25_INT_160 - Interpellation Arnaud Bouverat et consorts au nom Groupe socialiste - Atteinte au droit de grève et à la liberté syndicale dans la fonction publique vaudoise.
Séance du Grand Conseil du mercredi 17 décembre 2025, point 2.1 de l'ordre du jour
Texte déposé
Par communiqué de presse du 12 décembre, le Conseil d’État a annoncé le retrait des décrets relatifs à la « contribution de crise » et aux décharges de fin de carrière dans l’enseignement. En lieu et place, le Conseil d’Etat a prévu de compenser ce retrait de décret par des mesures d’économies ciblées sur les ressources humaines, notamment par le non-renouvellement automatique des postes au départ du titulaire et l’introduction d’un délai de carence de 6 mois à l’engagement sans prétériter les prestations essentielles. Dans ce même communiqué, il a affirmé que, « sur la base de cette nouvelle donne », les conditions de licéité de la grève ne seraient désormais plus remplies, considérant ainsi le mouvement de grève en cours comme illicite.
Une telle prise de position soulève de très sérieuses interrogations, tant sur le plan juridique que politique. Le droit de grève est garanti tant par la Constitution fédérale que par la Constitution cantonale et précisé, pour le personnel de l’État de Vaud, par la loi sur le personnel de l’État de Vaud (LPers), notamment à ses articles relatifs à la liberté syndicale, à la paix du travail et au recours à la grève. En aucun cas, l’employeur ne peut décréter unilatéralement la fin d’une grève ou en déclarer l’illicéité.
Selon nos informations et les documents publics, les syndicats de la fonction publique et parapublique ont motivé la saisine de l’office de conciliation sur l’ensemble des mesures d’économie ayant un impact sur les conditions de travail et non spécifiquement sur les deux décrets retirés.
Dès lors, le retrait de deux mesures par le Conseil d’État ne saurait, à lui seul, épuiser l’ensemble des motifs d’un conflit collectif du travail, en particulier lorsque d’autres mesures d’économies impactant le personnel sont maintenues ou annoncées sous d’autres formes pour les mêmes montants. La persistance de revendications substantielles, connues de l’exécutif, pose donc la question de la réalité du dialogue social et de l’ouverture de l’Exécutif à de véritables négociations avec les organisations syndicales représentatives. Dans son communiqué, le Conseil d’Etat n’ouvre explicitement la porte à des négociations en 2026 que sur le plan de retour à l’équilibre 2030, ce qui n’est pas l’objet du litige porté devant l’Office de conciliation. Dans un courrier adressé par la suite aux syndicats, le Conseil d’Etat ouvrirait des négociations sur la mise en œuvre des mesures budgétaires, mais uniquement sur la répartition des coupes, puisque leur hauteur est déjà arrêtée. Le périmètre d'une potentielle négociation paraît donc peu clair, pour le moins limité et incertain.
Enfin, le fait que ces considérations sur l’illicéité de la grève aient été communiquées par voie de presse, sans échange préalable avec les syndicats concernés, ont contribué à créer une confusion importante au sein des services et des établissements, notamment s’agissant de l’organisation du service d’accueil et de garde, et fait peser un risque sur l’exercice effectif des droits fondamentaux des salarié·es. Vendredi 12 décembre déjà, plusieurs directions ont transmis des messages interdisant de faire grève à leur collaborateur sur la base de la communication du Conseil d’Etat. Cela constitue de fait une entrave à l’exercice du droit de grève.
Au vu de la gravité de ces éléments, il apparaît indispensable que le Conseil d’État clarifie sa position, tant sur le respect du droit de grève et de la liberté syndicale que sur sa conception du dialogue social dans le contexte des mesures d’économies en cours et à venir.
Questions
- Le Conseil d’Etat confirme-t-il que la saisine de l’office de conciliation portait bien sur l’ensemble des mesures d’économie impactant les conditions de travail et pas seulement sur les mesures retirées par le Conseil d’Etat ?
- Sur quelles bases juridiques précises le Conseil d’État se fonde-t-il pour affirmer de manière unilatérale que les conditions de licéité de la grève ne seraient plus remplies à la suite du retrait des deux décrets précités ?
- Pour quels motifs le Conseil d’État considère-t-il que le retrait des décrets en question aurait épuisé l’ensemble des revendications et des causes du conflit collectif du travail ?
- Quelles autres mesures d’économies impactant les conditions de travail du personnel de l’État ou des entités subventionnées sont maintenues ou envisagées, et en quoi celles-ci ont-elles fait l’objet — ou feront-elles obligatoirement l’objet — de négociations avec les organisations syndicales dans le cadre du budget 2026 ?
- Pour quelles raisons le Conseil d’Etat n’a pas ouvert des négociations urgentes avec les syndicats contrairement à ce qui avait été esquissé en ouverture du débat budgétaire 2026 devant le Grand Conseil, afin d’éviter une prolongation du conflit social ?
- Pour quelles raisons le Conseil d’État n’a-t-il pas communiqué directement avec les organisations syndicales concernées avant de rendre publique sa position sur l’illicéité prétendue de la grève ?
- Quelles mesures le Conseil d’État entend-il prendre afin de garantir le respect effectif du droit de grève, de la liberté syndicale et rétablir un climat de partenariat social après autant de mesures prises unilatéralement par le Conseil d’Etat ?
Conclusion
Souhaite développer
Liste exhaustive des cosignataires
| Signataire | Parti |
|---|---|
| Vincent Jaques | SOC |
| Cendrine Cachemaille | SOC |
| Claire Attinger Doepper | SOC |
| Oriane Sarrasin | SOC |
| Eliane Desarzens | SOC |
| Denis Corboz | SOC |
| Yves Paccaud | SOC |
| Sandra Pasquier | SOC |
| Laurent Balsiger | SOC |
| Cédric Echenard | SOC |
| Elodie Lopez | EP |
| Alexandre Rydlo | SOC |
| Séverine Graff | SOC |
| Géraldine Dubuis | VER |
| Stéphane Balet | SOC |
| Yannick Maury | VER |
| Marc Vuilleumier | EP |
| Martine Gerber | VER |
| Romain Pilloud | SOC |
| Sylvie Pittet Blanchette | SOC |
| Muriel Thalmann | SOC |
| Olivier Gfeller | SOC |
| Kilian Duggan | VER |
| Sylvie Podio | VER |
| Monique Ryf | SOC |
| Sébastien Cala | SOC |
| Felix Stürner | VER |
| Laure Jaton | SOC |
| Sébastien Kessler | SOC |
| Virginie Pilault | SOC |
| Julien Eggenberger | SOC |