24_POS_13 - Postulat Yannick Maury et consorts - Donner au lieu de gaspiller : des mesures claires pour lutter contre la destruction des invendus alimentaires.
Séance du Grand Conseil du mardi 18 mars 2025, point 40 de l'ordre du jour
Texte déposé
Selon les chiffres de la Confédération datant de 2022, environ le tiers des aliments produits pour la consommation suisse sont gaspillés ou jetés inutilement, ce qui représente environ 330kg par habitant et par an.
Sur le plan strictement environnemental et d’après l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), les aliments non consommés génèrent des émissions de CO2 et contribuent à la perte de biodiversité. Les pertes alimentaires évitables représentent 25% de l’impact environnemental dû à l’alimentation en Suisse.
Le gaspillage actuel équivaut, en quantité de CO2, aux émissions de 1'500'000 de voitures. En réduisant donc d’un tiers le gaspillage actuel, on économiserait l’équivalent du CO2 produit par 500'000 voitures, comme le rappelle le WWF Suisse[1].
Beaucoup de mesures mises en place jusqu’ici vont dans le bon sens (comme l’amélioration de la déclaration de la durée). De même, les associations telles que Table Suisse ou Table couvre-toi font un travail remarquable en partenariat avec les enseignes de la grande distribution, les restaurateurs et plus largement les commerces alimentaires. Du côté des ménages, qui génèrent tout de même 38%[2] du gaspillage alimentaire, très peu de choses sont mises en place pour les soutenir dans la réduction du gaspillage alimentaire.
Il est difficile pour une partie importante de la population de remarquer les effets concrets et de quantifier les invendus qui finissent à la poubelle, les mesures actuelles étant essentiellement appliquées sur une base volontaire, à l’instar de la distribution de denrées par certaines associations. De même, le renvoi au Conseil d’État du postulat Nathalie Jaccard et consorts intitulé « Composter au lieu de javelliser ? » en 2019, qui demandait entre autres de faciliter la redistribution des invendus, n’a pas donné lieu à des changements significatifs.
Certaines associations qui récoltent les invendus alimentaires, comme par exemple Table Suisse, ne reçoivent d’ailleurs aucun soutien financier de la part des collectivités publiques (Confédération, Cantons et communes) et vivent uniquement de dons et de partenariats. En soutenant, sous une forme ou une autre, ces associations, on pourrait possiblement leur permettre de visiter davantage de succursales, voire des particuliers, et d’augmenter ainsi la quantité des invendus récupérés.
Aussi, chaque établissement de distribution alimentaire gère ses invendus comme il le désire. De fait et dans un certain nombre de cas, lesdits invendus sont purement et simplement détruits, quand bien même ils sont encore comestibles, ce qui représente un gâchis monumental.
Pour lutter contre ce fléau, la France s’est érigée en pionnière en inscrivant, dans sa « loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire »[3], l’interdiction, notamment pour les grands distributeurs, de jeter ou détruire les invendus si des dons ou réemplois sont possibles. En plus d’être environnementalement positive, cette mesure renforce également le pouvoir d’achat des employé.e.s, puisqu’ils et elles peuvent partir du travail en récupérant gratuitement certains invendus qui auraient de toute façon fini à la poubelle, ne représentant ainsi aucun impact économique négatif pour l’entreprise. Il s’agit par ailleurs d’une mesure très facile à mettre en place.
Sans aller toutefois aussi loin, il semble judicieux de quantifier une bonne fois pour toutes le gaspillage alimentaire dans notre canton et de réfléchir à légiférer sur la question, notre législation étant parfaitement lacunaire à ce sujet. Une des solutions pourrait être d’agir au niveau de la grande distribution, qui possède énormément de moyens (financiers et logistiques) et qui génère ainsi davantage de flux alimentaires comparativement aux petites épiceries et commerces familiaux.
Au vu de ce qui précède, les signataires du présent postulant demandent au Conseil d’État de/d’ :
- Étudier et quantifier les invendus alimentaires produits par les commerces alimentaires, et notamment la grande distribution, sur le territoire cantonal
- Envisager un soutien financier ou sous une autre forme aux associations actives dans la récupération d’invendus alimentaires, auprès des grandes surfaces ou des particuliers, afin de leur permettre de renforcer leur(s) action(s)
- Réfléchir à la pertinence d’une inscription dans la loi sur les auberges et débits de boissons (LADB), la loi sur l’exercice des activités économiques (LEAE) et/ou toute autre loi qu’il jugera utile afin que les enseignes de la grande distribution soient désormais tenues de donner tout ou partie du stock alimentaire invendu.
Dans tous les cas, la destruction de tout ou partie du stock alimentaire invendu ne devrait intervenir que dans un second temps, après qu’une solution de don ou de réutilisation aura été proposée aux employé.e.s, aux associations et/ou aux institutions d’utilité publique.
[1]https://www.wwf.ch/fr/nos-objectifs/gaspillage-alimentaire
[2]https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/dechets/guide-des-dechets-a-z/biodechets/types-de-dechets/dechets-alimentaires.html
[3]https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041553759
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Guy Gaudard | PLR |
Valérie Zonca | VER |
Yves Paccaud | SOC |
Felix Stürner | VER |
Géraldine Dubuis | VER |
Nicolas Bolay | UDC |
Alice Genoud | VER |
Laure Jaton | SOC |
Sébastien Humbert | V'L |
Alberto Mocchi | VER |
Sandra Pasquier | SOC |
Pierre Fonjallaz | VER |
Muriel Thalmann | SOC |
Cédric Echenard | SOC |
Oscar Cherbuin | V'L |
Olivier Agassis | UDC |
Vincent Bonvin | VER |
Julien Eggenberger | SOC |
Aurélien Demaurex | V'L |
Graziella Schaller | V'L |
Théophile Schenker | VER |
Céline Misiego | EP |
Thanh-My Tran-Nhu | SOC |
Anna Perret | VER |
Aude Billard | SOC |
Nathalie Jaccard | VER |
Nathalie Vez | VER |
Vincent Jaques | SOC |
Yolanda Müller Chabloz | VER |
Sébastien Cala | SOC |
Elodie Lopez | EP |
Jerome De Benedictis | V'L |
David Vogel | V'L |
Cédric Roten | SOC |
Joëlle Minacci | EP |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Patricia Spack Isenrich | SOC |
Céline Baux | UDC |
Kilian Duggan | VER |
Martine Gerber | VER |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa commission s’est réunie en présence de Mme Isabelle Moret, conseillère d’Etat ainsi que de M. Frédéric Rérat, chef de la police cantonale du commerce et de M. Christian Richard, chimiste cantonal de l’Office de la consommation. Le postulat met en avant 3 objectifs principaux :
- quantifier les invendus alimentaires produits par les commerces alimentaires ;
- soutenir les associations actives dans la récupération des invendus alimentaires ;
- envisager une obligation légale pour que les grandes enseignes distribuent leurs invendus alimentaires.
Le gaspillage alimentaire représente un enjeu majeur tant environnemental que social. En Suisse, la majorité des pertes alimentaires provient des ménages, mais les grandes enseignes ont également une responsabilité importante. Le postulant souligne la mauvaise position de la Suisse en matière de gaspillage alimentaire, selon un rapport de l'ONU datant de 2024. Des associations comme Table Suisse ou Table couvre-toi jouent un rôle clé dans la récupération d'invendus, mais leur impact reste limité par manque de moyens.
Voici la position du Conseil d'Etat quant aux 3 axes demandés par le postulat. Sur le premier axe, Mme la conseillère d'Etat estime que cela nécessiterait des moyens excessifs et qu'il n'existe pas de base légale contraignant les commerces à fournir ces données. Quant au deuxième point, un projet pilote dans le cadre du Plan climat 2 alloue un budget de 150’000 francs pour redistribuer les denrées invendues de la restauration collective cantonale. Cependant, ce projet ne couvre pas les grandes enseignes ni les particuliers. Enfin, concernant le dernier axe, la conseillère d'Etat s'oppose à cette idée en raison de complications légales et administratives. Elle recommande une approche au niveau fédéral. En effet, le droit alimentaire est de compétence fédérale, notamment de l'Office fédéral de l'environnement.
Sur le premier point, les discussions au sein de la commission ont montré que certains membres de la commission estiment que des données pourraient être collectées par échantillonnage, mais d'autres commissaires relèvent que, même si les commerces possèdent ces données, ils ne les transmettront pas et que nulle base légale ne les y contraint. Quant au soutien aux associations, les membres de la commission s'accordent sur l'importance de renforcer les moyens logistiques et organisationnels des associations au-delà des aides financières. Enfin, pour ce qui touche à l’obligation légale de donner les invendus, elle est considérée comme difficilement applicable en raison des contraintes fédérales, administratives et économiques.
A la suite de ces discussions, le postulant a retiré la première et la dernière demande. Enfin, le postulant maintient, tout en la modifiant, sa deuxième demande, c’est-à-dire d’envisager un soutien financier ou sous une autre forme aux associations actives dans la récupération d'invendus alimentaires auprès des grandes surfaces afin de leur permettre de renforcer leurs actions. En conclusion, la commission recommande au Grand Conseil de prendre partiellement en considération le postulat par 6 voix et 1 abstention.
La discussion est ouverte.
En Suisse, un tiers des denrées alimentaires sont gaspillées et finissent à la poubelle : un problème grave à tel point endémique que le Conseil fédéral vient de fixer comme objectif, il y a quelques mois, de réduire de moitié les pertes alimentaires à l'horizon 2030. La question qui reste en suspens concerne les moyens de parvenir à cet objectif, objectif non pas seulement louable, mais souhaitable.
En réponse à certains postulats, en octobre dernier, le Conseil fédéral a expliqué qu'il envisageait certaines mesures fortes, à savoir la taxation des commerces qui ne font pas suffisamment d'efforts ou l'obligation de donner une quantité minimale des invendus. Mais que celles et ceux qui, dans ce plénum, sont allergiques aux obligations se rassurent. En effet, le postulat cantonal dont nous discutons maintenant a abandonné, dans sa version prise en considération partiellement, et comme l'a très bien dit M. Petermann, l'idée de mesures contraignantes. Malgré tout, chaque niveau doit faire sa part pour lutter contre le gaspillage alimentaire, c’est-à-dire les communes, les cantons et la Confédération, de même que les associations qui s'occupent de la récupération. Ce sont précisément ces associations qui sont ciblées par la prise en considération partielle du postulat. En effet, à l'heure actuelle, ces associations agissent seules, sans soutien public, ce qui limite leur pouvoir et leur champ d'action.
Ainsi, en acceptant le texte proposé, nous pourrons étudier un soutien sous une forme ou une autre – donc pas forcément ou exclusivement financier – aux associations actives dans la récupération d'invendus alimentaires auprès des grandes surfaces afin de permettre de renforcer leur action. On ne peut pas rester les bras ballants devant ce phénomène qui touche tout le monde et qui n'a pas de couleur politique. Enfin, pour rappel, mi-avril 2024, l'ONU a émis un rapport sur le gaspillage alimentaire. Il se trouve que la Suisse est le pays qui gaspille le plus en Europe. Par conséquent, si nous pouvions, même modestement, grappiller quelques places dans ce classement, saisissons cette l’occasion de le faire ! Je vous remercie par avance de votre soutien à la version partielle du postulat.
Je remercie Yannick Maury d’amener la question du gaspillage alimentaire. Je regrette qu'en 2025, nous soyons encore en train de réfléchir à comment arrêter de jeter de la nourriture, alors que pour bien des gens, même en Suisse, s'alimenter est un problème. L'effort qui peut être fait sur ce thème permet des économies de CO2 sans pour autant tomber dans l'interdiction et contribue à lutter contre la faim. Le groupe UDC acceptera ce postulat.
Je vais essayer de faire bref au vu du bruit qui commence à habiter la salle. J’annonce mes intérêts comme adjointe au gérant d'une succursale d'une grande enseigne orange qui ne commence pas par M ! Le gaspillage alimentaire se retrouve à tous les niveaux, de la fourche à la fourchette ! Produire un aliment demande de l'énergie, le détruire aussi. Quels sont les leviers que nous, élus, pouvons mettre en place pour limiter ce gaspillage ? Telle est la question. Sans reprendre l'ensemble des discussions qui ont eu lieu en séance de commission et que vous pouvez retrouver dans le rapport, j'aimerais souligner les points suivants.
Aujourd'hui, nous discutons des invendus et des déchets produits par la grande distribution, mais aussi par la restauration. La grande distribution n'a aucun intérêt à produire des déchets, puisque cela a un impact direct sur son chiffre d'affaires. C'est une gestion au plus proche des besoins de la clientèle qui permet d'éviter ce gaspillage alimentaire. Malgré tout, il reste une production de déchets incompressible ou presque, mais qui pourrait tout de même être valorisée. Depuis longtemps, il existe un partenariat entre la distribution et des associations comme que Table Suisse ou les Cartons du Cœur afin de valoriser les aliments qui peuvent être encore consommés, mais qui sont retirés de la vente. Bien entendu, tout est perfectible. L'idée serait de trouver, par exemple, un moyen de soutenir ces différentes organisations qui récoltent les invendus de la distribution et de la restauration pour augmenter les dons qui sont faits aux magasins solidaires et ainsi diminuer le gaspillage alimentaire. Cela pourrait être fait sous une forme financière, mais pas seulement. Cette aide peut se faire sous forme logistique, de soutien lors de manifestations cantonales ou autres. Le canton peut être créatif sur cette idée. Et je rappelle que cette mesure s'inscrit pleinement dans les buts et objectifs du Plan climat du canton. En conclusion, le groupe socialiste soutiendra à l'unanimité ce postulat et vous invite à prendre en considération partielle ce postulat, et à le renvoyer au Conseil d'Etat.
La problématique du gaspillage alimentaire est effectivement quelque chose contre lequel il faut lutter. Simplement – et c'est l'avis du groupe PLR – et tout comme cela a été dit également dans le rapport de majorité, cela dépend principalement du droit alimentaire et des compétences fédérales. Par ailleurs, le postulat proposé par M. Maury ne nous semble pas forcément la bonne solution. On peut d’ailleurs observer qu’il a été passablement modifié, et qu’il n’en reste plus qu'une petite partie. Dès lors, dans sa majorité, le groupe PLR, ne renverra pas ce postulat au Conseil d'Etat.
Je rejoins le postulant sur le fait qu’un tiers de la nourriture, en Suisse, est gaspillée. Cela est parfaitement inacceptable ; mais comment et pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Je crois que nous pouvons citer plusieurs éléments. D’abord, la législation qui impose des dates de péremption à certains aliments ; par exemple, sur un pot de vin cuit ou de miel, cela s’avère parfaitement aberrant, puisque ces produits se conservent des dizaines d’années. Ensuite, si l’on songe à il y a un siècle, quand les gens consacraient 50 % de leur revenu à l’alimentation, le gaspillage était bien moindre. Or, aujourd’hui, les produits s’achètent à des prix qui ne correspondent pas à leur valeur réelle, bien trop bon marché, ce qui participe du gaspillage. Nous vivons dans une société de consommation. Nous trouvons toujours de tout, partout. A mon sens, il s’agit d’une question d’éducation ; il faut réapprendre aux jeunes générations que la nourriture se respecte. Alors, il sera peut-être possible de faire marche arrière. Par conséquent, selon moi, injecter de l’argent pour que des associations mettent en valeur des invendus ne résoudra rien. En conclusion, je m’abstiendrai sur ce postulat.
J’aimerais simplement amener une précision. Il est vrai, comme l’a évoqué M. Bardet, que le postulat a passablement été modifié par la commission, qui a travaillé en bonne intelligence pour trouver un compromis. Tout le monde s’accordait à regretter l’absence de soutien – pas forcément financier – aux associations qui font de la récupération d’invendus alimentaires. Par conséquent, il me semble important d’envoyer un signal fort pour lutter contre le gaspillage alimentaire et en faveur de la récupération. Par conséquent, je vous invite plutôt à aller dans le sens du compromis et, à cet égard, j’en profite pour remercier M. Yann Glayre qui relevait l’importance de ne pas rester les bras ballants. A nouveau, il ne s’agit pas de mesures financières. Je vous invite à relire les conclusions du rapport de la commission quant à la prise en considération partielle.
La discussion est close.
Le Grand Conseil prend le postulat en considération partiellement par 68 voix contre 48 et 9 abstentions.
Je demande un vote nominal.
Retour à l'ordre du jourCette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui soutiennent la prise en considération partielle du postulat votent oui ; celles et ceux qui s’y opposent votent non ; les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, le Grand Conseil prend le postulat en considération partiellement par 67 voix contre 51 et 5 abstentions.
*insérer vote nominal