23_POS_78 - Postulat Cédric Weissert et consorts au nom du groupe UDC - L’Etat se doit d’être efficient.

Séance du Grand Conseil du mardi 6 mai 2025, point 34 de l'ordre du jour

Texte déposé

Comme mentionné durant les débats sur le budget 2024 de l’Etat de Vaud, le groupe UDC souhaite que notre gouvernement procède à une évaluation profonde de son efficience par le biais d’un audit de ses ETP.

 

L’Etat de Vaud tutoie désormais les 20'000 ETP et cette situation ne semble pas tenable sur le long terme. Les coûts sont importants et les augmentations d’ETP ne sont pas gages d’une plus grande efficience.

 

Le Gouvernement a d’ailleurs souhaité, par le biais de son programme de législature, avoir une Etat plus agile.

 

A ce titre, le postulat demande :

 

  1. De réaliser un audit de l’efficience des ETP au sein de l’Etat de Vaud, département par département
  2. De proposer des pistes afin de couvrir les missions de l’Etat sans passer par la systématique d’augmentation des ETP
  3. De dresser un rapport comparatif avec des cantons présentant des mêmes similitudes

 

Plusieurs cantons ont déjà mis en place des démarches visant une meilleure efficience de leur ETP sans forcément couper dans les prestations. Le Canton de Vaud doit pouvoir en faire de même et présenter sous forme de rapport les pistes qu'il envisage.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Denis DumartherayUDC
Maurice TrebouxUDC
Jean-Daniel CarrardPLR
Maurice NeyroudPLR
Cloé PointetV'L
Yann GlayreUDC
Loïc BardetPLR
Jacques-André HauryV'L
Stéphane JordanUDC
Josephine Byrne GarelliPLR
Florence Bettschart-NarbelPLR
Aurélien DemaurexV'L
Céline BauxUDC
Fabrice MoscheniUDC
Sébastien HumbertV'L
Pierre-Alain FavrodUDC
Jean-François ThuillardUDC
Alexandre BerthoudPLR
Regula ZellwegerPLR
Pierre-André RomanensPLR
Thierry SchneiterPLR
Marc MorandiPLR
Jean-Marc UdriotPLR
Fabrice TannerUDC
Nicolas GlauserUDC
Alain CornamusazUDC
José DurusselUDC
Nicole RapinPLR
John DesmeulesPLR
Georges ZündPLR
Monique HofstetterPLR
Jean-Bernard ChevalleyUDC
Michael DemontUDC
Jean-Louis RadiceV'L
Aliette Rey-MarionUDC
Romain BelottiUDC
Patrick SimoninPLR
Graziella SchallerV'L
Mathieu BalsigerPLR
David VogelV'L
Oscar CherbuinV'L
Nicolas BolayUDC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Cédric Weissert (UDC) —

En préambule, je souligne une presque première victoire pour moi : la minorité trouve mon postulat intéressant – selon les dires du rapport de minorité. D'ailleurs, M. Maury nous a dit qu'analyser les ETP uniquement sous l'angle de la démographie n'était pas la solution – sans contredire le fait qu'il pourrait y avoir d'autres critères d'analyse à prendre en compte. Mon postulat va exactement dans ce sens, puisqu'il demande un audit qui pourra donner des pistes d'amélioration, avec une entité neutre qui aurait une vision plus globale et transversale de la situation, et non pas partisane en défendant chacun son propre dicastère. Ce postulat arrive à un point nommé, au vu des comptes dévoilés avant les vacances. Je ne vais pas refaire le débat sur les finances cantonales, mais on sait que notre canton a un problème de charges et non de revenus. Les ETP en sont un élément non négligeable. Nous ne sommes plus dans une période où nous pouvons créer des ETP sans nous poser la question de leur financement. Et pourtant, il n’est pas rare d’entendre en commission, à propos de différents projets de lois ou de décrets : « Il faudrait limiter la croissance des ETP, mais dans ce cas précis, on n’a pas le choix, on va faire une exception, et on verra pour les prochains textes. »

A ce rythme-là, nous n’arriverons jamais à infléchir réellement la croissance des ETP. Et nous continuerons d’employer des formules comme celle du budget 2025 : « Diminution de la croissance des ETP. » C’est magnifique, mais cela ne nous fait pas avancer. Je rappelle ici quelques chiffres, qui ont d’ailleurs peut-être déjà été évoqués par mon collègue Moscheni : en 2023, notre canton comptait 2,35 employés par 100 habitants. A titre de comparaison, Zurich est à 1,77, et Berne à 0,98. Bien sûr, ces chiffres ne peuvent pas être comparés sans nuances, car les structures diffèrent. Mais ils sont suffisamment parlants pour illustrer un écart significatif.

Au fond, la question est assez simple. Souhaitons-nous enfin travailler sérieusement sur l’efficience de l’Etat ? Souhaitons-nous définir une meilleure répartition des ETP, non pas forcément pour les diminuer, mais au moins pour arrêter leur augmentation continue, ou préférons-nous nous voiler la face et continuer à foncer droit dans le mur ? Si, comme moi, vous pensez qu’il est temps de passer des paroles aux actes, alors soutenez ce postulat, comme l’a fait la majorité de la commission.

Mme Sabine Glauser Krug (VER) —

Dans l'absolu, les questions posées par le postulat ne sont pas inintéressantes. Toutefois, le travail en commission a permis de clarifier de nombreux questionnements. Il est fort regrettable que l'aspect de la sous-dotation ne soit pas questionné, tout comme l'impact de la surcharge de travail – par exemple, le cercle vicieux de l'absentéisme en cas de burn-out qui se reporte sur les collègues, les surchargeant à leur tour. D'une certaine manière, j'aimerais exprimer ici une forme de frustration : je lis des textes qui auraient pu créer des ponts entre la gauche et la droite ; il aurait seulement fallu travailler ensemble en amont du dépôt. Dans ce cas précis, il y a une orientation qui ne peut pas nous correspondre en fin de compte. Par ailleurs, il existe cette analyse de l'Institut des hautes études en administration publique (IDHEAP) qui apporte des réponses concernant le troisième point, soit la comparaison intercantonale. Nous sommes satisfaits par les informations à disposition et estimons qu’il serait plus efficient de ne pas renvoyer ce postulat au Conseil d'Etat. Les Verts vous invitent donc à suivre le rapport de minorité. 

M. Sébastien Cala (SOC) —

Le groupe socialiste est également très sceptique sur le postulat de M. Weissert – toutefois un peu moins, je dois le dire, que sur le postulat de M. Moscheni. En effet, le postulat Weissert traite une question pertinente, à savoir l'efficience de l'Etat, mais le fait, à notre sens, de manière un peu biaisée. En effet, cette approche est très limitante, car elle se borne à regarder comment faire des économies dans l'administration, sans parler du niveau actuel des prestations délivrées et des problèmes qui se posent en termes d'efficience de délivrance des prestations. Il y a des secteurs qui sont en manque d'ETP pour assurer correctement les tâches de l'Etat, des secteurs avec un fort manque d'attractivité, ce qui crée une pénurie de personnel et donc une dégradation des prestations. 

De plus, contrairement à ce qu'affirme le postulat, il n'y a aucune systématique de création de postes à l'Etat de Vaud. Selon le rapport de commission, il s’agit d’un processus assez rigide, qui sera sans doute expliqué par Mme la conseillère d'Etat. Les créations de postes suivent une procédure parfaitement connue et suivie par les organes de surveillance, notamment la Commission des finances. Enfin, la demande du rapport comparatif intercantonal demandé sur l'efficience de l'administration a déjà fait l'objet de recherches qui ont démontré de nombreuses limites. Nous avons déjà discuté des limites de comparaison, lors du précédent postulat, il y a un instant. 

En conclusion, le parti socialiste vaudois est conscient et préoccupé de la situation des finances publiques vaudoises ; il s’est d'ailleurs opposé aux baisses fiscales à ce sujet. Face à cette situation financière difficile, le groupe socialiste souhaite que le Grand Conseil travaille de manière intelligente et ne cède pas à des propositions peu rigoureuses comme celle proposée par M. Moscheni, précédemment. 

Concernant le postulat de M. Weissert, le parti socialiste est plutôt favorable à travailler pour que l'Etat de Vaud soit le plus efficient possible, mais dans une approche de l'efficience moins caricaturale, ou moins unilatérale. Il est nécessaire qu'elle soit adaptée à l'efficience et l'agilité des prestations délivrées, au périmètre des prestations souhaitées, au niveau de la qualité des prestations délivrées et de leur coût, qui font face aux besoins de la population, aux besoins en ETP pour répondre à ces besoins de la population et qui sont aussi calibrés en fonction des prévisions de recettes futures. Dès lors, dans ce contexte, nous vous encourageons à suivre le rapport de minorité et à classer ce postulat. 

M. Cédric Weissert (UDC) —

Je souhaite répondre à l'intervention de mon collègue Cala. Mon postulat ne dit pas qu'il faut diminuer à tout prix le nombre d'ETP, mais qu'il faut mieux les allouer, et ce, sans systématiquement passer par des augmentations de postes. Un audit permettra justement de mieux mettre en lumière les besoins. Je vous rejoins sur le fait qu'il y a des secteurs où il y a davantage de besoins ; il faut donc définir les sources de réallocation d'ETP. Je suis persuadé qu’il y a des endroits où l'on peut faire tout aussi bien avec un peu moins de postes de travail. Il s’agit donc de réallouer les ETP là où les besoins sont les plus importants, afin éviter de devoir un jour couper à la hache dans les effectifs.

C’est ce que vise cet audit : permettre un travail de fond, plutôt que de confier cette mission au seul Conseil d'Etat, avec le risque d’un fonctionnement en silos, chacun défendant naturellement son propre dicastère. Au contraire, un audit externe offre une vue d’ensemble et permet de mieux identifier les besoins. L'audit déterminera quelles solutions peuvent être trouvées et où les besoins sont réels. Cela va dans le sens que vous évoquez ; il n’y a pas de volonté aveugle de réduire les effectifs – ou alors vous m'avez mal compris ! 

Mme Carole Dubois (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

J’aimerais vous relire une partie du dernier paragraphe de mon rapport, car cela rejoint tout à fait ce que disait M. Cala – et c’est précisément l’une des raisons pour lesquelles ce postulat mérite d’être soutenu. Mme la conseillère d’Etat a confirmé que le département a bien saisi l’esprit du postulat. Elle a indiqué qu’en cas de renvoi au Conseil d’Etat, l’audit d’efficience serait mené par groupe de prestations. Une analyse comparative, appuyée par des indicateurs de coûts, permettrait d’évaluer l’efficience et les gains de productivité. Il s’agirait d’examiner les processus afin d’identifier les inefficacités et de mieux accompagner les services. La délivrance des prestations serait également intéressante à étudier. Il me semble donc que la position de Mme la conseillère d’Etat s’aligne pleinement avec celle de M. Cala. C’est pourquoi, en tant que présidente de la majorité, je vous invite à renvoyer ce postulat au Conseil d’Etat.

M. Arnaud Bouverat (SOC) —

Je suis un peu étonné de la légèreté avec laquelle on envisage de déclencher un audit sur l’ensemble des ETP de l’Etat. On a l’impression qu’il suffit de prendre un stylo, d’écrire dix lignes, et voilà : un audit est lancé – sans même se poser la question du coût de cet audit en équivalents ETP, ni de ce qu’il rapportera. On ne se demande pas si on agit par opportunité et ce que l’on cible vraiment. Est-ce que vous avez seulement une idée de ce que coûterait un audit qui passerait en revue l’ensemble des prestations de l’Etat ? Et puis vous nous expliquez qu’on va identifier où faire des économies, puis faire des transferts. Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Transférer un ETP de policier vers un hôpital ? Et comment gère-t-on ce transfert ? Faut-il encore un audit pour organiser ce transfert ?

Monsieur Weissert, je peux comprendre ce qui sous-tend votre intervention. Peut-être part-elle d’une volonté sincère de mieux gérer les deniers publics – peut-être. Mais sur la méthode, permettez-moi de dire qu’il n’y a rien de plus dépensier que celle que vous proposez. Et à ce titre, justement au nom de l’économicité, je pense que nous devons refuser votre proposition.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Les uns disent dénoncer un enfer fiscal, ce qui est une réalité à peu près objective selon les graphiques à notre disposition ; les autres nous décrivent le canton comme un enfer social, lorsqu'on traite le budget – une réalité également, selon les graphiques et les études en ce sens. C’est incontestable : nous sommes sur le podium des meilleures prestations sociales. 

Après 18 ans au Grand Conseil, j’ai constaté que chaque fois que l’on veut faire quelque chose, dans un domaine ou un autre, il faut engager du personnel. Or, ce Grand Conseil s’est plusieurs fois étonné du peu de volonté à examiner comment redéployer autrement les ressources existantes. 

Mais surtout, j’attire votre attention sur un point fondamental, sur lequel chacun a une posture – même si la posture s’associe souvent avec l’imposture : du point de vue de l’économie privée, nous n’avons pas encore pris la mesure de ce qu’implique l’arrivée de l’intelligence artificielle. C’est une révolution, un véritable tsunami ! Vous pouvez faire tous les audits que vous souhaitez, je tiens le pari suivant : dans 10 ans, l'administration et la façon dont on conçoit les services, y compris dans mon métier d'avocat, seront fondamentalement transformées. Dès lors, au lieu de discuter aujourd’hui, nous devrions plutôt réfléchir à demain. Cela serait beaucoup plus pertinent pour l'avenir de ce canton. Les représentants de la fonction publique doivent également réfléchir à l'impact phénoménal que représentera l'intelligence artificielle. C’est inévitable ! C’était le fil conducteur de tous les derniers conseils d'administration auxquels j'ai participé : appels téléphoniques, messagerie, contact avec les clients, réflexion stratégique, avis de droit d'avocats. C'est une révolution et je crains malheureusement que notre Grand Conseil n’en ait pas encore pris la pleine mesure. 

A l’aune du texte déposé par le PLR Vaud, je souhaiterais vraiment que tant ce Grand Conseil que le Conseil d'Etat cessent de se concentrer uniquement sur la question de savoir où il y a une Speckgürtel, où il n'y en a pas, ou encore où l’on pourrait faire mieux, pour plutôt prendre la pleine mesure de ce qui est en train d’arriver. Non pas dans quelques années, mais dès l'année prochaine, parce que la révolution de l'intelligence artificielle n’est pas un horizon lointain : c'est déjà demain ! Et je pense que c’est sur cette transformation profonde que nous devrions nous concentrer, bien plus que de savoir s’il est justifié d’avoir un statut de fonctionnaire dans le canton de Vaud. 

M. François Cardinaux (PLR) —

J’aimerais revenir sur certains propos, car ils relèvent, à mon sens, de la caricature. Pour ma part, je le redis clairement : la seule manière d’avancer de façon responsable c’est d’argumenter en faveur d’un arrêt immédiat des nouveaux engagements. Lorsque j’entends dire : « on va transférer un policier dans un hôpital », ce n’est absolument pas ce dont il est question. Nous allons simplement chercher des marges d’efficience au sein même des départements. C’est pourquoi je vous invite à soutenir le rapport de la majorité de la commission, tant sur le postulat Moscheni que sur le postulat Weissert. Essayons d’aller de l’avant, sans contrainte. L’État continuera à fonctionner aussi efficacement qu’aujourd’hui.

M. Cédric Weissert (UDC) —

Je suis désolé, monsieur Bouverat, mais votre intervention est assez lunaire ! On sait combien coûte la hausse continue des ETP ; on le constate budget après budget, comptes après comptes. A vous écouter, il ne faudrait rien faire et regarder passer les trains de façon béate – bref, l'immobilisme complet. Ce n'est pas ma façon de voir les choses ; je vous propose donc de soutenir ce postulat. 

M. Arnaud Bouverat (SOC) —

Il y a l'action, et puis il y a l'agitation ; il faut savoir distinguer les deux. Votre proposition consiste à mobiliser des moyens – des moyens massifs – que nous n’avons probablement pas à disposition pour faire un tel travail. Si vous avez un souci, comme M. Cardinaux, qui devrait aussi avoir quelques soucis dans la gestion d'une collectivité, vous ne devez pas faire des hypothèses. Quand on est confronté à un problème, il ne faut pas faire 2’000 hypothèses. Il faut cibler un problème précis et proposer une démarche à la mesure des moyens disponibles. Ou alors il faut réussir à obtenir des crédits pour mener un audit qui prétend scanner l’ensemble des services de l’Etat. Monsieur Weissert, je pense que nous n’avons pas les moyens de nous le permettre. 

Vous savez très bien que les auditeurs externes sont rémunérés à des tarifs bien supérieurs à ceux des fonctionnaires. Et dans le secteur privé – que vous citez souvent en exemple – lorsqu’une entreprise lance un audit, elle commence par définir clairement la question. Si le spectre est aussi large que celui que vous proposez, l’idée est d’emblée jetée à la poubelle. Aucune entreprise privée ne se permettrait de rédiger une telle proposition en dix lignes.

Et c’est là que je m’interroge : comment des représentants de la droite peuvent-ils soutenir qu’auditer l’ensemble des ETP de l’Etat est une méthodologie sérieuse ? J’aimerais qu’on me donne un seul exemple d’une entreprise ayant mené un audit de cette ampleur, afin que nous puissions analyser la méthodologie employée. A l’échelle d'une collectivité comme l'Etat de Vaud, je pense que vous ne savez simplement pas de quelle dimension vous parlez. 

Mme Sabine Glauser Krug (VER) —

J’aimerais simplement dire un mot à notre collègue Buffat, parce que cette question du numérique et de l’intelligence artificielle revient systématiquement. Mais il n’y a pas que la crise financière à considérer. Nous traversons également une crise énergétique majeure. Et, pour reprendre votre propre formulation, je crois que vous n’avez pas pleinement pris la mesure de l’impact énergétique que représente – et va représenter – l’intelligence artificielle.

Concrètement, on nous dit déjà aujourd’hui que l’intelligence artificielle telle qu’on la connaît n’est pas soutenable à long terme. On devra donc probablement revenir en arrière, avec des micro-intelligences artificielles qui nécessiteront beaucoup de travail humain pour être mises en œuvre, et donc davantage de personnel. Le numérique est un enjeu beaucoup plus global que vous ne semblez le suggérer.

M. Fabrice Moscheni (UDC) —

Monsieur Bouverat, j'ai moi-même mené un audit sur les prestations d'un canton – un canton romand – et on a revu toutes les prestations du canton pour trouver des pistes d'efficience. C'est donc possible ! Nous étions plusieurs à effectuer ce travail et cela nous a pris 6 mois : nous avons analysé les différents services, les différents départements, afin de trouver des pistes d'amélioration. C'est donc tout à fait possible ! 

M. Philippe Jobin (UDC) —

Monsieur Bouverat, si je vous ai bien compris – et j’aimerais vraiment vous avoir bien compris, c’est pourquoi je vous pose la question de manière directe – vous considérez qu’un audit d’efficience, tel qu’on pourrait le réaliser dans chaque département, car ce n’est pas d’une complexité insurmontable, serait, selon vous, à la fois gigantesque et inutile. Vous jugez cette stratégie inefficiente, car elle viserait à éviter un vrai débat sur l’optimisation des ressources ; c’est ainsi que je perçois votre position. Pourtant, un audit bien conçu – comme l’a d’ailleurs rappelé mon collègue Moscheni – permettrait précisément d’identifier des dysfonctionnements, des redondances ou des pistes d’amélioration, sans jamais remettre en cause la qualité des prestations de l’Etat. C’est exactement là-dessus que j’aimerais attirer votre attention. L’objectif n’est pas de diminuer les prestations de l’Etat, mais d’offrir au Conseil d’Etat la possibilité de travailler différemment – et uniquement dans cet état d’esprit. Et si vous pouviez répondre à cette question : est-ce que la stratégie qui vise à éviter un débat sur l'optimisation des ressources est la volonté qui vous anime ? Si c’est le cas, dites-le-clairement. Au moins, nous saurons où nous en sommes.

M. Jacques-André Haury (V'L) —

Je suis ce débat avec intérêt depuis un certain temps. Et, à vrai dire, j’ai été assez surpris d’entendre tout à l’heure Mme la conseillère d’Etat, Nuria Gorrite, affirmer qu’au vu de l’état des finances du canton, le Conseil d’Etat allait devoir rechercher des niches d’efficience, et ce, déjà en vue du budget 2026. À mon sens, ces recherches auraient dû être engagées il y a dix ans déjà.

Cela étant, je me permets de dire à M. Bouverat qu’il gagnerait à lire – ou à relire – l’interpellation déposée ce matin par M. Jean-Claude Favre, qui évoque précisément les mesures d’efficience mises en œuvre par le Conseil d’Etat valaisan. Ces mesures ont été conduites en collaboration avec une entreprise de conseil, SwissmeFin, et avec le soutien des états-majors des départements.

La crainte de M. Bouverat – que je peux comprendre – qui consiste à dire que cela va être un « machin » qui coûtera plus cher que ce qui sera économisé, n’est certainement pas validée par l’exemple du Valais. C’est une raison de plus pour accepter le postulat qui nous est proposé. 

M. Arnaud Bouverat (SOC) —

Ce sera ma dernière intervention, pour éviter les ping-pongs, mais je tiens à répondre à M. Jobin : j'ai lu la proposition de M. Weissert et on parle d'un audit des ETP. Maintenant, on parle d'un screening des prestations pour définir celles que l'on donne ou que l'on ne donne pas. Selon moi, ce sont deux questions différentes, mais si vous voulez retravailler un nouveau postulat, je le réexaminerai volontiers. 

Mme Florence Bettschart-Narbel (PLR) —

Juste pour répondre à notre collègue Bouverat, qui évoquait la difficulté – voire l'absence – d’exemples d’entreprises privées ayant mené ce type d’audits : il me semble pourtant, pour avoir entendu parler de grandes fusions dans différents secteurs, que c’est précisément dans ce genre de contexte qu’on procède à ce type d’analyse. On examine alors poste par poste : quels sont les postes à maintenir, lesquels ne sont plus nécessaires, où se trouvent les doublons. 

Cela se fait de manière assez fréquente dans les grandes entreprises qui fusionnent ; on reconnaît le travail des uns et des autres. Je pense que cela peut également se faire à l’Etat. Cette proposition est donc une bonne proposition qui doit être soutenue.

Mme Nuria Gorrite (C-DICIRH) — Conseiller-ère d’Etat

Comme je l’ai déjà dit en commission, le Conseil d’Etat est convaincu de la pertinence d’une évaluation permanente de l’efficience de l’administration. Je pense qu’il y a eu un malentendu avec le député Haury : je parlais bien de recherches d’économie pour atteindre la cible imposée par l’objectif du petit équilibre en 2025 – et celle, vraisemblablement plus importante, qui nous sera imposée en 2026.

Les démarches d’efficience sont permanentes au sein de l’Etat, y compris en matière de gestion du personnel. J’ai d’ailleurs devant moi une liste, non exhaustive, mais révélatrice, des différentes démarches entreprises depuis 1996, à commencer par le Plan Orchidée. Depuis ce plan, de nombreuses démarches d’économie, de modernisation et de réallocation de ressources ont été mises en place : la démarche EtaCom, l’opération 300 postes, la démarche DEFI, ou encore la démarche SYMPA-Vaud – toutes aux noms très avenants, certes, mais visant concrètement à une réorganisation continue du fonctionnement de l’Etat.

Ces démarches ont conduit notamment à la création de l’Unité de conseil et d’appui à l’administration (UCA), qui soutient les services dans leur réorganisation ou dans la conduite d’audits. Ce travail inclut aussi ce qu’on appelle des diagnostics flash : des examens ponctuels pour optimiser nos ressources. Cette démarche s’est intensifiée ces dernières années avec l’émergence de la numérisation et l’exigence de la cyberadministration, puisque chaque démarche online implique une réorganisation en coulisses. Les processus de travail de l’administration ont l’objectif, dès que cela est possible, d’absorber la croissance et le volume de travail traité par l’administration, avec un effectif constant. La question est : comment peut-on améliorer les processus et les outils technologiques ?

Je tiens aussi à rassurer le député Marc-Olivier Buffat : la question de l’intelligence artificielle fait bien partie des axes de travail du gouvernement, ainsi que de la Direction générale des ressources humaines (DGRH). Dans sa stratégie RH, celle-ci a intégré la nécessité d’un regard et critique sur cette évolution – comme l’a aussi souligné la députée Sabine Glauser Krug. L’intelligence artificielle offre effectivement des opportunités, mais elle comporte aussi des risques. Comme toujours en matière de stratégie numérique, l’Etat agit en potentialisant les opportunités tout en réduisant les risques. Il s’agit notamment de veiller à ce que nos collaboratrices et collaborateurs disposent des compétences nécessaires pour accompagner ce virage technologique, qui permettra à n’en pas douter de renforcer l’efficience et d’accélérer le traitement de certaines tâches automatisables.

Je ne prétends pas que l’intelligence artificielle remplacera entièrement, par exemple, le métier d’avocat. Mais, comme je l’ai déjà dit en commission, le postulat Weissert peut être accepté, dans la mesure où – après la création de l’UCA – cette unité a été transformée en Office de numérisation de l’administration (ONA). Cet organisme a aujourd’hui une double mission : l’analyse continue des processus de l’Etat, comme auparavant, mais aussi la numérisation de l’administration, ce qui implique une lecture transversale et permanente de l’organisation des services et des compétences nécessaires pour basculer certaines prestations vers une numérisation. 

Depuis les travaux en commission, le Conseil d’Etat n’a pas chômé : il a créé une délégation à l’efficience, qui a mandaté l’ONA pour mettre sur pied une démarche concrète de recherche d’efficience dans les processus de travail, mais aussi dans la délivrance des prestations de l’Etat. Cette démarche devrait aboutir d’ici la fin de l’année, et s’articule autour de quatre axes de travail :

  1. L’élaboration d’un cockpit d’efficience, un outil qui crée de la transparence sur l’évolution des ressources consommées par l’Etat, par groupes de prestations. Selon nous, un audit de tous les postes de l’administration serait totalement inefficient. Or, si on cherche de l’efficience, cela n’aurait aucune pertinence. Il faut vraiment analyser par groupe de prestations, documenter les causes de l’augmentation, ou de la diminution, et comprendre quels sont les gisements ;
  2. L’identification de quick wins, c’est-à-dire de gains rapides d’efficience identifiables ici ou là ; 
  3. Un examen d’efficience, par la formalisation d’une méthodologie simple et applicable par les services, pour identifier les besoins d’action en matière d’efficience ;
  4. Un dispositif d’incitation à l’efficience, car il y a besoin de renforcer les compétences des collaboratrices et collaborateurs pour mettre en œuvre les solutions d’amélioration d’efficience.

Vous voyez donc que le postulat proposé est en réalité déjà mis en œuvre, certes sous une forme différente de celle suggérée. Nous ne faisons pas un audit large de tous les postes, mais un examen par groupe de prestations. Notre travail n’est pas mené par un organisme externe, qu’il faudrait d’ailleurs rémunérer, mais étant donné que, dans le budget, les mandats de l’Etat ont été réduits à zéro, cela serait de toute manière difficile. Nous nous sommes dotés de notre propre outil d’examen de l’efficience des prestations de l’Etat, et nous avons commencé ce travail, cette année déjà, avec la délégation.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération par 79 voix contre 55 et 1 abstention.

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