24_LEG_107 - EMPL modifiant la loi du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux (LI) relative à la fin de la responsabilité solidaire en cas de séparation/décès pour les impôts, cantonaux et communaux, impayés nés durant la vie commune (1er débat) (suite des débats).
Séance du Grand Conseil du mardi 1er avril 2025, point 14 de l'ordre du jour
Documents
- Rapport de la commission - EMPL fin de la responsabilité solidaire (min.)
- Texte adopté par CE - EMPL modifiant la LI - fin responsabilité solidaire en cas de séparation pour les impôts - publié
- Rapport de la commission - EMPL fin de la responsabilité solidaire (maj.) avec annexes
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourSuite du premier débat
Le débat est repris.
Il est passé à la discussion du projet de loi, article par article, en premier débat.
Article premier. –
Art. 14. –
Je dépose un amendement à l’article 14 afin de traiter le cas de l’insolvabilité d’un des époux. En effet, en plus de prévoir la fin de la solidarité pour les époux séparés ou divorcés, la Confédération prévoit de mettre fin à la solidarité lorsque l’un des époux devient insolvable, même s’ils vivent en ménage commun, afin d’éviter de plonger le conjoint et ses enfants dans de graves difficultés financières. Il ne faut pas oublier que ce sont des vases communicants : les personnes qui tombent dans la précarité financière se retrouvent souvent à l’assurance sociale. Le Conseil d’État déclare, dans son projet de loi, qu’il va s’aligner sur la majorité des autres cantons et de la Confédération. Le rapport de majorité indique expressément que le Conseil d’État propose un changement de législation, estimant que la loi vaudoise devrait être alignée avec les pratiques de quasiment tous les cantons suisses et de la Confédération. Cependant, il ne traite pas de la problématique de l’insolvabilité du conjoint marié vivant en ménage commun, bien que cette demande figure explicitement dans la motion – transformée en postulat – déposée par l’intergroupe F. Celle-ci demandait que l’article 14 reprenne l’article correspondant au niveau fédéral. Mon amendement propose donc l’ajout d’un alinéa 1bis à l’article 14, tel qu’il apparaît déjà dans la motion de 2019 et tel qu’il est déjà appliqué par la Confédération et les autres cantons :
« Art. 14. – al. 1bis (nouveau) : Si l’un des conjoints est notoirement insolvable, l’autre ne répond toutefois solidairement que de la part de l’impôt total afférente à ses propres éléments de revenu et de fortune ainsi qu’à ceux des enfants. »
L’amendement Muriel Thalmann est accepté par 70 voix contre 62 et 1 abstention.
Je demande un vote nominal.
Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui soutiennent l’amendement votent oui ; celles et ceux qui s’y opposent votent non ; les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, l’amendement Muriel Thalmann est accepté par 71 voix contre 67 et 2 abstentions.
* insérer vote nominal
L’article 14, amendé, est accepté par 72 voix contre 64 et 4 abstentions.
L’article 49 est accepté avec quelques abstentions.
Art. 277m. –
Le rapport de majorité propose que la nouvelle loi entre en vigueur dès le 1er janvier 2026, avec un effet rétroactif fixé au 1er janvier 2025. Cependant, il ne traite pas des demandes en paiement ni des procédures de recouvrement pendantes au 1er janvier 2026 et fondées sur l’ancien droit. En ce qui concerne l’effet rétroactif, les données officielles communiquées par le Conseil d’État le 9 octobre 2024 confirment ce que dénonce Me Yves Noël depuis 2014 : le système vaudois de maintien de la solidarité fiscale après la séparation des conjoints viole l’article 8, alinéa 2, de la Constitution, car la majorité des personnes appelées en solidarité sont des femmes. Les chiffres obtenus dix ans plus tard, après de multiples démarches et recours, démontrent que les poursuites solidaires touchent dans 97% des cas les femmes, ce qui prouve que la loi est discriminatoire et qu’elle contrevient à la Constitution.
Un arrêt récent du Tribunal fédéral, datant du 24 juin 2021, a établi trois principes en cas d’inégalité de traitement, donc de discrimination :
- la Constitution exige que la discrimination soit éliminée de manière appropriée et dans un délai raisonnable ;
- il est justifié de prendre en considération le moment où la victime a contesté la discrimination pour la première fois ;
- il n’est ni insoutenable ni arbitraire de corriger cette discrimination depuis le moment où la victime l’a dénoncée.
Ainsi, un effet rétroactif s’impose pour toute modification de loi visant à corriger une discrimination, et ce, dès le moment où la victime a dénoncé cette discrimination pour la première fois. Par conséquent, l’effet rétroactif proposé par le rapport de majorité ne devrait pas être fixé au 1er janvier 2025, mais au 1er janvier 2014, date à laquelle Me Yves Noël a dénoncé pour la première fois que l’article 14, alinéa 1, de la Loi sur les impôts directs cantonaux (LI) était discriminatoire à l’égard des femmes.
En conséquence, et au regard des principes énoncés par le Tribunal fédéral, il apparaît que les arguments avancés par la conseillère d’État, Mme Valérie Dittli, pour exclure toute rétroactivité ne sont pas pertinents dans le cadre d’une modification législative visant à corriger une discrimination. C’est pourquoi je dépose cet amendement à l’article 227m, relatif à la responsabilité des époux, afin d’obtenir un effet rétroactif fixé au 1er janvier 2014 :
« Art. 277m. –
Al. 1 : L
’es articles 14 alinéa 1 et 1 bis sont applicables aux époux dont la séparation (art. 10 al. 1 Ll) intervient dès la période fiscale 2025.Al. 2 (nouveau) : S’agissant des époux dont la séparation (art. 10. al. 1 LI) est intervenue antérieurement à la période fiscale 2025, les articles 14 alinéa 1 et 1bis sont applicables à toutes les poursuites "solidaires" introduites dès 20142 ainsi qu’à toutes les décisions fiscales rendues dès 2014 qui ont pour cause de l’obligation la solidarité fiscale fondée sur l’art. 14 LI, alinéa 1 dans sa teneur actuelle.
Al. 3 (nouveau) : A défaut de remplir les conditions de l’alinéa 1 ou 2 de l’art. 227m, l’art. 14 al. 1 dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2024 demeure applicable. »
La commission vous propose l'amendement suivant :
« Art. 277m. – al. 1 : L’article 14, alinéa 1, deuxième phrase est applicable aux époux dont la séparation (art. 10) intervient dès la période fiscale 2026, avec un effet rétroactif fixé au 1er janvier 2025. Pour les époux dont la séparation (art. 10) intervient antérieurement et jusqu’à l’année 2024
2025y comprise, l’article 14, alinéa 1 dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2025 demeure applicable. »Cet amendement a été accepté par 7 voix contre 7, avec la voix prépondérante du président.
(remplaçant M. Cédric Weissert, rapporteur de minorité) Pour rappel, cette modification, que le rapport de majorité a acceptée, a cependant été rejetée par la minorité. Quant à l’amendement de Mme Thalmann, il n’a pas été discuté en commission.
Je vais m’exprimer principalement sur l’amendement que vient de nous présenter notre collègue Muriel Thalmann, en vous appelant à un minimum de raison. Les motifs louables invoqués ne doivent pas primer sur un principe fondamental, celui de la sécurité du droit, ainsi que sur un autre principe essentiel, celui de la non-rétroactivité des lois. Certes, cela peut entraîner, avec le temps, certaines inégalités ou contradictions, mais lorsqu’on édicte une loi, on doit évaluer l’égalité de traitement au moment où elle est adoptée. C’est ce qu’a rappelé le Tribunal fédéral dans une jurisprudence quasi constante, en soulignant ce principe de non-rétroactivité et en précisant que, lorsque la loi introduit une rétroactivité, celle-ci doit être raisonnablement limitée dans le temps. Je vous cite un arrêt du Tribunal fédéral, publié au Recueil officiel 119-1a 254. Madame Thalmann, chers collègues, limité dans le temps ne signifie pas une rétroactivité de 11 ans, mais au maximum d’une année. De plus, la rétroactivité ne doit pas entraîner des inégalités choquantes et doit être justifiée par des motifs d’intérêt public prépondérants. Or, à mon avis, cela n’est pas le cas ici. Comment voulez-vous revenir 11 ans en arrière avec des contribuables qui auront déménagé, changé d’état civil, ou, excusez-moi de vous le dire, qui seront peut-être décédés ? Il faudra alors refaire toute la mécanique, ce qui n’est manifestement pas une chose à prendre à la légère.
J’ai bien entendu les arguments tirés de l’avis de droit de Me Noël, mais il faut rappeler qu’un avis de droit n’est pas encore une décision du Tribunal fédéral, par hypothèse. Je vous en cite une, qui porte précisément sur l’inégalité de traitement entre couples mariés et qui pénalise fortement l’époux ou l’épouse travaillant en plus du gain principal. C’est l’inégalité entre couples mariés et non mariés. Depuis 1982, le Tribunal fédéral a déjà jugé que cette situation constituait une inégalité totalement inacceptable. Cela fait 50 ans que nous vivons sous ce régime, et je crains qu’une solution au niveau fédéral ne soit pas trouvée avant 2030. Cela témoigne d’inégalités évidentes qui sont choquantes et inacceptables. J’ai toujours soutenu l’idée d’une imposition individuelle au sein du couple. Mais, il reste que, depuis l’arrêt du Tribunal fédéral de 1982, nous vivons tous dans une situation qui pourrait bien mettre 50 ans à être résolue. Si nous suivons l’amendement Thalmann, il faudrait revenir sur l’imposition des couples depuis 1982, au moment de l’introduction de l’imposition individuelle, en disant qu’il est injuste de continuer à taxer ces gens de manière inéquitable depuis 50 ans. Imaginez-vous bien que cela n’est pas possible, et pour les mêmes raisons, il n’est pas envisageable de revenir 11 ans en arrière.
Une autre inégalité de traitement choquante, mais qui reste difficile à aborder, est celle concernant les couples mariés et dans lesquels l’un des conjoints ne touche qu’une demi-rente AVS. Je crois que le seul à s’être récemment préoccupé de cette question était le conseiller aux États, Pascal Broulis. Cette inégalité est totalement injustifiable et injustifiée. Encore une fois, en ce qui concerne l’encouragement des femmes à travailler, nous pourrions effectivement faire beaucoup mieux. Pourtant, on n’entend pas beaucoup de réactions sur ce sujet, qui me semble pourtant particulièrement important. Je vous invite donc à refuser cet amendement.
Sur le fond, j’ai entendu, lors du débat d’entrée en matière, des arguments évoquant des situations inacceptables au sein d’un couple, où l’on met systématiquement Monsieur en exergue, le dépeignant comme un joueur, un buveur, un dépensier, et j’en passe. Je crois qu’il ne faut pas céder à ce genre de caricature. Je rappelle que le Code civil contient des dispositions relatives aux mesures protectrices de l’union conjugale, qui sont gratuites – un point souvent souligné concernant les coûts de la justice. Ces procédures sont gratuites, et dans un couple qui n’a pas nécessairement recours à une instance de divorce, il est possible de demander des mesures, y compris des mesures financières, ainsi que des avis aux débiteurs, précisément pour éviter des situations dans lesquelles le couple serait surendetté et où l’un des partenaires aurait des pratiques dispendieuses qui mettraient en péril la stabilité financière du ménage. J’espère donc que l’une des parties n’est pas totalement dépourvue de moyens judiciaires pour faire valoir ses droits. Pour toutes ces raisons, je vous invite à rejeter cet amendement qui me semble manifestement excessif.
Quant à l’amendement de la majorité de la commission, pour les mêmes raisons, je ne comprends pas bien pourquoi nous devrions instaurer un effet rétroactif au 1er janvier 2024. Je vous invite donc à soutenir le rapport de minorité.
Sur le fond, il me semble évident qu’il faut mettre fin à la solidarité des dettes fiscales après divorce. Cependant, ce que j’attends du Conseil d’État – et ce que j’ai déjà demandé lors de la dernière discussion – ce sont les chiffres des cinq dernières années. Nous devons savoir où nous en sommes, car nous n’avons absolument aucune donnée à ce sujet, et ces chiffres me paraissent être la pierre angulaire de la problématique.
En ce qui concerne la proposition de modification qui nous est présentée, je vous le dis franchement, cela me semble délicat. Dix ans, pourquoi pas ? Bien sûr, il y a la complexité administrative, l’impact financier sur le canton que nous ne connaissons pas, et les risques juridiques, comme l’a souligné mon collègue Marc-Olivier Buffat. Je crains que cette proposition ne mène à une loi qui serait mise de côté, et cela, je n’en ai vraiment pas envie. Je demande donc à Mme Thalmann d’adoucir, ou en tout cas de modérer, sa position sur cet article en particulier, afin que nous puissions parvenir, d’un commun accord, à faire adopter cette loi, qui est indispensable, et qu’il est impératif de modifier. En Romandie, nous sommes encore les seuls à travailler de cette manière. Monsieur le conseiller d’État, si vous avez des chiffres à me fournir, je serai le plus heureux des hommes, sinon, cela risque de durer encore longtemps.
Notre collègue Buffat a expliqué la notion de sécurité du droit. Pour ma part, je pense que Les bases légales seront modifiées seront modifiées le 1er janvier 2026 et il est peu probable que nous parvenions à le faire autrement. Qu’il s’agisse de 2014 ou de 2024, je crois que cela ne changera pas grand-chose en ce qui concerne le processus de la rétroactivité, qui n’a clairement pas lieu d’être ici. En revanche, je pense qu’il serait important de souligner dans ce plénum que l’administration fiscale dispose toujours des moyens nécessaires pour intervenir dans des cas difficiles. C’est ce qu’il faudra déterminer notamment dans l’amendement de Mme Thalmann, qui sera probablement plus fermement défendu lors du deuxième débat. Il me semble crucial de clarifier la notion juridique de « notoirement insolvable ». Pour ma part, je ne sais pas ce que cela signifie précisément. Il sera intéressant pour l’administration de devoir s’y confronter. Néanmoins, cette dernière a la capacité de procéder à des abandons de créances fiscales dans les situations qu’elle négocie elle-même, notamment dans des cas où les contribuables se retrouvent dans des situations fiscales obérées ou insupportables. Cela permet de soutenir nos contribuables dans des circonstances extrêmement délicates. Je pense qu’il est important de lui faire confiance, et je tiens à souligner – cela figurera ainsi dans le Bulletin du Grand Conseil – que l’administration a la capacité de soutenir des contribuables – qu’il s’agisse de femmes ou hommes – qui risquent d’être maltraités par cet aspect qui n’est pas encore réglé. Je remercie donc l’administration de continuer à effectuer son travail sur la question de l’insolvabilité.
Je vous propose ensuite de refuser les deux amendements qui vont dans le même sens, même si leurs durées diffèrent. Évidemment, l’un d’eux a un peu plus de chance que l’autre d’être accepté par la Cour constitutionnelle, puisqu’il n’implique pas un délai aussi exagéré. Néanmoins, à mon avis, ces deux amendements n’ont aucune chance d’être validés par la Cour constitutionnelle.
Cela a été souligné par Mme Thalmann : cette solidarité entre les époux est choquante et inégalitaire, et le temps continue de passer sans que nous ayons réglé ce problème. Oui, cet amendement Thalmann introduit de la rétroactivité. Oui, la rétroactivité est souvent perçue comme un mal en droit. Je pense que cela ne fait pas débat. Cela dit, la rétroactivité n’est pas pour autant absolument interdite, et je suis ravi que M. Buffat ait rappelé un certain nombre de conditions pour qu’elle soit légitime. Il faut d’abord une base légale. En votant l’amendement Thalmann, nous fournirions à l’Administration cantonale des impôts (ACI) une base légale formelle et solide. Il faut ensuite un intérêt public. Et là, je trouve encore une fois difficile d’entendre cet argument – déjà été évoqué lors du débat d’entrée en matière – selon lequel l’intérêt public s’opposerait à la rétroactivité à cause de la complexité qu’elle représenterait pour l’ACI. Cet argument est inaudible : la difficulté d’accomplir une tâche n’est pas un véritable intérêt public. Je veux bien admettre que la mise en œuvre peut être complexe, mais l’intérêt public qui justifie la rétroactivité, c’est avant tout l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est un débat qui pourrait appartenir aux années 90, quand l’égalité entre hommes et femmes était encore en construction. Je suis de cette génération où l’on parle d’intersectionnalité des luttes, etc. Pourtant, aujourd’hui, nous parlons d’une question fondamentale, une question basique d’égalité, et cela me semble incroyable que l’argument constitutionnel fondé sur l’égalité entre femmes et hommes soit jugé insuffisant par ce plénum. Nous disposons d’un intérêt public clair et d’une base légale pour justifier cette rétroactivité.
Monsieur Buffat, vous aviez raison, la rétroactivité doit être limitée dans le temps. J’entends que vous estimiez que la période proposée par Mme Thalmann était trop longue. J’ai entendu parler, dans les travées de ce Parlement, d’une contre-proposition à 2019. On peut discuter longtemps de la différence entre 2019 et 2014, mais dans tous les cas, la rétroactivité est limitée dans le temps. Elle est là, elle existe, elle est proposée, et la loi ne prévoit aucune rétroactivité totale. Enfin, dernière condition : éviter les inégalités choquantes. Très bien, pas d’inégalité choquante. Bien au contraire, nous corrigeons une inégalité qui, elle, est choquante, flagrante, reconnue par un grand nombre d’autorités vaudoises, législature après législature, et il est aujourd’hui nécessaire de mettre fin à cette pratique.
Je soutiens donc largement l’amendement Thalmann, et une fois de plus, je ne comprends pas les arguments qui nous ont été présentés. Je soulignerai enfin que l’argument de la complexité de la mise en œuvre me dépasse, parce que cet argument a déjà été soulevé dans toutes les discussions à ce sujet. Mme Fuchs a déposé une question orale à ce propos, à laquelle la réponse a été oui, l’égalité est là, mais elle est complexe. Aujourd’hui, on nous ressert l’argument de la complexité. Je vous renvoie à mes propos lors du débat d’entrée en matière : effectivement, cela peut être compliqué d’un point de vue administratif, mais les personnes frappées par cette mesure inégalitaire ont déjà bien assez payé. Il est désormais du devoir des autorités et de l’administration cantonale de faire leur part du travail et de mettre en œuvre la fin de cette inégalité choquante.
Comme nous l’avions annoncé lors du débat d’entrée en matière, le groupe Ensemble à Gauche et POP soutiendra l’amendement Thalmann et nous vous encourageons vivement à en faire de même. Notre collègue Thalmann et notre collègue Gafner l’ont très justement rappelé : aujourd’hui, nous sommes en train de corriger une grande inégalité qui a injustement fait payer les femmes pendant longtemps. En acceptant d’abolir cette solidarité entre ex-époux, c’est ce que nous reconnaissons.
Je voudrais revenir sur ce que disait M. Buffat plus tôt concernant l’idée que la rétroactivité serait inacceptable. Vous avez évoqué deux principes, celui de garantir la sécurité du droit et de respecter la non-rétroactivité des lois. Cependant, il est important de rappeler qu’il existe aujourd’hui des contextes où des mesures rétroactives sont appliquées. Ce n’est donc pas une idée nouvelle. Je prends l’exemple des allocations familiales : lorsqu’une demande est déposée, des réponses peuvent être rétroactives et concerner plusieurs années, si le besoin est effectif. C’est également le cas pour les subsides à l’assurance-maladie. De plus, il me semble qu’au dernier budget, le groupe PLR a proposé la rétroactivité du bouclier fiscal par le biais de l’amendement Berthoud, ce qui me donne l’impression qu’il existe des situations dans lesquelles la rétroactivité des lois est perçue comme acceptable par le côté droit de l’hémicycle,
Enfin, je trouve qu’il serait juste qu’aujourd’hui, lorsque l’on parle de rétroactivité d’une loi qui touche non pas les grands contribuables, mais les femmes, sous le principe de justice et d’égalité garanti par la Constitution, nous puissions également entrer en matière. Je remercie notre collègue Gafner qui a rappelé l’intérêt public en jeu. Comme je l’ai dit tout à l’heure, lorsqu’on reconnaît qu’il faut mettre fin à cette pratique, on reconnaît également combien elle viole la Constitution sur le principe de l’égalité. Notre groupe pense qu’il est absolument juste de corriger cette inégalité dès lors qu’elle a été reconnue, connue et sue. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons aujourd’hui à accepter cet amendement Thalmann. Nous avons l’opportunité de faire un pas en avant en faveur de l’égalité et de la correction d’une discrimination qui touche les femmes. Je pense qu’en 2025, ce pas serait extrêmement bienvenu.
En préambule, je tiens à rappeler qu’il y a plus de 30% des Vaudois qui ne paient pas d’impôts. A la lumière de ce projet de loi, j’ai l’impression qu’il y a un acharnement ciblé contre la gent féminine, comme si cela devenait une norme que les femmes soient victimes d’injustices. Que ce soit en matière de solidarité fiscale et de sa rétroactivité, des discriminations salariales, des violences domestiques, ou encore de la mise au pilori public de la conseillère d’État Dittli la semaine dernière, cela m’interpelle. Cet exposé des motifs, bien qu’il cherche à aligner notre canton avec ceux qui ont déjà supprimé cette incohérence, vise à mettre fin à la solidarité fiscale des dettes entre époux après une séparation. On peut légitimement se demander pourquoi cette rétroactivité ne s’applique pas aux impôts indûment réclamés depuis 2014, alors que les femmes n’en étaient pas responsables. Je ne vais pas revenir sur l’historique de cette injustice, mais je voterai en faveur de l’amendement Thalmann. Il est important de souligner que la spirale infernale des poursuites commence dès qu’une épouse séparée n’est pas en mesure de payer les dettes fiscales de son ex-conjoint. Si cette femme commence ou continue à travailler, elle se retrouve en défaut de paiement, et l’accumulation des actes de défaut de biens ne lui laisse que l’aide sociale comme alternative. Dans ce processus, qui en sort gagnant ? Personne. L’ACI n’encaissera rien, et c’est l’aide sociale qui viendra au secours de la femme en difficulté financière.
Je n’ai peut-être pas été assez précis tout à l’heure, mais la jurisprudence est claire sur le potentiel d’effet rétroactif : celui-ci doit être limité. Ce n’est pas seulement une question de complexité administrative, mais je suis impatient d’entendre M. le conseiller d’État Borloz à ce sujet. Cependant, je suis convaincu que cet amendement est tout simplement irréalisable. Je ne sais pas comment M. Borloz et ses services vont pouvoir retrouver, 11 ans après, ce qui s’est passé dans les différents dossiers fiscaux des contribuables, dans quelles conditions cela s’est déroulé, et ce, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme. Je suis assez surpris, en 2025, de voir encore de telles positions caricaturales, comme celle qui affirme que « c’est madame qui doit payer pour monsieur ». Mais l’inverse est aussi vrai. La solidarité entre époux, il faut le souligner, ne concerne pas uniquement les dettes fiscales. Il y a de nombreuses autres dettes, comme celles de loyer, dans des situations d’insolvabilité. Ces dettes peuvent aussi s’élever à des montants considérables. En outre, il existe des mesures protectrices de l’union conjugale qui peuvent être prises pour éviter de telles situations. Je ne peux tout simplement pas imaginer comment M. Borloz et ses services pourront retrouver tous les éléments nécessaires pour effectuer a posteriori un calcul et un remboursement pour une période aussi longue.
Je vous donne un autre exemple dont nous avons débattu dans ce Parlement et à Berne : c’était la fameuse histoire des primes d’assurance payées en trop par les Vaudoises et les Vaudois. Tout le monde était d’accord sur le principe : il faut rembourser. Cependant, lorsque nous nous sommes attelés à la tâche de déterminer combien il fallait rembourser à chaque contribuable, nous nous sommes vite rendu compte que c’était totalement impossible. Finalement, un abattement forfaitaire a été appliqué à l’ensemble des assurés, sans tenir compte de qui avait payé quoi et comment, car après deux ans, il était devenu impossible de reconstituer les différents historiques. Au-delà de la question juridique, il semble évident que 11 ans de rétroactivité sont absolument inacceptables. A juste titre, M. Berthoud a rappelé que s’il y avait un recours, la Cour constitutionnelle ne pourrait que casser cette décision.
Sur la question du bouclier fiscal, puisque cela a été évoqué et qu’il semble que ce sujet agite pas mal les esprits ces jours-ci, je ne sais plus vraiment pourquoi, mais peu importe. En 2022, nous avons voté une modification de la Loi sur les impôts communaux (LICom), qui a été interprétée d’une certaine manière, avec un arrêt du Tribunal fédéral. Mais cette interprétation n’était absolument pas la volonté de ce Grand Conseil ni de la majorité qui avait voté cette modification. Ainsi, lorsqu’on corrige une telle erreur, il est légitime d’avoir un effet rétroactif pour dire que l’article a été mal rédigé, ou que l’interprétation donnée n’était pas celle que le législateur avait en tête. Il ne faut pas, à mon avis, mélanger les sujets. Encore une fois, je suis parfaitement d’accord avec la correction des discriminations touchant les femmes, mais il est aussi important de souligner que je n’ai pas encore entendu beaucoup d’interventions sur la demi-rente que les femmes perçoivent à l’âge de la retraite. Cela semble ne pas préoccuper beaucoup de gens à gauche. Il en va de même pour la taxation des couples mariés. Enfin, si l’on veut vraiment supprimer toutes les incohérences liées à ce sujet, il est peut-être temps de remettre en question les effets civils du mariage.
Madame Minacci, pour la rétroactivité dans le cadre du bouclier fiscal, il y a un élément essentiel à prendre en compte : nous parlons des déclarations fiscales qui sont encore ouvertes. Dans le cas des poursuites solidaires introduites en 2014, certaines personnes ont déjà payé ces poursuites, et il est tout simplement impossible d’aller rechercher ces éléments. Malheureusement, il y aura aussi des personnes décédées depuis. Dans ce contexte, et en tenant compte du principe de sécurité du droit, il est évident que, lorsqu’une déclaration fiscale est devenue définitive et exécutoire, elle ne peut pas être modifiée. Si un arrêt du Tribunal fédéral intervient, il est appliqué immédiatement, mais cela ne remet pas en cause les décisions prises sur des périodes déjà closes. Une base légale a une date d’entrée en vigueur, et une fois que cette date est passée, la loi modifiée s’applique à partir de ce moment-là. Pour ma part, je pense que l’on ne peut pas comparer des situations aussi distinctes. Madame Minacci, on ne peut pas comparer des pommes et des poires. Ce sont deux dossiers complètement différents, et il convient de les traiter séparément.
Je dois avouer qu’en tant que jeune étudiant en droit, je rêve d’acquérir l’expérience de certains membres de ce Parlement, qui, avant même l’application d’une loi, se permettent d’affirmer que telle application sera impossible, que telle évidence est incontestable, dans un domaine où, pourtant, tout est toujours susceptible d’interprétation. Il serait intéressant de m’expliquer comment l’on peut anticiper la décision des juges, alors que leur rôle consiste précisément à interpréter des dispositions rédigées de manière générale. A mon sens, l’argument selon lequel certaines mesures seraient initialement impossibles à appliquer ne tient pas.
Je souhaitais également revenir sur un point soulevé dans ce débat que j’ai trouvé très pertinent : la question du recours à la Cour constitutionnelle. Il est vrai que le Grand Conseil prendrait un risque si l’amendement Thalmann était adopté, mais qui, précisément, envisagerait un recours contre cette loi ? C’est une vraie question que je vous pose. Est-ce qu’une minorité de ce Grand Conseil se lèverait pour contester une mesure visant à promouvoir l’égalité, en se disant que ce serait un combat à mener devant la Cour constitutionnelle ? Je ne pense pas que cela soit le cas pour quiconque présent dans cette salle, et je doute également qu’un contribuable ait la qualité ou la motivation nécessaire pour contester une disposition qui se veut égalitaire. On pourrait effectivement en discuter la limite en matière de rétroactivité, mais je ne vois pas qui irait jusqu’à saisir le Tribunal fédéral sur ce point, et si vous connaissez cette personne, je n’aimerais pas avoir à la rencontrer.
J’aimerais revenir sur certains points qui ont été soulevés durant ce débat. Monsieur Buffat, il me paraît important de préciser que nous sommes ici face à une question de principe. Il s’agit d’une modification législative visant à corriger une loi qui, en l’état, est totalement illégale. Il ne s’agit pas simplement d’une interprétation juridique, mais bien d’une violation de la Constitution fédérale. Lorsqu’on évoque la jurisprudence, ce n’est pas un simple avis de droit, mais bien un arrêt du Tribunal fédéral qui établit clairement qu’en cas de violation de la Constitution, les personnes affectées par cette violation ont le droit de voir leur situation réexaminée.
En ce qui concerne les effets caricaturaux, M. Buffat affirme que les mesures sont prévues pour éviter le surendettement, et qu’il existe divers recours judiciaires à la disposition des personnes concernées. Cependant, il faut prendre en compte la réalité des situations complexes : en cas de violence domestique ou de procédures fiscales, ces personnes sont souvent épuisées par un divorce ou une séparation, sans parler des enfants dont il faut s’occuper. Lorsqu’on est poursuivi pour une dette fiscale de son ex-conjoint, il est probable que ce dernier ne paie pas non plus les allocations alimentaires. On se retrouve ainsi face à des individus confrontés à de multiples problématiques, à qui l’on demande encore de se défendre, ce qui est extrêmement difficile lorsqu’on est la partie la plus vulnérable.
Vous évoquez l’impossibilité de retrouver tous les éléments nécessaires, mais le logiciel de l’ACI permet de recenser la poursuite solidaire en cas de défaut de paiement. La réquisition de poursuite est effectivement requise contre le second membre du couple solidaire, et la cause de l’obligation repose sur la solidarité définie par l’article 14 de la LI. Le bulletin BVR de l’ACI est tout à fait capable de retrouver la raison pour laquelle une action est engagée contre quelqu’un, et il semble tout à fait en mesure de retrouver ces personnes afin de leur restituer leurs droits.
En ce qui concerne la demi-rente AVS, il s’agit effectivement d’une inégalité qu’il convient de traiter, mais chaque chose en son temps. Nous parlons ici d’une inégalité fondamentale. Nous pourrons revenir plus tard sur la question de la demi-rente AVS. Enfin, concernant la taxation individuelle, je tiens à souligner que cela fait déjà longtemps que le Parti socialiste milite pour son introduction.
Pour revenir aux arguments présentés par M. Berthoud, je tiens à préciser que, malheureusement, il est extrêmement difficile de discuter avec l’administration fiscale. Je connais une personne récemment convoquée pour comprendre pourquoi elle avait été appelée en cosolidarité fiscale. Elle m’a expliqué qu’elle n’y avait absolument rien compris. Les agents se contredisaient, et c’était tout simplement incompréhensible. Il est donc évident que dialoguer avec l’ACI s’avère être une tâche complexe. De plus, vous avez mentionné que tout ce qui est exécutoire et définitif ne peut pas être modifié. Pourtant, nous avons récemment vu un exemple contraire : des taxations fiscales de contribuables apparemment très fortunés ont été annulées. D’un côté, il semblerait que certaines situations exécutoires et définitives puissent être modifiées pour certaines personnes, et de l’autre, il serait impossible de le faire pour d’autres. Cela crée une incohérence incompréhensible. Je reviens donc sur mon amendement et je vous invite à l’accepter. Il s’agit d’une inégalité manifeste, d’une violation de la Constitution, et il est grand temps de redonner des droits aux personnes qui ont été discriminées.
Monsieur Berthoud, vous n’appréciez pas que l’on confonde des pommes avec des poires, moi je n’aime pas que l’on confonde Mme Minacci et Mme Lopez. Pour revenir aux propos de M. Buffat, il est clair que cela vous dérange qu’on mette l’accent sur les hommes et sur l’inégalité sexiste, mais ce n’est pas une caricature. Les faits sont là, et je vous rappelle simplement les chiffres que nous avons entendus il y a deux semaines lors du débat d’entrée en matière sur la responsabilité solidaire des conjoints : en trois ans, l’État a poursuivi 510 femmes et 15 hommes. Ce sont des faits, ce sont des chiffres.
Je remercie ma collègue Misiego d’avoir rappelé à mon très estimé collègue que je suis bien Mme Lopez. Je tiens également à remercier mes collègues Berthoud et Buffat pour leurs éclaircissements concernant ces questions de rétroactivité, qui semblent être acceptables dans le cadre du bouclier fiscal, mais pas pour corriger une injustice et une inégalité touchant les femmes dans ce dossier. Cependant, je dois avouer que je ne suis pas entièrement convaincue par leurs explications. Lorsque j’entends qu’il est impossible, en raison de la complexité de la situation, d’introduire une rétroactivité, je pense que cette complexité devient un obstacle insurmontable uniquement lorsque l’on n’a pas la volonté de le surmonter. Quand on a la volonté de résoudre un problème, même si ce n’est pas facile, c’est tout de même faisable.
Je reviens également sur ce qu’a dit Mme Thalmann en réponse aux propos de M. Berthoud. Pour les cas difficiles, il a été suggéré d’ouvrir la porte à une discussion au cas par cas, afin de reconnaître qu’il est nécessaire de leur donner une réponse et de les régler. Toutefois, je ne crois pas à la possibilité de discuter de ces cas de manière individuelle avec l’administration. C’est précisément parce que je ne pense pas que cette option soit réellement viable que je vous encourage à soutenir l’amendement Thalmann, dans le respect du principe d’égalité garanti par notre Constitution.
Mesdames Minacci et Lopez, je vous prie de m’excuser pour cette inadvertance inacceptable. Je suis vraiment désolé. En ce qui concerne la question de la rétroactivité et de l’effet définitif et exécutoire, je ne sais pas comment vous le dire autrement, mais il n’est plus question de rouvrir des déclarations d’impôt qui ont été traitées de manière définitive et exécutoire. Nous parlons ici de déclarations ouvertes. Je rappelle que le travail réalisé sur le bouclier fiscal a consisté en une modification de la base légale d’une loi introduite deux ans auparavant, et nous revenons sur une ancienne pratique. Ce n’est pas du tout la même démarche que la création d’une nouvelle base légale, avec des modifications substantielles de pratique, sur lesquelles je vais évidemment accepter ces modifications de base légale, mais qui entreront en vigueur le 1er janvier 2026.
Monsieur Gafner, lorsque j’étais un jeune député, je considérais que les anciens ne comprenaient pas toujours tout. Je n’ai pas une grande expérience en droit – bien moins que vous, puisque je n’ai jamais fait d’études de droit – mais j’ai acquis un peu de pratique au sein de ce Parlement.
Madame Thalmann, je n’aime pas trop évoquer des anecdotes, mais permettez-moi de vous dire que je fais pleinement confiance à cette administration, qui travaille depuis des décennies dans l’intérêt de nos contribuables. Certes, il peut arriver que certaines personnes se soient mal comportées, mais il y a aussi beaucoup de cas traités de manière individuelle, au cas par cas, qu’on le veuille ou non. Des exonérations ont été accordées, des abandons de créances fiscales ont eu lieu, ce sont des démarches quotidiennes. Ces actions sont réalisées par des personnes compétentes, et il existe des voies de recours ainsi que des aides juridiques mises en place, même pour les contribuables ayant des revenus modestes. Madame Thalmann, je sais que de votre côté il existe des associations qui soutiennent ces personnes qui, si elles rencontrent des difficultés, peuvent toujours être assistées sous cet angle. Pour ma part, je suis bien navré pour la personne que vous estimez avoir été mal traitée, mais je connais aussi de nombreux contribuables qui ont été correctement traités, qui ont trouvé des arrangements, des abandons de créances et des solutions à leur situation fiscale.
Aujourd’hui, le principe à garder en tête et à appliquer est le suivant : nous avons eu une situation légale qui a perduré pendant des années. Certains d’entre vous sont intervenus, par voie de motion, au sein du Grand Conseil pour tenter de faire évoluer cette situation, mais aucune majorité n’a permis de la changer. Finalement, aujourd’hui, à la suite d’une demande persistante, le Conseil d’État a décidé de se saisir de la question et de vous proposer une réforme. Certains souhaitent résoudre des problèmes sociaux par le biais d’une situation fiscale. Je vous démontrerai, avec quelques chiffres, que cette approche est en réalité plus complexe qu’elle n’y paraît. Il est important de garder à l’esprit que nous avons vécu sous un régime, et qu’après un changement de loi, nous sommes passés à un nouveau régime.
Jusqu’à maintenant, l’ACI réclamait des sommes au contribuable avec le revenu le plus élevé, celui-ci étant responsable du paiement de l’impôt du couple. La proposition qui vous est faite aujourd’hui prévoit qu’en cas de séparation, chaque personne porte désormais sa propre dette à partir de ce moment-là. Ce n’est pas un concept difficile à saisir, il est simplement différent, mais il comporte aussi des implications importantes. En effet, une majorité d’hommes, durant les dix dernières années de rétroactivité que vous proposez aujourd’hui, ont réglé l’impôt pour l’ensemble du couple : 80% des paiements ont été effectués par des hommes contre 20% par des femmes. Les chiffres qui ont été donnés plus tôt sur le nombre de poursuites, qu’elles concernent des femmes ou des hommes, portent sur des poursuites dites « secondaires », c’est-à-dire lorsque le premier contribuable, celui qui a théoriquement le revenu le plus élevé, est d’abord poursuivi. Si ce dernier n’est pas solvable et ne peut pas s’acquitter de sa dette, c’est alors le second contribuable qui, par principe de solidarité, est visé par la poursuite. Ainsi, le nombre de poursuites peut être plus élevé, car dans de nombreux cas, le second contribuable est une femme. C’est ainsi que fonctionne notre société, qui est en évolution constante, et ce changement, nous l’observons chaque jour. Tant mieux, je suis d’accord avec vous, mais c’est ainsi que les choses se déroulent. Cependant, sur les dix dernières années, dans 80% des cas, c’est l’homme qui a assumé la charge fiscale pour les deux. Cela signifie que l’effet rétroactif peut avoir des conséquences indésirables, car il n’a pas toujours les effets escomptés. Nous serons désormais en mesure de déterminer précisément les contribuables, et à partir de ce moment, chacun devra assumer ses propres dettes. Dans 80% des cas, c’est la femme qui se retrouvera avec une dette fiscale. Celle-ci pourra être faible, voire importante, mais dans tous les cas, il y aura des situations où une dette d’impôt apparaîtra. En conséquence, dans 80 % des cas où l’homme a payé jusqu’à présent, l’impôt sera désormais réparti. Cela signifie qu’une proportion non négligeable de femmes pourrait, subitement, se voir adresser une facture fiscale.
La prescription en matière de perception est de 5 ans, tandis qu’elle est de 10 ans dans l’absolu. Cela signifie que si cette réforme s’applique sur 10 ans, nous pourrons revenir sur les 5 années précédentes pour effectuer cette séparation, et demander à l’un des deux de verser à l’autre ce qu’il lui doit. Dans 80 % des cas, ce sera la femme qui devra verser à l’homme. Ce mécanisme pourrait entraîner des paiements ou des rétrocessions, comme vous l’avez compris. Cependant, pour les 5 années précédant la prescription relative à la perception, bien que nous devions rembourser l’argent, nous ne pourrons plus le percevoir. Cela crée véritablement une nouvelle forme d’inégalité : en cherchant à instaurer l’égalité, on finit par engendrer une inégalité.
Il est également important de se rappeler, comme je l’avais mentionné précédemment, que, quelle que soit l’interprétation juridique de ce cas, qui n’est pas une décision de justice, le Tribunal fédéral a validé deux fois, à travers ses décisions, qu’il n’y avait pas de discrimination. Vous pouvez évoquer toutes les jurisprudences que vous souhaitez, mais ces décisions sont claires sur le plan juridique. Qu’elles vous conviennent ou non n’est pas la question : ce sont des décisions prises à deux reprises et qui ont statué qu’il n’y avait pas de discrimination. Sur le plan humain, vous avez bien entendu le droit d’avoir une opinion différente, mais d’un point de vue juridique, le Tribunal fédéral a tranché de manière claire et précise. Vous pouvez tenter d’interpréter la Constitution à votre manière, en vous appuyant sur des jurisprudences et autres arguments, mais les choses sont extrêmement nettes. Nous sommes dans un contexte où nous n’avons pas toute la liberté d’agir comme bon nous semble ni la possibilité de revenir en arrière. Je ne vous parle même pas des taxations qui sont déjà entrées en vigueur, car je doute que quelqu’un, dans ce Parlement, souhaite revoir ou changer ces taxations déjà en place. Cela crée effectivement une troisième forme d’injustice : certains contribuables pourraient être repris et taxés séparément, tandis que d’autres ne le seraient pas.
A cela s’ajoute le fait que, dans toute séparation, il y a souvent des complications. Ces complications se traduisent souvent par des conventions établies entre les parties. Ces conventions peuvent stipuler que, si l’un des deux paie les impôts, l’autre prendra en charge d’autres frais. Imaginez alors les situations dans lesquelles cela pourrait mettre les contribuables. On pourrait leur dire : « Vous avez cette possibilité de répartir l’impôt. » Et dans un tel cas, on demanderait à Madame de payer 100 francs, tandis que Monsieur pourrait se voir déduire ces mêmes 100 francs de sa prochaine taxation.
À cela s’ajoute un autre point : si vous avez une convention qui stipule le contraire, il est important de nous en faire part afin que nous puissions la prendre en compte et la traiter de manière appropriée. Si une telle convention existe, mais que, sur une période de 10 ans, elle a été égarée ou perdue, il est possible que le contribuable ne puisse plus la retrouver. Ce genre de situation, bien qu’apparemment mineure, peut rapidement devenir un problème important pour le contribuable concerné. Et je ne parle même pas des difficultés que cela pourrait engendrer pour l’administration cantonale. D’ailleurs, vous avez récemment fait des remarques très désagréables à l’égard de l’administration cantonale, en évoquant un exemple spécifique. Vous avez suggéré qu’il serait impossible de discuter avec elle. Je trouve cela dommage. Je me permets de le souligner, bien que cela ne soit pas directement lié au sujet du débat, car je trouve cela particulièrement injuste envers les femmes et les hommes qui y travaillent chaque jour et qui s’efforcent d’effectuer leur travail du mieux possible.
Cela dit, il est important de se rappeler que nous avons vécu sous un régime qui a été validé par le Tribunal fédéral, qui a confirmé qu’il n’était pas illégal. Vous ne devez dès lors pas avancer que ce régime était illégal. À la suite des interventions du Parlement, le Conseil d’État vous propose de changer de régime à partir d’un moment T. Ce moment, c’est 2026, et l’administration aura le temps de s’adapter afin que tout se passe bien. L’objectif est de s’assurer que les contribuables ne perdent pas de temps et que l’égalité de traitement soit respectée à partir de ce moment, sans créer de nouvelles inégalités en remontant dans le passé et en tenant compte de tous les éléments que je viens de vous exposer. Mesdames et messieurs, je vous invite à rejeter cet amendement ainsi que celui de la commission, en partant du principe qu’on commence à partir de maintenant, c’est-à-dire dès la prochaine taxation. Ainsi, les choses seront claires, propres, et sans inégalité.
Je vous prie de m’excuser de prendre la parole après M. le conseiller d’État, mais je souhaitais simplement remettre certaines choses en perspective. Monsieur Borloz, lorsque vous dites que 80% des contribuables ont payé, il est important de préciser que c’est tout à fait normal, car c’était leur dette fiscale. Il est donc logique que l’on s’adresse d’abord à ceux qui ont cette dette. En revanche, lorsque ces contribuables ne règlent pas leurs impôts, on se tourne alors vers le conjoint. Ainsi, il n’est pas juste de se retourner contre le conjoint qui n’a pas de dette fiscale, car cette dette incombe à son ex-conjoint. De plus, monsieur Borloz, il ne faut pas oublier que même si vous vous êtes marié sous le régime de la séparation de biens, et que vous n’avez jamais eu accès aux revenus de votre conjoint, il est possible que l’on vienne vous chercher en disant que votre conjoint n’a pas payé ses propres dettes fiscales, et que c’est donc à vous de les régler. On peut aussi se retrouver dans une situation où, après une séparation, un accord est signé devant le juge, stipulant que chacun des conjoints paiera 50 % des dettes fiscales. Dans ce cas, si l’un des conjoints paye sa part, mais que l’autre ne le fait pas, on va se tourner vers celui qui a déjà payé. Vous ne pouvez pas affirmer que c’est toujours le contribuable qui gagne le plus d’argent qui paye. En réalité, c’est souvent le contribuable ayant les revenus les plus faibles qui se retrouve à devoir assumer cette cosolidarité fiscale.
Ensuite, le Conseil d’État aurait pu choisir de mettre en place un moratoire. Vous soulignez qu’en 2019, cette question a déjà été soulevée par une motion, et maintenant, cinq ans plus tard, vous évoquez la complexité de la situation et le besoin de rechercher tous ces cas. Pourquoi n’avez-vous pas opté pour un moratoire en 2019, lorsqu’il était déjà évident que cette problématique existait ? Cela nous aurait permis d’éviter d’avoir à rechercher tous ces cas aujourd’hui. Vous mentionnez que le Tribunal fédéral a confirmé qu’il n’y avait pas de discrimination. Cependant, Me Noël soutient qu’il existe bien une discrimination indirecte. Il est important de souligner que Me Noël n’a jamais eu accès aux chiffres nécessaires, et ce n’est qu’après de nombreuses demandes et requêtes, et même après avoir sollicité l’intervention de l’Ombudsman, que nous avons enfin obtenu ces chiffres. Or, que nous disent ces chiffres ? Ils révèlent qu’en réalité, dans 97% des cas, ce sont des femmes qui sont appelées en cosolidarité fiscale. C’est la réalité, et ce phénomène constitue précisément ce que l’on appelle une discrimination indirecte.
Nous n’avons toujours pas les chiffres, vous ne nous les fournissez pas. On vous demande quel est le montant en jeu, mais aucune réponse n’a été apportée à cette question. C’est d’autant plus étonnant que, par le passé, M. Broulis avait réussi à fournir un chiffre. Mais quand on lui avait demandé comment il avait effectué ce calcul, sur quelles bases il s’était appuyé, nous n’avions jamais obtenu de réponse.
Je tiens à m’excuser si j’ai été désagréable ou injuste envers l’ACI, ce n’était absolument pas l’intention de mon propos. Cependant, nous nous retrouvons dans une situation où, d’un côté, vous avez le « pot de fer » qui détient les connaissances, qui maîtrise le sujet et qui vous cite les articles légaux. De l’autre côté, vous avez une personne qui n’y connaît rien, qui ne comprend pas et qui se retrouve dans l’incapacité de se défendre. C’est une situation très difficile, et il est quasiment impossible de discuter avec l’ACI dans de telles conditions, car nous manquons d’arguments, et nous sommes la partie la plus faible dans cette discussion. C’est pourquoi je vous invite à soutenir mon amendement.
On m’a demandé pourquoi le Conseil d’État n’a pas agi ou pourquoi il n’a pas fait autrement. Je ne peux pas répondre à ces questions. En revanche, ce qui est certain, c’est qu’il est difficile de mettre en place des moratoires lorsqu’il y a des lois qui prévoient des prescriptions, car un moratoire pourrait entraîner l’extinction de certaines créances fiscales, empêchant ainsi la taxation des contribuables concernés. D’un point de vue juridique, c’est un sujet assez complexe. Cela dit, vos arguments ne remettent en aucun cas en question ce que je viens de vous exposer : nous créons des inégalités. Il y a un chiffre que je ne vous ai pas encore donné. Tout à l’heure, je vous ai dit qu’environ 80 % des contribuables concernés ont payé, ce qui représente environ 8000 personnes sur une dizaine d’années, contre 2000 femmes qui ont payé les impôts de manière solidaire. Cela représente une somme colossale, estimée à une centaine de millions de francs. Ce montant doit maintenant être recherché, remboursé, et recouvré auprès de personnes qui ne se trouvent plus dans la même situation qu’auparavant. Encore une fois, toutes les inégalités que j’ai mentionnées précédemment demeurent et ne sont pas remises en question. Je confirme que, quelle que soit la qualité de l’avis de droit que vous évoquez, qu’il ait été rédigé par un avocat ou non, le Tribunal fédéral a, à deux reprises, validé que, sur le plan juridique, il n’y avait pas de discrimination.
Dans un premier temps, je vais opposer l'amendement de la commission à celui de Mme Thalmann, puis nous passerons au vote de l’amendement qui l’emportera.
L’amendement de la majorité de la commission, opposé à celui de Mme Thalmann, est préféré par 74 voix contre 65.
Je demande un vote nominal.
Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui soutiennent l’amendement de la commission votent oui ; celles et ceux qui préfèrent l’amendement Thalmann votent non ; les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, l’amendement de la commission, opposé à celui de Mme Thalmann, est préféré par 75 voix contre 66.
*introduire vote nominal
L’amendement de la majorité de la commission est refusé par 77 voix contre 62 et 2 abstentions.
L’article 277m est accepté par 113 voix contre 3 et 26 abstentions.
L'article premier est accepté.
Art. 2. –
Après ce débat très intéressant sur la rétroactivité, je vous propose maintenant de discuter d’un deuxième amendement qui n’a pas non plus été présenté en commission. La raison en est la suivante : en lisant l’exposé des motifs, le projet de loi, le rapport de majorité, le rapport de minorité et en écoutant le présent débat, il devient évident qu’il est nécessaire de mettre fin à la pratique de la solidarité fiscale. Beaucoup de temps s’est écoulé, et je crois que tout le monde ici a la conviction qu’après 2026, la solidarité fiscale sera définitivement terminée. Si l’on lit attentivement le projet de loi, la disposition d’entrée en vigueur ne concerne que les nouvelles décisions de taxation et les nouvelles décisions de poursuite en solidarité. Mais qu’en est-il de toutes les décisions pendantes aujourd’hui, celles qui ne sont pas encore totalement exécutées, donc qui ne sont pas dans le cadre des décisions visées par Mme Thalmann, mais qui doivent encore être recouvrées ? Cette situation n’est pas couverte par le projet de loi actuel. C’est pour cette raison que, par cet amendement, nous proposons de mettre fin définitivement à toute application de l’ancien droit par l’administration cantonale dès l’entrée en vigueur de la nouvelle législation en 2026. Le contentieux fiscal prend énormément de temps. Vous avez d’abord une réclamation, puis un recours, puis une décision finale, suivie d’une décision de poursuite en solidarité, puis un recouvrement, et souvent un plan de recouvrement. Cela peut prendre des années, voire des dizaines d’années. À la première lecture de l’exposé des motifs, j’avais l’impression que, quel que soit le débat sur la rétroactivité en 2025-2026, nous sortirions d’ici aujourd’hui avec le sentiment du devoir accompli. Or, il semble que ce ne soit pas du tout le cas.
Je précise d’emblée que cet amendement ne constitue pas une rétroactivité, et je vais vous expliquer pourquoi. La rétroactivité se produit lorsque l’on modifie des éléments de fond – l’identité du contribuable, l’assiette de l’impôt – ou lorsqu’on revient sur des décisions de taxation devenues définitives. Dans ce cas, on parle de rétroactivité. Ici, il s’agit uniquement de la modalité procédurale, c’est-à-dire de la manière dont on règle l’exécution et le recouvrement d’une décision en solidarité. Nous parlons donc ici de pure procédure de contentieux fiscal. Pour celles et ceux qui s’intéressent beaucoup à la question de la rétroactivité ces derniers jours, sachez que lorsque l’on modifie une règle formelle, celle-ci s’applique indépendamment qu’il s’agisse de l’ancien ou du nouveau droit, car il s’agit d’une règle procédurale, formelle. Les conditions d’application de la rétroactivité, que nous avons évoquées précédemment, ne se posent donc pas dans ce cas, car nous n’intervenons ici que sur la manière d’exécuter une décision en solidarité. Cet amendement me paraît particulièrement important, car le plénum vient de rejeter l’amendement Thalmann. Pour reprendre le schéma exposé par M. le conseiller d’État, je considère que, pour l’ancien droit, c’est « faute de chance » : les affaires seront traitées en application de l’ancien droit. Toutefois, à partir de 2026, plus personne dans ce canton ne devra faire face à une exigence de la part de l’ACI fondée sur l’ancien droit.
« Art. 2. – Les articles 14 alinéa 1, 49 alinéa 5 et 277m de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2026. Le nouveau droit est applicable aux époux séparés visés par des demandes en paiement ou des procédures de recouvrement pendantes au 1er janvier 2026 et fondé sur l’ancien droit. »
Comme indiqué précédemment, cet amendement n’a effectivement pas été déposé en commission. En revanche, la commission a amendé l’article de la manière suivante :
« Art. 2. – Les articles 14 alinéa 1, 49 alinéa 5 et 277m de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2026, avec un effet rétroactif fixé au 1er janvier 2025. »
Cet amendement a été adopté par la commission par 7 voix contre 7, avec la voix prépondérante du président de la commission.
(remplaçant M. Cédric Weissert, rapporteur de minorité) La minorité vous invite à rejeter cet amendement à l’article 2. En ce qui concerne l’amendement de M. Gafner, il n’a pas été discuté, comme cela a déjà été mentionné.
Nous avons tous entendu vos arguments, et il est clair que tout le monde souhaite mettre fin à cette injustice. Il n’y a donc aucune raison de refuser l’amendement Gafner. Je vous invite donc à le soutenir.
Je n’ai pas forcément un problème fondamental avec cette proposition, qui s’apparente à ce qu’on appelle, dans les subtilités juridiques, de la rétroactivité improprement dite. Peu importe la terminologie, je comprends l’idée et je peux y adhérer. Cependant, j’ai quelques doutes concernant la rédaction de l’amendement. C’est souvent la difficulté des amendements déposés en plénum : l’idée est compréhensible, mais la formulation n’est pas toujours très claire. Lorsque l’on parle de « demande en paiement », est-ce que cela concerne la perception de l’impôt ou bien la question de la taxation directement ? J’imagine que cela concerne uniquement la perception, mais ce n’est pas explicite. Ensuite, lorsqu’on évoque la demande en paiement, il y a la problématique de savoir si l’on est en train de parler du paiement par la voie de la solidarité fiscale. Je suppose que c’est ce qui est visé par cet amendement, mais encore une fois, ce n’est pas précisé clairement. Comme l’a souligné M. le conseiller d’État Borloz avec pertinence, il y a des cas où un membre du couple paye pour l’autre parce qu’il reçoit le bordereau d’impôt avant son partenaire. Est-ce que cet amendement touche ce type de situation ? Je n’en suis pas certain. Mon impression est qu’il s’agit plutôt de procédures de recouvrement, mais cela mérite d’être clarifié.
La seconde partie de l’amendement me semble plus pertinente, à savoir les procédures de recouvrement où, lorsqu’un des époux n’a pas réglé sa part, on fait appel à la solidarité issue de l’ancien droit. J’éprouve une réelle difficulté à voter en faveur de cet amendement. J’hésite à proposer un sous-amendement. C’est toujours délicat en séance plénière. À mon sens, il aurait été préférable de préciser : « Le nouveau droit est applicable aux époux séparés visés par des procédures de recouvrement fondées sur la solidarité de l’ancien droit et pendantes au 1er janvier 2026. » Voilà, si cela a été compris et pris en compte, je pourrais envisager de soutenir un texte dans ce sens. Personnellement, je supprimerais les demandes en paiement, car cela me semble être une notion trop floue et insuffisamment précise.
Je profite de l’occasion pour répondre à mon collègue, qui me demandait qui peut introduire des recours contre une loi. Nous revenons un peu au débat d’il y a un instant. En réalité, c’est l’article 9 de la Loi sur la juridiction constitutionnelle qui en définit les modalités. Le département est habilité à faire un recours, tout comme 10 % des membres du Grand Conseil, soit 15 députés. Je précise cela indépendamment du fond de la question. Si le Grand Conseil venait à voter, je ne reviendrais pas sur ce débat, mais si certaines propositions me paraissaient véritablement incongrues, il serait théoriquement possible de créer un groupe de députés habilités à saisir la Cour constitutionnelle. En théorie, cela reste envisageable. Certes, cela ne s’est encore jamais produit, mais l’innovation reste ouverte.
Concernant cet amendement, je suggérerais à notre collègue de revoir son texte et de se concentrer davantage sur les procédures de recouvrement reposant sur la solidarité de l’ancien droit et en cours au 1er janvier 2026. Il n’y a pas de piège. Je soutiens cette proposition, car elle me semble offrir une formulation un peu plus claire.
Je n’ai pas les compétences juridiques de M. Buffat ni celles de M. Gafner, mais en tant que député de ce Parlement, c’est à titre personnel que je m’exprime, et je soutiendrai cet amendement. Évidemment, si M. Gafner peut prendre en compte les remarques de mon collègue Buffat, tant mieux. Je le soutiens également parce que nous en sommes au premier débat. Le deuxième débat ne se tiendra probablement pas aujourd’hui, et il est fort probable que le conseiller d’État et l’administration fiscale pourront apporter leur aide pour tenter de trouver une solution. Pour ma part, je soutiendrai cet amendement lors du premier débat.
Je me réjouis de ces quelques prises de parole et, en tant que nouveau député, on m’a fait remarquer qu’il était possible de modifier un amendement lors du deuxième débat. Je vous propose donc d’accepter l’amendement tel quel et de le modifier lors de ce deuxième débat. (Brouhaha.) J’accepte donc la modification proposée par M. Buffat. Je change d’avis très rapidement, plus rapidement, semble-t-il, que la mise en œuvre de la solidarité fiscale. Les modifications de fond ne m’ont pas posé de problème, et je pense que ce serait l’occasion de donner tout son sens au deuxième débat, afin de discuter de cet amendement en pleine connaissance de cause. Ce procédé me convient parfaitement.
Concernant la seconde partie de l’intervention de M. Buffat, je n’avais aucun doute sur la possibilité de faire un recours contre une loi cantonale. Ce que je remettais en question, c’était plutôt la logique de ceux qui, dans leur système de valeurs, auraient pour programme de contester des lois visant à promouvoir l’égalité. C’est cette question que je soulevais.
Je pense que ceux qui ne sont pas familiers avec le droit se sont un peu perdus dans les explications, et j’en fais partie. Je trouve la proposition juste et intéressante. Cependant, je ne suis pas du tout à l’aise avec la manière dont cela a été formulé, ni par l’élément de base, ni, avec tout le respect que j’ai pour mon collègue Buffat, par certaines des formulations proposées. Peut-on vraiment faire ce genre de gymnastique en plénum ? L’idée générale est compréhensible, et elle va d’ailleurs dans le sens du dépôt initial de notre collègue Berthoud. Tous les dossiers ouverts pourraient bénéficier du même traitement, et je pense que c’est une approche juste. Cependant, doit-on, à vous de nous dire, voter une formulation quelconque, sachant que des spécialistes viendront peut-être la corriger lors du deuxième débat ? C’est toujours assez désagréable de voter une formulation qui reste floue et imprécise. Personnellement, je ne suis pas à l’aise avec cela. Je me demande même si ce ne serait pas plus judicieux de faire une petite pause pour que les spécialistes en droit puissent se concerter et essayer d’affiner tout cela. Bref, dans cet état, je pense que je m’abstiendrai si le débat s’arrête ici.
Je vous proposer un sous-amendement, parce que sinon, cela ne passera pas cette fois-ci ni la prochaine. Je vous propose de supprimer « des demandes en paiement » et de conserver « séparés visés par des procédures de recouvrement (…) ». Ainsi, ce sera réglé. C’est un ancien qui vous le dit, car c’est au siècle passé que je suis né. C’est beaucoup plus simple. Ensuite, au deuxième débat, vous aurez un amendement qui pourra avancer, et exceptionnellement, le Conseil d’État pourra éventuellement revenir avec une modification. Je suis comme mon collègue Buffat, cet amendement me paraît tout à fait clair. Cependant, je vais enlever une partie de celui-ci. Je propose donc un sous-amendement.
Il nous semble que notre Secrétaire général a trouvé une formulation qui convienne, sous réserve de l’accord de MM. Buffat et Gafner. Je laisse à M. Jobin le soin de prendre connaissance de cette version pour savoir s’il maintient son sous-amendement.
À l’instar de mon excellent collègue Jean-Daniel Carrard, et bien qu’il m’arrive de faire du droit, je me sens un peu perdu dans les réflexions sur cet amendement, qui me semble, de prime abord, aller dans le bon sens. Cependant, pour pouvoir me déterminer en toute connaissance de cause, j’aimerais adresser une question au Conseil d’État, ou plus précisément aux représentants de l’administration : le principe de la solidarité fiscale entre époux est-il fixé dans la décision de taxation, ou bien « ressort-il simplement » de la loi ?
Voici projetée la proposition de sous-amendement de M. Buffat, validée par M. Gafner :
« Art. 2. – Les articles 14 alinéa 1, 49 alinéa 5 et 277m de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2026. Le nouveau droit est applicable aux époux séparés visés par des procédures de recouvrement fondées sur la solidarité de l’ancien droit et pendantes au 1er janvier 2026. »
J’ai quand même un peu de peine avec cet amendement sur le fond, car il implique qu’il y a, d’une part, des personnes relativement honnêtes qui ont payé ce qu’elles devaient à l’État, et d’autre part, celles qui font obstacle, peut-être pour de bonnes raisons, mais qui font traîner les choses. Finalement, on se retrouve à dire : « Puisque vous avez fait traîner l’affaire, vous en tirez une prime, on ne vous redemande plus ce qu’on vous avait demandé parce que vous avez fait durer la procédure. » On parle constamment de grands principes d’égalité, notamment entre hommes et femmes, ce qui est bien. Mais l’égalité entre ceux qui, contraints, payent ce qu’ils doivent à l’État, et ceux qui pensent qu’ils peuvent faire traîner les choses, contester, etc., est un peu plus problématique. Bien sûr, cela peut satisfaire certains avocats lorsque l’on fait durer les procédures, mais c'est une petite pointe amicale... Sur le fond, je ne suis pas à l’aise avec cet amendement et je ne le soutiendrai pas.
J’avais initialement prévu de confirmer mon accord concernant la contre-proposition de M. Buffat. Ensuite, pour répondre rapidement à M. Haury, je reprends finalement l’argument de M. le conseiller d’État : à un moment donné, il faut bien trancher sur la question de savoir quand le nouveau droit entre en vigueur, oui ou non, et il est proposé pour 2026. Personnellement, je propose que nous soyons conséquents jusqu’au bout et que toute personne bénéficie de ce nouveau droit à partir de cette date. Je ne pense pas que les personnes actuellement soumises à cette solidarité fiscale aient joué la carte de faire traîner les choses en pariant sur une éventuelle décision du Grand Conseil. Cela fait 10 ans que ce sujet est sur la table. Il serait un peu ambitieux de parier sur une action du Grand Conseil ou du Conseil d’État, sachant que cela fait plusieurs années que la question est en suspens. Bien au contraire, je considère que les personnes encore poursuivies en solidarité aujourd’hui sont des personnes qui n’ont pas les moyens de régler cette dette et se trouvent dans une situation de grande précarité. Cet article permet justement de traiter une partie du problème des inégalités créées par la rétroactivité éventuelle, qui n’a pas été adoptée. Il affirme, au contraire, l’égalité pour toutes les personnes de ce canton, à compter de 2026, c’est-à-dire dans le futur.
J’ai l’impression que cet amendement, qu’il soit le premier ou le deuxième, n’est pas compatible avec l’article 277m que nous venons de discuter. Que dit cet article ? Il stipule que les époux dont la séparation intervient avant le 31 décembre 2025 seront soumis à l’ancien droit, tandis que ceux dont la séparation intervient à partir du 1er janvier 2026 seront soumis au nouveau droit. Cela me semble donc incompatible avec l’amendement proposé.
Je n’ai pas dit que c’était simple. J’ai tenté d’apporter de la clarté à l’amendement proposé par mon collègue, dont j’apprécie et je salue l’esprit de compromis. Cet amendement devrait effectivement faire l’objet d’études plus approfondies jusqu’au deuxième débat. En revanche, l’argument selon lequel « ceux qui ont payé et ceux qui contestent seraient privilégiés » me semble un peu réducteur. Ce sont les règles du droit. Prenons un exemple : vous avez un règlement communal qui entre en vigueur, et des personnes font recours contre une taxe. Si le tribunal estime que cette taxe est mal calculée ou mal fondée, c’est uniquement celui qui a fait le recours qui obtient gain de cause. Les autres, ceux qui ont payé de bonne foi, ont payé quelque chose qu’ils n’auraient pas dû payer. Ce sont les règles du jeu, les règles de droit, les règles de la procédure. Jusque-là, je ne trouve rien de choquant à dire que, dans certains cas, cela peut aboutir à une situation où ceux qui ont contesté bénéficient d’une rectification. L’inverse est aussi vrai : on change la loi et une catégorie de personnes peut « bénéficier » d’un ajustement, car finalement, il y a toujours quelqu’un qui paie, comme le disait un autre collègue. On n’est pas en train de prononcer une amnistie fiscale, on est simplement en train de répartir la charge fiscale et d’invoquer un principe de solidarité ou non.
A un moment donné, avec le changement de système, il y aura des personnes qui, à l’instant T, seront soumises au nouveau système – tant mieux ou tant pis pour elles. Il est vrai que la question se pose pour les cas pendants, car il y aura forcément quelqu’un qui, à un moment donné, dira « c’est quand même dégueulasse, je suis déjà sous le nouveau droit, mais je dois payer comme si l’ancien droit s’appliquait ». Il me semble que c’est là que notre travail de législateur prend tout son sens et toute son ampleur. Il s’agit de déterminer où l’on place le curseur. Il est certain, qu’il y aura des inégalités. Mais c’est la réalité, monsieur le conseiller d’État. À partir du moment où il y a une procédure, si le Tribunal fédéral modifie sa jurisprudence, vous aurez gagné. Si le Tribunal fédéral ne modifie pas sa jurisprudence, vous aurez perdu. C’est tout l’intérêt des avocats. Je me permets de préciser que cela ne bénéficie pas qu’aux avocats, certains clients sont parfois aussi très satisfaits du travail que font leurs avocats. (Rires.)
C’est parfois la même chose avec les médecins : certains types de patients sont également satisfaits de leur médecin. Cela me donne l’occasion de soulever un autre point. Vous connaissez mon respect, mon amour pour les institutions, mais je pense que le Bureau du Grand Conseil devrait peut-être confier ce genre de textes et de bases légales plutôt à la Commission des finances plutôt qu’à nos collègues de la Commission des affaires sociales. La preuve en est que l’on n’entend pas beaucoup ces derniers dans ce débat. Ce travail aurait pu être mieux effectué par une commission qui a réellement l’habitude de travailler sur les bases légales. D’autant plus que l’ensemble des textes, notamment ceux de Mme Thalmann, ont été présentés par la Commission des finances.
Monsieur le député, le Bureau prend note de votre remarque.
Pour répondre brièvement à M. Berthoud, je pense qu’il y a des sujets qui se situent à cheval sur deux types de commissions. En début de législature, dans le cadre de la Commission des affaires sociales, j’avais d’ailleurs critiqué le fait que ce type de dossier passait systématiquement en Commission des finances. Je pense qu’il serait parfois utile que ces dossiers soient examinés par la Commission des affaires sociales, même si, probablement, les votes et les positions peuvent être un peu différents. Mais c’est justement cela qui garantit l’égalité du débat et l’équité entre les commissions.
Vous ne pouvez pas dire que ce n’est pas réglé par la loi, à savoir qui est taxé, comment et à partir de quand, puisqu’il s’agit de l’article 277. Il est clair, il est précis, vous venez de le voter. Vous êtes en train de remettre en question l’article que vous venez d’adopter, et ce, à une assez large majorité, par une disposition qui revient finalement à la situation antérieure. Je pense que celles et ceux qui ont perdu le débat tout à l’heure ne sont pas très contents et cherchent à retourner la situation. En fin de compte, vous semblez vouloir recréer les inégalités que je dénonçais tout à l’heure. D’un autre côté, vous contredisez le Tribunal fédéral qui a affirmé qu’il n’y avait pas de discrimination. S’il n’y a pas de discrimination, il n’y en a pas jusqu’à un moment précis, celui où vous décidez aujourd’hui de changer la loi.
Au-delà de cela, j’ai en main un chiffre que vous ne m’avez pas demandé, mais que je vais vous donner. Il s’agit du montant en jeu dans les situations de séparation en cours de recouvrement. Ce montant s’élève à 118’237’458,46 francs. Vous avez bien précisé qu’il s’agit de toutes les mesures de recouvrement en cours. Ces situations remontent jusqu’à 1998. Dans ces conditions, je pense que cela dépasse largement le cadre de l’amendement des 10 ans. Cela va continuer à créer les inégalités que je dénonçais tout à l’heure. En voulant régler une inégalité, on en crée d’autres. Mesdames et messieurs, les procédures ouvertes concernent des taxations qui sont entrées en force. Je ne pense pas qu’il y ait quelqu’un dans cette salle qui cherche à modifier des taxations entrées en force. (Rires.)
Je vous invite à refuser cet amendement. Par ailleurs, d’ici mardi prochain, je suis prêt à discuter avec une ou deux personnes motivées, car j’ai une petite idée qui me trotte dans la tête. Rien qu’en disant cela, je suis certain que toute l’administration va me détester. (Rires.) Plus sérieusement, j’ai une idée qui pourrait peut-être ouvrir un chemin où tout le monde pourrait s’y retrouver. Néanmoins, à ce stade, je vous prie de ne pas recréer quelque chose d’incontrôlable qui concerne des sommes aussi importantes, dans des taxations qui sont déjà entrées en force.
Je vous prie de m’excuser d’intervenir après vous, monsieur le conseiller d’État, mais j’avoue que j’étais un peu surpris par votre argumentaire, puisque, pour ma part, j’étais plutôt sensible, et ce n’était pas forcément habituel, à l’argumentaire de notre collègue Buffat, qui a, il me semble, fait une démonstration claire montrant que l’amendement proposé, sous réserve de modifications, n’introduisait aucune inégalité. J’aimerais également rappeler que c’est un peu dans le même esprit que nous avions modifié, dans le cadre du budget 2025, le cadre légal concernant le bouclier fiscal. Cela a été rappelé ici. La modification rétroactive qui a été entérinée pour le bouclier fiscal touchait uniquement les taxations qui n’étaient pas encore entrées en force. Dans ce contexte, la proposition de notre collègue Gafner touche également uniquement les dossiers ouverts. Je ne vois donc pas où se situe la problématique. Si nous l’avons fait pour le bouclier fiscal, nous pouvons aussi le faire ici. Je vous encourage donc vivement à soutenir cet amendement. Monsieur Borloz, je suis persuadé que vous et vos équipes avez la capacité de revenir vers nous, pour le deuxième débat, avec un texte peut-être modifié.
Je remercie le conseiller d’État pour sa transparence et pour les chiffres qu’il nous a fournis. Je l’en remercie vivement, car nous n’en avions pas obtenu jusqu’à présent. Ce qui m’amène immédiatement à poser la question : si nous devions comparer ce chiffre évoqué de 118 millions avec le montant que nous devrions payer en cas de rétroaction du bouclier fiscal que nous avons voté il y a un an, quel serait le chiffre auquel nous nous référons pour le bouclier fiscal ?
Je remercie M. Borloz d’avoir enfin communiqué un chiffre. Vous avez mentionné que cela correspondait au nombre de dossiers ouverts dans le cadre des séparations. Lorsque vous parlez de 118 millions, vous faites référence à la somme totale qui est due, soit entre monsieur et madame, et non pas à la somme qui serait spécifiquement due par l’ex-conjoint, c’est-à-dire la personne appelée à payer en solidarité fiscale en vertu de l’activation de l’article 14, ou est-ce que j’ai mal compris ?
Je ne souhaite en aucun cas m’engager dans des commentaires sur une décision que vous avez prise, laquelle est elle-même contestée par le Conseil d’État en raison de la rétroactivité du bouclier, et dont l’égalité n’a pas encore été établie. Prenons les choses dans l’ordre et concentrons-nous sur notre dossier. Concernant le montant, bien entendu, il n’existe à ce jour qu’un seul contribuable. Le montant, en tant que tel, reste inconnu. Il est nécessaire de remonter jusqu’en 1998 pour potentiellement examiner cela et envisager une séparation. Comme je l’ai mentionné précédemment, cela pourrait concerner un nombre considérable de dossiers… Je ne sais pas, 15’000, peut-être. Je n’ai pas effectué ce calcul, mais il y a plusieurs lignes, et je peux obtenir le total dans un instant. Vous devrez alors solliciter chaque personne, 15’000 fois, pour lui demander de verser une somme à une autre.
En l’occurrence, si je considère que, sur les dix dernières années, 80% de ce type de taxation a été pris en charge par le conjoint masculin, je pense qu’en remontant dans le temps, ce pourcentage ne pourra que croître, et que le nombre de situations où Madame devra assumer sa part augmentera également. Mesdames et messieurs, je comprends vos bonnes intentions, et il est important de ne pas mal interpréter ce que je dis. Je les comprends pleinement, c’est pour cela que je vous ai dit, tout à l’heure, sur le plan humain, que vous aviez sans doute raison, mais ce n’est pas la question fondamentale. Toutefois, il faut conserver une approche technique et un choix technique. Ce choix doit respecter des principes légaux et garantir une égalité de traitement entre les individus, sans en introduire de nouvelles. Mais vous imaginez bien ce que cela impliquerait : réclamer de l’argent 15 ans après, sur la base d’une situation donnée. Je n’évoque même pas l’ampleur du travail que cela impliquerait. Ce n’est pas cela le problème. Mais je dis simplement que cela n’a pas de sens. Si cela ne concernait qu’une poignée de cas, je n’aurais même pas pris le temps de vous en parler, et je vous aurais dit que, en tout état de cause, cet amendement ne mérite pas d’être accepté.
Je serais tout à fait prêt à discuter d’une solution pour la prochaine fois, si un chemin pouvait être trouvé, mais je n’en suis même pas convaincu. Il me faudra encore consulter un peu plus avant de me prononcer. À ce stade, ce n’est tout simplement pas réalisable, et cela crée une inégalité flagrante, générant des problèmes que vous ne souhaitez sûrement pas. Je suis persuadé qu’il n’y a personne ici qui souhaite aller réclamer de l’argent à Madame, cela n’a tout simplement pas de sens.
Je crains qu’il y ait un malentendu. Il est toujours délicat de rédiger des modifications d’amendement directement en plénum. En préambule, je dois avouer être surpris par les chiffres avancés par M. le conseiller d’État. C’est une véritable surprise, mais je ne les conteste pas. Les problématiques remontent à 1998 et concernent un montant de 113 millions, ce qui tend à indiquer que la situation n’est pas aussi simple qu’elle en a l’air, et que l’application de ces dispositions soulève pour le moins des difficultés.
Il y a deux points distincts à souligner. Monsieur le conseiller d’État, dans le sous-amendement que j’ai proposé, mon intention n’était pas de dire « Nous allons remonter à 1998 ». C’est exactement l’inverse. L’idée – et c’est peut-être là-dessus qu’il convient de réfléchir dans le cadre du second débat – est qu’il y aura inévitablement une lacune entre la mise en place du nouveau système et l’exigibilité de l’ancien. C’est peut-être dans cette zone de transition que j’imaginais qu’il pourrait y avoir une solution pour éviter que, dès la modification de la loi, des personnes soient tenues responsables sous l’ancien système, alors que la loi aurait potentiellement déjà changé.
En ce qui me concerne, il ne s’agissait pas, et je maintiens ce que j’ai dit tout à l’heure, d’instaurer un effet rétroactif, même de manière improprement dite. Il s’agirait plutôt d’une disposition transitoire visant à régler des cas non taxés en suspens, où la question de la solidarité pourrait être invoquée, sachant que la loi a été modifiée par le Grand Conseil. C’est cela, ni plus ni moins. Et je ne pense pas, monsieur le conseiller d’État, que ce soit 118 millions qui soient en jeu, car je vous le confirme expressément : il n’a jamais été dans mes intentions, et il ne le sera jamais, de revenir en arrière jusqu’en 1998. En l’état actuel des choses, je vais probablement m’abstenir. Cependant, je pense qu’il existe un chemin possible, qu’il y a une réflexion à mener, et peut-être que la rédaction du texte devrait être revue pour cibler précisément, sous forme de disposition transitoire, ce qui pourrait poser problème dans l’application du nouveau droit par rapport à l’ancien.
Je crois que Me Buffat a bien résumé la situation dans laquelle nous nous trouvons. Il a fait un premier pas dans la direction que je vais essayer d’emprunter, mais cette direction est complètement contradictoire avec l’amendement actuel, c’est pourquoi il n’est pas question de faire des ajustements à la hâte. Il faut refuser cet amendement. Me Buffat, Me Gafner, venez me voir tout à l’heure et nous verrons si nous pouvons trouver une solution.
L’amendement Oleg Gafner/Marc-Olivier Buffat, opposé à celui de la commission, est préféré par 120 contre 5 et 14 abstentions.
L’amendement Oleg Gafner/Marc-Olivier Buffat est refusé par 66 voix contre 65 et 8 abstentions.
Je demande un vote nominal.
Retour à l'ordre du jourCette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui soutiennent l’amendement Gafner/Buffat votent oui ; celles et ceux qui s’y opposent, votent non ; les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, l’amendement Oleg Gafner/Marc-Olivier Buffat est refusé par 70 voix contre 65 et 5 abstentions.
* introduire vote nominal
L’article 2 est accepté par 84 voix et 54 abstentions.
L’article 3, formule d’exécution, est accepté à l’unanimité.
Le projet de loi est adopté en premier débat.
Le deuxième débat interviendra ultérieurement.