22_REP_240 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Hadrien Buclin et consorts - Privatisation et sous-traitance de la chirurgie ambulatoire : un fiasco ! (22_INT_162).

Séance du Grand Conseil du mardi 23 avril 2024, point 55 de l'ordre du jour

Document

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Hadrien Buclin (EP) —

En 2012, lorsque le Conseil d’Etat avait décidé de privatiser le secteur de la chirurgie ambulatoire, notre groupe avait déjà critiqué cette décision, ici au Grand Conseil. Nous nous inquiétions alors – ce n'était pas moi, mais d'autres collègues députés – de l'accaparement d'activités rentables par un groupe privé à but lucratif, aux dépens des intérêts financiers de l'hôpital public. Nous nous inquiétions aussi de répercussions potentiellement négatives sur les conditions de travail des salariés concernés. Nos craintes se sont malheureusement confirmées par la suite, puisque la sous-traitance de la chirurgie ambulatoire s'est terminée en fiasco.

Une première alerte avait été lancée en 2018, par la Cour des comptes qui s'inquiétait des difficultés financières de l'entreprise MV Santé et de la dette contractée par cette société auprès du CHUV. La situation n'a fait que de s'aggraver, par la suite, au point d'amener l'hôpital à dénoncer le contrat avec MV Santé – une rupture de contrat qui a tout de même coûté 12,5 millions au CHUV ! Pour mettre ce montant en perspective, rappelons qu'il correspond à la moitié du déficit 2022 du CHUV, un déficit qui a motivé un plan d'économie, dont les conséquences sur les conditions de travail sont aujourd'hui dénoncées par les syndicats ! Pour être complet, à ces 12,5 millions de coûts, on pourrait encore ajouter les indemnités payées par le CHUV à MV Santé ces dernières années pour dédommager l'entreprise pour un volume d'opérations considéré comme insuffisant – autant de charges que l'hôpital public aurait pu éviter, selon nous, si le secteur n'avait pas été privatisé.

La société privée concernée s'en sort finalement assez bien parce que le CHUV a renoncé à tenter de récupérer tout ou partie des 12,5 millions d'impayés en engageant une procédure de poursuites. A ce propos, je regrette l’explication plutôt vague donnée dans la réponse du Conseil d'Etat à la question 3. On ne comprend pas bien le motif pour lequel l'Etat a renoncé à défendre ses intérêts financiers à travers une procédure de poursuite. Peut-être la conseillère d'Etat peut-elle nous donner quelques éléments plus concrets ?

Enfin, rappelons que ce fiasco s'est répercuté de manière négative sur les patientes et patients, avec plusieurs reports d'opérations chirurgicales prévues de longue date et annulées au dernier moment. En conclusion, je déplore que le Conseil d'Etat ne tire pas une conclusion plus claire, pour l'avenir, à savoir que la sous-traitance d'activités hospitalières à des entreprises privées à but lucratif est dangereuse, tant pour les intérêts financiers de la collectivité publique que pour la sécurité et la continuité de la prise en charge des patients. Avec mon groupe, je m'opposerai à l'avenir à tout nouveau projet de ce type et j'espère que le Conseil d'Etat tirera lui aussi des conclusions prudentes de cet épisode finalement négatif pour l'hôpital.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Jacques-André Haury (V'L) —

Nous ne sommes pas très surpris qu'un représentant de l'extrême gauche n'aime pas les collaborations entre les services publics et les privés, et qu'il interprète ce qu'il appelle un fiasco à la lumière de son idéologie. Cela étant, nous devons signaler qu'outre les 6000 opérations effectuées chaque année par les médecins du CHUV à Beaumont, de 2’000 à 3’000 opérations y étaient effectuées par des médecins de la ville, dont j'ai fait partie. Et ces médecins de la ville avaient une supériorité sur les médecins du CHUV : celle de l'expérience. C'est-à-dire que les médecins de la ville étant des médecins bien formés – certains considèrent peut-être que je n'en faisais pas partie, mais je le croyais à l'époque – ils parvenaient à effectuer les opérations dans les temps prévus par Tarmed, et même en dessous de ce temps, ce qui permettait à l'établissement de rentabiliser ses charges avec l’apport de Tarmed. En revanche, s'agissant de médecins en formation – et c'était bien normal – le temps opératoire était sensiblement plus long – de 150 %, voire 200 %. Dans ces conditions, le revenu Tarmed ne suffisait pas et il était alors nécessaire pour le CHUV de combler la différence, par un certain nombre de millions.

Maintenant, monsieur Buclin, on ne demande pas combien coûte 1 heure de salle d'opération dans le bâtiment du CHUV. Je veux dire par là qu'il est un peu rapide de conclure que cette expérience est un fiasco. Actuellement, les médecins de la ville ne peuvent plus opérer à Beaumont, alors que c'était aussi une bonne occasion de faire des rencontres, des collaborations et des échanges d'expériences entre des médecins en formation et des médecins formés. Malheureusement, cette source s'est tarie. Dès lors, je suis donc loin de penser que l'expérience de Beaumont est un fiasco. Je remercie le Conseil d'Etat pour sa réponse nuancée.

Mme Rebecca Ruiz (C-DSAS) — Conseiller-ère d’Etat

J’ai quelques éléments de réponse pour vous, monsieur Buclin, puisque vous estimez que la réponse à la question 3 n'est pas suffisamment explicite, s'agissant de savoir pourquoi le CHUV n'a pas procédé à une mise aux poursuites de la société MV Santé. En réalité, l’explication se trouve dans la réponse à la question 1, au dernier paragraphe, qui parle de ce qui a amené le CHUV à tenter de trouver une transaction et un accord avec MV Santé, de manière rapide. La question s'est évidemment posée – vous pouvez bien l'imaginer – de savoir s'il fallait une mise aux poursuites ou non. L'élément déterminant des réflexions du CHUV fut de se dire qu'une fermeture du centre ambulatoire de MV Santé – si cette fermeture ne pouvait se faire dans des délais raisonnables, ou s’il était impossible pour le CHUV de reprendre les activités rapidement – pouvait amener des patients à subir de très lourdes conséquences. En effet, au moment où la crise avec MV Santé est arrivée, une série d'opérations était planifiée. Dans cette situation – je fais d'ailleurs le lien avec ce qui a été dit avant – grâce au concours d’autres partenaires, en particulier privés, il a fallu replacer ces opérations pour éviter que certaines situations ne soient en attente trop longtemps – cela concernait toute une série d'opérations, planifiées sur plusieurs mois. Ainsi, l'intérêt des patients a évidemment primé. Et comme vous le voyez dans la réponse 1, le fait que le redémarrage des activités ait pu se faire dès le 11 janvier est évoqué. C’est maintenant loin, mais à l’époque, vous n'aviez pas forcément connaissance de ce qui se passait, mais je peux vous dire que des gens ont passé toutes leurs vacances de Noël à travailler d'arrache-pied pour s'assurer de pouvoir reprendre les locaux et l'activité, ainsi que discuter avec le personnel.

Dans cette réponse, il est également dit que s'il avait fallu attendre la décision finale de la Chambre patrimoniale cantonale, en particulier dans le cadre d'une procédure de mise en poursuite, l’activité de redémarrage aurait été beaucoup plus lente, avec un effet concret sur les patients concernés ainsi que sur les patients à venir. En effet, si des opérations étaient programmées, il y avait aussi tous les patients qui arrivent dans le flux quotidien, et il était impossible aux acteurs présents de les prendre tous en charge. A cette situation s’ajoute un dégât d'image très important pour le CHUV. En effet, je peux vous dire que chaque fois qu'un hôpital doit déprogrammer des opérations, cela génère beaucoup d'inconfort et le plus souvent beaucoup de grogne, tout à fait légitime, de la part des patients, et ce, surtout lorsque les situations ne sont pas forcément vitales, mais inconfortables ou qu’elles suscitent des douleurs qui nécessitent une prise en charge. C'est donc l’arbitrage qui a été fait, qui a amené le CHUV à tenter une reprise d'activité le plus vite possible.

J’aimerais encore ajouter que depuis la rédaction de cette réponse, en mai 2023, il y a eu du nouveau en relation avec la question 5, sur les conséquences et le déroulement du redémarrage, et sur la manière dont la reprise s'est faite depuis lors. En page 5 il est indiqué qu'à la fin d’avril 2023, le CHUV était en mesure d'exploiter 5 salles sur les 7 dont dispose le centre. Aujourd'hui, 6 salles sont en exploitation et à partir du 1er mai – normalement – la 7e salle pourra également être en exploitation, avec un nombre d'opérations par mois dépassant toutes les espérances que nous avions au moment où la reprise s'est faite, et qui va d'ailleurs au-delà de ce que faisait MV Santé à l'époque.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

Ce point de l’ordre du jour est traité.  

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