23_POS_35 - Postulat Marc Vuilleumier et consorts au nom du groupe EAG-POP - Familles Roms dans notre canton: et si on essayait quelque chose ?.
Séance du Grand Conseil du mardi 8 avril 2025, point 10 de l'ordre du jour
Texte déposé
Des membres du peuple Rom sont arrivés, notamment dans le canton de Vaud, au début des années 2000. Ils font l’objet d’un large débat mêlant un soupçon de solidarité mais, surtout, beaucoup de rejets.
Ce peuple est parti de l’Inde il y a quelque mille ans pour rejoindre l’Empire byzantin. Il y a 500 ans, il a gagné l’ Europe et s’est reparti en 3 branches: les Sintis et les Manouches vivant au nord de l’Europe (Allemagne, Suisse et France), les Gitans vivant en Espagne, les Roms séjournant en Europe de l’Est. Ils forment une minorité d’environ 12 millions de personnes répartis dans plusieurs pays européens
L’histoire européenne de ces populations a été marquée par 2 grandes tragédies. Tout d’abord 500 ans de quasi esclavage dans les régions que sont aujourd’hui la Roumanie et les pays alentours. Ensuite, un terrible génocide pendant la 2ème guerre mondiale où ils ont été stigmatisés pour ce qu’ils étaient. Selon des recherches, 90% des Sintis allemands ont été exterminés ainsi qu’un demi million de Roms. Ce génocide n’a été reconnu que bien plus tard.
Selon le prof. Thomas Huonker, historien, la Suisse s’est montrée zélée dans la discrimination de ces populations, à la fin du 19ème et au 20ème siècle. Par exemple, on leur interdisait l’usage des transports publics, on les fichait quasiment systématiquement, on développait des théories eugénistes induisant de nombreuses stérilisations. Nous noterons encore la tragédie des « ENFANTS de la GRANDE ROUTE » organisée par Pro Juventute, au cours de laquelle 600 enfants yeniches ( population semi-nomade vivant en Suisse)ont été arrachés à leur famille.
Au début des années 2000, suite à la chute du communisme et aux accords de Schengen, de nombreux Roms sont venus en Suisse provenant notamment de Roumanie, Bulgarie et Slovaquie.
Cette population est discriminée dans ces pays mais aussi rejetée chez nous. De nombreux préjugés leur collent à la peau, par exemple la traite des êtres humains, une organisation mafieuse, une criminalité exacerbée, la prostitution forcée. Nous ajouterons, anecdotiquement, la célèbre grosse berline allemande qui amène les Roms au centre ville pour mendier, grosse berline dont beaucoup parlent et que personne n’a vu de ses propres yeux!
Dans nos villes, les Roms s’adonnent à la mendicité, ont parfois de petits boulots, certains un vrai travail (maraichage et construction par exemple). Mais leur situation reste très précaire et leur accès au logement, aux soins, au travail fixe, à l’école très aléatoire,voire impossible. Et ce, malgré les actions d’associations telles Opre Roms, Armée du Salut, Sant’Egidio, Église évangélique réformée, Églises catholique.
Le monde politique s’est emparé de la présence des Roms dans nos rues surtout avec une vision répressive: interdiction ou limitation de la mendicité, démantèlement de regroupement, stigmatisation ne reposant souvent sur aucun fait réel. Certains milieux politiques sont de l’avis que ces mesures vont inciter cette population à quitter notre canton ou notre pays. Selon des spécialistes, il n’en est rien. Comme elle est en France, en Italie, en Allemagne ou ailleurs, elle est aujourd’hui en Suisse durablement. L’arrivée de nombreux réfugiés Roms provenant d’Ukraine ces derniers mois en est une preuve supplémentaire.Dans ce cadre, il serait préférable de développer une politique d’inclusion plutôt que de discrimination et de répression. C’est d’ailleurs ce que prône le Conseil de l’Europe avec son plan 2020-2025 pour l’insertion de cette population via l’accès au logement, à l’emploi, à l’école, aux soins.
Dans ce sens, plusieurs expériences sont en cours notamment en France, tout spécialement à Montpellier. La Municipalité et la Région ont, ainsi, rasé un bidonville habité par des Roms et l’ont remplacé par un petit village de transition avec du logement spartiate mais salubre et la présence d’une équipe sociale et de soutien à l’insertion. Cette expérience limitée dans le temps a pour but, comme mentionné plus haut, de favoriser l’employabilité, l’accès au logement, aux soins et à la scolarisation des enfants. Des équipes socio-éducatives accompagnent les habitants pour diverses démarches devant aboutir à leur indépendance. Un accent tout particulier est mis sur les familles avec enfants afin que ces derniers suivent une scolarité dans les meilleures conditions possibles.
Aujourd’hui des familles roms avec enfants vivent dans notre canton sans logement fixe créant de grandes difficultés pour suivre une scolarisation normale. Certaines de ces familles sont soit dans la rue, soit dans des structures d’urgence pour un temps limité.
Par cette motion, nous demandons que le canton de Vaud, comme le souhaite le Conseil de l’Europe, initie une expérience pilote d’insertion de la population rom, notamment des familles avec enfants. Cette expérience devrait se réaliser en collaboration avec les communes concernées, les services de l’Etat pouvant apporter leur soutien et les associations d’entraide. Elle devrait pouvoir compter, à l’instar de l’expérience de Montpellier, sur une équipe sociale professionnelle et de médiateurs roms. Cette expérience pourrait être limitée dans le temps et faire l’objet d’une évaluation. Nous sommes convaincus que seul un engagement fort des pouvoirs publics permettra de mettre sur pied une vraie politique d’insertion des Roms.
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Vincent Bonvin | VER |
Sylvie Podio | VER |
Nathalie Jaccard | VER |
Romain Pilloud | SOC |
Vincent Keller | EP |
Elodie Lopez | EP |
Yves Paccaud | SOC |
Laurent Balsiger | SOC |
Mathilde Marendaz | EP |
Alberto Cherubini | SOC |
Muriel Thalmann | SOC |
Martine Gerber | VER |
Céline Misiego | EP |
Rebecca Joly | VER |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Sandra Pasquier | SOC |
Joëlle Minacci | EP |
Carine Carvalho | SOC |
Sylvie Pittet Blanchette | SOC |
Hadrien Buclin | EP |
Jean-Louis Radice | V'L |
Yannick Maury | VER |
Julien Eggenberger | SOC |
Théophile Schenker | VER |
Sébastien Cala | SOC |
Documents
- RC rapport de minorité de la commission_RC min (23_POS_35)_Olivier Petermann
- Rapport de majorité de la commission _ RC-maj (23_POS_35) - Claude Nicole Grin
- 23_POS_35-Texte déposé
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourJe vais présenter brièvement le rapport de la majorité de la commission. Celle-ci s'est réunie à deux reprises, le 4 septembre 2023 et le 23 janvier 2024. Lors de cette dernière séance, trois auditions ont eu lieu, dont celle de M. Christophe Blanchet, coordinateur de l’Unité Migration Accueil (UMA) et du Centre de ressources pour élèves allophones (CREAL). Ce postulat souhaite une nouvelle approche vis-à-vis des populations roms qui séjournent dans les villes du canton. Des familles roms avec enfants vivent dans notre canton sans logement fixe. Elles dorment dans la rue ou sont accueillies dans des structures d'urgence pour une durée limitée. Cette situation de précarité fragilise les familles, et les enfants éprouvent de grandes difficultés pour suivre une scolarité normale.
Cette population rom est installée ou revient régulièrement et durablement en Suisse. De même que d’autres Roms le font dans d’autres pays, en France, en Italie ou en Allemagne, pour ne citer que quelques exemples. Il serait donc préférable de développer une politique d'inclusion plutôt que de discrimination et de répression. C'est d'ailleurs ce que préconise le Conseil de l’Europe dans son Plan d’action stratégique sur l’intégration des Roms et des Gens du voyage (2020-2025) qui vise à l'insertion de ces populations via l'accès au logement, à l'emploi, à l'école et aux soins. Des expériences d’intégration sont en cours au niveau européen, notamment en France. L'initiative de la mairie de Montpellier et de la Préfecture de l’Hérault pourrait nous servir d'exemple. Cette expérience a été menée sous forme d’un « village de transition » et accompagnée par une équipe de travailleurs et travailleuses sociaux. Un accent tout particulier a été mis sur les familles avec enfants afin que ces derniers puissent suivre une scolarité dans les meilleures conditions possibles.
Le postulant demande au Conseil d’Etat d’initier une expérience pilote d'insertion de la population Rom, notamment des familles avec enfants. Cette expérience devrait se réaliser en collaboration avec les communes concernées, les services de l'Etat et les associations d'entraide déjà actives dans ce domaine. Elle pourrait s’inspirer de l’initiative de Montpellier et être accompagnée par une équipe assurant travail social et médiation avec les Roms. Cette expérience serait limitée dans le temps et ferait l'objet d'une évaluation. Seul un engagement fort des pouvoirs publics permettra de mettre sur pied une vraie politique d'insertion des Roms.
Il est important de rappeler que la scolarité des enfants est obligatoire et constitue un droit en Suisse. En ce qui concerne la situation scolaire des enfants roms, M. Christophe Blanchet nous a expliqué les actions menées par le CREAL. Ce dernier soutient les 93 établissements de la scolarité obligatoire pour toutes les questions relatives à la scolarité des élèves allophones. Il gère environ 50 classes d'accueil pour la ville de Lausanne, réparties sur 15 établissements de la région. Les premiers enfants roms sans logement ont été scolarisés en 2012, dans le cadre d'une expérience pilote réalisée en collaboration avec Opre Rrom et Point d'appui. Le nombre d'enfants scolarisés a peu varié au fil des années, atteignant un maximum d'une vingtaine d'enfants. En 2024, environ une quinzaine d'enfants roms originaires de Roumanie, sans logement ou vivant dans des conditions précaires, sont scolarisés. Les besoins principaux de ces enfants et de leur famille sont d'ordre social, portant sur le logement et l'accès à l'emploi.
De 2012 à aujourd'hui, c'est-à-dire jusqu'en 2024, les conditions de logement de ces enfants sont restées mauvaises et instables. On remarque que les enfants roms de Roumanie, au sein des classes d'accueil, se distinguent des autres migrants par un taux d'absentéisme plus élevé, dû à la fatigue physique qu'ils subissent et aux conditions de vie difficiles, des facteurs qui freinent leur progression scolaire et leur apprentissage. Leur progression demande beaucoup plus d'efforts que pour d'autres enfants migrants. Malgré ces obstacles importants, ces enfants ont réussi à apprendre à lire, à écrire et à maîtriser les bases des mathématiques, ce qui n'est pas le cas de leurs parents.
Depuis la séance de la commission, l'expérience d'intégration du village de transition de Montpellier, initialement prévue pour deux ans, s'est achevée comme prévu en avril 2024. Les 165 Roms qui y étaient hébergés ont quitté le village de transition. Le bilan de cette initiative est très positif : 105 résidents, soit 31 ménages, ont pu accéder à des logements sociaux à Montpellier, 31 personnes ont choisi de retourner en Roumanie, et 17 personnes ont quitté le dispositif en cours de parcours. Par ailleurs, 45 personnes ont été accompagnées dans leur recherche d'emploi, dont 16 ont trouvé un CDI, 16 un CDD, et 3 ont créé leur propre entreprise. Enfin, les enfants âgés de 3 à 16 ans qui ont été scolarisés ont présenté un taux de présence de 80 %. Au vu des résultats de cette expérience, la commission recommande au Grand Conseil de renvoyer ce postulat au Conseil d'Etat, par 5 voix contre 4 et aucune abstention.
Lors de la première séance, les commissaires de la minorité ont exprimé leur opposition à l'idée de renvoyer ce postulat au Conseil d'Etat. Ils estiment qu'il n'est pas nécessaire de prendre des mesures spécifiques pour chaque communauté. Selon eux, s'appuyer sur l'exemple de Montpellier n'est pas pertinent, étant donné que les réalités sont très différentes. De plus, un village de transition ne pourrait être situé qu'en périphérie, ce qui, selon eux, risquerait de ne pas favoriser l'intégration de cette population. Ils soulignent également que le groupe visé par le postulat est trop restreint, et qu'il semble plutôt s'agir de personnes qui mendient en ville. Selon leur point de vue, ces personnes ne sont pas ici pour travailler et ne cherchent pas à s'intégrer.
Pour la minorité, il est essentiel de se concentrer sur l'intégration des personnes venues en Suisse dans le but de travailler. De plus, ils estiment qu'il ne revient pas au canton de régler un problème qui semble plutôt être lausannois. La création d'un village de transition n'est pas jugée souhaitable. En outre, au-delà d'un séjour de 90 jours sans activité lucrative, cette situation soulève un problème important de statut. En effet, le statut des personnes concernées par le texte est problématique, car ces ressortissants peuvent venir en Suisse pour travailler, étudier, se soigner, et même pour un séjour de 90 jours sans activité lucrative, dans la limite de cette durée. Par conséquent, la minorité de la commission recommande au Grand Conseil de ne pas renvoyer ce postulat au Conseil d'Etat.
La discussion est ouverte.
Et si nous essayions quelque chose pour une dizaine de familles – au maximum – roms avec enfants qui viennent dans notre région ou y vivent depuis plusieurs années ? Des familles qui ont parfois un travail, parfois pas, qui ont des enfants qui, souvent, vont à l'école, mais dont le logement se résume à des conditions précaires, des squats, des structures d'urgence ou, bien plus souvent qu'on ne le croit, à la rue. Croyez-le, mesdames et messieurs les députés, ces personnes sont comme tout le monde. La majorité de ces familles veulent mener une vie normale pour elles-mêmes et pour leurs enfants, elles veulent trouver un travail, un logement. Croire le contraire serait une erreur. Mais elles n'y parviennent pas, car elles ont besoin d'un coup de pouce, comme le préconise d'ailleurs le Conseil de l'Europe – dont la Suisse est membre, et dont le Secrétaire général est suisse – à travers un programme d'intégration quinquennal. Essayons quelque chose pour briser, ne serait-ce qu'un peu, cette spirale de la misère et offrir un peu d'espoir à ces quelques familles qui vivent ici.
Plusieurs communes et préfectures, notamment en France, ont mené des expériences avec succès, comme le rapport de majorité l’a mentionné, en particulier Montpellier. Après avoir dépassé les nombreux stéréotypes et préjugés dont cette communauté est victime, cette ville a mis en place un projet réussi. Un bidonville a été démantelé, et des logements simples ont été installés : des caravanes, des Portakabin, etc. Une équipe sociale a été constituée, avec pour objectif de favoriser l'accès à un travail durable, de trouver un appartement et de permettre aux enfants de suivre une scolarité dans des conditions normales. Il a été précisé que cette expérience a duré un peu moins de deux ans. Elle est aujourd'hui terminée, comme cela avait été prévu, et le site a été fermé. La grande majorité des familles est aujourd'hui autonome, comme le confirme un rapport que je possède dans mon dossier.
A une échelle bien plus modeste, notre postulat propose de s'inspirer de cette expérience, ou d'autres similaires. Les deux arguments avancés dans le rapport de minorité nous apparaissent, à notre sens, comme des prétextes pour ne rien faire et pour maintenir un statu quo bien triste. Il serait, en effet, discriminatoire – et je pèse mes mots lorsque l'on parle des Roms – d'élaborer une politique d'intégration spécifique pour ces populations. C'est comme si l'on considérait que tout le monde part du même point de départ. Il est évident, par exemple, qu'un réfugié universitaire ukrainien ou kurde n'a pas les mêmes besoins, ni les mêmes ressources, qu'une famille rom qui, souvent, peine à lire ou à écrire.
L'autre argument avancé est qu'il s'agirait d'un problème lausannois. Pourtant, le fait que le Conseil de l'Europe dispose d'un bureau spécialisé pour les Roms et qu'il demande aux pays membres, dont la Suisse, de prendre des mesures pour leur intégration montre bien qu'il ne s'agit pas d'un problème localisé à Lausanne, mais bien d'un problème européen. Quant au fameux « appel d'air », plusieurs études ont démontré qu'il n'était qu'une illusion. Comme la majorité de la commission, nous avons une demande simple et courageuse, surtout si elle est acceptée sous forme d’essai. Nous demandons que le canton, les services concernés, les communes impliquées et les associations intéressées se réunissent autour d'une table pour élaborer un projet d'intégration limité dans le temps, avec une évaluation à la clé. L'objectif est de permettre à ces familles roms d'avoir une vie meilleure et un avenir. Il s'agit d'une quarantaine de personnes ; faisons preuve d'un peu de courage, sortons de notre zone de confort et dépassons les préjugés, afin de leur offrir la chance de devenir autonomes.
Le groupe socialiste vous demande de soutenir le rapport de majorité. Nous estimons qu'il est crucial de briser les spirales de pauvreté. Les personnes visées par ce postulat auront ainsi la possibilité de stabiliser leur situation. En leur offrant un logement de transition pour une durée déterminée, nous leur donnons l'opportunité de sortir de la précarité. Cette expérience pilote mérite d'être tentée. En conséquence, nous vous recommandons de prendre en considération ce postulat et de le renvoyer au Conseil d'Etat.
A mon tour de vous inviter à accepter le rapport de majorité. Pour rappel, les Roms ne sont ni des demandeurs d'asile ni des nomades. Les familles concernées ici proviennent des pays de l'Union européenne. Ces personnes sont, ou du moins pourraient être par principe, indépendantes. Cependant, elles constituent une population en souffrance qui a besoin de soutien pour trouver une place digne dans notre société. Dans la culture rom, la cellule familiale élargie est primordiale, ce qui explique les retours fréquents dans les pays d'origine pour maintenir cette unité familiale. Cette population subit une forte discrimination dans son pays d'origine, ce qui la pousse à migrer ici ou ailleurs, où elle rencontre malheureusement de nouveau de nombreux préjugés. Ces préjugés conditionnent, comme cela a déjà été souligné, sa situation socio-économique, entravant ainsi l'accès au logement, à l'école, aux soins et, bien sûr, à l'emploi.
Pour contribuer à la sortie de ce cercle vicieux, le postulant demande au Conseil d'Etat d'initier une expérience pilote d'insertion. Il nous revient, pour investir dans l'avenir, de démontrer à notre échelle qu'il est possible d'agir, de créer ce qu'on pourrait appeler un « village d'intégration » – une image plus qu'une réalité concrète. Ce n'est pas nécessairement un village au sens strict, mais plutôt un ensemble d'appartements. Cela nécessite une volonté politique forte, ainsi qu'un financement organisé, accompagné d'un suivi professionnel, des collaborations avec les communes, des critères clairs et une limite dans le temps. Car de tels dispositifs ne sont pas faits pour durer indéfiniment, mais pour soutenir un accès vers l'indépendance et la responsabilité citoyenne. En effet, il a été prouvé depuis longtemps qu'il est impossible d'attendre d'une personne qu'elle construise une existence autonome, par le travail et l'éducation, si elle ne dispose pas des conditions de vie de base suffisantes – telles que la sécurité, le logement, les soins, et l'alimentation.
Nous trouvons donc intéressant que ce postulat propose d'agir en amont des difficultés, en répondant aux besoins fondamentaux, plutôt que de se contenter de réagir à des situations a posteriori, qui engendrent également des coûts et manquent souvent de vision politique, étant souvent mises en place dans l'urgence. C'est pourquoi nous vous invitons vivement à accepter le rapport de majorité.
C’est sans surprise que le groupe PLR soutiendra le rapport de minorité, qui refuse de résoudre au niveau cantonal une situation qui, quoi qu'on en dise, est particulière à Lausanne. Le postulat Vuilleumier s'inscrit dans la logique du « Sauver tout le monde à Lausanne », en cherchant à héberger 10 à 15 familles roms, qui seraient « différentes » des autres, selon certains. Cela se fait sous le couvert émotionnel des enfants sans papiers, sans domicile, mais qui, malgré tout, suivent l'école obligatoire, avec toutes les difficultés d'intégration que cela implique. Oui, il s'agit bien de 10 à 15 familles à Lausanne, et on nous dit que ce nombre restera stable, selon la présidente de l'association Opre Rrom, auditionnée en commission.
Le postulat cherche à expérimenter quelque chose de nouveau en mettant en œuvre un village d'intégration, inspiré d'un projet réalisé à Montpellier, soit une nouvelle politique publique cantonale pour résoudre un problème lausannois. En fin de compte, c’est bien cela qui est visé : casser la spirale de la pauvreté instituée par la politique de gauche lausannoise, il faut le rappeler, et qui se perpétue de génération en génération. Le groupe PLR a pris acte du fait que les services du département concerné sont régis par la Loi sur les étrangers et l'intégration, et que le Canton de Vaud, par le biais de son Bureau cantonal d'intégration, déploie déjà les prestations appropriées pour toute personne possédant un permis de séjour, celui-ci étant conditionné à la détention d’un travail et d’un logement. Offrir un logement dans un village d'intégration à une quinzaine de familles roms, sans travail, c'est pour le groupe PLR aller clairement à l'encontre de l'inclusion, et ce, pour une catégorie particulière de personnes, et spécifiquement à Lausanne. Partant de ce constat, c'est à l'unanimité que le groupe PLR vous recommande de suivre le rapport de minorité et de classer ce postulat.
Je remercie notre collègue Vuilleumier pour cette excellente proposition. Oui, cela fonctionne, et pas seulement à Montpellier. Ici, dans la région lausannoise, une paroisse a décidé, depuis le début de l'hiver dernier, de soutenir une famille rom en leur proposant non seulement un logement, mais également un soutien pour leur insertion. Des cours de français pour monsieur, afin qu'il puisse savoir lire et écrire, des cours de cuisine pour madame qui souhaite en faire son métier. Les résultats sont déjà spectaculaires. Les enfants progressent à l'école. Madame, qui a beaucoup de plaisir dans ce domaine, a déjà remporté un prix dans un concours de cuisine. Et monsieur fait des progrès remarqués en français, ce qui le motive énormément. Oui, c'est possible et souhaitable, pour eux comme pour nous toutes et tous, comme le montre tant cette expérience de la paroisse que celle de Montpellier. Un avenir autre que celui de la rue est possible pour les familles roms, à moins, bien sûr, que nous ne souhaitions les maintenir dans la rue et dans la mendicité. Je ne peux que vous encourager à soutenir ce postulat et le rapport de majorité.
Nous avons des règles générales qui s'appliquent à tous, et en particulier pour les personnes en provenance de l'Union européenne. Nous avons des accords de libre circulation des travailleurs qui permettent aux personnes ayant une nationalité européenne de venir travailler en Suisse. Dans ce cadre, le Bureau cantonal d'intégration propose des mesures facilitant l'intégration dans notre pays. Ces mesures s'adressent à toute personne ayant un travail et un logement, indépendamment de leur nationalité européenne et indépendamment du fait qu'elles soient roms ou non. Il s'agit d'un principe d'égalité de traitement entre toutes les personnes venant de l'Union européenne, et le grand principe qui fonctionne bien dans notre pays en matière d'intégration est celui de la mixité sociale.
L'exemple proposé ici avec Montpellier a été rappelé : il y avait un bidonville – mais nous n'avons pas de bidonville dans le canton de Vaud – et il s'agirait de créer un village dédié spécifiquement aux personnes roms, en clair, de créer un ghetto pour roms, ce qui serait totalement contraire à ce que nous connaissons et ce qui fonctionne ici. Ce qui facilite l'intégration dans notre canton, c'est cette mixité d'origine, cette mixité sociale, qui permet d'intégrer pleinement les personnes dans notre canton. Je rappelle que les personnes qui n'ont pas de travail ou qui n'ont pas trouvé de travail dans notre pays ne peuvent pas rester plus de 90 jours sans activité lucrative. Ce sont les accords que nous avons signés avec l'Union européenne, et ils doivent s'appliquer à tous, qu'il s'agisse de personnes roms ou non. Voilà pourquoi le Conseil d'Etat vous demande de ne pas lui renvoyer ce postulat et de le classer.
Non, madame la conseillère d'Etat, cela ne fonctionne pas, puisque ces gens-là, les familles dont on parle, et uniquement ces familles-là, n’arrivent pas à s’en sortir. Même s'il existe des lois, des règlements, des procédures, elles ne peuvent pas en bénéficier car elles partent d’une situation complètement différente de celle des autres réfugiés qui peuvent effectivement profiter de la politique traditionnelle. Elles ont besoin d’un coup de pouce spécifique, et c’est ce qu’a bien compris le Conseil de l’Europe, qui n’est pas une instance négligeable, et qui demande précisément aux pays membres de prendre des mesures comme celles proposées ici, car il est évident que le reste de la politique traditionnelle ne suffit pas.
Ensuite, concernant la question du ghetto, comme cela a été très clairement dit en commission, ces quelques logements peuvent très bien être situés au même endroit ou être dispersés. Ce qui est important, c’est qu’il y ait une équipe sociale qui suive ces personnes, peu importe où elles se trouvent. Revenir à l’argument que j’ai déjà présenté tout à l'heure, à savoir que Lausanne, une ville de gauche, aurait invité des dizaines de Roms à venir ici, est totalement ridicule. Cet argument est aussi peu convaincant que si les citadins disaient qu'ils ne voulaient pas aider l’agriculture parce qu'il n’y a pas de champs en ville. Il existe des problèmes généraux qui se posent dans le canton. Les citadins sont solidaires de la politique agricole du canton, et tout comme on demande aux autres d’être solidaires des problèmes qu’il y a en ville, car la mendicité ne se passe pas au sommet du Mollendruz, mais bien en ville.
Je rappelle que nous parlons de personnes qui ont une nationalité européenne et qui ne viennent pas demander l'asile dans notre pays. Il me semble tout à fait normal que le Conseil de l'Europe rappelle aux pays de l'Union européenne qu'ils doivent prendre en charge correctement leurs propres ressortissants.
Je n'avais pas prévu de prendre la parole sur ce sujet, mais ce qui m'interroge dans les prises de parole de Mme la conseillère d'Etat, c'est qu’elle occulte une dimension plus structurelle. En effet, au sein de l'Union européenne, il y a des personnes qui ont le droit de circuler au sein des pays où elles peuvent circuler, comme cela a été mentionné, mais tout le monde ne part pas avec les mêmes bases ou avec les mêmes chances d’intégration. Il se trouve que les personnes roms sont victimes de discrimination dans leur pays d'origine ainsi que dans les pays où elles se rendent. Contrairement à ce que certains de mes collègues de droite suggèrent, ces personnes ne viennent pas d’Europe de l'Ouest en premier lieu pour mendier. Elles souhaiteraient travailler, mais malheureusement, elles font face à des discriminations qui rendent leur intégration beaucoup plus difficile, aussi bien sur le marché du travail que sur le marché du logement.
On se trouve face à une conséquence, c'est que ces personnes finissent par mendier dans nos villes. Le fait de proposer un programme qui réponde aussi aux problématiques qu'elles rencontrent, qui leur ouvre la voie à une intégration par le logement et le travail, me semble être plutôt profitable pour nous tous. D’autant plus que la question de la mendicité a été largement débattue il y a quelques mois dans ce plénum. Elle semble déranger particulièrement les personnes qui s’opposent au projet proposé par M. Vuilleumier. Mais pour ma part, je trouve que cette expérience et les pistes proposées vont bien au-delà de la répression, qui ne règle pas le problème. En réalité, on prendrait le problème à sa racine. L'idée est de proposer des solutions qui, finalement, permettraient de réduire aussi le nombre de personnes qui mendient dans nos villes, répondant ainsi à un souci, une inquiétude exprimée notamment par la droite.
Sans surprise, je vais répéter encore une fois ce que j'ai eu l'occasion de dire à de nombreuses reprises sur ce sujet : nous entamons le débat en oubliant tout ce que fait déjà notre pays, comme l'a rappelé Mme la conseillère d'Etat. C'est un problème de migration européen. Dans le cadre du milliard de cohésion, la Suisse n'a pas agi en vain. Elle a d'ailleurs octroyé 250 millions aux gouvernements de la Bulgarie et de la Roumanie, précisément pour des programmes visant l'intégration des Roms. Pourquoi ? Si l'on se réfère au site de la Confédération, l'idée était à l'époque, et elle paraît tout à fait cohérente avec les propos de la conseillère d'Etat, de dire qu'il faut trouver des programmes d'intégration là où ces personnes vivent, chez elles, dans leur pays d'origine. Cela inclut des initiatives comme la scolarisation, la formation, etc. C'est pour cela que des sommes considérables ont été engagées, notamment par la Suisse, mais aussi par l'ensemble des pays européens.
Finalement, lorsque l’on examine différents articles publiés par la Radio Télévision Suisse (RTS), LeTemps, et d’autres médias, on s’aperçoit que ces programmes d'intégration ont largement échoué. J'ai beaucoup de mal à croire qu'en traitant le problème ici, en Suisse, là où il devrait être résolu à l'échelle européenne, nous arriverons à résoudre des difficultés que nous avons déjà tentées de résoudre directement sur place, avec des résultats quasi nuls. En effet, on constate que lorsque des programmes de scolarisation sont mis en place, les enfants ne sont pas envoyés à l'école. C'est un vrai problème. Lorsqu'il y a des programmes de logement, ces familles ne vont pas vivre dans les logements qui leur sont proposés. Peut-être qu'il y a quelques expériences isolées à citer, comme celle de Montpellier, mais il faut bien reconnaître que cela reste une goutte d'eau dans l’océan. Je pense qu’il serait plus judicieux de défendre des projets à une échelle internationale, plutôt que de se concentrer sur des solutions locales qui n'ont même pas donné de résultats probants lorsqu'elles ont été mises en place ailleurs. Je vous invite donc à rejeter ce postulat et à soutenir le rapport de minorité.
Je connais quelques familles roms, notamment dans notre région. Chaque fois que c'est possible, les enfants vont à l'école. Je me fais un devoir de m'inscrire en faux par rapport à ce qui vient d'être dit. Il faut rappeler que, dans leur pays d'origine, il y a une forte discrimination. C'est un peuple de voyageurs. Ce mode de vie nous interpelle, mais il fait du bien de se laisser interpeller. Les expériences ici et à l'étranger, dont celle que je vous ai relatée, montrent qu'on peut faire beaucoup de choses pour permettre aux enfants d’être scolarisés dans de bonnes conditions et leur offrir un avenir différent. Il est tout à fait possible pour les parents de trouver un emploi. A nous de fournir le cadre pour que cela se fasse. Sinon, ne nous plaignons pas de la situation actuelle et de la mendicité dans nos rues, car on ne peut pas ne rien faire et se plaindre de l'existant. Je vous encourage à soutenir cette démarche. Comme le souligne notre collègue Vuilleumier, il ne s’agit pas de créer des ghettos, mais de soutenir ces personnes avec un encadrement. Lorsque cet encadrement est présent, les expériences que je côtoie de près, notamment dans notre paroisse, montrent que cela fonctionne. Je vous encourage donc à soutenir ce postulat.
La discussion est close.
Le Grand Conseil refuse la prise en considération du postulat par 73 voix contre 55 et 3 abstentions.
Je demande un vote nominal.
Retour à l'ordre du jourCette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui soutiennent les conclusions du rapport de la majorité votent oui ; celles et ceux qui souhaitent son classement votent non ; les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, le Grand Conseil refuse la prise en considération du postulat par 77 voix contre 57 et 3 abstentions.
* introduire vote nominal