24_REP_213 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Loïc Bardet et consorts au nom Laurent Balsiger - Courants vagabonds et élevage ne font pas bon ménage ! Que mettre en place pour que les éleveurs ne doivent pas choisir entre énergies renouvelables et santé de leurs troupeaux ? (24_INT_122).
Séance du Grand Conseil du mardi 25 mars 2025, point 17 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourJe remercie le Conseil d’Etat pour sa réponse relativement complète, qui rappelle les limites de son action sur cette thématique. Cela dit, le 13 mars dernier, plusieurs d’entre nous ont participé à une journée d’information à Grange-Verney sur la problématique des courants vagabonds et de l’élevage bovin. Nous avons pu constater que le risque est bien réel et qu’il peut avoir des conséquences dramatiques pour les exploitations concernées.
Par ailleurs, avec l’adoption de plusieurs politiques publiques au niveau suisse et cantonal, ainsi que l’entrée en vigueur prochaine de nouvelles lois – notamment la Loi sur l’énergie mentionnée précédemment – le développement des énergies renouvelables s’accélère, ce qui est une très bonne chose. Toutefois, il est essentiel d’être prudent lors de la mise en place de ces nouvelles installations afin de prévenir toute aggravation des problèmes pour les exploitations agricoles concernées.
Dans mon interpellation, j’avais soulevé la question d’une éventuelle modification de l’Ordonnance sur les installations électriques à basse tension (OIBT). Le Conseil d’Etat a rappelé la réponse du Conseil fédéral à une motion du conseiller national Pierre-André Page indiquant que la formulation actuelle de l’article 3 de l’OIBT était suffisante. Toutefois, après discussion avec mon collègue Balsiger, je souhaite aller plus loin et invite le Conseil d’Etat à intervenir auprès de la Confédération, non pas sur l’OIBT elle-même, mais sur la norme qui encadre les installations à basse tension (NIBT) et sert de référence pour les futures infrastructures. Je dépose donc la détermination suivante :
« Afin de prévenir l’apparition de courants vagabonds dans les écuries, le Grand Conseil vaudois invite le Conseil d’Etat à intervenir auprès de la Confédération afin que celle-ci étudie la nécessité d’adapter la norme sur les installations à basse tension. »
Enfin, mon collègue Balsiger déposera une seconde détermination.
Je déclare mes intérêts : je suis effectivement cosignataire de cette interpellation avec notre collègue Bardet, et également directeur d’une entreprise qui réalise des travaux dans le domaine des installations électriques et photovoltaïques, notamment. Je remercie le Conseil d’Etat et en particulier le conseiller d’Etat Venizelos pour la réponse et apprécie le fait qu’elle soit plus réaliste que celle de la Confédération aux dépôts des conseillers nationaux Nicolet et Page, dont notre collègue Bardet a fait état tout à l’heure, ainsi que la réponse du Conseil d’Etat fribourgeois à une interpellation similaire déposée par l’un de nos collègues fribourgeois.
Je salue qu’il soit reconnu que des agriculteurs et leurs bêtes souffrent terriblement des conséquences de ces courants vagabonds, comme le montre d’ailleurs l’excellent travail de Bachelor de Mme Jaunin de la Haute Ecole des sciences agronomiques forestières et alimentaires de Zollikofen, entrepris avec la collaboration de Prométerre. Je salue aussi le travail des équipes de Prométerre sur le terrain pour accompagner les exploitants concernés et pour tout ce qui est mis en place pour l’information du milieu agricole sur cette thématique si importante pour ce dernier. Toutefois, pour ma part, reconnaitre l’existence d’un problème, mais ne rien pouvoir entreprendre – à part une information – est un constat d’impuissance. Cela demeure insuffisant, notamment pour les exploitants et leurs proches – qui luttent et souffrent au quotidien de cette problématique et perdent des centaines de bêtes, qu’ils voient parfois agoniser cruellement – pour les vétérinaires, pour les conseillers mentionnés tout à l’heure et tous ceux qui avancent des fonds et des aides comme ils peuvent pour les soutenir.
Notre collègue Bardet a fait état de la séance d’information sur ce sujet à Agrilogie, à Grange-Verney, le 13 mars dernier, qui a rencontré un fort succès, avec la présence de plusieurs représentants de l’Etat, que je remercie au passage. Comme toutes les personnes présentes, nous avons été bouleversés par les témoignages, notamment d’agriculteurs touchés et de leurs vétérinaires. J’ai d’ailleurs hésité à projeter certaines images qui nous ont été montrées, mais j’y renonce parce qu’elles sont difficiles à regarder.
Cela a été soulevé, les normes NIBT actuelles ne sont pas suffisantes. Ce travail de diplôme rappelle que les animaux sont 5 à 10 fois plus sensibles que nous, et ces normes ne sont pas adaptées. Par conséquent, je ne peux que vous inviter à soutenir la détermination dont a fait mention tout à l’heure notre collègue Bardet pour que le Conseil d’Etat puisse la renvoyer à la Confédération pour qu’elle puisse vraiment prendre en considération ces spécificités liées aux animaux. Par ailleurs, les exploitants qui subissent ces problèmes – même en intégrant la clause proposée par Prométerre dans les contrats, et même s’ils sont soutenus par l’assurance juridique de Prométerre en cas de problèmes – perdront tout, fermes, familles et bêtes, avant d’espérer pouvoir toucher un éventuel dédommagement après une interminable procédure judiciaire de plusieurs années. Aucune assurance ne couvre ce risque, ce qui peut engendrer la faillite des exploitations concernées et des dégâts sur la santé des familles concernées qui doivent quitter leur domaine familial souvent exploité depuis plusieurs générations. Il s’agit d’un véritable drame, le pire sans doute étant la souffrance animale et celle de l’éleveur qui aime ses bêtes et voit nombre d’entre elles subir de terribles souffrances. Des actions peuvent certainement être proposées. Par exemple, envisager la possibilité de mettre sur pied des assurances ou des cautionnements permettant aux exploitants touchés de faire face le temps des conclusions du procès.
Finalement, des études doivent être poursuivies pour mieux cerner ces problématiques complexes, avec souvent des responsabilités multiples. Je suis très reconnaissant que la Haute Ecole de Zollikofen ait abordé cette thématique très rarement considérée – vous trouvez très peu de littérature sur ces sujets – tant chez les vétérinaires que dans le milieu agricole ou électrique. Je ne peux qu’inviter le Conseil d’Etat à poursuivre. Il m’est d’avis que ce travail de Bachelor a posé un contexte. Il s’agit maintenant de poursuivre les études pour clarifier notamment la distinction des vrais et faux positifs sur le terrain par des spécialistes de l’électricité, pour vraiment comprendre ce qui se passe sur les fermes problématiques qui ont été identifiées, d’identifier au niveau vétérinaire les différentes pathologies liées à ces courants vagabonds et enfin d’évaluer les conséquences économiques liées à la présence de ces courants vagabonds et des possibilités de soutenir les exploitations concernées. Par coïncidence, il se trouve que j’ai mangé à midi avec des professeurs de la HEIG-VD dans le domaine de l’énergie, qui trouvent très pertinent de poursuivre les études sur des sujets effectivement peu analysés, et surtout dans notre contexte vaudois. Je crois que nous possédons toutes les compétences à proximité pour mener de telles études.
Pour toutes ces raisons et pour se donner une chance que les choses changent, pour diminuer les souffrances humaines et animales qui se rapportent à cette problématique, je vous invite à soutenir les deux déterminations, tant celle de notre collègue Bardet que celle de votre serviteur qui est la suivante :
« Le Grand Conseil vaudois invite le Conseil d’Etat à poursuivre les études commencées sur ce sujet dans le cadre du travail de Bachelor de la HAFL (Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires) de Zollikofen afin, notamment, de clarifier les éléments suivants :
- Distinction entre les vrais et les faux positifs sur le terrain par des spécialistes ;
- Identification plus précise des différentes pathologies liées aux courants vagabonds ;
- Evaluation des conséquences économiques liées à la présence de courants vagabonds et des possibilités de soutenir les exploitations concernées. »
La discussion sur les deux déterminations est ouverte.
Le Conseil d’Etat est tout à fait conscient des dommages qui peuvent être causés sur le bétail à cause de ces courants vagabonds. Il le rappelle dans sa réponse à votre interpellation : la marge de manœuvre du canton est étroite. Nous avons affaire à un cadre fédéral relativement clair. Mentionnons également une responsabilité très forte des installateurs électriciens. A l’évidence, le Conseil d’Etat peut s’inscrire dans les différentes démarches portées au niveau fédéral, notamment la plateforme d’AGRIDEA. Différentes démarches sont aussi menées avec Prométerre pour accompagner les agriculteurs et agricultrices qui seraient confrontés à ces situations. Je prends note de vos deux déterminations. M. Bardet est passé par la Confédération pour tenter de faire évoluer le droit fédéral dans la bonne direction. Je suis prêt à évaluer toute possibilité et toute opportunité pour amener une responsabilité plus forte de la Confédération dans ce dossier. Je sais que certains de mes homologues dans d’autres cantons ont aussi entrepris des démarches allant dans ce sens. Je profiterai d’ailleurs d’une prochaine rencontre au sein de la Conférence intercantonale des chefs de départements en charge de l’énergie pour échanger avec mes homologues des autres cantons sur ce sujet, puisqu’ils sont assurément aussi confrontés à cette situation. Par conséquent, je peux donc parfaitement adhérer à votre proposition de détermination, même si, encore une fois, vous l’avez constaté, différentes interventions ont été déposées au niveau des Chambres fédérales. La position du Conseil fédéral est assez claire à ce sujet, néanmoins je veux bien porter ce message auprès de mes homologues ainsi qu’à Berne.
S’agissant de votre détermination, monsieur Balsiger, vous proposez d’une certaine manière de poursuivre les réflexions et la recherche sur ces différents éléments. Je ne peux être que favorable à une proposition qui vise à nous appuyer sur des faits scientifiques. D’ailleurs, toutes mes décisions s’appuient prioritairement sur des faits scientifiques. Nous trouverons le moyen de collaborer. Est-ce précisément par le biais de ce travail de Bachelor ? Vous me voyez un petit peu emprunté pour vous répondre. En revanche, si votre proposition est d’encourager le Conseil d’Etat à travailler avec les organismes de recherche pour mieux connaître le phénomène, je peux très volontiers m’y engager. Permettez-moi une réserve sur la fin de la troisième proposition, les possibilités de soutenir les exploitations concernées. Nous allons évidemment continuer à les soutenir à travers les relais de Prométerre et d’AGRIDEA que j’évoquais tout à l’heure. Toutefois, si vous sous-entendez par là des dédommagements possibles qui seraient portés par l’Etat, j’estime que ce n’est pas à l’Etat de participer à ces dédommagements. Le rôle de l’Etat est de garantir une information, de garantir aussi que les professionnels qui posent ces installations le fassent correctement. Il me semble que nous avons un gros travail de sensibilisation et d’information à entreprendre auprès de ces professionnels. Cela pourrait d’ailleurs être l’une des conséquences de votre détermination. Je pourrais m’approcher un peu plus formellement des différents installateurs pour les rendre attentifs à cette problématique. Ainsi, je peux aussi adhérer à votre détermination, mais avec la nuance suivante : le canton ne dédommagera pas les exploitations agricoles qui seraient confrontées à ce genre de situations. En revanche, je suis évidemment prêt à faire davantage que ce qui est décrit dans la réponse à l’interpellation pour accompagner les agriculteurs et agricultrices qui se retrouvent dans des situations parfois absolument dramatiques. La problématique doit être prise très au sérieux.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
La détermination Loïc Bardet est acceptée par 116 voix et 3 abstentions.
La détermination Laurent Balsiger est acceptée par 104 voix contre 3 et 10 abstentions.
Ce point de l’ordre du jour est traité.