23_POS_41 - Postulat Alberto Mocchi et consorts - J'entends le loup, le renard... et la belette ?.
Séance du Grand Conseil du mardi 25 mars 2025, point 19 de l'ordre du jour
Texte déposé
Si on parle abondamment du retour de certaines espèces de mammifères dans nos contrées, on oublie souvent que pour de nombreuses autres espèces, c’est plutôt un déclin inexorable que l’on constate dans notre pays.
Belettes, lièvres bruns, muscardins ou encore hérissons sont ainsi placés, aux côtés de 19 autres espèces (sur les 55 de mammifères indigènes hors chauves-souris) par l’Office fédéral de l’environnement sur la liste rouge des mammifères menacés ou quasi menacés, selon les critères de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
L’exemple des hérissons est à ce titre extrêmement parlant : espèce jadis pour le moins commune de par chez nous, ses effectifs semblent avoir fondu comme neige au soleil ces dernières années - au point qu’il aurait disparu ou presque de certaines régions - et sont devenus plus rares dans d’autres. Une étude dans le canton de Zurich a ainsi montré une diminution de 40% de ces mammifères insectivores ces trente dernières années. On est certes encore loin des 90% de diminution constatés dans certaines régions d’Allemagne ou du Royaume-Uni, mais la situation est préoccupante pour les hérissons comme pour bien d’autres petits mammifères.
La cause de ce déclin est malheureusement une fois encore à chercher principalement du côté des activités humaines : destruction de leur habitat, trafic routier, intensification de certaines pratiques.
Des mesures ponctuelles ont été prises ces dernières années dans notre canton pour quantifier ce déclin, et essayer de l’enrayer. On peut ainsi penser à l’opération « Hérisson y es-tu ? » lancée par le Parc Jura vaudois afin de recenser la présence de cet animal, ou au projet mené dans le Gros-de-Vaud par Pro Natura, en collaboration avec des exploitants agricoles, afin de créer des habitats favorables aux petits mustélidés comme les belettes et les hermines.
Il semble cependant important de pouvoir compter sur des mesures de recensement à l’échelle cantonale, ainsi qu’à des politiques concertées à l’échelle de l’entier de notre territoire, afin d’enrayer ce déclin.
Par le biais de ce postulat, nous souhaitons donc demander au Conseil d’Etat de rédiger – en collaboration avec les milieux concernés : ONG de protection de l’environnement, milieux agricoles et sylvicoles etc. – un plan cantonal visant à mieux recenser les effectifs de ces différentes espèces menacées, et à les protéger via des actions de reconstitution de leurs milieux naturels, sensibilisation de la population ou toute autre démarche poursuivant ces buts.
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Carine Carvalho | SOC |
Alice Genoud | VER |
Martine Gerber | VER |
Yves Paccaud | SOC |
Jean Tschopp | SOC |
Yannick Maury | VER |
Sandra Pasquier | SOC |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Pierre Fonjallaz | VER |
Vincent Bonvin | VER |
Monique Ryf | SOC |
Graziella Schaller | V'L |
Nathalie Vez | VER |
Yolanda Müller Chabloz | VER |
Sylvie Podio | VER |
Patricia Spack Isenrich | SOC |
David Vogel | V'L |
Théophile Schenker | VER |
Sébastien Humbert | V'L |
Valérie Zonca | VER |
Marc Vuilleumier | EP |
Claude Nicole Grin | VER |
Jean-Louis Radice | V'L |
Laurent Balsiger | SOC |
Elodie Lopez | EP |
Anna Perret | VER |
Aurélien Demaurex | V'L |
Cloé Pointet | V'L |
Muriel Thalmann | SOC |
Hadrien Buclin | EP |
Felix Stürner | VER |
Documents
- Rapport de majorité de la commission - RC 23_POS_41 - Alice.Genoud
- Rapport de minorité de la commission - RC 23_POS_41 - Loic.Bardet
- 23_POS_41-Texte déposé
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour(remplaçant Mme Alice Genoud, absente) Tout d’abord, j’aimerais adresser une pensée à Mme la députée Alice Genoud, qui ne peut pas être là cet après-midi et que je remplace.
La Commission de l’énergie et de l’environnement (CENEN) s’est réunie le 22 septembre 2023 pour examiner le postulat de M. Mocchi « J’entends le loup, le renard… et la belette. » Le postulat de M. Mocchi incite l’Etat à renforcer et à mettre en place des mesures pour favoriser la bonne cohabitation avec les petits mammifères comme le hérisson et la belette. Le Conseil d’Etat rappelle que le canton abrite 10 des 19 espèces indigènes recensées comme étant en danger, vulnérables ou potentiellement menacées, soit : le chat sauvage, le lièvre brun, le lièvre variable, le putois, la belette, le muscardin, la souris des moissons, la musaraigne de Miller, la musaraigne aquatique ainsi que le hérisson. Le canton porte une attention particulière au muscardin qui représente le quart de la population suisse et à la souris des moissons dont le tiers de la population est sur son territoire.
La protection des petits mammifères est une obligation légale contenue dans la Loi sur la protection de la nature et du paysage (LPN) au niveau fédéral, et au niveau cantonal dans la Loi sur la protection du patrimoine naturel et paysager (LPrPNP), notamment. Un plan d’action est en cours d’élaboration. Les mesures prévues sont cofinancées par une convention-programme qui couvre une période de 2020 à 2024. Hélas, cette convention ne couvre pas toutes les espèces et n’est pas toujours en lien avec les réalités du canton. Elle permet néanmoins de financer un Equivalent temps plein (ETP) et un contrat à durée déterminée (CDD) via le fonds de conservation de la faune.
Ce postulat permet de couvrir la politique de la Confédération pour les espèces menacées et de venir en renfort aux démarches cantonales. Lors de la discussion générale, malgré le ras-le-bol des mesures de protection dans l’agriculture exprimé par un commissaire, il apparaît important d’obtenir les données qui permettent d’adopter des mesures ciblées sur la biodiversité. M. le conseiller d’Etat a rappelé que la LPrPNP a été votée à l’unanimité en début de législature. Elle oblige l’Etat à renforcer les dispositions et les mesures pour lutter contre l’érosion de la biodiversité. Ces mesures ne se font pas en opposition aux milieux agricoles, mais bien en étroite collaboration avec eux. Le directeur de la Direction des ressources et du patrimoine naturel (DIRNA) rappelle que la politique fédérale est basée sur deux piliers, dont le deuxième concerne la protection des espèces. Elle pose un certain nombre d’obligations pour lesquelles le canton n’a pas de marge de manœuvre. Le monitorage des espèces est déjà en cours d’élaboration. Ce postulat n’amènera pas de nouvelles démarches, puisque les réflexions sont déjà en cours.
Ainsi, la commission recommande au Grand Conseil de prendre en considération ce postulat par 8 voix contre 5 et 2 abstentions.
Comme cela a été rappelé tant par le conseiller d’Etat en séance de commission que par le rapporteur de majorité, il existe déjà un certain nombre d’obligations légales tant au niveau fédéral qu’au niveau cantonal, tout comme un plan d’action en cours d’élaboration entre les services du conseiller d’Etat Venizelos et la Direction générale de l’agriculture, de la viticulture et des affaires vétérinaires (DGAV) pour les problématiques soulevées par le postulat de notre collègue Mocchi. Raison pour laquelle, la minorité de la commission considère que la prise en compte de ce postulat ferait au mieux doublon avec un certain nombre de mesures déjà en cours ou en cours d’élaboration, voire pire, viendrait ajouter une couche à la lourdeur administrative dont se plaignent un certain nombre de corps de métier, notamment les agriculteurs. C’est pourquoi la minorité de la commission considère que la prise en compte de ce postulat serait au mieux inutile, au pire problématique et vous appelle donc à le classer.
La discussion est ouverte.
En l’occurrence, il s’agit de proposer des mesures incitatives en collaboration avec les milieux concernés, agricoles, sylvicoles, ONG, etc. En effet, des choses se passent au niveau de l’Etat et cela est réjouissant. Toutefois, s’il est souhaitable d’aller de l’avant, il ne s’agit aucunement de venir ajouter une couche administrative ou bureaucratique ou des obligations à des corps de métier. C’est d’ailleurs tout le contraire qui a été dit lors de la séance de commission – laquelle, il est vrai, remonte à plus d’une année – mais il a été très clairement affirmé et répété que l’objectif consiste à mieux comprendre ce qui se passe dans notre canton. On constate en effet que certaines espèces animales – et je tiens à déclarer mes intérêts, ce que j’aurais dû faire dès le début, en tant que Secrétaire général de Pro Natura Vaud – ne se portent pas très bien, en particulier en milieu bâti. Ce n’est pas uniquement en zones agricoles ou forestières que des problèmes se posent. Il semble donc nécessaire de prendre des mesures importantes, peut-être même plus ambitieuses que celles actuellement envisagées dans le cadre de ces projets-pilotes.
J’insiste toutefois sur un point essentiel : il ne s’agit en aucun cas d’embêter celles et ceux qui travaillent sur le terrain, mais bien de mettre en place, aux endroits où cela est possible et souhaitable, des mesures volontaires en faveur de ces espèces animales dont les effectifs diminuent année après année, sans que grand-chose ne soit entrepris. En ce sens, je crois que ce postulat ne mange pas beaucoup de pain.
Je me permettrai de citer deux phrases du rapport de majorité, dont la première : « M. le conseiller d’Etat rappelle que la base légale actuellement en vigueur votée par le Grand Conseil oblige le Conseil d’Etat à élaborer un plan d’action de protection des espèces », c’est-à-dire dans le sens de ce qui est proposé par le postulat. Et, une deuxième pour citer le directeur de la DIRNA, qui explique que « des plans d’action sont en cours d’élaboration, la Loi sur la protection du patrimoine naturel et paysager votée par le Grand Conseil est une déclinaison de la manière dont le canton a décidé de mettre en œuvre le cadre fédéral. » Ce postulat n’amènerait donc pas de nouvelles démarches, puisque les réflexions sont déjà en cours. Par conséquent, fort des explications du rapport de majorité, je vous propose de suivre le rapport de minorité et de classer ce postulat.
Je crois qu’il n’est plus nécessaire de rappeler le déclin massif des populations de vertébrés sauvages : ce phénomène est aujourd’hui bien connu. La Suisse, sous cette averse, n’est pas protégée par un parapluie. Le postulat évoque d’ailleurs des chiffres préoccupants concernant des espèces comme la belette, le muscardin ou encore le hérisson. Le Conseil d’Etat, dans sa réponse, souligne lui-même que le canton de Vaud abrite aujourd’hui 10 des 19 espèces indigènes considérées comme en danger, vulnérables ou potentiellement menacées.
Ce déclin est préoccupant, et il est clair qu’il en entraînera d’autres à l’avenir. Ce n’est pas une bonne chose – nous en sommes tous conscients. Dès lors, une fois ce constat posé, la véritable question est la suivante : avons-nous envie d’identifier notre situation face à ce problème ? Souhaitons-nous élaborer des réponses efficaces pour y faire face ? Ou décidons-nous de baisser les bras ?
Si notre réponse à la première question est oui, il est alors indispensable de planifier notre action. Et j’insiste sur cette notion de planification, car elle est un facteur d’efficacité dans tous les domaines. On agit toujours mieux lorsqu’on établit un état des lieux précis et, surtout, lorsqu’on associe l’ensemble des acteurs concernés. Cela permet un véritable partage des connaissances, des expériences et des difficultés rencontrées sur le terrain. Cela permet aussi une meilleure coordination et l’élaboration de stratégies cohérentes, capables d’aller au-delà d’initiatives ponctuelles ou de projets-pilotes. Je veux vraiment insister sur ce point : réunir tous les acteurs concernés est essentiel. Le postulat demande justement qu’un plan soit élaboré avec eux, y compris les milieux directement confrontés à ces enjeux sur le terrain. Pour toutes ces raisons, le groupe Ensemble à Gauche et POP soutiendra le renvoi de ce postulat, et vous invite à faire de même.
Je ne vais pas répéter ce qui a déjà été exprimé préalablement, mais en relisant attentivement l’ensemble des interventions, y compris celle du Conseil d’Etat et des deux rapporteurs de majorité et de minorité, on constate que les travaux sont bel et bien en cours dans le service et le département concernés. J’ai sincèrement le sentiment que le plan d’action en préparation permettra de répondre aux préoccupations et aux attentes du postulant. D’une certaine manière, ce postulat a déjà perdu sa raison d’être, puisque les démarches sont déjà engagées. Ainsi, dans le meilleur des cas, le postulant obtiendra les réponses attendues grâce aux travaux et au plan d’action en cours. Dans le pire des cas, on mobilisera du temps, de l’argent et du travail au sein du département pour répondre à un postulat dont les réponses sont, pour l’essentiel, déjà apportées par le plan d’action. En d’autres termes, je vous encourage vivement à soutenir le rapport de minorité et à classer ce postulat.
Les réflexions sont en cours, comme le rappelait notre collègue Suter ; cela paraît opportun, vu l’importance des enjeux. Toutefois, devant le déclin des espèces concernées, comme cela a été rappelé tout à l’heure, il s’agit de se mobiliser ensemble pour réfléchir – services de l’Etat, ONG, milieux agricoles et sylvicoles, en particulier. C’est cet esprit de collaboration avec tous les milieux concernés que demande le postulat pour protéger de manière pragmatique les espèces menacées. C’est pourquoi le groupe socialiste vous invite à renvoyer ce postulat au Conseil d’Etat.
Permettez-moi un brin de détente face à ce texte, car j’avoue y perdre un peu mon latin. D’un côté, M. Mocchi nous rappelle, à juste titre, l’importance de protéger les petits mammifères, en soulignant les risques significatifs qui pèsent sur cette faune. Et, de l’autre, Mme Marendaz nous alerte sur la surpopulation féline et la nécessité de trouver une solution pour limiter, voire supprimer les chats sur le territoire vaudois, car ces derniers mangent les oiseaux que M. Mocchi souhaite également protéger, notamment parce qu’ils se cognent contre les vitres !
En d’autres termes, je veux bien entendre tous ces arguments, il existe néanmoins déjà des lois et des règlements en la matière. J’estime qu’il faut nous y tenir. Alors, appliquons-les, tout simplement, et évitons de nous contredire sans cesse avec ce genre de textes.
Pour répondre brièvement à mon collègue Romanens, il me semble important de rappeler qu’il existe une distinction fondamentale entre un animal domestique et un animal sauvage. En l’occurrence, les chats sont des animaux domestiques. Ce sont des prédateurs très différents, et les comparer directement n’a, à mon sens, pas beaucoup de cohérence. Ensuite, oui, il faut protéger les oiseaux. Oui, les chats peuvent parfois poser des problèmes. Par ailleurs, il y a effectivement un déclin préoccupant du nombre de petits rongeurs et autres petits vertébrés – des espèces qu’on ne peut pas « stocker », contrairement à l’électricité ; eux sont aujourd’hui réellement en danger. Il s’agit là de problématiques distinctes, mais complémentaires. Ce n’est pas parce qu’on s’inquiète – à juste titre – de l’impact de certains animaux de compagnie sur la biodiversité que l’on doit pour autant renoncer à prendre des mesures concrètes pour protéger les fouines, les hermines ou les hérissons, qui peuvent d’ailleurs, parfois, être eux-mêmes victimes de prédation par des chats.
J’aimerais relever la redondance de ce qui est demandé par ce postulat. La protection des mammifères est déjà encadrée par des lois fédérales et cantonales – si mes souvenirs ne me trompent pas. En outre, un plan d’action est en cours d’élaboration. Ainsi, les demandes formulées par le postulant font déjà partie des obligations légales et des stratégies cantonales. Monsieur le conseiller d’Etat, ai-je tort ou abondez-vous dans mon sens ?
Je vous remercie pour ce débat. Le postulat rappelle à juste titre que si certains grands mammifères font la une des médias, comme le loup, d’autres – plus discrets, mais tout aussi importants – méritent également notre attention. Sur le territoire vaudois, nous comptons 10 des 19 espèces figurant sur la liste rouge établie par la Confédération. Parmi elles, le lièvre brun, le muscardin ou encore le hérisson, tous directement concernés par le présent postulat.
Pour répondre à la question du député Jobin : oui, il est exact que vous avez voté, à l’unanimité, en début de législature, la LPrPNP qui impose au Conseil d’Etat l’élaboration d’une stratégie cantonale de conservation des espèces, laquelle inclura précisément les enjeux soulevés par le postulant, M. Mocchi. Ce travail est en cours, et bien évidemment, il sera mené à bien, car le Conseil d’Etat respecte les lois votées par ce Grand Conseil – d’autant plus lorsqu’elles le sont à l’unanimité.
Ce postulat vous offre toutefois l’opportunité d’être informés plus en détail de cette stratégie, via un rapport spécifique en réponse à la demande formulée. Mais qu’il soit bien clair : oui, le Conseil d’Etat est déjà engagé dans la mise en œuvre de cette stratégie cantonale, conformément à la législation adoptée en début de législature.
La discussion est close.
Le Grand Conseil prend le postulat en considération par 68 voix contre 67.
Je demande un vote nominal.
Retour à l'ordre du jourCette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui souhaitent la prise en considération du postulat votent oui ; celles et ceux qui s’y opposent votent non ; les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, 69 membres se prononcent en faveur du postulat, 69 s'y opposent.
Le Grand Conseil refuse la prise en considération du postulat, le président ayant voté à son encontre.
*insérer vote nominal