétaires au-dessus de la moyenne et de nombreux quartiers de villas des années 1970 à 1990. Les propriétaires ont pris leurs responsabilités évidemment en investissant pour rénover leur bien, avec des incidences fiscales.

La garantie des subventions à terme m’inquiète également, parce que nous ne votons que des autorisations de dépenses. Miser sur le coût électrique : l’histoire se répète. On a subventionné les chauffages électriques, il y a quelques années, et maintenant, on les interdit. On développe un réseau de gaz à coup de millions financé par les collectivités et on l’abandonne ? Si je fais un parallèle avec les transports publics, on pose des rails, on les démonte et on en repose. Le photovoltaïque : oui, mais à quel prix ? Les propriétaires de réseaux n’aiment guère la concurrence en matière de production, sans parler du renforcement du réseau. 

J’ignore si beaucoup d’entre vous ont géré, à titre privé, l’installation de panneaux photovoltaïques sur de grandes surfaces. Moi, j’en ai posé sur 1500 m2. Je vous garantis que c’est la croix et la bannière ; davantage un parcours du combattant qu’autre chose. Il faut être motivé, surtout au vu du prix de l’énergie que l’on nous propose actuellement et du fait que nous ne sommes même pas certains d’être payés demain. Nombre de nos communes ont des bourgs historiques. Je souhaite bon courage à toutes les autorités de ceux-ci. Par ailleurs, on minimise les incidents et complications sur le bâti agricole et en montagne. 

Cette loi m’inquiète, car elle mettra à mal beaucoup trop de propriétaires, avec des incidences sur les locataires, évidemment. Finalement, une loi qui prévoit un système de dérogations si intense n’est pas bonne. Au vu de ces quelques considérations, je n’entrerai pas en matière sur ce projet, tout comme la très grande majorité de mon groupe. 

M. Pierre Zwahlen (VER) —

Cette révision de loi est le plus important levier cantonal pour réduire les émissions nocives pour le climat. Il est heureux que la commission ait trouvé une version de compromis largement acceptable. Toutefois, attention : les très larges dérogations admises et des dispositions flexibles ne permettront pas de réaliser à temps les objectifs de réduction du dernier Plan climat du Conseil d’Etat, publié en janvier dernier, et qui fixe des échéances et des objectifs chiffrés pour 2030, 2040 et 2050. La version proposée par la commission limite vraiment le gaspillage d’énergie, privilégie les matériaux durables vers l’économie circulaire et rend absolument prioritaires les énergies indigènes renouvelables. A l’échelle du canton, cette loi accélère vigoureusement le déclin du carbone, source majeure des bouleversements et des catastrophes climatiques. Elle accroît l’indépendance énergétique vaudoise. La loi vise à doubler, voire à tripler, le rythme d’assainissement des immeubles. Nous le devons aux générations qui nous suivent. Les résidentes et résidents y gagneront en confort, les propriétaires qui rénovent correctement leurs bâtiments s’épargneront plus d’un quart des coûts des travaux par les subsides, ainsi que par les déductions fiscales valorisées sur trois ans au besoin.

Contrairement aux propos tenus par le porte-parole du groupe UDC, les loyers ne devraient pas grimper sur la base de cette loi. Ajoutée par la commission, une clause favorisera les bailleurs qui ne résilient pas les baux et ne répercutent pas les coûts sur les loyers. En tant que responsable cantonal de l’Association des locataires (ASLOCA) – c’est une déclaration d’intérêts – je relève l’intérêt de cette disposition en signalant que l’ASLOCA ne l’a pas demandée comme telle. En revanche, le contrôle des loyers après travaux doit continuer à s’appliquer comme aujourd’hui, selon la Loi préservant et promouvant le parc locatif. Malheureusement approuvée par notre Grand Conseil, la motion Jobin veut faire éclater ce contrôle après rénovation, en alignant les loyers sur ceux des logements destinés à la classe moyenne. Nous combattrons cette motion désastreuse pour les bas revenus jusque devant le peuple, s’il le faut. Cela s’applique aussi à la version à peine atténuée que le Conseil d’Etat a mise en consultation en novembre dernier. Les hausses iraient alors bien au-delà des 500 francs par mois pour les bas loyers des passoires énergétiques. Précisément, les milieux qui ont inspiré cette motion de l’UDC prétendent que la Loi sur l’énergie fera bondir les loyers : c’est cynique et affligeant. 

Mes réserves personnelles concernant la Loi sur l’énergie portent bien davantage sur l’étendue des dérogations à l’article 8 que le projet de règlement ne délimite pas véritablement, à l’exemple du pourcentage des surcoûts encore indéfini, qui dépasse la solution la moins coûteuse. Je cite le règlement : « tout en répondant à l’état de la technique et aux règles de l’art ». Il faudra y parvenir. Il faut s’attendre à de nombreux recours en justice contre les dérogations refusées. Plusieurs articles de loi offrent une large marge d’appréciation qui affaiblit les délais établis par la commission et met en danger les objectifs climatiques du gouvernement. J’y reviendrai, avec d’autres, sous forme d’amendements pour une meilleure efficience de la loi. Je vous invite à entrer en matière pour parfaire encore ce projet législatif.

M. Jean-Marc Udriot (PLR) —

J’annonce mes intérêts : je suis syndic d’une commune des Alpes vaudoises et administrateur, pour le compte de cette même commune, d’une compagnie gazière. Je suis bien conscient des enjeux liés au climat et à la sécurité de l’approvisionnement énergétique. Evidemment, nous devons agir, mais pas n’importe comment. A titre personnel, mais aussi en tant que membre d’un exécutif, j’ai agi chaque fois que cela était possible dans le sens de la durabilité et du climat. Je reconnais le très important travail de la CENEN. Néanmoins, malgré les appels du pied auprès de plusieurs membres de cette commission sur la nécessité de prendre en compte certains aspects, dans la loi, je constate ne pas forcément avoir été entendu. Je vais refuser l’entrée en matière qui est ma façon d’émettre un signal fort en direction des citoyennes et citoyens, ainsi que des petites et moyennes entreprises qui passeront inévitablement à la caisse.

Cinq raisons expliquent ma position. Bien que la commission ait diffusé un communiqué de presse intitulé « Soutien unanime de la commission à la Loi sur l’énergie et cap sur les débats parlementaires », il n’en est rien. La commission a proposé plus de 90 amendements au texte initial. Si une partie de ceux-ci ont été acceptés à l’unanimité, ce n’est pas le cas pour d’autres. Et cerise sur le gâteau : un rapport de minorité a été établi. C’est la politique de la terre brûlée. Nous allons au-devant de discussions très électoralistes et je crains pour l’architecture définitive du texte législatif.

Deuxièmement, les ambitions sont élevées en matière de délais, et les véritables coûts ne sont pas estimés. La notion d’abandon pur et simple des énergies fossiles, particulièrement du gaz naturel, aura un impact financier énorme pour les collectivités publiques, dont les infrastructures devront potentiellement être démantelées – même si la loi ne parle pas spécifiquement de démantèlement, j’en conviens. Cette loi n’est pas équitable pour tout le territoire cantonal et n’offre pas de réelles chances aux régions périphériques, notamment par la nécessité d’installer des chauffages à distance à bois, alors que l’on sait aujourd’hui que les ressources ne suffiront pas. D’ailleurs, dans le projet de loi, le bois est clairement mentionné comme une ressource limitée. Au niveau fédéral, le gaz naturel conserve sa place à tout le moins d’énergie de transition. La loi fédérale n’abolit pas le gaz naturel et compte sur les gaz renouvelables pour tous les usages non électrifiables. Pour ma part, je pense que la transition énergétique ne se fera pas sans les infrastructures gazières : le gaz naturel, le biogaz et autres gaz renouvelables. Un autre élément est l’accord-cadre actuellement en négociation avec l’Union européenne, qui contient le principe d’ouverture du marché de l’électricité. Avec un tel accord, il ne sera plus possible d’accorder un prix plancher de reprise aux propriétaires d’installations photovoltaïques. Or, la Loi vaudoise sur l’énergie impose la pose des panneaux, ce qui est difficile à accepter pour les propriétaires. 

Troisièmement, cette loi confond beaucoup de choses, ce qui la rend d’une complexité folle. Même si l’on y trouve des simplifications, tel le guichet numérique, la formation et la distinction entre grands et petits propriétaires, avec des délais différenciés, il y a un risque persistant de complexité bureaucratique et financier pour les petits propriétaires ou les petites entreprises. Je cite la mise en œuvre des lois comme celles de l’aménagement du territoire ou sur la protection de la nature, qui sont des exemples frappants. Rien ne nous dit que le modèle de fonctionnement de notre Etat – à savoir en silo, même s’il y a des volontés de corriger cela, et surtout en reportant tout sur les communes – va changer avec cette loi. 

Quatrièmement, la loi a complètement oublié les régions de montagne. Les contraintes techniques liées à l’altitude, alors que, dans la loi et le règlement actuels, la notion de 1000 mètres d’altitude existe. Les propriétaires de résidences secondaires, important pilier touristique des destinations, potentiellement et en fonction du règlement d’application, seront maltraités. Dans le même ordre d’idée, l’entrée en vigueur au 1er janvier de cette année du décret sur l’assainissement des chauffages et chauffeurs électriques, mettant un terme à l’utilisation de ce type d’installation, constitue bien évidemment un coup dur pour les régions de montagne. 

Finalement, je me méfie beaucoup de l’établissement du règlement d’application de la compétence du Conseil d’Etat. En lisant la loi, beaucoup d’éléments nous font penser que les normes, quotas, etc., seront très strictes. En particulier l’article 8 du projet de loi – qui prévoit que le règlement d’application précise les conditions et la procédure spécifique pour l’octroi de dérogation, dont les contours sont encore très flous dans le projet de loi – fait craindre le pire. Voilà pourquoi je n’entrerai pas en matière, ce qui ne signifie pas que je ne traiterai pas la loi, l’ayant étudiée comme vous toutes et tous.

M. Romain Belotti (UDC) —

Dans un monde qui évolue très vite, les certitudes d’hier ne sont plus les vérités d’aujourd’hui. Avec un budget cantonal déficitaire et de grandes incertitudes sur le financement de la Loi sur l’énergie, entre propriétaires, Canton et communes, aucun chiffre concret ne ressort du rapport. On parle de 20 milliards de francs pour des impératifs et des interdictions. Avec l’énergie solaire, nous aurons toujours trop d’électricité à disposition le 15 juillet et pas assez le 15 janvier. Il aurait peut-être fallu réfléchir avant de débrancher la prise du nucléaire aussi rapidement. Elaborer une loi avec tant d’obligations pour nos concitoyens, mais pour un résultat plus que discutable, me laisse songeur.

Combien d’ETP supplémentaires faudra-t-il engager pour contrôler la mise en application de ces nouvelles lois ? Restons libres et laissons nos concitoyens avancer à leur rythme ! N’enfermons pas notre population dans un cadre trop strict qui imposera des coûts exorbitants pour nos concitoyens, nos communes et notre canton. Avant de parler de fin du monde à notre population, parlons d’abord de fin du mois.

La population qui vit dans notre pays représente 0,1 % de la population mondiale. Une personne sur mille vit dans ce pays par rapport au reste du monde. Je cite des pays comme la Chine − 1,4 milliard d’habitants − l’Inde −1,4 milliard d’habitants également − les Etats-Unis avec une politique du tout à l’énergie fossile. Si ces pays ne se mettent pas autour de la table, nos efforts seront vains. Il est temps de regarder la réalité en face, d’arrêter de se flageller par dogmatisme et de revenir à la raison, surtout en ces temps où chaque franc compte. Nous voulons moins de CO2 émis, alors il faut travailler en amont et arrêter l’immigration de masse avec plus de 100’000 personnes qui arrivent chaque année en Suisse. Pour le canton de Vaud, ce sont 20 000 personnes – la ville de Vevey – à qui il faut trouver des logements, des écoles, des infrastructures. Pour toutes ces raisons, notre groupe l’UDC refusera, à sa grande majorité, l’entrée en matière de cette Loi sur l’énergie. 

M. Jean-Daniel Carrard (PLR) —

A ce stade, je ne peux que remercier la commission pour son énorme travail. Néanmoins, j’aimerais apporter les remarques suivantes. Selon moi, cette loi n’est pas ambitieuse, contrairement à ce que nous avons entendu ; elle n’est pas non plus adaptée à la situation. Elle est centrée sur le canton de Vaud uniquement. Evidemment, me direz-vous, puisque nous sommes Vaudois. Toutefois, la réflexion devrait se mener à une autre échelle. La loi est aussi déraisonnable, car elle n’est pas applicable. L’industrie ne pourra pas suivre les délais tant en fourniture qu’en main-d’œuvre. Le coût ne sera digérable ni pour le privé ni pour les administrations. La loi veut imposer des comportements qui, malgré tout, restent un choix de vie. Pour moi, ce n’est pas une loi, mais un programme politique. Je vous invite à ne pas entrer en matière. 

M. Philippe Jobin (UDC) —

J’annonce mes intérêts : vice-président de l’Union des communes vaudoises (UCV), syndic et responsable du dicastère de l’environnement et, en particulier, du Plan énergie et climat communal (PECC), tome 1, achevé il n’y a pas longtemps. Ce plan rejoint en grande partie ce que la loi traite actuellement – en tout cas, ce qui nous est présenté – et ceci pour différentes raisons. J’en cite quelques-unes. La première concerne les panneaux photovoltaïques et les pompes à chaleurs. Toute la population de ma commune – ainsi que celle des 9 autres communes – a été encouragée à faire le pas. Beaucoup de choses ont été réalisées. C’est assez intéressant de voir M. et Mme tout le monde, ainsi que les communes, se mettre au travail pour passer un cap qui nous paraissait important, et surtout pour limiter autant que possible le recours aux énergies fossiles. Je note que, depuis au moins 4 ans et demi, la mise en place du PECC pour amener des innovations relativement importantes a nécessité énormément d’énergie, non seulement de la part de l’exécutif, mais aussi du législatif.

Pour revenir au projet de Loi sur l’énergie, il est impératif de défendre une vision qui se veut la meilleure possible – je pèse mes mots – et qui laisse la plus grande latitude possible à nos communes et à nos citoyens face à une bureaucratie envahissante et une centralisation des pouvoirs. Pour avoir installé des panneaux photovoltaïques et une pompe à chaleur chez moi, je dois avouer que certains membres des services de l’Etat de Vaud mériteraient de passer du temps dans le privé pour gagner en compétence et en rapidité. En effet, les choses trainent parfois. Je constate aussi une tendance à multiplier les contrôles administratifs. Une personne est venue chez moi pour contrôler ma pompe à chaleur – je n’ai pas de souci avec cela – mais elle ne savait pas vraiment ce qu’il fallait faire. Je lui ai montré où l’installation se trouvait et nous avons vaguement discuté, mais elle était envoyée pour un contrôle. Quand vous faites des plans précis, c’est l’Etat qui les a et qui vous donne des soutiens en fonction de ces plans. La commune contrôle aussi que le travail a été bien fait.

Bref, mon approche repose sur la responsabilisation et la liberté de choisir qui me paraissent être les leviers les plus efficaces pour une transition énergétique réussie. Je pense à des initiatives citoyennes, comme l’autoproduction d’énergie à partir de panneaux solaires. A l’inverse, le texte qui nous est soumis semble favoriser une gestion beaucoup plus centralisée, avec notamment la création d’un registre administratif à surveiller ou encore des procédures lourdes pour la simple autorisation d’un projet d’installation renouvelable. C’est trop lourd. Cette loi ne doit pas devenir une usine à gaz – c’est un peu ce qui se passe actuellement avec les PECC – qui imposerait des normes uniformisées sans adaptation spécifique locale. Je rejoins mon collègue de Leysin : les spécificités locales ne sont effectivement pas suffisamment prises en compte dans ce projet de loi. 

En conclusion, je remercie la commission pour son travail. Monsieur le président de la commission, jongler avec tous ces amendements n’a pas dû être une chose facile – tout comme le traitement de cette Loi sur l’énergie ne sera pas simple non plus. Monsieur Zwahlen, je ne pensais pas avoir une aura aussi forte, mais je vous remercie infiniment. Si des journalistes veulent avoir de plus amples renseignements sur ce que j’ai déposé, je suis à leur disposition. Ainsi, ils pourront avoir une vision un peu différente. Monsieur Zwahlen, je pensais m’abstenir lors du vote sur cette entrée en matière, mais après vous avoir entendu, je vais la refuser. Je vous remercie beaucoup, parce que vous motivez une partie de la droite à voter à l’encontre de cette loi. 

M. Pierre-André Romanens (PLR) —

Un député de droite acceptera l’entrée en matière : c’est moi. Les mardis se ressemblent, peut-être. D’abord, je vais déclarer mes intérêts : je suis membre de la CENEN et j’ai la joie et le bonheur de codiriger avec mes deux fils une entreprise dans le domaine de la construction. Depuis quelques années, nous nous attelons à réaliser des choses intéressantes en relation avec les économies d’énergie dans la construction et tout ce qui touche à l’environnement et l’économie circulaire.

Beaucoup de choses ont été dites, mais j’aimerais évoquer l’autoconsommation. C’est une réalité qui fonctionne très bien. Il y a moins de charges et moins de loyers. Il faut faire attention : si l’on diminue les charges, on diminue les loyers. Il y a aussi un intérêt économique. Ce sont de gros montants. Je vous garantis que les passoires énergétiques coûtent très cher aux propriétaires et aux locataires actuellement. Je voulais amener cela dans cette discussion d’entrée en matière.

Selon moi, ce vote ne porte pas uniquement sur l’énergie et l’environnement, mais aussi sur l’économie. En 1991, les Suisses romands ont loupé l’Espace économique européen (EEE). J’espère donc que les Vaudois auront accepteront une autre sorte d’EEE : de l’Economie de l’Energie et de l’Environnement. Ensuite, il me plaît de relever que comparaison n’est pas toujours raison, mais quand même... Pour savoir où je vais, je dois regarder d’où je viens. Il y a une cinquantaine d’années, les discussions étaient les mêmes que celles que nous avons aujourd’hui, pas sur l’énergie, mais sur tout ce qui touche à l’eau – j’y viendrai – et sur les déchets. Ces discussions sur l’eau, son utilisation et ce qu’elle représentait dans notre qualité de vie, étaient importantes. Les lacs devenaient glauques et les pollutions étaient presque partout, dans les rivières et les lacs. L’eau n’était plus consommable et cela devenait un gros problème. Il y a eu des discussions vives dans les communes, dans les parlements cantonaux et au niveau fédéral pour chercher des solutions. Je vous garantis que, financièrement et économiquement, c’était très lourd pour chacun de passer par des épurations fortes et des stations d’épuration des eaux. Quelque 50 plus tard, nous pouvons aller au bord du lac, nous baigner et même boire de l’eau – il n’y a plus de risques. Il y a donc eu une volonté politique de changer les choses et de mettre les choses en place. Il en va de même pour les déchets. Rappelez-vous qu’auparavant, nous enfouissions nos déchets dans un trou ou un talus, avec souvent un petit cours d’eau en contrebas. C’était normal. Puis quelques politiciens ont déclaré qu’il n’était plus possible de continuer de la sorte, qu’il fallait mettre en place des politiques et trouver des solutions. Aujourd’hui, nous ne connaissons plus ce risque, parce que les déchets sont triés, gérés et incinérés. Heureusement, nous avons éliminé de gros soucis qui concernaient aussi les nappes phréatiques et l’eau que nous consommons. Ces moments ont été très compliqués financièrement. Je peux vous garantir que les débats dans les communes étaient vifs. Je m’en souviens de quelques ans. J’étais enfant et mon père rentrait fâché à la maison, parce que cela coûtait beaucoup trop cher et que c’était de la folie d’entreprendre cela.

Actuellement, nous nous trouvons dans une situation qui n’est pas similaire, mais qui s’en rapproche. Nous devons prendre un virage sur le plan de l’énergie. Il ne s’agit pas de tourner un bouton pour que tout fonctionne : il y a nombre d’éléments à prendre en compte dans notre réflexion politique sur ce sujet. Il faut faire preuve de pondération, de calme et de la retenue dans des règles que nous allons fixer. Il s’agit d’une modification de loi : nous n’allons pas tout réinventer, mais apporter des modifications sur certains points pour les mettre au goût du jour. Trois points sont importants. Le premier est connu et très simple : il s’agit d’éviter un blackout énergétique tel que nous avons connu, il y a quelque temps. C’est fondamental. Quand nous n’avions plus d’énergie ni de courant dans le canton de Vaud, cela nous posait un problème. Ce n’est pas planétaire, mais très vaudois. Nous devons donc trouver des solutions à l’intérieur de notre propre canton. Par ailleurs, tout le monde est en train de sortir de la dépendance du pétrole, pas uniquement les Vaudois. Nous n’inventons pas quelque chose pour sortir du pétrole. Les Chinois évoqués tout à l’heure sont largement en avance sur nous. Je vous garantis qu’ils ont fait des progrès énormes. Ils sont en train de mettre en place des solutions pour sortir du pétrole plus rapidement que nous. Nous ne sommes pas les seuls au monde à réaliser des choses extraordinaires. Le pétrole pose plusieurs problèmes : ses ressources ne sont pas inépuisables et il est très compliqué et très coûteux à récupérer. Le brûler engendre aussi des pollutions atmosphériques. Enfin, le problème géopolitique, comme déjà dit, est important. Ce ne sont donc pas des choses très sympathiques que nous essayons d’éliminer ici. 

J’aimerais encore parler de l’économie. Pour le canton de Vaud, il s’agit d’une opportunité fantastique. Nous avons une école extraordinaire – l’EPFL – qui est un poumon de start-ups, d’innovation et de progrès dans de nombreux domaines – en particulier celui qui nous concerne aujourd’hui. Il s’agira aussi d’une belle opportunité pour nos artisans et les métiers de la construction. Je le répète, il faudra être proportionné et ne pas ouvrir trop de choses en même temps, mais la commission a aussi travaillé sur cet aspect. L’Etat devra investir dans cette économie. C’est répété à presque chaque page : aujourd’hui, pour 1 franc dépensé par l’Etat dans ce domaine, presque 5 francs reviennent dans l’économie vaudoise. Il faut penser à tout cela. Il ne s’agit pas seulement d’être contre ou en faveur de ces modifications. Nous aurons l’occasion de revenir sur les différents articles, mais il faut garder tout cela à l’esprit et donc accepter cette entrée en matière. Tout à l’heure, quelqu’un a parlé des bienfaits de cette loi pour les générations futures. C’est précisément ce que j’expliquais au début de mon intervention : les infrastructures concernant l’eau et les déchets ont été réalisées pour les générations futures – vous et moi avons bénéficié de ce travail. Aujourd’hui, je vous remercie d’en faire de même en ce qui concerne l’énergie. 

M. Fabrice Moscheni (UDC) —

Nous partageons tous l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’améliorer l’efficacité énergétique, mais le projet de loi tel que rédigé est dogmatique. Il sous-estime ses impacts économiques, sociaux et administratifs. Avant de développer les impacts indirects et négatifs de cette loi, je voudrais revenir sur les objectifs déclarés, c’est-à-dire l’impact climatique, la réduction des émissions des gaz à effet de serre et l’indépendance énergétique.

Le premier objectif proposé par cette loi – l’impact climatique – est très paradoxal, alors qu’une alternative beaucoup plus efficace existe. La génération de gaz à effet de serre dans le canton de Vaud est négligeable au niveau mondial. Comme tout le monde le sait, les gaz ne s’arrêtent pas aux frontières. M. Romanens cite la gestion des déchets comme un exemple d’investissement réussi à l’époque. Malheureusement, son argument ne tient pas. Les déchets sont locaux, tandis que les gaz ne s’arrêtent pas aux frontières. Cela étant, on estime que le coût de cette loi se situera entre 2,2 et 2,7 milliards par an – j’y reviendrai plus en détail. Avec 2,5 milliards par an investis dans des projets climatiques à l’étranger, l’impact sera 200 à 600 fois supérieur en matière de CO2 évités par rapport à ce que nous propose cette loi. Si le but est vraiment de réduire les émissions de CO2, pourquoi s’obstiner à vouloir rénover des bâtiments relativement bien construits dans le canton de Vaud, alors que, dans de nombreux pays, des systèmes à air conditionné fonctionnent dans des bâtiments avec des murs en bois ?

Le deuxième objectif est la dépendance énergétique. C’est un faux argument. On nous dit que le canton de Vaud est trop dépendant de l’étranger. D’après les chiffres, notre canton génère entre 20 à 25 % de son énergie et en fait venir environ 25 % des autres cantons. A moins qu’une guerre du Sonderbund ne soit déclarée, on peut estimer à 50 % la dépendance – ou l’indépendance – énergétique du canton de Vaud. Si 50 % est un problème, alors j’aimerais entendre l’avis du Conseil d’Etat sur la dépendance alimentaire du canton de Vaud, puisque ces taux sont similaires. Si 50 % de dépendance en matière d’énergie est problématique, ayons une politique forte de production locale pour être alimentés sans dépendre des autres cantons ou de l’Union européenne. Par ailleurs, croire qu’une autonomie totale est souhaitable est un leurre. Produire toute notre énergie localement coûterait 100 à 130 francs par mégawatt contre 50 à 70 francs par mégawatt, aujourd’hui. La facture d’un ménage moyen passerait à 3000 francs par année en plus. Le Parti socialiste nous parle de M. Jancovici comme référence. Par honnêteté intellectuelle, il faudrait aussi préciser qu’il est un grand partisan de l’énergie atomique. Le Parti socialiste s’est-il rallié à ses théories ? Je ne le sais pas.

Je voudrais maintenant développer les coûts indirects – ou les impacts directs – de cette loi. Premier impact : un coût colossal. Le parc vaudois consomme chaque année à peu près 63’000 TJ d’énergie. La loi impose de rénover les bâtiments F et G, à savoir environ entre 15 et 17 millions de m2. Avec un coût de 1200 francs par m2, cela représente entre 18 et 22 milliards de francs sur 8 ans, soit environ 30’000 francs par ménage et par année dans le canton de Vaud. En comparaison, la taxe électricité rapporte 25 millions par an et le décret exceptionnel ajoute 300 millions en une seule fois. L’écart entre moyens disponibles et besoins réels est donc supérieur à 20 milliards.

Deuxième impact négatif : une pression massive sur la main-d’œuvre et le logement. Ces rénovations exigent à peu près 12’000 ETP, soit à peu près 2,75 millions de jours de travail annuels. Parmi ces emplois, environ 10’000 devraient être pourvus par de la main-d’œuvre étrangère. Sur ces 10’000, 4000 viendront s’installer chez nous – si l’on prend les statistiques actuelles. Par conséquent, 6000 frontaliers viendront tous les jours et 4000 s’installeront dans le canton de Vaud, ce qui demandera entre 2000 et 3000 logements supplémentaires. Tout ceci dans un marché où le taux de vacances est déjà inférieur à 1 %. On peut estimer que l’augmentation des loyers par cette pression supplémentaire se situera entre 0,8 et 2,5 % par an, c’est-à-dire entre 100 à 300 francs par mois pour un quatre pièces.

Un autre argument : l’inflation structurelle. Injecter 2,5 milliards de francs par an dans un secteur déjà sous tension créera 0,5 % d’inflation en plus, une hausse des salaires de 5 à 10 % dans le bâtiment, un renchérissement généralisé des matériaux importés – fenêtres, isolants, pompes à chaleur. Pour les ménages, cela signifie une perte de 1000 à 1500 francs de pouvoir d’achat par an. On nous a parlé du PIB. Il y a une grande différence entre le PIB nominal et le PIB réel. En effet, si vous injectez 2,5 milliards dans le PIB, il y aura une augmentation de 2,5 milliards du PIB sous condition que tout soit réalisé dans le canton de Vaud. Ce n’est pas le cas, puisque les panneaux solaires, comme vous le savez, ne viennent pas du canton de Vaud. Si l’on prend le PIB réel et non pas nominal, il y a un risque de le voir stagner, voire baisser. Pourquoi ? 30 à 40 % des matériaux sont importés. Il y aura 1000 travailleurs étrangers qui rapatrieront une partie de leurs revenus hors du canton. Les autres secteurs clés, comme la santé – 50 000 emplois – la recherche et les hautes écoles – 20 000 emplois – le tourisme – 25 000 emplois – seront évincés des ressources humaines et financières. Nous n’avons pas encore parlé de cela, mais l’administration sera mise sous pression. Les 4500 à 6000 rénovations par an représentent autant de permis de construire et de dossiers techniques. A raison de 40 heures par dossier – c’est une estimation – cela représente 200’000 heures par an, à savoir environ 150 fonctionnaires en plus, uniquement pour les permis. En ajoutant les contrôles de chantiers et les conseils techniques, il faudra près de 300 nouveaux postes.

En conclusion, le coût total se montera à près de 20 milliards sur 8 ans, alors que la taxe électricité ne rapporte que 25 millions par an. En matière de main-d’œuvre, il faudra 12’500 travailleurs par an en plus, dont 10’000 personnes qui viennent de l’étranger. Cela générera donc un besoin de 2500 à 3000 logements supplémentaires environ. L’inflation augmentera, l’économie risque de stagner en matière de PIB réel, et l’administration connaîtra une augmentation significative de ses fonctionnaires. Pendant ce temps, un investissement équivalent à l’étranger aurait un impact de 200 à 600 fois supérieur en termes de CO2 évités. Cette loi coûteuse fait flamber les loyers, affaiblit notre économie et retarde les bénéfices climatiques. Nous avons besoin d’une politique énergétique réaliste, financée et efficace, et pas d’un slogan. Cette loi protège inefficacement le climat, a des coûts exorbitants et sacrifie les Vaudoises et les Vaudois. Je vous invite à refuser l’entrée en matière. 

M. Sébastien Cala (SOC) —

Nous avons compris que l’UDC ne souhaitait pas ce texte. A mon sens, l’UDC n’est pas à la hauteur des enjeux. Je le dis clairement. Elle préfère favoriser des desseins électoralistes plutôt que les enjeux réels pour la société, l’économie vaudoise et les locataires. M. Bellotti déclare, de manière générale, qu’il vaut mieux ne rien faire, puisque les autres ne font rien. Monsieur Bellotti, si nos aïeux avaient eu cette ligne de conduite depuis le début, nous serions peut-être toujours sous l’emprise de l’empire austro-hongrois. M. Moscheni a déclaré beaucoup de choses et cité des chiffres incontrôlables. Il nous a indiqué qu’il valait mieux investir et injecter annuellement 2,6 milliards à l’étranger plutôt que dans l’économie vaudoise. Je suis assez surpris qu’un parti comme l’UDC propose d’investir à l’étranger plutôt que dans l’économie vaudoise, préfère créer de l’emploi à l’étranger que dans le canton de Vaud et créer de la valeur à l’étranger plutôt que dans le canton de Vaud. Nous constatons que l’UDC prépare le terrain pour un potentiel référendum. Je suis d’ailleurs surpris, puisque les membres UDC de la CENEN ont validé ce projet de loi. Cela démontre que l’appareil politique n’est peut-être pas toujours en adéquation avec les volontés des membres de la députation. A cela s’ajoutent certains relents xénophobes sur la Suisse à 10 millions d’habitants, un mélange complet des genres pour noyer le poisson et annoncer certaines orientations politiques du parti à plus long terme. Finalement, il n’y a rien en lien direct avec ce qui nous intéresse, à savoir la Loi sur l’énergie. 

Je remercie M. Romanens pour ses interventions. Elles étaient très intéressantes et très constructives. Je suis davantage surpris par certaines positions du PLR, parce que le projet de loi est solide et incitatif et permet d’injecter des sommes conséquentes dans l’économie vaudoise, de créer beaucoup d’emplois et de créer de la valeur, notamment pour les PME vaudoises et la construction. En ce sens, j’ai été un peu surpris par certaines positions du PLR. Le président de la commission a fait un excellent travail, et je le remercie. Il y a eu un travail de compromis et de bonne coopération pour arriver à un texte solide et qui sera très bon pour un éventuel référendum, puisqu’il défend les locataires et les enjeux énergétiques, investit et crée de l’emploi et de la valeur dans l’économie. En somme, un projet très solide que je vous encourage à soutenir.

M. Georges Zünd (PLR) —

Je souhaite tout d’abord remercier les membres de la commission pour leur travail, la documentation et les rapports conséquents fournis. L’approche proposée se veut constructive, mais débouchera sur une proposition de non-entrée en matière. Cette loi est trop ambitieuse et recense beaucoup de chapitres qui pourraient se traiter les uns après les autres, avec une temporalité différente, en fonction de nos finances. Le monde autour de nous évolue. Comment doit-on s’y adapter ? Les hypothèses de départ sont centrées exclusivement sur le canton de Vaud, sans tenir compte de ce qui nous entoure. La Suisse et l’Europe ne sont pas vraiment incluses dans la démarche, et le potentiel des productions indigènes ne pourra pas être garanti sans une part d’énergie nucléaire, un choix dépendant des politiques fédérales venant d’ailleurs. La priorisation doit être mieux indiquée. Concernant les bâtiments énergivores et le rôle exemplaire de l’Etat et des communes dans la mise à jour des bâtiments, une fois que l’Etat et les communes auront fait leur part, les privés pourront suivre les démarches. Cela permettra de mettre en évidence les bonnes manières de pratiquer et donnera une vision des coûts réels. 

En ce qui concerne le potentiel de production et le photovoltaïque, la problématique est surtout celle de l’autoconsommation, soit de produire et de consommer un maximum sur place. En effet, en l’état actuel du réseau électrique, il n’est pas possible de tout traiter. Ainsi, tout ce qui est produit n’est pas stocké et l’installation est découplée du réseau. L’Etat devrait investir dans les infrastructures essentielles et soutenir les projets de recherche pour les nouvelles gammes d’accumulateurs. Nous avons la chance d’abriter l’EPFL et des entreprises qui disposent de grandes connaissances et de compétences sur ce sujet. Une partie des montants prévus pour le Plan climat ou les subventions pour la nouvelle Loi sur l’énergie pourraient servir à cela.

Concernant les bornes de recharge pour les véhicules électriques. Il ne s’agit pas de mettre la charrue avant les bœufs. Personne ne sachant comment la composition du parc automobile évoluera, je propose de mettre des bornes de recharge à disposition, mais sans mesures normatives. Le marché trouvera une solution.

Finalement, parlons du financement. Cette loi est basée sur un lot de subventions, mais elles sont insuffisantes pour inciter les investisseurs à garantir aisément la neutralité carbone en 2050. Ils veulent bien participer à l’atteinte de cet objectif, mais pas de manière unilatérale, comme subvenir pour 95 % des coûts. Concernant le personnel, les 14,5 ETP annoncés paraissent bien faibles au vu du travail qui devrait être accompli pour satisfaire tous les partenaires. Tous les points énumérés me font penser que cette loi doit être découpée et que ses éléments doivent être présentés en temps opportun.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Comme mes préopinants, j’aimerais tout d’abord saluer l’immense travail effectué par la commission et surtout le soin prioritaire à trouver le plus grand multiple commun entre des intérêts souvent divergents. Je pense que l’indépendance énergétique de notre canton et de notre pays est à ce prix, avec une véritable révolution énergétique, ou en tout cas une transition énergétique importante. Vous savez que je suis déjà intervenu sur le thème du blackout et des risques énergétiques et, contrairement à ce que j’ai pu entendre ce matin, je persiste à considérer que ce risque demeure extrêmement important. Je ne crois pas non plus à ceux qui nous prédisent la fin des énergies fossiles, la fin du gaz, etc. Je rappelle que le Cercle de Rome au début des années 70 – sauf erreur en 1972 – prédisait déjà la fin du pétrole avant l’année 2000 et l’épuisement de l’or en 1990. Or, vous êtes toutes et tous bien placés pour savoir ce qu’il en est aujourd’hui. 

Cela étant, une remarque préliminaire : il faut aussi faire preuve d’un peu d’humilité face aux défis que nous devons affronter. Cela a été dit ce matin : nous n’allons pas résoudre la problématique du réchauffement climatique à nous tout seuls, c’est une évidence. A l’inverse, cela ne veut évidemment pas dire qu’il ne faut rien faire. Toute la problématique revient à passer de la théorie à la pratique. On peut avoir la bouche pleine de moraline sur ce qu’il faut faire pour la transition énergétique, mais au bout d’un moment, l’exercice pratique est peut-être plus périlleux. 

Premier élément – cela a également été dit, mais je me permets d’insister : la question de la main-d’œuvre, de sa disponibilité et de la résilience de nos entreprises. Personnellement, je leur fais confiance. Je pense que ce sera difficile, mais nous avons, dans ce canton et dans ce pays en général – le Covid en a encore donné la preuve – des entreprises extrêmement résilientes, novatrices et dynamiques, qui me paraissent être en mesure de relever cet important défi. Bien sûr, cela aura un coût. Qui dit potentielle pénurie de main-d’œuvre, dit aussi hausse des coûts et cela va évidemment coûter très cher. On peut penser ce qu’on veut des chiffres que M. Moscheni a donnés ce matin, mais ils correspondent aux ordres de grandeur en relation avec l’inflation. Cela signifie que l’aide publique ne suffira pas – on le sait – et que le salut ne viendra pas de Berne, ni non plus du canton. Tout le monde devra y mettre du sien, sans partir d’emblée du postulat que, comme d’habitude, ce sont aux autres de payer, notamment les riches propriétaires, étant encore rappelé que, dans ce pays, les riches propriétaires sont très majoritairement nos caisses de pensions. On voit bien à quel point le serpent se mord la queue ! 

A mon avis, il faudra faire preuve d’imagination et il y a au moins un député qui ne manque pas d’imagination dans cet hémicycle, c’est notre collègue Lohri. L’idée du cautionnement mériterait, selon moi, d’être reprise, réétudiée, mieux cernée et mieux calibrée, en collaboration avec les établissements bancaires, parce qu’il y a certainement une marge hypothécaire à prendre, à cofinancer par le biais de cautions. Cela permettrait très largement de soulager l’inquiétude des petits et moyens propriétaires. J’y vais de mon laïus : le 28 septembre, il faudra évidemment voter non à la suppression de la valeur locative – c’est dit. 

Je l’ai dit tout à l’heure, les subventions, je n’y crois pas. Elles apporteront quelques soulagements de façon très occasionnelle, mais au regard des chiffres articulés, à mon avis, elle ne permettra pas de trouver la solution, pas plus que l’étonnante construction imaginée par la commission : la « sursubvention ». Je savais ce qu’était une subvention, mais une « sursubvention » aux conditions de non-augmentation de loyer me paraît aller à l’encontre d’un principe de solidarité qui voudrait que chacune et chacun se sente concerné par cette transition énergétique. 

La deuxième problématique concerne la question du règlement d’application, et je ne cache pas une certaine déception à lire le document qui nous a été transmis. Dans le cadre de la fameuse Loi sur la protection du patrimoine naturel et paysager (RLPrPNP) et de son règlement d’application, nous avons vu que la problématique du règlement était finalement plus compliquée à résoudre que celle de la loi. Je pense qu’il y a deux solutions, monsieur le conseiller d’Etat, je vous le dis tout de go. La première, c’est que le Grand Conseil fasse son travail et nous fixerons peut-être directement dans la loi un certain nombre de critères, d’exceptions, de conditions, de manière à ce que ce Grand Conseil – respectivement la population – puisse savoir avec le plus de précision possible comment la loi va s’appliquer. La deuxième solution serait que le Conseil d’Etat, entre la première et la deuxième lecture, apporte quelques éclaircissements sur d’importantes zones d’ombre qui subsistent dans l’applicabilité de la loi. Il faudra trouver une granularité législative assez subtile, mais à mon avis importante, pour que le peuple et le Grand Conseil puissent se décider – on a déjà entendu parler de menaces de référendum. 

Monsieur le conseiller d’Etat, je me permets d’attirer votre attention sur un troisième point : la question des procédures. Il est juste de dire que, si l’on doit attendre une année et demie ou deux ans pour des rénovations énergétiques, le pari est loin d’être gagné. J’ai déposé des textes – sur des simplifications administratives et sur des accélérations de procédures – pour lesquels j’attends des réponses du Conseil d’Etat. Certaines autorisations devraient pouvoir être groupées en une seule procédure, plutôt qu’avoir une autorisation, une deuxième, plus une troisième. Le Conseil d’Etat serait bien inspiré d’utiliser ce débat sur la Loi vaudoise sur l’énergie pour nous donner également quelques signaux forts sur ses projets de modification dans le cadre de la Loi sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC), car je suis absolument convaincu que les deux choses sont intimement liées. Je prends un exemple au passage : nous savons que les éoliennes que nous sommes en train de poser sont déjà obsolètes, pour des raisons de procédure. Si nous voulions poser aujourd’hui des éoliennes plus modernes, qui produisent plus et sont plus efficientes, il faudrait reprendre la procédure à zéro. C’est absolument absurde ; il faut trouver des solutions pour aller plus rapidement. 

En définitive et en conclusion, comme l’ensemble ou la quasi-totalité des professionnels de l’immobilier – j’ouvre une parenthèse, j’ai omis de vous déclarer mes intérêts : je suis président d’une fondation immobilière et par ailleurs membre du conseil d’administration d’une importante régie immobilière de Suisse romande – je suis favorable à cette loi, en tout cas sur le principe ; encore une fois, dans les détails, il s’agira d’être attentif. Néanmoins, nous restons optimistes pour trouver des solutions et, dans ce cadre, je vous invite également à accepter l’entrée en matière sur cette loi.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Je souhaitais apporter une courte réponse à certains représentants de l’UDC, notamment M. Bellotti, qui ont invoqué l’exemple de la Chine comme motif pour ne rien faire dans le canton de Vaud en faveur de la réduction de la consommation des énergies fossiles. Pour moi, cet exemple chinois amène à la conclusion exactement inverse. Sans idéaliser ce régime autoritaire, le fait est qu’il a consacré des moyens publics extrêmement ambitieux pour aller de l’avant dans la transition énergétique. Aujourd’hui, en Chine, grâce à ces investissements publics, la capacité en énergie éolienne et solaire a dépassé la production des installations thermiques – ce qui a permis au passage de créer des dizaines de milliers d’emplois. Je pense que cela doit nous amener à réfléchir. Nous ne devons pas rater le train de la transition énergétique au nom d’une vision tronquée de ce qui se passe ailleurs dans le monde, notamment dans des pays qui – même s’ils ont des émissions de CO2 par habitant bien inférieures à l’Europe et à la Suisse – sont en train de consacrer d’immenses moyens pour réduire leur dépendance aux énergies fossiles. La vision de l’UDC, à mon avis, conduirait à un décrochage de l’économie vaudoise par rapport à ces technologies d’avenir et, à terme, nous conduirait à un déclin et à une augmentation du chômage. 

Contrairement à ce que laisse entendre M. Moscheni, la production d’énergie renouvelable est en train de devenir nettement meilleur marché que les énergies fossiles. A ce titre, elle offre de réelles perspectives de baisse de charges pour la population, notamment pour les locataires modestes. M. Moscheni, selon moi, a peint le diable sur la muraille dans son intervention, en cherchant à nous faire peur avec des prix complètement fantaisistes. Face au défi du réchauffement climatique, j’estime que nous devons renouer avec les ambitions dont ont notamment fait preuve les radicaux, au cours des XIXe et XXe siècles, lorsqu’ils ont développé des services industriels communaux, ou lorsqu’ils ont développé l’hydroélectricité qui reste aujourd’hui un atout très précieux dans ce pays pour un approvisionnement électrique sûr et durable. C’est la raison pour laquelle je pense que ma collègue Mathilde Marendaz a raison de défendre une vision ambitieuse de la transition énergétique à travers son rapport de minorité – que je soutiens également. 

Outre l’urgence de réduire les émissions de CO2 – d’autres collègues l’ont dit avant moi, mais je pense qu’il est important de le répéter – nous avons deux préoccupations majeures. Premièrement, il s’agit de combiner de manière étroite – et nous pensons que c’est possible – la préoccupation écologique avec la préoccupation sociale. Il convient donc d’éviter toute mesure qui péjore les revenus et les conditions de vie des ménages modestes. Nous sommes convaincus que l’écologie populaire est l’avenir ; elle permet à la fois de créer des emplois, de réduire les charges énergétiques et de répondre à l’urgence climatique. Notre deuxième conviction consiste à ne pas tout miser sur des progrès technologiques, même s’ils sont réels, précieux et importants. Les pompes à chaleur sont notamment un outil d’avenir, un très beau progrès qui permet non seulement de chauffer l’hiver, mais encore de rafraîchir pendant l’été, ô combien important dans les décennies à venir. A ces progrès technologiques, il convient de combiner des mesures de sobriété, de réduction de la consommation inutile et de lutte contre le gaspillage. Dès lors, les propositions du rapport de minorité attacheront aussi une grande importance à des mesures de lutte contre le gaspillage, que ce soit contre la surchauffe des bâtiments, contre l’éclairage nocturne inutile des surfaces commerciales ou encore contre les écrans publicitaires, autant de dépenses énergétiques qui ne correspondent pas à de réels besoins de la population.

M. Maurice Treboux (UDC) —

« On n’a pas de pétrole, mais on a des idées. » Chers collègues Romanens et Buffat, vous qui avez fait référence à cette période d’un autre temps, rappelez-vous de cette fameuse déclaration du président Valéry Giscard d’Estaing, qui – en 1976, cela ne nous rajeunit pas – cherchait des solutions pour sortir son pays du choc pétrolier. Dans notre canton, à notre humble échelle, le chef du département en charge de l’énergie, ses collaborateurs, les entités consultées, la Commission de l’environnement et de l’énergie ont tous eu des idées – et nous en aurons encore certainement ces prochains mardis – pour tenter de nous éloigner, dans un délai plus ou moins court, de notre dépendance au pétrole et autres énergies fossiles. Des idées quelquefois partisanes, exceptionnellement utopiques, mais au fur et à mesure des débats souvent réfléchies et efficientes. 

Pour répondre à notre collègue Cala, les deux députés UDC impliqués dans les travaux de la commission vous encouragent à accepter l’entrée en matière. Ce projet de loi issu des travaux de la commission nous paraît, dans la majorité des cas, adapté pour répondre à l’évolution des conditions climatiques, au développement technique évolutif en lien avec la production d’énergie renouvelable, et aux possibilités multiples d’économiser de l’énergie. Ces nouvelles mesures nous semblent légitimes et nécessaires, mais nous resterons pragmatiques. L’application de ces nouvelles directives législatives ne se fera pas sans un engagement financier capital de l’Etat, sans une implication contraignante des communes et avec des conséquences financières importantes pour les propriétaires, mais aussi pour les locataires – contrairement à ce qu’en pensent leurs représentants. 

Je voudrais terminer avec un slogan – peut-être un peu décalé à l’écoute des prises de position de mes collègues de l’UDC : l’énergie est notre avenir ; économisons-la !

Mme Laurence Cretegny (PLR) —

Je déclare mes intérêts : paysanne professionnelle, cheffe d’exploitation agricole. Si elle va dans le sens de la durabilité, cette loi ne prend que peu en considération l’humain et, surtout, elle fait peur. L’humain risque de devoir se sacrifier pour garder sa maison ou son entreprise s’il se voit imposer toujours plus de normes. Le fossé va se creuser entre ceux qui ont des moyens et ceux qui en ont moins. Oui, la PLR que je suis y pense. En rédigeant cette loi, avez-vous pensé aux réalités du terrain, aux jeunes qui viennent d’investir ou souhaitent investir ou qui recevront – qui sait – en héritage la maison qui les a vus grandir, mais qui ne pourront peut-être pas la garder, car ils n’auront pas les moyens de la mettre aux normes ? Avez-vous pensé à nos anciens ou à nos PME qui ont investi toutes leurs économies dans un logement ou dans l’achat d’un bâtiment pour créer leur entreprise et qui n’auront peut-être pas les moyens d’investir encore plus pour le mettre aux normes qui vont être décidées ici ou par le règlement d’application ? Quand on possède un bien, on fait aussi bien que l’on peut et on l’entretient petit à petit en fonction de ses moyens. Je refuse d’entendre la réponse : « Ils devaient y réfléchir avant, ou ils n’ont qu’à vendre. » Non, nous sommes là pour aider, accompagner et trouver des solutions pour toute notre population. 

Après ce cri du cœur, monsieur le conseiller d’Etat, j’ai une première question pour vous. Comme j’entends différentes réponses lorsque je pose une question concernant les infrastructures agricoles dont les maisons d’habitation sont sises dans les corps de ferme, ou attachées à celles-ci, je vous demande directement, en espérant une réponse : comment ces fermes et entreprises agricoles seront-elles impactées et traitées par cette loi, entre autres par l’article 2 alinéa 2, qui concernera aussi certainement certaines PME ? 

A ce stade, je ne voterai pas l’entrée en matière, car pour moi, cette loi n’est pas prête. Nous l’avons dit, avec cette loi, nous avons fait un grand bond en avant, mais elle n’est pas prête. Prenons par exemple le nombre d’amendements qui ont été déposés en commission, mais aussi ceux qui sont annoncés. Cela veut dire que cette loi doit encore être travaillée, même si un très gros travail a déjà été fait – et je remercie la commission pour le travail réalisé.

Mme Aude Billard (SOC) —

On peut toujours voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Voir le verre à moitié vide, c’est voir les 90 amendements déposés en commission ; voir le verre à moitié plein, c’est constater qu’à la fin, les commissaires unanimes ont accepté l’entrée en matière sur cette loi. La force de notre pays est d’être capable de s’entendre. Les divergences qui ont eu lieu pendant cette commission et le consensus qui en a résulté font la force sociale, et par extension, la force économique de notre pays. Inutile de rappeler que, chez nos voisins directs, un tel dialogue et une telle capacité de consensus au sein de leur Parlement n’existent pas. Ils sont trop habitués à des majorités tant au législatif qu’à l’exécutif, à une parole unique. Si l’on va plus loin, on se rend compte que, dans certains pays, il suffit qu’un président décide d’une chose ou d’une autre pour que tout le monde s’y aligne. Nous ne fonctionnons pas comme ça ; nous fonctionnons dans le dialogue et c’est comme ça que nous avançons. Ces amendements ont permis d’affiner la loi, mais, si vous les regardez attentivement, ils sont de petites virgules à une loi qui était déjà très bien écrite, au départ. Ces petites virgules viennent essentiellement d’une compréhension mutuelle, d’une vision parfois différente de part et d’autre, chacun essayant de comprendre des intérêts qui lui sont proches. Je le répète, nous avons trouvé un bon consensus. 

J’aimerais revenir sur les interventions mentionnant des pays qui polluent beaucoup plus que nous. Je ne sais si vous êtes au fait des chiffres. La population suisse est toute petite, puisqu’elle compte 8 millions d’habitants – et peut-être un jour arriverons-nous à 10 millions. Cela reste faible puisque nous formons 0,1 % de la population mondiale ! Or, ce 0,1 % de la population mondiale génère 2 à 3 % de l’ensemble des émissions ; ainsi, nous générons 10, 20 ou 30 fois plus que notre part de la population mondiale. Oui, nous avons donc une obligation d’agir, mais, bien sûr, nous ne pouvons pas dépenser autant en proportion de la part que nous représentons. 

Cette loi est le fruit d’un consensus, ce qui signifie que personne n’est tout à fait content, mais que personne n’est vraiment mécontent non plus. Certains articles – j’y reviendrai – ne sont pas ceux que j’aurais aimé voter, mais, dans l’ensemble, cette loi est une belle avancée. Nous le savons, cette loi ne va pas résoudre notre objectif d’arriver à zéro émission nette – sans même parler des émissions grises – d’ici 2050. Ce n’est qu’un petit pas. Néanmoins, tout pas en arrière, toute modification que demandera ce plénum nous éloignera encore plus de cet objectif. Je ne puis donc que vous encourager à ne pas le faire. 

Les coûts ont beaucoup été évoqués – les coûts sociaux, les coûts à l’humain et les coûts financiers. Mais vous rendez- vous compte qu’en ce moment, le changement climatique nous coûte très cher ? Voici quelques chiffres : Helvetia – l’une des assurances les plus réputées de notre pays – nous parle d’une augmentation des dommages de 122 % lors des trois ou quatre dernières années, avec une augmentation de 135 % des coûts liés à ces dommages ! Cela nous coûte… et ce n'est que le début. 

Je suis très contente de parler juste après la réunion du groupe agricole, à midi, à laquelle j’ai participé. J’apprécie beaucoup ce groupe très intéressant ; on y parle de nombreuses problématiques, et en particulier celles liées au changement climatique qui affecte le milieu agricole et j’y suis très sensible. Les impacts sont majeurs : on parle souvent des sécheresses ou des crues qui ont des impacts financiers sur les bêtes et sur les fermes, des impacts financiers dont vous souffrez tous les jours. Je vous encourage à voter cela pour nous prémunir de coûts financiers bien plus élevés. Plus nous prendrons du retard, plus cela nous coûtera.

Mme Chantal Weidmann Yenny (PLR) —

Je tiens tout d’abord à déclarer mes intérêts : je m’exprime en tant que présidente de l’Union des communes vaudoises (UCV). Mon intervention ne reflète pas une position personnelle, mais celle des communes consultées dans le cadre de l’avant-projet de la Loi sur l’énergie. Les avis recueillis ont été contrastés. Certaines communes soutiennent une transition énergétique ambitieuse, d’autres se montrent plus réservées quant au rythme imposé, et certaines s’opposent aux contraintes jugées excessives pour atteindre les objectifs fixés. Toutefois, un point rassemble une large majorité : l’inquiétude face à la mise en œuvre concrète de la future loi. Ici, nous débattons souvent des principes – chacun selon ses orientations politiques, en poussant le curseur d’un côté ou de l’autre, mais nous nous interrogeons trop rarement sur la faisabilité des mesures sur le terrain. Or, l’application de cette nouvelle loi s’annonce complexe ; elle nécessitera des compétences juridiques et techniques supplémentaires que toutes les communes ne possèdent pas. Il faudra également veiller à sa compatibilité avec les nombreuses autres lois qui encadrent déjà – ou encadreront – les actions quotidiennes des élus dans un exécutif communal. 

Je suis donc favorable à une entrée en matière et vous encourage à en faire de même, car sans projet, il ne peut y avoir de débat. Mais cette entrée en matière s’accompagnera de notre vigilance particulière quant aux pistes envisagées. La mise en œuvre devra être réaliste, éviter toute surcharge administrative inutile et proscrire une approche en silo du service cantonal en charge du dossier. La sobriété attendue ne doit pas être uniquement énergétique, elle doit aussi s’exprimer dans la conception et l’application de la loi.

M. Alberto Mocchi (VER) —

J’ai trouvé les exemples donnés tout à l’heure par M. Romanens tout à fait pertinents et j’aimerais même aller un peu plus loin. Au début du XXe siècle, lorsqu’il a été question d’amener l’électricité et l’eau courante dans nos maisons, ce type de débat s’est-il tenu ? Quelqu’un s’est-il plaint du fait que les fabricants d’ampoules n’arriveraient pas à suivre ? Quelqu’un s’est-il plaint du fait que le fil de cuivre venait du Chili et que l’on serait donc de toute manière dépendant de l’étranger ? Ou que les maçons savoyards et piémontais allaient franchir massivement les Alpes pour venir travailler chez nous ? Ou encore que la Prusse et l’Empire du Japon n’avaient pas encore commencé cette électrification et qu’être ainsi précurseur revenait donc à mettre la charrue avant les bœufs ? Non ! A cette époque, même s’il s’agissait effectivement d’investissements colossaux – j’aurais aussi pu parler de la création de notre réseau de chemins de fer ou autoroutier – ces investissements changeaient complètement le paradigme qui était la norme jusqu’alors. Nous avons eu foi en l’avenir ; nous avons eu confiance et n’avons pas eu peur d’être ambitieux. J’espère que nous continuerons à avoir cette confiance en l’avenir. En effet, sous certains aspects, la transition énergétique dont nous parlons est aussi importante, aussi révolutionnaire que l’arrivée de l’eau courante et de l’électricité dans nos foyers, au début du XXe siècle. 

Aujourd’hui, nous avons la chance de pouvoir nous affranchir des énergies fossiles, mais si nous le faisons, monsieur Buffat, ce n’est pas en raison d’une pénurie. Si nous avons des ordinateurs, ce n’est pas parce que, à un moment donné, il y a eu une pénurie de machines à écrire, mais tout simplement parce qu’une technologie plus efficiente, plus efficace a vu le jour. Il en va de même aujourd’hui pour les énergies renouvelables, qui sont un véritable atout pour notre économie. On ne peut pas, d’un côté, se plaindre d’un risque de récession en cas d’acceptation de certaines initiatives et, de l’autre côté, dire que les entreprises auront trop de travail. Comme vous le savez, dans ce cas de figure, le marché fonctionne relativement bien et se régule : s’il y a une forte demande dans certains secteurs économiques, l’offre finit par suivre. Je pense que notre canton a tout à gagner à entreprendre les travaux de rénovation de manière proportionnée et intelligente, comme le propose la loi. 

En résumé, nous avons les moyens d’accomplir la transition énergétique, donnons-nous la volonté de l’entreprendre. Je vous remercie d’accepter l’entrée en matière sur le projet de Loi sur l’énergie et les articles qu’elle contient.

M. Guy Gaudard (PLR) —

Je déclare mes intérêts : je suis titulaire d’une maîtrise fédérale en installations électriques. A mon tour, je remercie la commission pour son travail de longue haleine. On peut se demander si ce projet de loi n’a pas été pris à l’envers. En effet, il paraissait évident de commencer à améliorer rapidement l’efficience énergétique des bâtiments en les isolant, plutôt que de vouloir, en priorité, remplacer les systèmes de chauffage électrique ou à énergie fossile. Entre autres, cette précipitation empêchera le chauffage à distance de se développer de manière cohérente et, surtout, privera certains propriétaires d’en bénéficier après les délais d’éradication, trop courts, fixés actuellement par le Conseil d’Etat. 

Par ailleurs, l’implication du canton dans le capital de la Romande Energie interpelle. En effet, Romande Energie vend de l’énergie électrique de manière quasiment monopolistique, et elle vend de l’énergie thermique au moyen des pompes à chaleur qu’elle installe. Le secteur des panneaux solaires et des bornes de recharge n’est pas en reste, étant également un des départements que Romande Energie développe. Tous les éléments concernés par cette loi font donc partie du panier de la Romande Energie. Pour répondre à la demande, elle achète de nombreuses entreprises du second œuvre et crée ainsi une concurrence déloyale vis-à-vis des acteurs artisanaux du canton. Ainsi, il y a clairement des conflits d’intérêts entre le canton et la Romande Energie, qui sera largement servie lors des futurs travaux d’assainissement concernés par cette loi. Et nos artisans ? La Romande Energie doit s’occuper du transport de l’énergie et non de sa production ! Ce sont deux services différents. La Romande Energie doit, en priorité, renforcer les réseaux de transport afin de répondre aux exigences de cette loi visant à installer des panneaux solaires quasi partout, ainsi que des bornes de recharge et des pompes à chaleur. L’Etat est tout de même majoritairement actionnaire de la Romande Energie. 

Enfin, nous n’avons aucune idée du prix réel de la mise en pratique de cette loi et cela peut donner l’impression d’aller trop vite en besogne. Pour ces raisons, je vous invite à ne pas entrer en matière afin de permettre au Conseil d’Etat de retravailler certains points importants de cette loi.

M. Fabrice Moscheni (UDC) —

Je remercie le secrétariat général de projeter le graphique que je lui ai envoyé. 

*insérer image (Moscheni.jpg dans la séance sur le P)

Comme une image vaut 1000 mots, je vais en économiser 950. Ce graphique répond à l’un des objectifs du projet de loi, c’est-à-dire la réduction des émissions CO2. Il provient de Our World in Data, une base de données de différentes données liées à notre globe et, entre autres, il collecte les données liées aux émissions CO2. Ce graphique présente plusieurs courbes, dont la plus exponentielle concerne les émissions CO2 de la Chine. Vous constatez que les Etats-Unis font un certain travail ; c’est lié à leur transition économique, puisqu’ils passent d’une économie secondaire vers une économie plutôt tertiaire. Ainsi leur courbe diminue quelque peu, mais reste tout de même très importante, avec environ 5 milliards de tonnes. L’Inde commence gentiment à rattraper la Chine : elle en est encore assez loin, mais on voit que la tendance est assez forte. Comme vous le savez, l’Inde est désormais le pays le plus peuplé et on peut donc penser qu’elle va bientôt dépasser les Etats-Unis. J’ai fait figurer les données pour l’Allemagne, la France et la Suisse, que vous voyez en bas du graphique. On n’arrive pas à la voir la courbe de la Suisse qui se confond avec l’axe horizontal. 

Je n’ai pas trouvé les données du canton de Vaud, mais nous pouvons partir du principe qu’il correspond à un dixième de la Suisse. Lorsqu’on nous dit qu’il faut injecter 2,5 milliards, alors que, pour environ 20 millions, nous aurions le même impact en investissant ailleurs dans le monde – typiquement dans des pays d’Afrique, par exemple, que je n’ai pas reportés dans ce graphique – on se rend compte que la loi rate complètement sa cible en ce qui concerne la réduction des émissions de CO2. En effet, ce que nous allons faire dans notre canton ne sert absolument à rien. Il y a clairement une idée d’exemplarité – l’envie d’être premier de classe – que je peux comprendre, mais en termes de réduction de l’impact des gaz à émission d’effet de serre sur notre planète, cela ne servira absolument à rien, à moins que quelqu’un dans ce plénum ne m’explique comment bloquer ce gaz aux frontières. Ce n’est qu’un slogan qui va appauvrir les Vaudoises et les Vaudois. Encore une fois, en termes d’objectifs de réductions des émissions de CO2, ainsi que le graphique vous le prouve, cette loi n’atteint pas ses objectifs.

M. Laurent Balsiger (SOC) —

Même si c’est un objectif important – les changements climatiques auxquels nous faisons face nous le rappellent – l’objectif de cette loi n’est pas uniquement de réduire les gaz à effet de serre, mais elle a aussi pour objectif notre sécurité d’approvisionnement. Cela a été dit, mais peut-être pas encore assez : il est important de produire de l’énergie, ici, ici pour maîtriser notre destinée énergétique. Sans énergie, on ne fait plus rien, alors devoir tout acheter à l’étranger – à des pays qui ne nous veulent pas que du bien – n’est pas une bonne chose. 

En termes de production de CO2 par habitant, je crois que nous nous situons dans le peloton de tête. Nous avons donc également intérêt à faire notre part. Je rappelle encore – car on l’oublie souvent – que chaque année, en Europe, on dénombre grosso modo 500’000 décès directement ou indirectement dus aux maladies respiratoires liées aux énergies fossiles, la principale cause de mortalité évitable en Europe. Dès lors, il existe vraiment des cobénéfices latéraux à intervenir et à diminuer notre consommation d’énergie fossile. 

C’est vrai, il s’agit d’investissements importants, mais précisément, ce sont des investissements et non pas des dépenses. A terme, ces investissements rapporteront gros en nous permettant de dépenser moins – cela a été dit à plusieurs reprises ce matin. Comme déjà dit également, nous sommes bien contents aujourd’hui que nos aïeux ont dépensé beaucoup d’argent lors de la révolution industrielle, pour construire les premières lignes électriques, de petits barrages, puis des plus gros dans les années 50 et 60. Aujourd’hui, dans notre pays, le prix de l’énergie est très bas parce que nos aïeux avaient pris leurs responsabilités et fait ces investissements – aujourd’hui amortis en bonne partie. A nous de faire de même pour les générations futures. 

Enfin, madame Cretegny, nous avons effectivement pensé à toutes les personnes concernées d’une manière ou d’une autre par cette loi, notamment les petits propriétaires. C’est pourquoi, lors des travaux de la commission – et je salue le travail du président, du secrétaire, de l’administration et de mes collègues membres de la commission – nous avons supprimé l’obligation de rénover pour les petits propriétaires, comme nous avons aussi supprimé l’obligation de changer un chauffage lorsque le brûleur tombe en panne. Il nous a paru que le meilleur moment pour entreprendre de tels travaux était celui d’un transfert de propriété. C’est généralement à ce moment que des travaux sont entrepris, et que les hypothèques et tous les aspects économiques doivent être réévalués. Je crois que c’est une bonne chose que de pouvoir le faire à ce moment précis, plutôt qu’à un autre moment. 

Nous avons donc pensé aux personnes, comme nous avons aussi pensé aux communes – certainement l’entité la plus proche des personnes. Finalement, les communes sont les mieux placées pour décider et, si nécessaire, faire des exceptions par rapport à leur population. C’est vrai que c’est du travail, qui demandera peut-être que plusieurs communes se réunissent pour avoir un bureau technique commun. Néanmoins, je pense que c’est l’échelon adapté pour prendre certaines décisions, notamment liées à l’aménagement du territoire, justement pour ne pas dédoubler les efforts des uns et des autres. Tout cela a été bien réfléchi et discuté en commission. Ainsi, je ne puis que vous inviter à entrer en matière pour approfondir encore ces discussions.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Je vous remercie pour vos différentes prises de parole. Beaucoup de choses ont été dites sur cette loi vaudoise – car c’est bien sur des lois cantonales que nous sommes amenés à nous prononcer, même si cela peut paraître « petit joueur » à certains. Je ne vais pas me lancer dans un long et laborieux fact-checking des chiffres et affirmations mentionnés ce matin et vous renvoie pour cela à l’excellent rapport de la commission. Nous aurons aussi l’occasion de revenir sur les différentes dispositions et sur les différents articles. Nous reviendrons sur certains chiffres cités tout à l’heure, notamment relatifs au coût de la loi et de l’assainissement énergétique, mais, bien entendu, nous parlerons aussi du coût de l’inaction, ainsi que des bénéfices économiques que la transition énergétique peut représenter pour notre économie locale. 

Durant les prochaines séances du Grand Conseil, vous allez devoir répondre à la question suivante : dans 10 ou 15 ans, quelle souveraineté énergétique voulez-vous, quel niveau de dépendance aux énergies fossiles voulez-vous ? D’ici 10 ou 15 ans, souhaitez-vous que les crises géopolitiques dictent la température de nos logements ? Actuellement, on observe un retour décomplexé aux énergies fossiles, un peu partout dans le monde, mais les promoteurs de l’énergie fossile omettent de dire que cela ne fait que renforcer notre dépendance aux pays producteurs, qui sont tout sauf des partenaires stables. Le canton de Vaud ne doit plus être vassal du roi pétrole ! C’est tout le but de cette Loi sur l’énergie. 

Un chiffre a été cité à plusieurs reprises dans vos débats et résume à lui seul la raison d’être de cette loi : 84 % de l’énergie consommée sur notre territoire est importée, pour chauffer nos maisons, pour faire tourner notre économie, pour faire tourner nos hôpitaux. Cela signifie 84 % de vulnérabilité ! Souvenez-vous que, durant l’hiver 22-23, nous avons senti le vent du boulet. Nous avons pu traverser cette séquence grâce à la solidarité internationale, qui a bien fonctionné, mais qui n’est peut-être pas éternelle – les événements géopolitiques nous le rappellent. Pour réduire cette dépendance, nous connaissons la recette : nous devons produire mieux et plus vite, notamment en accélérant les procédures pour les grands projets de production d’énergie renouvelable. Nous devons produire local, nous devons consommer de manière plus rationnelle, nous devons lutter contre le gaspillage énergétique. 

Lorsque nous avons commencé à élaborer cette loi, il y a presque quatre ans, nous ne sommes pas partis de zéro. Nous avons analysé deux choses. Tout d’abord, nous avons regardé ce qui se passe dans les autres cantons, analysé les différentes dispositions et les réformes déjà en cours dans plusieurs cantons de Suisse. Ensuite, nous avons surtout observé ce qui se passe sur le terrain depuis plusieurs années. Nous n’avons pas construit ce projet de loi dans notre tour d’ivoire, mais sommes allés sur le terrain pour rencontrer les professionnels, les différents acteurs et les propriétaires, pour établir un projet de loi. Nous avons constaté que le changement était en marche et n’avait pas attendu le projet de loi. Sur le terrain, on voit l’accélération des rénovations énergétiques : la plupart des acteurs institutionnels se sont dotés de feuilles de route de rénovation, parfois très ambitieuses et parfois même plus ambitieuses que la loi dont vous allez débattre. C’est 24 % de production électrique solaire sur un an, le déploiement de nouveaux chauffages à distance à Yverdon, à Ecublens, à Morges, à Orbe et à Villeneuve. Différents projets en cours de parcs éoliens sont à l’enquête publique. Les premiers résultats sont au rendez-vous : en 2024, 6,5 % de production électrique de sources renouvelables en plus, 9 % d’énergie renouvelable pour chauffer nos bâtiments en plus. 

Néanmoins, si ces pour cent indiquent que le changement est en marche, ils disent aussi que le rythme n’est pas assez rapide. C’est précisément le but de cette loi : fixer un cadre et des objectifs communs, pour accélérer la cadence et s’en donner les moyens, parce que les coûts de l’inaction sont probablement encore plus importants, et parce que chaque franc investi dans la transition énergétique bénéficie à l’économie locale. C’est la raison pour laquelle nous avons ajouté un levier essentiel au nouveau dispositif légal : l’accompagnement. Ce dispositif s’appuie sur cinq éléments, tels les cinq doigts de la main : 

  1. l’information, avec un dispositif sur mesure pour chaque cas de figure.
  2. Les dérogations qui seront octroyées essentiellement par les communes pour une application pragmatique, fluide et souple des nouvelles obligations, au plus proche du terrain et des conventions d’objectifs pour les grands propriétaires. Nous avons pensé aux différents acteurs avec ce dispositif dérogatoire qui est concentré dans l’article 8 du projet de loi. 
  3. Les subventions, avec pour ces dix prochaines années, une enveloppe financière de 800 millions pour soutenir directement les propriétaires et les entreprises, car « pas de pognon, pas de transition ».
  4. Les simplifications de procédures : en parallèle, nous avons introduit une série de simplifications dans le cœur de la Loi sur l’énergie, mais il est clair que la plupart des simplifications vont se matérialiser à travers la révision de la LATC en cours d’élaboration et qui est portée par ma collègue Luisier. 
  5. Et enfin, la formation, car la pénurie de main-d’œuvre est effectivement une réalité dans la plupart des secteurs. Ce projet doit aussi apporter des réponses. Des conventions ont été passées avec les faîtières et les professionnels du milieu et des formations sont maintenant déployées très concrètement sur le terrain pour nous permettre d’avoir une main-d’œuvre locale et ne pas avoir besoin de l’importer.

Dit autrement, les propriétaires des 5500 grands immeubles qui devront assainir leurs biens d’ici 2040 ne seront pas laissés sur le carreau. Les communes qui devront changer le chauffage à mazout de leurs écoles ne seront pas laissées sur le carreau. Les locataires qui étouffent dans leur appartement en été ne seront pas laissés sur le carreau. Les agriculteurs ne seront pas non plus laissés sur le carreau ; seuls les bâtiments habités sont soumis à cette loi et non les bâtiments utilisés par le monde agricole et qui ne sont pas chauffés. En résumé, cette Loi sur l’énergie se donne les moyens de son ambition, des moyens à la hauteur de l’enjeu : le renforcement de la souveraineté énergétique du canton. 

Enfin, je me dois de dire quelques mots sur le processus de création de cette loi. Comme ministre, quand on décide de réviser complètement une loi majeure, comme celle sur l’énergie, on commence par se fixer de grands objectifs. On regarde ce que font les autres cantons pour comprendre ce qui fonctionne, ce qui est efficace et pourquoi. On discute beaucoup avec les acteurs du terrain, avec les milieux professionnels et avec les milieux associatifs. Puis les services rédigent des dispositions légales. Enfin, on part en consultation : près de 1000 pages de commentaires, d’amendements, de critiques et de soutiens. Alors, on précise les articles de loi, on amende, on commence à travailler sur le projet de règlement de façon très active. Le Conseil d’Etat l’adopte après quelques séances de discussion, puis le texte est transmis au Parlement et, après 21 séances de commission et plus de 70 amendements acceptés, nous voici en plénum ! J’aimerais remercier sincèrement les 15 membres de la commission pour le sérieux de leur travail, leur investissement, leur capacité à challenger les spécialistes. Je félicite et remercie tout particulièrement le président de la commission qui a piloté ces travaux de main de maître. J’aimerais saluer les échanges et cet esprit de compromis qui ont prévalu pendant ces 21 séances, un esprit de compromis qui a permis d’améliorer très clairement le texte, de le rendre plus équilibré. 

Ce nouvel équilibre pragmatique pourrait se résumer ainsi : la fin des nouveaux chauffages fossiles – je précise bien des « nouveaux » chauffages fossiles, car on ne forcera pas à changer un chauffage à mazout qui fonctionne encore. Le rôle des communes est précisé : elles pourront bénéficier de dérogations comme n’importe quel propriétaire. Elles pourront bénéficier de subventions, bien entendu, comme n’importe quel propriétaire. En plus, pour autant que votre Parlement accepte ce crédit d’investissement, elles pourront bénéficier d’une enveloppe de 13,7 millions de francs pour assainir leurs bâtiments : 13,7 millions uniquement pour les communes, en plus du reste. Les propriétaires d’un bâtiment plus petit que 750 m² de surface énergétique ne seront plus concernés par la loi. En effet, le délai fixé pour assainir leur bâtiment énergivore a été biffé par la commission. Enfin, certains grands propriétaires immobiliers auront cinq ans de plus pour assainir leur bâtiment énergivore. Pour toutes ces raisons, ce projet de loi est ressorti de commission plus équilibré, mais il reste très efficace, car il fixe les priorités et place les efforts aux bons endroits. 

Je souhaite également dire à celles et ceux qui auraient souhaité une loi encore plus ambitieuse – plus sobre ou plus pionnière – que vous avez su naviguer avec intelligence sur la mer des amendements, concéder lorsque c’était nécessaire tout en gardant le cap inscrit dans notre Constitution de la neutralité carbone à l’horizon 2050. Chers membres de la commission, ce projet de loi riche de 70 amendements est surtout le vôtre. Vous avez travaillé pour l’intérêt supérieur, pour le bien commun, au-delà des réflexes partisans. C’est bel et bien cet esprit – cette intelligence collective – qui a permis d’améliorer le projet de loi. Il a été adopté à l’unanimité de vos membres – d’Ensemble à Gauche à l’UDC. A ceux qui ont qualifié ce projet de loi d’extrême, idéologique, dogmatique, éloigné des réalités du terrain, je réponds qu’il est pourtant le fruit d’un compromis politique entre toutes les forces de notre canton. Cette unanimité politique – en ces temps polarisés et alors que les institutions vaudoises sont chamboulées – est non seulement suffisamment rare pour être soulignée, mais surtout, elle force le respect. 

Les travaux sur cette loi ont commencé il y a trois ans. Il y a eu le temps de la maturation, de l’âge de raison, un an de préparation, un an de consultation publique et un an de travaux en commission. En cette période de vendanges, permettez-moi cette allégorie un peu facile : après avoir été cultivés avec soin, les articles de cette loi ont fermenté, puis macéré tranquillement, mais sûrement. Puis est venu le subtil moment de l’assemblage mené par votre commission. Maintenant, c’est à vous de décider si ce vin doit être mis en bouteille. Alors, santé et bon débat !

M. Stéphane Montangero (SOC) — Président-e

La discussion est close.

L’entrée en matière est admise par 83 voix contre 44 et 4 abstentions.

M. Cédric Weissert (UDC) —

Je demande un vote nominal.

M. Stéphane Montangero (SOC) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui acceptent l’entrée en matière votent oui ; celles et ceux qui la refusent votent non ; les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, l’entrée en matière est admise par 87 voix contre 44 et 4 abstentions.

* Insérer vote nominal

Il est passé à la discussion du projet de loi, article par article, en premier débat.

Art. 1. –

M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Cet article 1 reprend en grande partie le texte de loi actuel, rajoute plusieurs nouveaux objectifs, notamment en matière de stockage. La commission a souhaité renforcer la question du stockage et de l’économie d’énergie, car l’une des principales problématiques reste le besoin accru en énergie en hiver, alors que l’été, les ressources en électricité sont généralement suffisantes. C’est dans ce contexte que la commission vous propose l’amendement suivant :

« Art. 1. – Al. 3 (nouveau) : Elle favorise la sécurité d’approvisionnement hivernal, notamment les économies d’énergie, la production et le stockage saisonnier. »

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Le texte me paraît un peu confus. Globalement, le sens se comprend, mais quelques points mériteraient une clarification. Plutôt que « elle favorise », je me demande si l’on ne devrait pas préciser : « elle vise à la sécurité d’approvisionnement hivernal ». C’est une première question. 

Ensuite, l’amendement mentionne : « notamment les économies d’énergie », ce que je peux comprendre. En revanche, j’aimerais comprendre ce que l’on entend par « la production et le stockage saisonnier » : s’agit-il de production générale d’énergie ou bien la production et le stockage saisonniers ? Dans ce cas, ne faudrait-il pas mettre un « s » à ce dernier terme ? 

M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Effectivement, il s’agit de favoriser la production d’énergie hivernale. On constate que l’implantation de panneaux solaires qui sont capables de produire de l’énergie en hiver nécessite des installations spécifiques. Quant au stockage saisonnier, il ne se limite pas aux panneaux solaires ou aux différentes productions d’énergie hivernale. Il s’agit aussi de laisser la porte ouverte à l’innovation : par exemple, transformer les excédents de production estivale, en hydrogène ou en d’autres vecteurs énergétiques, afin de les stocker pour l’hiver. Il est vrai que les batteries permettent un stockage, mais ce dernier est plutôt horaire ou journalier, et non saisonnier. L’idée est donc d’ouvrir la voie à différents moyens ou innovations qui pourraient voir le jour. 

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Je déclare mes intérêts : je suis l’un des deux seuls membres de ce Parlement à siéger à la Commission de rédaction du Grand Conseil – ce qui souligne l’importance de cette commission. Nos décisions ne sont prises qu’à l’unanimité, ce qui est déjà remarquable. Au risque d’être pédant, il manque un « s » à « saisonnier ». Je suis prêt à saisir la Commission de rédaction pour le corriger, mais au vu des explications qui nous sont fournies, ce « s » manque réellement. 

« Art. 1. – Al. 3 (nouveau) : Elle favorise la sécurité d’approvisionnement hivernal, notamment les économies d’énergie, la production et le stockage saisonniers. »

M. Stéphane Montangero (SOC) — Président-e

Le sous-amendement Marc-Olivier Buffat est accepté à l’unanimité.

L’amendement de la majorité de la commission, sous-amendé Marc-Olivier Buffat, est accepté par 113 voix et 11 abstentions.

L’article 1, amendé, est accepté avec 1 avis contraire et quelques abstentions.

Art. 2. –

M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Monsieur Buffat, vous mettez la pression, je n’ai pas osé parler de mon amendement... A l’alinéa 1, la commission propose l’amendement suivant : 

« Art. 2. – Al. 1 : La loi s’applique à l’approvisionnement, à la production, à la distribution, au stockage, à la conversion et à la consommation d’énergie sous toutes leurs formes, ainsi qu’à l’accompagnement de la transition énergétique. »

Il s’agit bien de la conversion d’énergie. On en revient en fait au même objectif que dans l’article précédent : si de l’énergie excédentaire en été est convertie dans un autre vecteur énergétique, cela contribue au stockage et donc à l’indépendance énergétique, surtout problématique en hiver. Cet amendement a également été accepté à l’unanimité de la commission.

M. Stéphane Montangero (SOC) — Président-e

L’amendement de la majorité de la commission (alinéa 1) est accepté avec quelques abstentions.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

J’avais quelques éclaircissements qui pourront figurer dans les délibérations du Grand Conseil quant à la notion d’annexe. J’ai constaté que les membres de la commission s’étaient également penchés sur cette question. Je voudrais m’assurer de bien comprendre : lorsqu’on parle de corps de bâtiment ou de construction structurellement liée au bâtiment principal, à usage secondaire et de taille réduite, j’imagine qu’il s’agit, par exemple, de garages annexes à la construction principale. A l’inverse, j’en déduis que cela exclut les dépendances de peu d’importance au sens de l’article 39 du Règlement d’application de la Loi sur l’aménagement du territoire et les constructions (RLATC), puisque ces dernières ne sont pas reliées au bâtiment principal par définition, selon cet article. Dès lors, j’aimerais que l’on me confirme que cette interprétation est exacte. 

Mme Laurence Cretegny (PLR) —

Cela concerne l’alinéa 2, lettre d, que j’ai mentionnée précédemment, lors d’un changement d’affectation d’un bâtiment non chauffé en bâtiment chauffé. Ainsi, lorsqu’un bâtiment d’habitation se situe dans le corps de la ferme, ou qu’une écurie ou un local quelconque devient un local partiellement chauffé, par exemple lorsqu’un exploitant se convertit au maraîchage et transforme une partie de la ferme pour y exercer une activité nécessitant du chauffage, comment sera prise en compte l’enveloppe complète du bâtiment ? Est-ce que seules les parties chauffées devront être adaptées aux normes, ou tiendra-t-on compte de l’ensemble du bâtiment ? 

M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

A l’alinéa 2, lettre c, je dépose l’amendement suivant : 

« Art. 2. – Al. 2, lit. c. : lors de transformations et démolitions intérieures conséquentes pouvant s’apparenter à une nouvelle construction du bâtiment, notamment lorsque les murs intérieurs et les dalles sont évacuésdéconstruits ; »

L’idée est que cette loi s’applique lors de transformations importantes, notamment lorsque les murs intérieurs et les dalles sont déconstruits plutôt qu’évacués. La logique est de favoriser le réemploi des matériaux.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

C’est une question qui a beaucoup animé la commission. Plusieurs députés se sont, à juste titre, interrogés sur le risque que cette disposition soit appliquée de façon aveugle aux exploitations agricoles. Je rappelle que la loi concerne les surfaces chauffées, tandis que les petites surfaces attenantes sont exclues de ce calcul. Il y a, bien sûr, aussi la question de l’affectation des locaux.

Dans le règlement, nous reprenons une directive intercantonale, partagée par l’ensemble des professionnels, qui permet d’exclure les petits locaux tels que ceux que vous décrivez, madame la députée. Cela évite de demander des travaux disproportionnés pour des espaces qui seraient chauffés mais non habitables, et qui ne sont pas occupés en continu pour une activité normale, comme n’importe quelle surface habitée. Cet élément a été discuté de manière approfondie au sein de la commission. Je vous rassure, les petits locaux attenants, tels que vous les décrivez, ne seront pas concernés par les différentes dispositions de la loi.

Mme Laurence Cretegny (PLR) —

Je remercie M. le conseiller d’Etat pour sa réponse. Pouvez-vous me préciser, en mètres carrés, ce que vous entendez par « petits locaux » ? Actuellement, et selon votre règlement, lorsqu’une transformation est effectuée, le local est considéré comme un bâtiment neuf. Plusieurs personnes, notamment des agriculteurs, se posent donc cette question, puisque les locaux qu’ils souhaitent transformer sont traités comme des locaux neufs.

M. Jean-Luc Bezençon (PLR) —

J’aimerais bien entendre les précisions de notre conseiller d’Etat sur cette question. Néanmoins, en fin de compte, c’est le règlement d’application – qui ne dépend pas directement de nous – qui tranchera réellement ces points. Quelle garantie avons-nous, quelle assurance pouvons-nous avoir par rapport à vos propos ? En effet, il arrive souvent que le règlement d’application fasse évoluer considérablement les dispositions.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Je le répète, ces éléments proviennent de directives bien connues de l’ensemble des professionnels et qui sont appliquées dans tous les cantons suisses. Il n’y aura donc pas de « vaudoiserie » à ce sujet. C’est effectivement le règlement qui exclura, par exemple, les locaux de moins de 50 m² ou représentant au maximum 20 % de la surface de référence énergétique du bâtiment. Ces seuils sont fixés par les directives intercantonales connues des professionnels et intégrées au niveau réglementaire. Encore une fois, je vous le confirme, c’est ce qui sera prévu par le règlement. Il n’y a aucune raison d’adopter un dispositif différent des autres cantons : tous appliquent ces directives et normes, et ce sont ces seuils qui seront retenus.

La définition de l’annexe figure également dans les différentes directives. Une annexe est une construction structurellement liée au bâtiment principal, à usage secondaire et de taille réduite. Il faut donc que ces critères soient remplis pour déterminer ce que l’on entend par annexe, notion qui apparaît à plusieurs reprises dans la loi. Encore une fois, il s’agit d’un concept connu des professionnels, ce n’est pas une nouveauté. C’est un élément présent dans toutes les directives intercantonales et appliqué dans l’ensemble des cantons suisses.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

A l’article 4, la commission a proposé un amendement – mentionné en bas de la page 37 du rapport – qui exclut les constructions dont le volume ne dépasse pas 25 m3 et 10 m2. Quand vous parlez de constructions de taille réduite, on comprend globalement ce que cela signifie, mais concrètement, qu’entendez-vous par-là ? Est-ce bien ces 25 m3 et 10 m2 ? Monsieur le conseiller d’Etat, comment définissez-vous une annexe de taille réduite ? Il se peut que nous n’ayons pas tous la même interprétation, y compris ceux qui seront chargés de l’application.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Encore une fois, cette définition figure dans les directives intercantonales. Ce sont les locaux de moins de 50 m², au maximum de 20 % de la surface de référence énergétique des bâtiments. C’est ainsi que c’est défini dans les différentes directives utilisées par les professionnels. 

M. Stéphane Montangero (SOC) — Président-e

L’amendement de la majorité de la commission (lettre c) est accepté avec quelques abstentions.

L’article 2, amendé, est accepté avec 2 avis contraires et quelques abstentions.

Art. 3. –

M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

La commission a constaté, à la lecture de cet article, qu’il ne traitait en réalité que de l’énergie thermique, des ressources en énergie thermique. Elle propose donc un amendement afin de renommer le titre de cet article. Cet amendement a été adopté à l’unanimité par la commission.

« Art. 3. – (titre) : Priorisation des ressources d’énergie thermique

M. Grégory Bovay (PLR) —

Pour assurer la bonne suite de nos travaux en commission, cet article a finalement été placé à l’article 4, tandis que l’article 3 traite désormais des « Définitions ». Je ne veux pas aller dans le désordre, mais il me semble qu’il serait logique de traiter d’abord cet article 3 avant l’article 4. Le président me précise que l’amendement suivant porte d’abord sur le titre, puis sur le numéro, et qu’ensuite nous pourrons procéder aux autres modifications, si cela convient à tout le monde.

Mme Josephine Byrne Garelli (PLR) —

Je fais la même lecture que mon collègue Grégory Bovay. Il me semble que « Définitions » doit être traité avant « Priorisation des ressources ». Je serais favorable à traiter l’ancien article 4 comme le nouvel article 3 et ensuite à passer au nouvel article 4.

M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

En effet, la commission a proposé de passer l’article 4, soit « Définitions », avant l’article 3 actuel. Je l’ai proposé dans cet ordre, pour suivre le rapport de la commission, mais l’ordre m’est égal. 

M. Stéphane Montangero (SOC) — Président-e

L’amendement de la majorité de la commission est accepté avec quelques abstentions.

L’article 3, amendé, est accepté avec quelques abstentions.

Art. 4. –

Je considère cette proposition – que l’article 3 devienne l’article 4 – comme un amendement : 

« Art. 34. – (titre) : Priorisation des ressources d’énergie thermique

Art. 43. Définitions »

L’amendement de la majorité de la commission (inversion des articles 3 et 4) est accepté avec quelques abstentions.

Art. 3. – 

M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Un premier amendement est proposé dans cet article, portant sur trois définitions à l’alinéa 1, lettre b. Des commissaires ont souhaité préciser que les pratiques visant à réduire les services et la consommation d’énergie puissent être individuelles ou collectives. Ainsi, l’amendement introduit les termes « individuels et collectifs » et précise la priorité aux besoins essentiels dans les usages de l’énergie. Il s’agit d’un léger ajustement de terminologie. Cet amendement a été adopté par 12 voix et 3 abstentions.

« Art. 3– Al. 1, lettre b. : Sobriété énergétique : démarche visant à adopter des pratiques individuelles et collectives propres à réduire les services et la consommation d’énergie en priorisant les besoinsutilisations essentielles dans les usages individuels et collectifs de l’énergie ; »

M. Cédric Weissert (UDC) —

Je dépose un amendement à la lettre a qui concerne la définition des bâtiments. Il s’agit d’un point important à préciser, puisque le terme « bâtiment » est central dans de nombreux articles à venir. L’objectif est de le définir plus en détail, en excluant notamment certaines constructions dont le volume ne dépasse pas 25 m³ ou 10 m². Une liste des types d’installations concernées est fournie : ces constructions ne seraient donc plus considérées comme des bâtiments au sens strict du terme. Cela nous semble important afin de nous concentrer sur les véritables bâtiments, ceux dont l’emprise est réellement justifiée par les objectifs de la loi.

« Art. 3. – Al. 1, lit. a : Bâtiment : ouvrage construit, fondé dans le sol ou reposant en surface, de facture artificielle, appelé à durer, offrant un espace plus ou moins clos destiné à protéger les gens et les choses des effets extérieurs, notamment atmosphériques, ainsi que les constructions mobiles pour autant qu’elles stationnent au même endroit pendant une durée prolongée. Sont exclues les constructions dont le volume ne dépasse pas 25 mètres cubes ou 10 mètres carrés. En outre, les habitations provisoires ainsi que les constructions et installations agricoles, comme les silos, les biogaz, les entrepôts de lisier et les box extérieurs, ne sont pas considérées comme des bâtiments. »

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Je souhaitais intervenir sur cet article et sur l’amendement qui avait été déposé en commission, mais qui, finalement, n’a pas été retenu. J’aimerais obtenir quelques explications complémentaires du président de la commission, ainsi que du Conseil d’Etat. Monsieur le conseiller d’Etat, tout à l’heure, vous avez fait référence à une directive : pourriez-vous préciser exactement à quelle directive professionnelle vous faites allusion ?

Je rappelle que notre rôle législatif consiste à garantir la sécurité du droit et la lisibilité de la loi de manière constante. Je suis donc extrêmement méfiant vis-à-vis de ces renvois. Si je me réfère au haut de la page 38, premier paragraphe du rapport de majorité, et qu’il s’agit de se référer à des normes SIA ou au MoPEC, pour moi, MoPec n’est pas clair. Par ailleurs, je considère que le législateur doit avoir son mot à dire lorsqu’il s’agit de fixer des limites et des cautèles.

Ainsi, si la réponse devait consister à renvoyer à des directives adoptées par d’autres instances, voire à un futur règlement, je serais, personnellement et pour les raisons déjà évoquées par moi-même et Mme Cretegny, favorable à intégrer cet amendement directement dans la loi, car il n’y a pas de raison que ce rôle n’incombe pas au législateur.

Mme Céline Baux (UDC) —

Une question me perturbe. Je ne suis pas tout à fait sûre de la formuler correctement, mais je pense que c’est le bon moment pour en parler. J’ai un réel souci concernant les chalets d’alpage. Ces chalets sont considérés comme des bâtiments, mais les personnes qui les utilisent n’y séjournent que trois mois par an au maximum, pendant l’été, lorsqu’elles montent avec leurs vaches à la montagne. Ma question est la suivante : lors d’une mise à l’enquête, par exemple pour une chambre, comment ces demandes seront-elles examinées, alors qu’en toute honnêteté, il n’est pas nécessaire de chauffer ces pièces pour les agriculteurs qui y séjournent ? Je ne sais pas comment inscrire cela dans la loi, car je crains que le règlement seul ne suffise pas à protéger les paysans contre des exigences excessives lors des mises à l’enquête.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

La définition qui figure à l’article 3 – anciennement article 4 – alinéa 1, lettre a, est effectivement tirée des directives intercantonales, le fameux Modèle de prescriptions énergétiques des cantons (MoPEC). Il s’agit d’une définition reprise dans toutes les lois cantonales. La modifier créerait donc une « vaudoiserie ». Cela dit, le législateur reste souverain.

Pour répondre à la députée Baux, les besoins de chauffage concernent principalement l’hiver. Ce sont donc les règles en matière d’isolation qui s’appliquent, sauf dérogations pour des motifs de proportionnalité, mais nous y reviendrons tout à l’heure. L’article 8 prévoit précisément des dispositions pour éviter que des travaux coûteux soient imposés pour des locaux qui ne sont pas utilisés toute l’année. L’objectif est d’avoir une loi appliquée de manière intelligente et proportionnée, afin de ne pas contraindre les propriétaires à investir massivement dans de petits locaux utilisés seulement une partie de l’année. Si la consommation annuelle est faible, il est possible de déroger à certaines contraintes prévues par la loi. Cet élément a aussi été discuté et pris en compte dans l’ensemble du dispositif.

Enfin, la définition du terme « bâtiment » a été discutée en commission. Il a été estimé – à juste titre à mon sens – qu’il était nécessaire de maintenir une définition similaire à celle des autres cantons suisses. Sans cela, la loi serait difficile à comparer et appliquer, et les pratiques dans le canton de Vaud divergeraient des normes intercantonales et fédérales. Il nous paraît donc essentiel de conserver la même définition que dans l’ensemble des cantons suisses.

M. Jacques-André Haury (V'L) —

J’aimerais clarifier un point. Il ne s’agit pas de la définition de « bâtiment », mais plutôt du champ d’application de la loi. Cette dernière couvre l’approvisionnement, la production, la distribution et la consommation d’énergie sous toutes leurs formes.

Dans le cas d’un chalet d’alpage qui ne consomme pratiquement pas d’énergie, il me semble que la loi ne devrait pas s’appliquer. Elle devrait uniquement concerner les consommations d’énergie réelles. En particulier, le chauffage en hiver dans des chalets simplement recouverts de neige échappe, selon moi, à l’application de la loi comme prévu à l’article 1 que nous venons d’adopter.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Oui, vous avez tout à fait raison, monsieur Haury. Une dérogation peut en effet être prévue en cas de faible consommation, ce qui concerne notamment les chalets d’alpage. Ces chalets, occupés seulement quelques mois par an, ne justifient pas que l’on investisse des dizaines de milliers de francs dans leur assainissement, alors qu’ils consomment très peu d’énergie sur l’année. Il s’agit donc clairement d’un cas dérogatoire. Bien sûr, si le bâtiment est utilisé toute l’année, par exemple pour un bed &breakfast, la dérogation s’appliquera avec un peu moins de souplesse. Mais le principe reste le même : en cas de faible consommation énergétique, il ne faut pas contraindre le propriétaire à des investissements disproportionnés.

M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

L’amendement Weissert a été déposé par un collègue commissaire, en première lecture, durant les travaux de la commission, mais à la suite des réponses du département, il a été retiré. Dès lors, nous ne l’avons pas voté.

M. Jean-Marc Udriot (PLR) —

Monsieur Venizelos, quand vous dites « faible consommation énergétique », avez-vous quelque chose en tête ?

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Je serais bien en peine de vous dire maintenant quelles seront exactement les règles appliquées, car cela figurera dans le projet de règlement. Toutefois, c’est une notion largement utilisée dans le métier, qui permet d’intégrer la notion de faible consommation dans l’ensemble du dispositif de la loi, notamment à l’article 32. Encore une fois, il s’agit d’éléments très techniques qui seront précisés dans le règlement. Ils traduisent une pratique déjà observée et appliquée dans le canton de Vaud, ainsi que dans les autres cantons. Ce type de détail n’a pas sa place dans la loi elle-même, mais clairement dans le règlement.

M. Stéphane Montangero (SOC) — Président-e

Au vote, 63 membres se prononcent en faveur de l’amendement Cédric Weissert et 63 s’y opposent. L’amendement est refusé, le président ayant voté à son encontre.

M. Grégory Bovay (PLR) —

Je demande un vote nominal

M. Stéphane Montangero (SOC) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui soutiennent l’amendement Cédric Weissert votent oui ; celles et ceux qui le refusent votent non ; les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, l’amendement Cédric Weissert est accepté par 68 voix contre 65.

*Insérer vote nominal

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Je me permets de revenir sur le vote qui vient d’avoir lieu. Nous reprendrons ce point lors du deuxième débat. Avec cet amendement, on sort complètement du cadre fédéral. Par exemple, une entreprise fribourgeoise qui souhaiterait intervenir dans le canton de Vaud serait soumise à un régime différent. Or, lorsqu’on parle de simplification administrative et de clarté des dispositions, il est important de noter que cette entreprise devrait s’adapter à cette définition des bâtiments, alors que, partout ailleurs en Suisse, la pratique suit la définition proposée dans ce projet de loi.

M. Stéphane Montangero (SOC) — Président-e

L’amendement de la majorité de la commission est accepté avec 1 avis contraire et quelques abstentions.

L’article 3, amendé, est accepté par 75 voix contre 11 et 44 abstentions.

Art. 5. –

M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Cet article a été accepté à l’unanimité de la commission, sans amendement. 

Mme Laurence Cretegny (PLR) —

J’ai oublié de déclarer un intérêt : je suis membre bénévole du Conseil de fondation de Lavigny. Actuellement, dans l’article 5, alinéa 3, le Conseil d’Etat indique des exigences supplémentaires que les sites doivent respecter, en plus des obligations prévues par la présente loi. Cela signifie qu’en pratique, nous avons déjà des coupes budgétaires, un classement du site qui est à venir, et maintenant des exigences supplémentaires via une directive ou un règlement du Conseil d’Etat. Pouvez-vous nous préciser concrètement quelles seront ces exigences ? J’avoue craindre qu’en multipliant les demandes, on finisse par ne réaliser que le minimum nécessaire, faute de moyens suffisants.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Cet article reprend quasiment mot pour mot l’article 10 de l’actuelle Loi sur l’énergie. Il ne s’agit donc pas d’une révolution. La principale nuance est que nous précisons que les communes détenant une participation financière de plus de 50 % sont également soumises à ce devoir d’exemplarité.

Cette disposition traduit l’article constitutionnel 56, adopté par la population en juin 2023 – sauf erreur – qui établit clairement l’exemplarité de l’Etat et des communes. Ainsi, nous reprenons l’article 10 existant, sans changement majeur, mais en l’étendant aux institutions et organismes dont les communes détiennent plus de 50 % de participation. Je le répète : ce n’est pas une révolution. Les communes bénéficient également du dispositif de subventions, comme le programme bâtiment et le crédit d’investissement de 13,5 millions, et elles restent bien entendu éligibles aux régimes de dérogation.

Il nous semble important de reprendre cette mesure existante. Nous n’allons pas être moins exigeants, dans la nouvelle Loi sur l’énergie, vis-à-vis des communes et de l’Etat en matière d’exemplarité. En revanche, il nous paraît important de venir avec l’ensemble du dispositif de subvention qui profite à l’ensemble des propriétaires et également aux communes. Le Conseil d’Etat est tout à fait conscient que, pour certaines communes, cela va nécessiter des travaux importants, raison pour lesquels les 13,5 millions qui vous seront proposés – et qui sont actuellement en discussion en commission – permettront d’avoir de l’argent supplémentaire, notamment pour les bâtiments communaux. 

M. Stéphane Montangero (SOC) — Président-e

L’article 5 est accepté avec quelques abstentions.

Art. 6. –

M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Pour cet article 6, qui reprend également une disposition existante de la loi, la commission propose un premier amendement à l’alinéa 1. Il s’agit non seulement de maximiser le recours à l’énergie solaire, mais aussi d’optimiser son stockage.

« Art. 6. – Al. 1 : Pour les bâtiments dont l’Etat est propriétaire ou pour lesquels il participe financièrement, le Conseil d’Etat soumet au Grand Conseil les adaptations nécessaires qui permettent de maximiser le recours à l’énergie solaire et d’optimiser son stockage, dans le but d’atteindre l’autonomie électrique d’ici 2035. »

Cette proposition découle d’un exemple concret, celui de la construction d’un gymnase, où tout avait été prévu pour l’installation de panneaux solaires afin d’être exemplaire, mais sans solution de stockage sur place. L’objectif de l’amendement est donc d’ajouter cette dimension de stockage. Cet amendement a été adopté à l’unanimité par la commission.

M. Stéphane Montangero (SOC) — Président-e

L’amendement de la majorité de la commission est accepté avec 1 avis contraire et plusieurs abstentions.

M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

La commission propose un deuxième amendement, à l’alinéa 2. Je vous rappelle qu’en l’état actuel, le Conseil d’Etat doit présenter au Grand Conseil un rapport annuel sur l’avancement de l’utilisation du solaire dans les bâtiments de l’Etat.

Les premières années, cette procédure n’a pas parfaitement fonctionné, notamment dans le cadre du budget, et la première réponse avait même été refusée. Depuis, la Direction générale des immeubles et du patrimoine (DGIP) s’est renforcée dans sa capacité à produire ces rapports et nous a présenté l’an passé un rapport jugé très satisfaisant.

La commission a donc estimé qu’il serait plus approprié que ce rapport soit publié chaque année, sans qu’il soit nécessairement présenté au Grand Conseil dans le cadre d’un rapport annuel. Elle vous propose donc l’amendement suivant qui a été adopté par 14 voix et 1 abstention au sein de la commission :

« Art. 6. – Al. 2 : Le Conseil d’Etat publie une information annuelleprésente au Grand Conseil un rapport sur l’état d’avancement du recours à l’énergie solaire sur les toitures et façades des bâtiments dont l’Etat est propriétaire ou pour lesquels il participe financièrement. »

M. Pierre Kaelin (PLR) —

J’aurais une question concernant l’alinéa 2. Je ne suis pas sûr de bien comprendre la formulation « l’état d’avancement du recours à l’énergie solaire sur les toitures et façades des bâtiments dont l’Etat est propriétaire ». Cela signifie-t-il que l’on va favoriser, voire imposer, l’installation de façades solaires ? C’est ainsi que je le perçois. Je sais qu’aujourd’hui, on développe déjà pas mal de façades solaires, ne serait-ce qu’à l’EPFL. Mon interprétation est-elle bonne : les rénovations avec façades solaires seront-elles priorisées ?

M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Je vous rappelle que cet article fait suite à une motion que j’avais déposée, visant à renforcer l’autonomie énergétique des bâtiments de l’Etat. L’idée était d’installer des panneaux solaires là où c’est possible, y compris sur les façades, lorsqu’elles s’y prêtent.

Par exemple, pour le gymnase dont je parlais tout à l’heure – je crois qu’il s’agit du gymnase d’Echallens – des panneaux solaires ont été installés sur les façades. D’ailleurs, dans une optique de production hivernale, l’installation de panneaux solaires en façade est particulièrement recommandée.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Je partage ce point de vue. D’une part, cet article traduit une volonté du Parlement, qui avait soutenu cette motion. D’autre part, cet alinéa stipule que le Conseil d’Etat doit informer le Grand Conseil, comme le proposait déjà le Conseil d’Etat et comme cela est prévu dans le règlement actuel.

La commission souhaite qu’il y ait une publication, ce qui donne un peu plus de visibilité à cet élément. Cependant, à aucun moment cet article n’impose à l’Etat de poser des panneaux solaires sur toutes les façades. L’objectif est simplement d’optimiser l’utilisation de l’énergie solaire. Par transparence, le Conseil d’Etat s’engage à rendre compte au Parlement et à la population de la manière dont cette énergie est déployée sur les différents bâtiments. Chaque projet sera analysé au cas par cas, et cet alinéa ne vise en aucun cas à généraliser systématiquement la pose de panneaux solaires sur toutes les façades des bâtiments de l’Etat.

M. Jacques-André Haury (V'L) —

J’ai encore une question, toujours sur cet article. Lorsque l’Etat est propriétaire d’un bâtiment ou y participe financièrement, est-ce que cela inclut, par exemple, une crèche subventionnée par l’Etat ? Peut-être que le rapport le précise, mais je dois avouer ne pas avoir vérifié ce détail. En tout cas, cette formulation me semble particulièrement large.

M. Pierre-André Romanens (PLR) —

Juste une remarque importante concernant le rapport ou l’information. La rédaction d’un rapport demande beaucoup d’énergie et de personnel pour pouvoir le produire chaque année. Chaque année, un rapport est établi par le Conseil d’Etat. Cela nous semblait un peu disproportionné. Ici, on parle plutôt d’une information, ce qui est beaucoup plus souple et léger. Il s’agit simplement de préciser ce qui se passe : combien, comment, où et quand ? Pas forcément de produire un rapport annuel qui mobiliserait énormément de ressources et, éventuellement, des ETP.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

La réponse est non. Il ne s’agit pas d’imposer cette disposition à toutes les institutions subventionnées par l’Etat. En revanche, si l’Etat participe aux travaux de construction, par exemple via un crédit d’investissement pour un bâtiment utilisé par une entité ou un partenaire parapublic, alors cette disposition s’appliquerait. Elle ne s’applique donc pas de manière générale à toutes les entités subventionnées.

M. Jean-Marc Udriot (PLR) —

L’énergie solaire ne se limite pas aux toitures ou aux façades. Il existe d’autres solutions. Dès lors, ne devrions-nous pas envisager de supprimer les mots « toiture » et « façade » de l’alinéa 2  ?

M. Alberto Mocchi (VER) —

Je pense qu’il ne faut pas entrer dans trop de détails à ce stade. Très probablement, si le Conseil d’Etat installe des panneaux solaires sur une cour attenante à un bâtiment de l’Etat, il en fera mention dans son rapport. L’important n’est pas d’aller trop loin dans le détail de cet article, mais de pouvoir suivre régulièrement l’état de la pose de panneaux solaires sur les bâtiments appartenant à l’Etat, peu importe leur emplacement exact.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Ce sont des options qui sont analysées et étudiées au cas par cas. Le fait que cet alinéa ne mentionne pas les aménagements extérieurs ou les surfaces ouvertes n’empêche en rien l’Etat d’installer des panneaux solaires sur ces espaces. Dans certains projets, cette possibilité est d’ailleurs clairement étudiée.

M. Jean-Marc Udriot (PLR) —

Monsieur Mocchi, mon objectif n’est pas d’entrer dans le détail. Cela dit, je propose un amendement supprimant les mots « façades » et « toitures », afin de laisser ouvertes toutes les possibilités, que ce soit sur des préaux, des terrains ou ailleurs.

« Art. 6. – Al. 2 : Le Conseil d’Etat présente au Grand Conseil un rapport annuel sur l’état d’avancement du recours à l’énergie solaires sur les toitures et façades des bâtiments dont l’Etat est propriétaire ou pour lesquels il participe financièrement. » 

M. Olivier Petermann (PLR) —

Afin d’améliorer l’efficience de l’administration, je proposerais plutôt de supprimer l’alinéa 2. De toute façon, le Conseil d’Etat communique déjà régulièrement ; il ne s’agit pas d’un rapport, mais simplement d’une information. Commencer à trier les éléments à ce niveau me paraît superflu. Je propose donc de supprimer l’alinéa 2.

« Art. 6. – Suppression de l’alinéa 2 »

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

On peut tout à fait accepter cet amendement, sachant qu’un bâtiment comprend déjà façades et toiture. Cela ne change donc rien. Si l’objectif est de permettre la pose de panneaux solaires sur des aménagements extérieurs, c’est de toute façon possible : dans tous les cas, l’Etat étudie cette option.

M. Stéphane Montangero (SOC) — Président-e

L’amendement Jean-Marc Udriot est accepté avec quelques avis contraires et abstentions.

L’amendement de la majorité de la commission est accepté avec quelques abstentions.

M. Laurent Balsiger (SOC) —

Autant j’étais d’accord avec M. Udriot sur la suppression de ces quelques mots, qui ne changeaient pas grand-chose et permettaient d’impliquer l’ensemble du bâtiment, autant je ne peux accepter cette proposition de M. Petermann. Ne pas vouloir disposer d’informations régulières sur ce qui était pourtant une motion adoptée – pour assurer le suivi de la mise en œuvre d’une politique publique sur le photovoltaïque dans les bâtiments de l’Etat – me semble regrettable. C’est un peu comme commander une voiture sans vouloir le compteur de vitesse ni les instruments permettant de savoir où l’on en est. Il me paraît donc normal, judicieux et utile que ces informations soient disponibles. De toute façon, l’Etat disposera lui-même de ces données pour vérifier si la mise en œuvre de la demande du Grand Conseil est effective ou non. Je suis assez surpris que ce Grand Conseil, alors qu’il a soutenu cette demande, ne souhaite pas être informé de son avancement. Je vous encourage donc vivement à ne pas suivre l’amendement Petermann et à maintenir cet alinéa tel qu’il est.

M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

A mon tour, je vous propose de refuser cet amendement. J’entends bien l’argument de l’efficience. C’est exactement ce que voulait la commission : le Conseil d’Etat ne doit pas produire un rapport spécifique pour le suivi de l’avancement de l’efficacité énergétique des bâtiments de l’Etat. Cela dit, à la DGIP, la Direction de l’ingénierie et de la durabilité dispose de nombreux indicateurs qui permettent justement de suivre cet article. L’information est donc déjà disponible. Ce que nous avons demandé en commission, c’est simplement de ne pas créer un rapport particulier, mais de permettre l’accès aux données que cette direction produit, car il est important de savoir si cet article est réalisable et s’il progresse conformément à nos attentes.

Mme Aude Billard (SOC) —

J’abonde dans le sens de mes deux préopinants. Je pense qu’il y a un véritable malentendu. La commission a modifié le texte original pour simplifier les processus, exactement comme l’a souligné M. Suter, en utilisant une information qui existe déjà et en la rendant accessible à toutes nos concitoyennes et tous nos concitoyens. Vous l’avez rappelé à plusieurs reprises : vous souhaitez que l’Etat soit exemplaire, et vous avez parfaitement raison. Mais le seul moyen de le vérifier, c’est d’avoir accès aux statistiques. Nous demandons précisément que ces statistiques soient publiées annuellement pour permettre un suivi régulier et évaluer l’efficacité des mesures prévues par cette loi. Je vous encourage vivement à soutenir cette démarche. Ce n’est pas une charge administrative supplémentaire ; au contraire, il s’agit simplement de rendre publique une information déjà disponible, et pas seulement réservée au Grand Conseil. J’espère vraiment qu’il s’agit d’un malentendu, car l’objectif est précisément de permettre un suivi clair et transparent de l’exemplarité de l’Etat.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Cette disposition figure actuellement dans le règlement d’application. C’était un souhait de votre Parlement, qui voulait être informé de l’exemplarité de l’Etat en matière de développement de l’énergie solaire. Un important travail a été mené par le département en charge des immeubles et du patrimoine, et des processus efficaces sont désormais en place. Il ne s’agit donc pas d’une charge excessive, et ces suivis continueront de toute façon à être réalisés. Reste à savoir si vous souhaitez être informés de ces éléments ou non. Il vous appartient de supprimer cet alinéa 2 si vous le souhaitez, mais si le Grand Conseil ne désire pas recevoir cette information, dont acte.

M. Stéphane Montangero (SOC) — Président-e

L’amendement Olivier Petermann est refusé par 73 voix contre 51 et 7 abstentions.

L’article 6, amendé, est accepté avec quelques avis contraires et abstentions.

Art. 7. –

M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Plusieurs propositions d’amendements sont relatives à cet article 7, alinéa 3. L’amendement validé par la commission est le suivant : 

« Art. 7. – Al. 3 : L’Etat et les communes peuvent se fixer des objectifs propres de réduction de consommation, les communes peuvent en faire de même. » 

Mme Mathilde Marendaz (EP) — Rapporteur-trice de minorité

La minorité de la commission propose également un amendement à l’alinéa 3. En effet, cette dernière se réjouit de ce nouveau principe de sobriété énergétique qui découle notamment d’une motion de notre collègue Elodie Lopez acceptée par le Parlement pour une législation en faveur de la sobriété énergétique. Cependant, nous regrettons la portée peu contraignante de cet article, même amendé, dans un contexte qu’on sait budgétairement tendu. Les objectifs de réduction de consommation nécessiteront des ressources financières. Il nous semble qu’il s’agit de se montrer un petit peu plus contraignant. 

Par conséquent, sur la base d’une suggestion d’objectifs Climat, afin de diminuer la portée facultative de l’alinéa et de proposer de rendre la fixation d’objectifs propres de réduction de consommation obligatoire, non seulement pour l’Etat, mais également pour les communes, je propose l’amendement suivant :

« Art. 7. – Al. 3 : L’Etat et les communes peuvent se fixernt des objectifs propres de réduction de consommation,. les communes peuvent en faire de même. » 

Aujourd’hui, toutes les communes ne possèdent pas de Plan climat – le principe n’est pas harmonisé – et celles qui en sont pourvues ne sont pas obligées de se fixer des objectifs mesurables de réduction de consommation. En outre, il n’échappe à personne que les plans climat se résument souvent à des listes de vœux sans budget spécifique, sans monitoring particulier, sans personne désignée responsable de leur réalisation. En effet, ces démarches s’avèrent aujourd’hui encore insuffisantes. C’est d’ailleurs la raison d’être du projet OK Climat de l’Alliance Climatique qui analyse les politiques climatiques communales. Ainsi, il s’agit de préciser que l’État et les communes se fixent des objectifs propres de réduction de consommation. 

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Face à ces deux propositions d’amendement, j’aimerais poser une question : n’existe-t-il pas une contradiction avec ce qui figure à l’article 18, en particulier l’amendement n° 31 proposé par la commission, qui indique que « dans le cadre de l’élaboration des autres plans directeurs, les communes réalisent une planification énergétique » ? Il s’agit d’un amendement accepté par 8 voix contre 6 et 1 abstention. En outre, le texte de l’alinéa 3 de l’article 18 a été modifié. Il prévoyait initialement « L’Etat encourage les communes à réaliser », mais on a souhaité se montrer plus impératif. Or, l’amendement qui nous occupe à l’article 7 laisse les choses de façon purement potentielle. Par conséquent, je me demande comment les communes peuvent, dans un plan directeur, réaliser une planification énergétique si, d’un autre côté, elles n’ont pas fixé d’objectifs. En effet, établir des plans directeurs sans avoir d’objectifs risque de se révéler un peu compliqué. 

M. Pierre Zwahlen (VER) —

Je crois que notre collègue Buffat met le doigt sur une question sensible. En effet, si les communes établissent une planification énergétique, elles doivent également se fixer des objectifs pour lutter contre le gaspillage énergétique. En outre, l’article 7 est l’un des plus importants de cette loi, selon le principe célèbre que le kilowattheure le moins cher reste celui que l’on ne consomme pas. A cet égard, la commission a franchi un pas en établissant le principe selon lequel l’Etat se fixe des objectifs contre le gaspillage de l’énergie. Et, de facto, les communes doivent en faire de même. Or, pour parvenir à la neutralité carbone que nous voulons atteindre d’ici le milieu du siècle, cela s’avère essentiel. A ce titre, je vous invite à voter l’amendement de la minorité. 

M. Jean-Marc Udriot (PLR) —

Selon moi, contrairement à M. Zwahlen, je vous invite à refuser cet amendement, car il faut cesser de vouloir constamment imposer des choses aux 300 communes de ce canton ; je m’exprime en tant que syndic. Aujourd’hui, nous avons établi tant la Planification énergétique territoriale (PET) que le Plan énergie climat (PEC). Si le PET, lié aux plans d’affectation communaux, est obligatoire, le PEC, en revanche, ne l’est pas. 

En outre, les communes ne fonctionnent pas toutes sur le même mode et ne se confrontent pas aux mêmes problèmes ni à des priorités identiques, même si le climat en fait à coup sûr partie. Cependant, dans la vie d’une commune, certaines priorités existent. Imposer ce genre de principes aux communes me semble contre-productif. En effet, cela pourrait bientôt conduire à engager des délégués à l’énergie dans des communes de 150 habitants. 

M. Philippe Jobin (UDC) —

M. Udriot a parfaitement raison. Pour notre part, nous avons réalisé une PET sur une période de 8 à 10 ans. Ensuite, quant au PEC, si vous voulez recevoir quelques financements de l’Etat, il faut prévoir des réductions des émissions de gaz à effet de serre ; c’est une obligation. Puis, il existe différents points. Chez nous, environ une trentaine. Pendant 4 ans, nous les avons scrutés et scannés. Nous avons mis en place des panneaux photovoltaïques, des pompes à chaleur, et nous avons planté des arbres. Ainsi, lorsque les communes sont engagées dans les PEC, l’obligation de posséder des objectifs précis s’impose. En conclusion, je m’opposerai à l’amendement de la minorité. 

M. Loïc Bardet (PLR) —

Si cette loi sur l’énergie devait être acceptée, elle engendrerait un certain nombre de tâches supplémentaires, notamment liées à l’article 8 qui concerne les dérogations. J’en profite pour déclarer mes intérêts comme municipal d’une commune de 600 habitants. Nous sommes des miliciens, nous n’avons pas forcément une grosse administration communale à disposition. A ce titre, si vous voulez éviter une levée de bouclier des communes comme on l’a déjà connu dernièrement avec l’avant-projet de Loi sur les communes, je considère qu’il s’agit de ne pas trop « charger la barque ». En effet, l’article 7, alinéa 3, tel que sorti des travaux de commission, qui demande que l’Etat assure son devoir d’exemplarité, mais que les communes conservent la liberté de se fixer ou non des objectifs, me paraît tout à fait équilibré et respectueux de l’autonomie communale. En conclusion et à titre personnel, je vous appelle très vivement à refuser l’amendement de la minorité de la commission.

Mme Chantal Weidmann Yenny (PLR) —

Par rapport à l’amendement de la minorité de la commission, il faut savoir qu’au sein d’une commune, cela s’avère assez complexe à monitorer. Finalement, cette loi s’attache essentiellement à l’assainissement énergétique des bâtiments. Comme les travaux qui seront effectués sont liés aux subventions, nous parviendrons à estimer ce qui a été assaini. J’estime qu’il s’agit du meilleur indicateur. En effet, monitorer l’ensemble touche tous les citoyens ; c’est une procédure extrêmement complexe. Par conséquent, je vous invite aussi à refuser cet amendement. 

M. Laurent Balsiger (SOC) —

Pour ma part, j’aimerais d’abord féliciter nos collègues Udriot et Jobin pour la pertinence de leurs actions, puisque les objectifs sont formulés et inclus dans les PET et les PEC de leur commune. Même pour les communes qui n’ont pas de PEC, cela reste assez facile, comme j’ai pu le vérifier lorsque j’étais ingénieur à la Ville de Pully. En effet, comme on le fait pour des budgets, se fixer des baisses de quelques pourcents sur la consommation énergétique de bâtiments ou sur les budgets énergie de ces bâtiments n’exige pas forcément de PEC. 

Ainsi, cet article n’affiche pas d’ambitions démesurées ; il peut se réaliser sans coût ajouté. Comme formulé par notre collègue Buffat, quand on veut aller quelque part, il importe de savoir où. Ainsi, les communes étant censées être exemplaires, comme le rappelait aussi notre collègue Zünd tout à l’heure, il me semble pertinent de garder cet article qui, je le répète, n’est pas particulièrement ambitieux, mais demande simplement d’avoir des objectifs. Tout à l’heure, nous avons pu entendre deux exemples de communes qui s’y sont employées – la plupart des communes possèdent des objectifs en matière énergétique. Par conséquent, je vous encourage à soutenir cet amendement. 

M. Jerome De Benedictis (V'L) —

Je rappelle une fois encore mes fonctions de syndic de la commune d’Echandens. Il importe de répéter que les communes accomplissent le travail et que toutes les communes, quelle que soit leur taille, se fixent des objectifs en termes de réduction de consommation. Pour ma part, j’accorde ma pleine confiance aux communes qu’elles comptent plusieurs dizaines de milliers d’habitants ou seulement une centaine : cela s’appelle l’autonomie communale. Je vous encourage à la respecter en refusant cet amendement et en suivant la proposition du rapport de majorité. 

M. Denis Dumartheray (UDC) —

Je déclare mes intérêts comme syndic d’une commune de 1’500 habitants, en phase II de son PEC, et je suis opposé à cet amendement. Selon moi, nous devons laisser les communes – pas uniquement l’exécutif, mais aussi le législatif – ainsi que la population de nos communes, petites ou grandes, aller de l’avant et amener des propositions. Le travail relatif à un PEC est aussi participatif, implique les conseillers communaux et la population. Les choses avancent de cette manière plutôt que par des textes contraignants. 

Monsieur Balsiger, cher collègue, rien n’est facile ! Proclamer 2 % ou 3 % devant un Conseil communal de 35 personnes ou un Conseil général auquel les gens participent parce qu’ils regardent à leur porte-monnaie n’est pas un discours qui fonctionne. Il faut plutôt des actes. Les communes s’acquittent fort bien de ces tâches. J’ai parfois participé à la commission pour remplacer mes collègues et j’y ai trouvé une ambiance assez sereine et ouverte. Je me suis abstenu lors du vote d’entrée en matière, parce que je pense que nous devons aller de l’avant. Le projet de loi cite 90 fois le terme « canton » et 70 fois le terme « communes ». Nous en reparlerons lors de la question des dérogations, notamment. Cessons de tout mettre sur le dos des communes. 

Mme Carole Dubois (PLR) —

J’annonce mes intérêts comme municipale à l’aménagement du territoire pour la commune du Chenit et vous encourage à soutenir le rapport de majorité. Nous avons non seulement un PEC, mais aussi une PET et, en plus, le label Cité de l’énergie ! Je me sens d’autant plus à l’aise pour vous dire que bien que nous soyons de bons élèves, nous ne sommes pas toujours très récompensés. Ainsi, je vous demande de laisser agir le génie local. En effet, aucune commune n’a intérêt à négliger les efforts en matière de transition énergétique. Toutefois, elles n’ont pas toutes les mêmes moyens au même moment. 

Enfin, les communes sont étranglées, tant en ressources humaines que financières, par la multiplication des obligations de planification. Or, entre-temps, elles n’ont pas le temps de s’occuper d’autres tâches. Ainsi, non seulement je vous encourage à voter la proposition de la majorité, mais je m’exprimerai aussi lors de notre discussion sur l’article 18 pour que nous revenions, dans son alinéa 3, à la proposition du Conseil d’Etat, c’est-à-dire l’encouragement faite aux communes plutôt que l’obligation d’établir une planification énergétique. 

Mme Mathilde Marendaz (EP) — Rapporteur-trice de minorité

Je me réjouis de ce qu’a mis en évidence M. Buffat, à savoir que, par cohérence avec le vœu de la commission, les communes réalisent une planification énergétique. Ainsi, il serait logique de soutenir l’amendement que je propose, afin de concrétiser le vœu de cet article 7 visant la réduction de la consommation et du gaspillage énergétique. 

Pour les personnes qui s’inquiètent pour les communes – comme plusieurs personnes l’ont souligné – le PEC communal n’est pas obligatoire. Nous sommes tous très heureux d’avoir entendu les bons élèves s’exprimer sur leur commune. Toutefois, je crois que beaucoup se méprennent sur la portée de cet amendement. En effet, fondamentalement, il demande que les communes se fixent des objectifs de réduction de consommation, mais ne mentionne ni délai temporel ni nature des objectifs de consommation ; c’est-à-dire une importante marge d’autonomie. Il s’agit surtout de proposer une impulsion de cohérence avec l’action de l’Etat, avec l’article 7, central pour le principe de sobriété énergétique. Par conséquent, pour que ce dernier ne se cantonne pas au stade de vœu pieux, il faut soutenir cet élan en cohérence avec l’action de l’Etat et celle des communes. 

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Pour commencer, j’aimerais clarifier que l’article 7 porte sur la sobriété énergétique, c’est-à-dire sur des objectifs de consommation, alors que l’article 18 est relatif à la planification énergétique territoriale. Aujourd’hui, les planifications énergétiques territoriales sont déjà obligatoires, mais pour des territoires fortement urbanisés ; pour les petites communes, elles relèvent d’une possibilité. Il existe d’ailleurs des guides de recommandation pour accompagner les communes qui souhaiteraient l’entreprendre – une démarche qui rencontre d’ailleurs de plus en plus de succès. Nous reviendrons bien entendu à l’article 18 tout à l’heure, mais l’idée du Conseil d’Etat – avant amendement de la commission – consistait à maintenir le dispositif actuel, c’est-à-dire à ne pas ajouter une nouvelle contrainte pour les communes. 

Introduire dans une loi un principe de sobriété énergétique, de lutte contre le gaspillage est inédit. Par conséquent, pour le Conseil d’Etat, le mode potestatif constituait un bon moyen d’inciter les différentes communes à intégrer des objectifs de consommation dans leur programme politique ou à soutenir des démarches comme « éco-logement », qui permettent d’identifier dans un logement – appartement ou maison – les possibilités d’économie. Ainsi, dans les deux cas, à l’article 7 ou 18, le Conseil d’Etat propose un mode potestatif – en tout cas en partie en ce qui concerne l’article 18. La commission a traduit une volonté d’imposer ces objectifs de consommation à l’Etat et aux communes. Même avec le mode potestatif, l’Etat a déjà prévu une stratégie nantie de différents objectifs qu’il partagera volontiers avec vous. 

Pour le reste, l’amendement porté par la minorité de la commission va à l’encontre de l’intention du Conseil d’Etat, c’est-à-dire d’y aller graduellement, puisqu’introduire la notion de sobriété énergétique constitue déjà un pas important. L’idée consistait à accompagner les communes dans le déploiement des objectifs de consommation pour atteindre le zéro carbone à l’horizon 2050. A ce titre, je rappelle que nous devons nous appuyer sur les trois leviers : la production d’énergie renouvelable, l’efficacité énergétique par le biais de l’assainissement énergétique des bâtiments, mais aussi la lutte contre le gaspillage énergétique. 

M. Stéphane Montangero (SOC) — Président-e

L’amendement de la majorité de la commission, opposé à celui de la minorité, est préféré par 79 voix contre 44 et 8 abstentions.

L’amendement de la majorité de la commission est accepté avec quelques abstentions.

L’article 7, amendé, est accepté avec quelques abstentions. 

Art. 8. –

M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

A cet article 8, alinéa 2, lettre a, la commission unanime propose un amendement. Selon elle, il ne s’agit que d’un souci de clarification. 

« Art. 8. – Al. 2, lit a : La dérogation permet de ne paspermet d’éviter de porter atteinte à un intérêt privé ou public prépondérant ; »

M. Stéphane Montangero (SOC) — Président-e

L’amendement de la majorité de la commission est accepté avec quelques abstentions.

M. Grégory Bovay (PLR) —

Je déclare mes intérêts comme membre de la commission. Parfois, nous avons un peu « la tête dans le guidon » et certaines choses nous échappent sur le moment. Par rapport à cet article 8, ce dernier évoque les possibilités de dérogation, et son alinéa 1 relève que « les mesures prévues ne peuvent être imposées que si elles sont économiquement supportables ». Toutefois, aucun cas de figure de dérogation n’est présent dans le cas particulier du propriétaire en incapacité financière. Une telle définition est en revanche présente dans l’avant-projet du règlement, puisqu’une des conditions générales de dérogation figurant à l’article 15 dudit avant-projet est prévue, soit « l’incapacité financière du propriétaire est considérée comme établie en cas de refus de prêt par deux établissements de crédit ».

Aussi, je vous propose de reprendre ce principe d’incapacité financière, mais plutôt que deux, il ne s’agirait que d’un seul établissement, étant entendu que la méthode pour définir la possibilité d’un prêt – ou de son refus – est semblable entre les établissements de crédit. En d’autres termes, si la demande est refusée dans un cas, elle le sera apparemment également dans le deuxième. Par conséquent, je propose d’élever ce point-là au niveau de la loi. Ainsi, mon amendement est propre à rassurer les propriétaires, notamment retraités, qui craignent pour leurs quelques économies. Il porte également un message à l’intention de la population, autrement dit que seuls des assainissements peuvent être faits lorsqu’il existe une capacité financière ou de financement suffisant. Ainsi, mon amendement est le suivant :

« Art. 8. – Al. 2, lit c (nouvelle) : La dérogation est justifiée par l’incapacité financière du propriétaire. Cette dernière est notamment établie par le refus de prêt par un établissement de crédit. »

M. Laurent Balsiger (SOC) —

Comme notre collègue Bovay, j’ai aussi été membre de la commission et déclare mes intérêts. Selon moi, la limite à un seul établissement manque de pertinence, puisque tous les établissements n’ont pas les mêmes critères pour accorder ou refuser un crédit. En outre, je considère que cela ne devrait pas figurer dans la loi. D’autant plus, et nous en discuterons tout à l’heure, il s’agit aussi de tenir compte des cas de transferts de propriété, quand les hypothèques doivent être renégociées. Il serait regrettable de dire que le montant de l’acquisition ne permet pas d’entreprendre les travaux. Il me semble que cela doit être un aspect pris en compte parmi d’autres critères dans le cadre du règlement, mais le faire figurer dans la loi, a fortiori sans exceptions précisées, me paraît démesuré. J’estime que la place d’une telle dérogation et d’explications aussi précises devraient figurer dans le règlement plutôt que dans la loi. En conclusion, je vous encourage à refuser cet amendement. 

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Je vous remercie pour cette proposition d’amendement, qui reprend une disposition envisagée dans le projet de règlement, mais en préférant le refus de prêt par un seul établissement bancaire, alors que le département en envisageait plutôt deux. En effet, il est aisément imaginable que la politique de certains établissements bancaires soit plus stricte que d’autres. C’est la raison pour laquelle nous envisagions plutôt deux refus. 

En outre, cet amendement ne me paraît pas à la bonne place. En effet, cette dérogation est prévue lorsqu’un délai est imposé, alors que votre amendement entraîne une application uniforme pour l’ensemble des dispositions de la loi. Or, dans l’esprit du Conseil d’Etat, cette dérogation liée à l’incapacité financière – et je n’en remets pas du tout en cause le principe – devrait plutôt figurer dans le règlement. Si vous souhaitez à tout prix introduire cet élément dans la loi, il faudrait plutôt l’envisager à l’article 32. 

M. Grégory Bovay (PLR) —

Je vous remercie pour votre réponse, monsieur le conseiller d’Etat. Cependant, le déplacement de l’article 8 vers l’article 32 me surprend un tout petit peu. En effet, dans l’avant-projet de règlement, la définition de l’incapacité financière se trouve au chapitre 2, « dérogations » qui renvoie à l’article 8 et non 32 de la loi. Par conséquent, je maintiens mon amendement tel quel. 

M. Pierre-André Romanens (PLR) —

Selon moi, il s’agit bien de l’article où doit figurer cette précision. En outre, de quoi retourne une demande de crédit bancaire relatif à des transformations demandées par cette loi ? Cela exige de préparer un dossier assez fouillé, incluant un CECB pour pouvoir se présenter devant un établissement bancaire afin d’évaluer les capacités de financement du propriétaire. Or, un refus peut être motivé par divers critères : fonds propres, âge de la personne, revenus ou support des charges – beaucoup d’éléments souvent inconnus. Il paraît donc parfaitement logique que, dans une situation d’incapacité financière, la dérogation s’impose. Il appartient ensuite aux communes de contrôler. Il ne s’agit donc pas du tout de voir cela sous l’angle opposé, c’est-à-dire d’imaginer des personnes qui voudraient obtenir un refus pour ne pas entreprendre de travaux. 

M. Alberto Mocchi (VER) —

Vous me voyez un peu surpris. En effet, tout à l’heure, nous avons entendu beaucoup de discours relatifs à la surcharge bureaucratique amenée par cette loi. Or, avec ce type de dispositions complémentaires, il me semble que nous n’allons pas vraiment vers une simplification administrative. Aussi, la formulation telle qu’elle figure dans la loi et telle qu’elle est sortie des discussions de commission est suffisamment large pour éviter justement des démarches trop fastidieuses et génératrices de paperasse. 

M. Laurent Balsiger (SOC) —

A juste titre, notre collègue Buffat évoquait tout à l’heure sa confiance dans notre économie, confiance que je partage pleinement. Et je peux vous dire qu’il existe déjà aujourd’hui des solutions de financement sans recours à des prêts hypothécaires, notamment une start-up de l’EPFL, Rebuild, qui a trouvé des financements et qui admet toute une série d’entreprises partenaires, qui peut financer les travaux de rénovation et les répercuter en loyer. Certains groupes le font également. Il existe nombre de produits et de manières de procéder connexes qui sont en train de se développer. D’ailleurs, la loi que nous sommes en train de voter – et j’espère de tout cœur qu’elle le sera – va permettre à ces nouveaux modes de faire et de financer de se développer. Ainsi, je crois que nous conservons dans ce débat une orientation d’une manière de procéder encore actuelle, mais peut-être bientôt obsolète, de financer certains travaux de rénovation énergétique. Par conséquent, je vous invite en tout cas à ne pas inscrire un tel article dans la loi et à laisser une marge de manœuvre dans le règlement. Bien entendu, il s’agit aussi de prendre en compte la capacité financière du propriétaire. Mais, encore une fois, différents moyens existent, comme le cautionnement, que nous avons également évoqué. Laissons finalement la place à d’autres solutions que le prêt hypothécaire. Enfin, la place d’un tel amendement n’est pas dans cette loi. 

M. Jean-Marc Udriot (PLR) —

Pour ma part, cet amendement est intelligent. Comme indiqué lors du débat d’entrée en matière, il s’agit de l’argent des citoyens, de ce que cela va leur coûter. Cela me crée un vrai souci. L’article 8, alinéa 1, stipule : « si elles sont techniquement réalisables et économiquement supportables ». Par conséquent, il est question du critère économique et l’amendement proposé par notre collègue Bovay y est relatif ; l’endroit me paraît idoine. 

En outre, pour répondre à notre collègue Mocchi, je ne vois pas où ni en quoi cela constituerait une surcharge administrative. Qu’il s’agisse d’une ou de deux offres bancaires, de toute façon le propriétaire sera bien obligé de la demander – ou alors il a des « sous mignons » quelque part ! 

M. François Cardinaux (PLR) —

Pour aller voir une start-up, il vaut mieux être jeune et en bonne santé. Les banques ont une habitude de calcul, une méthode très claire. La proposition de M. Bovay me semble la meilleure solution. Pour nous les anciens, les vieux, si notre demande est refusée, elle le sera partout. Par conséquent, je soutiens absolument le jeune Grégory Bovay ! (Rires.) 

M. Pierre Zwahlen (VER) —

Je nous mets en garde contre l’étendue et la permissivité des dérogations de l’article 8. Déjà, les concepts sont particulièrement flous, il est question de « conditions techniquement réalisables, économiquement supportables », de « ne pas porter atteinte à un intérêt privé », de « ne pas porter atteinte à un intérêt public prépondérant », « d’obstacles techniques » et « de coûts moyens de mise en œuvre disproportionnés ». Beaucoup de gens vont finir devant les tribunaux lorsqu’ils se verront refuser certaines dérogations. Bien sûr le Conseil d’Etat pourra s’appuyer sur un règlement dont on nous a donné une teneur provisoire et qui ne répond pas vraiment à une délimitation plus stricte de ces termes. Ainsi, alourdir encore les dérogations par la nouvelle proposition de notre collègue Bovay va compliquer encore les choses, alors que figure déjà une interprétation très large de ces dérogations qui mettent d’ailleurs – comme je l’ai dit lors du débat d’entrée en matière – en péril l’atteinte des objectifs climatiques. 

Enfin, pour ma part, je renonce à amender cet article 8. Je vous invite à refuser l’amendement Bovay et j’émets le vœu que le gouvernement détermine dans son règlement d’application des dispositions concrètes simplifiant et permettant à l’Etat et aux communes qui appliqueront la plupart de ces dispositifs, de les fonder sur des bases matérielles les plus concrètes possibles. 

M. Cédric Weissert (UDC) —

En amont, j’annonce mes intérêts puisque je travaille dans le milieu bancaire. D’abord, quant aux propos de M. Mocchi, je ne vois effectivement pas en quoi l’amendement Bovay complexifie la loi, puisque cela figurait à priori dans le règlement d’application. Ainsi, on se limite à le mentionner dans la loi puisque nous avons la main sur cette dernière, ce qui n’est pas le cas du règlement d’application. 

Ensuite, concernant les demandes de prêts : une personne va auprès de son établissement bancaire, qui connaît sa situation et va l’analyser. Si elle estime que la personne n’a pas les moyens de pouvoir augmenter sa dette pour financer les travaux, elle le fera par une lettre de refus. Si nous demandons deux établissements, cela va créer du travail administratif supplémentaire, une sorte de chasse à la lettre de refus où il faudra aller solliciter les établissements, comme le font certaines personnes au chômage pour réunir le nombre de signatures nécessaires et toucher leurs indemnités. 

Je pense que cela créera des charges administratives supplémentaires aux établissements financiers qui, pendant qu’ils s’occuperont de ça, ne feront rien d’autre. Qui prend en charge les frais ? Le client ? Ajouter des charges à des personnes qui n’ont déjà pas beaucoup de moyens ? Leur demander de payer des frais comme lorsqu’on se rend chez un notaire ? Rien n’est gratuit à l’heure actuelle. Est-ce l’Etat qui prend ces éléments à sa charge ? Je ne pense pas. La banque ne le fera pas gratuitement. Selon moi, il n’est pas cohérent d’en exiger deux. Je pense qu’un seul suffit et est pertinent. Enfin, je soutiendrai cet amendement. 

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

Je vous invite à refuser l’amendement de M. Bovay. Il me semble que c’est un minimum de demander à la personne qui veut bénéficier d’une dérogation de fournir la preuve que ce n’est effectivement économiquement pas supportable. De plus, pour autant que je sache, les banques sont encore dans un monde concurrentiel. Ce qui signifie qu’elles appliquent des conditions différentes. Il est parfaitement courant d’aller chercher deux offres différentes auprès de deux prestataires distincts. Nous vivons dans un monde où la concurrence existe, me semble-t-il. Apporter cette preuve me paraît donc parfaitement normal. Enfin, je vous invite à refuser l’amendement de M. Bovay. 

M. Pierre Kaelin (PLR) —

Cette dérogation ne touchera vraiment qu’une faible minorité. Je crois qu’il est inutile de se battre sur cette question. Je travaille dans la construction et je m’occupe aussi de rénovation énergétique. Je connais des cas concrets. Par exemple, j’ai un client qui réside en EMS. Il s’en acquitte avec les revenus d’immeuble qu’il possède. Ce sont 80 % de ses revenus qui passent dans l’EMS. Cette personne ne peut pas, clairement, entreprendre de rénovation énergétique dans l’immédiat. En revanche, les héritiers, eux seront prêts à le faire. Or, pendant une certaine période, il est strictement impossible que ce client puisse s’y employer. Je vous le répète, il s’agit d’une très faible minorité, mais à laquelle il convient néanmoins de penser. 

M. Jean-Daniel Carrard (PLR) —

En principe, la pratique, lorsqu’on veut entreprendre des travaux, consiste à aller voir le banquier qui a notre dossier et qui sait exactement où sont nos limites. Cela me semble un réflexe assez approprié. Alors, évidemment, si on commence à douter des banques… je ne suis pas sûr que nous prenions le bon chemin. En outre, personne ne se lancera financièrement sans maîtrise du coût des travaux. Par conséquent, sans financement, ce serait pourtant difficilement envisageable d’être obligé d’effectuer les travaux ! A cet égard, la proposition de notre collègue Bovay est parfaitement justifiée. 

Mme Aude Billard (SOC) —

Je comprends nos collègues qui soutiennent cet amendement. Ils se préoccupent des petits propriétaires ou des gens dont les finances sont serrées, des gens qui vont être de bonne foi, c’est-à-dire qui vont se tourner – comme mon préopinant vient de le dire – vers leur contact bancaire, vraisemblablement ici, dans le canton de Vaud, ou en tout cas en Suisse, vers un établissement connu, respecté, etc. 

Hélas, je m’inquiète des abus. On ne précise pas de quel établissement bancaire il s’agit. Aujourd’hui, je pourrais procéder à une demande de crédit à un établissement bancaire n’importe où dans le monde. Il est fort probable qu’il y en ait un qui refuse ma demande. Si je vais dans certains pays, ils n’auront simplement pas les moyens ou ils me le refuseront pour d’autres raisons. En outre, la demande de crédit n’est pas précisée, même si j’imagine que cela sera peut-être fixé par un règlement d’application. Selon moi, l’alinéa est un peu trop vaste. Peut-être M. Bovay peut-il me rassurer ? A-t-il songé à ces cas de figure ? Je ne cherche pas à être ironique. Je crains véritablement ces abus. Cela me paraît trop vague. Un établissement bancaire ? Cela pourrait vraiment être n’importe lequel dans le monde, cela pourrait être n’importe quelle demande de prêt. 

Par ailleurs, j’aimerais revenir aux obligations stipulées par cette loi. Cette loi me paraît déjà suffisamment consciente des demandes dont elle est porteuse auprès des propriétaires. Ainsi, l’article 29, en particulier, ne s’applique qu’aux bâtiments de 750m2. Il ne s’agit pas d’une petite villa. Nous l’avons déjà dit plusieurs fois ; c’est vraiment un immeuble. L’exemple qui nous a été donné tout à l’heure d’un propriétaire en EMS et possédant plusieurs immeubles, mais qui se trouve serré financièrement. Très sincèrement, je pense que cette personne peut vendre un immeuble. 

Cela peut paraître difficile, mais il faut quand même se dire que cette personne a déjà fait généralement un bénéfice large sur l’immeuble, parce qu’on sait très bien que le prix des immeubles a largement augmenté aujourd’hui. Je peine par conséquent à comprendre à quoi on fait référence. J’aimerais aussi rappeler que nous avons pensé à tous ces petits propriétaires, tant en les éliminant d’office en ne considérant que les 750m², tant en ajoutant aussi le fait que cela devrait être économiquement supportable. Et, pour éviter ces abus – que je crains sincèrement – il faut laisser la possibilité au département dans un règlement d’application de définir toutes les conditions d’octroi et éviter l’article tel qu’il est proposé ici. 

M. Cédric Weissert (UDC) —

Je souhaite encore amener un élément qui justifie le fait d’en rester avec un seul établissement : comment seront traités les cas de figure où vous avez renouvelé votre hypothèque l’année précédente pour une période de 10 ans ? Pour répondre à Mme Thalmann, les règles ne sont pas établies par la concurrence, mais par la loi ; s’il peut y avoir des différences, elles sont très légères. Prenons le cas où un établissement refuse votre demande, mais l’autre accepte. Or, ce dernier implique que vous résiliez votre hypothèque et entraîne une pénalité de 60’000 francs. Du point de vue de la loi, comment traitez-vous cette personne ? Lui annoncez-vous qu’elle n’a pas le droit à la dérogation ? Ce n’est pas logique. C’est absurde et va mettre en péril des personnes dont les moyens financiers ne sont pas énormes. Par conséquent, en rester à un seul établissement me semble beaucoup plus pertinent, généralement l’établissement détenteur de l’hypothèque. Selon moi, l’amendement de M. Bovay va dans cette direction. Il est important de le mentionner dans la loi et non dans le règlement d’application, dont je rappelle que nous n’avons pas la maîtrise. 

M. Kilian Duggan (VER) —

Sans intention préalable de prendre la parole, je m’y emploie néanmoins, puisque la Banque cantonale vaudoise (BCV) a parlé, et me permets d’apporter quelques précisions. Je déclare mes intérêts : je travaille pour un institut financier dont l’une des principales activités est l’octroi et la négociation de crédits hypothécaires pour des clients privés. 

La réalité est la suivante : chacun des établissements évalue la capacité financière selon ses propres règles, et ce, dans le cadre de la marge de manœuvre offerte par l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA). Accepter cet amendement créerait une inéquité de traitement parmi une catégorie de propriétaires, de surcroît ceux aux capacités financières restreintes. Il paraît plus pertinent de laisser la marge de manœuvre au Conseil d’Etat afin qu’il intègre cette disposition dans son règlement, et de limiter la loi à des principes généraux. Je vous remercie de refuser cet amendement. 

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Le Conseil d’Etat avait prévu l’aspect légistique, comme cela figure dans l’exposé des motifs – monsieur Bovay, vous avez eu accès, en commission, au projet de règlement et à son article 8. Nous aurions pu discuter en commission de la pertinence d’introduire ces dispositions dans la loi ou dans le règlement. Le Conseil d’Etat s’est appuyé sur deux éléments. Il s’est intéressé à ce que faisaient les autres cantons. A cet égard, la formulation de l’article 8, alinéa 1, est précisément inspirée des dispositions neuchâteloises, genevoises et d’autres cantons alémaniques. Ainsi, la notion « d’économiquement supportable » laisse une marge de manœuvre importante au département, respectivement au Conseil d’Etat, pour déployer les effets de cette loi. Pour en rappeler l’esprit – et je rejoins M. Kaelin – le Conseil d'Etat part du principe que les propriétaires sont de bonne foi. Dans certains cas, ces dérogations vont être nécessaires, mais nous ne craignons pas que des dizaines et des dizaines de propriétaires abusent du système dérogatoire. Raison pour laquelle, dans la loi, la formule est assez générale : « économiquement supportable ». Le projet de règlement vient apporter des précisions. 

En outre, pourquoi prévoit-on deux crédits ? Simplement par analogie avec un autre élément qui a fait l’objet d’un débat en début de législature : les chauffages électriques. Pour ces derniers, la directive du Conseil d’Etat prévoit non pas un, mais deux crédits bancaires pour pouvoir bénéficier de la dérogation. Vous m’aurez compris, j’estime que cela relève davantage du réglementaire que du légistique. Maintenant, je peux m’engager devant vous à ce que cela figure dans la loi. Ensuite, vous risquez de créer un double régime, puisque pour les chauffages électriques – qui ne sont pas touchés par cette révision de la Loi sur l’énergie – ce sera deux crédits bancaires. Or, avec cet amendement, pour toutes les autres dispositions de la loi, il s’agirait d’un seul crédit bancaire. Enfin, la volonté du Conseil d’Etat est de faire en sorte que les propriétaires qui ne pourront pas appliquer certains dispositifs de la loi puissent bénéficier du régime dérogatoire. Cet amendement créerait un double régime contradictoire entre les chauffages électriques et l’ensemble des dispositifs qui figurent dans la Loi sur l’énergie. 

M. Stéphane Montangero (SOC) — Président-e

L’amendement Grégory Bovay est accepté par 67 voix contre 65 et 1 abstention.

M. Romain Pilloud (SOC) —

Je demande un vote nominal. 

M. Stéphane Montangero (SOC) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres. 

Celle et ceux qui acceptent l’amendement Grégory Bovay votent oui ; celles et eux qui le refusent votent non ; les abstentions sont possibles. 

Au vote nominal, l’amendement Grégory Bovay est accepté par 67 voix contre 65 et 1 abstention.

*introduire vote nominal

M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Toujours au même article, la majorité de la commission propose un amendement. Il s’agit de supprimer un certain nombre de renvois, puisque l’article 39, alinéa 1, qui donne l’obligation d’installer des panneaux solaires sur tous les toits d’ici le 31 décembre 2039, a été supprimé. Dès lors, nous proposons de supprimer cette référence dans l’article des dérogations. Il en va de même pour l’article 42 qui fixe une date butoir pour installer des bornes de recharge électrique. 

« Art. 8. – Al 3 : les conditions de dérogation énumérées à l’article 8 alinéa 2 peuvent également s’appliquer aux articles 29 alinéa 1er, 32, 39 alinéa 1er lettre b, 40 alinéas 3 et 8 et 42 alinéa 1er lettre b et alinéa 3. »

M. Fabrice Moscheni (UDC) —

A l’UDC, nous proposons d’en rester à la version du Conseil d’Etat pour les raisons suivantes. Le projet de loi amendé par la majorité de la commission prévoit à l’article 8, alinéa 2, que « l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation de construire (…) peut accorder des dérogations (…) à la présente loi si la dérogation permet d’éviter de porter atteinte à un intérêt privé ou public prépondérant ou si la dérogation est justifiée par des circonstances particulières, telles que des obstacles techniques, des coûts ou moyens de mise en œuvre disproportionnés (…) ». 

La commission a décidé de supprimer ces conditions de dérogation pour les poses de panneaux photovoltaïques sur les toits et les façades et les infrastructures de recharge pour les véhicules électriques dans les bâtiments d’habitation, ce qui n’est pas acceptable au vu des conséquences financières lourdes qu’impliqueront ces obligations. Sur cette base, les dérogations doivent être maintenues, comme le prévoit d’ailleurs le projet du Conseil d’Etat. Dès lors, nous vous proposons d’en rester à la version du Conseil d’Etat. 

M. Jean-Marc Udriot (PLR) —

Je propose également d’en rester à la variante du Conseil d’Etat. J’aimerais bien que nous avancions pour voir comment les articles 39, 40 et 42 seront travaillés dans ce plénum. 

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Je crois que nous sommes face à une incompréhension, car il s’agit d’un amendement technique. En effet, la commission a modifié les différents articles concernés et, comme il n’y a plus d’échéance, cette dérogation ne fait plus de sens. Il s’agit, je le répète, d’un pur amendement technique. Il n’existe aucune conséquence sur les possibilités dérogatoires. Il retourne d’un problème d’interprétation et de compréhension de l’intention de la commission : il n’y a pas anguille sous roche, aucune volonté des commissaires d’assouplir le régime dérogatoire par le biais de cet amendement. Il s’agit simplement de le rendre compatible avec d’autres modifications apportées plus loin dans la loi. 

M. Loïc Bardet (PLR) —

J’étais membre de la commission et la référence à ces différents articles et alinéas a été supprimée en troisième lecture. Puisque nous avions supprimé un certain nombre de délais, il n’y avait plus de raisons d’avoir des dérogations pour les articles et alinéas mentionnés. 

En revanche, j’aimerais adresser une question au Conseil d’Etat qui pourrait peut-être rassurer nos collègues. Si, par hasard, le plénum devait ne pas suivre la commission et maintenir le texte du Conseil d’Etat et donc maintenir ces délais dans la loi, y a-t-il une possibilité de modifier à nouveau cet article ? En effet, le positionnement de la commission serait différent. Par conséquent, je comprendrais les demandes de nos collègues, Udriot et Moscheni. 

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

C’est la fonction de la deuxième lecture. Même si une contradiction de ce type devait subsister après la deuxième, voire troisième lecture, la Commission de rédaction pourrait modifier cet alinéa.

M. Jerome De Benedictis (V'L) —

Je remercie le Conseil d’Etat et le député Bardet pour ces quelques compléments qui me convainquent pleinement. Peut-être que la question est la suivante : sont énumérées ici non pas des dérogations auxquelles cela ne s’appliquerait pas, mais des dérogations auxquelles cela s’applique. Dès lors, ce n’est pas vraiment dérogatoire au sens strict. Je peine presque à comprendre l’utilité d’un article qui confirme qu’une dérogation s’applique à certains articles. Pour moi, un alinéa cohérent dirait que cela ne s’applique pas à ce qu’on vient de dire plutôt que le contraire. Par conséquent, j’ai du mal à saisir le sens final du besoin de cet alinéa. Mais, de toute façon, je soutiendrai cet amendement qui est d’ordre technique. 

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

D’un point de vue légistique, il fallait un alinéa spécifique pour toutes les dispositions dans lesquelles un délai figure. Et comme les délais ont été supprimés à l’article 39, alinéa 1, et à l’article 42, alinéa 1, lettre b, alors la commission a modifié ces différents articles. Cet alinéa est nécessaire, puisqu’on cible des dispositions de la loi qui fixent des délais, ce que ne couvre pas le reste de l’article 8 dérogatoire. Ainsi, si vous voulez des dispositions dérogatoires qui soient les plus souples possibles, il faut maintenir cet alinéa. Si vous le supprimez, vous empêchez le département – respectivement les communes – d’octroyer des dérogations pour toutes les mesures qui ont un délai. 

M. Fabrice Moscheni (UDC) —

Nous observerons les résultats du premier débat et reviendrons si nécessaire lors du deuxième débat.

M. Stéphane Montangero (SOC) — Président-e

L’amendement de la majorité de la commission est accepté avec plusieurs abstentions.

L’article 8, amendé, est accepté avec plusieurs abstentions.

Le débat est interrompu.

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Sur les réseaux