24_MOT_23 - Motion Yolanda Müller Chabloz et consorts - Moustiques, scarabées et frelons exotiques, même combat (Développement et demande de renvoi à commission avec au moins 20 signatures).
Séance du Grand Conseil du mardi 23 avril 2024, point 14 de l'ordre du jour
Texte déposé
Depuis plusieurs années, plusieurs espèces d’insectes exotiques se propagent sur le territoire cantonal.
Ainsi, le moustique tigre a prise ses aises dans nos contrées, installé sur la Côte depuis 2022. Rappelons qu’il peut être vecteur de maladies potentiellement sévères telles que la Dengue et le Chikungunya. Actif principalement de jour, Il est également source de nuisances importantes, comme peuvent l’expérimenter celles et ceux qui se rendent en Italie ou dans le sud de la France. Les atteintes potentielles à la santé justifient un ancrage dans la loi sur les épidémies. La Confédération soutient le monitoring et la coordination de la lutte cantonale. Le Canton du Tessin, le premier touché en Suisse, a adapté son appareil législatif pour soutenir son action de lutte au niveau du territoire cantonal. Rien de tel à ce jour dans le Canton de Vaud.
D’autres organismes menacent également le territoire suisse, notamment le scarabée japonais, qui est une menace pour les cultures, ou le longicorne asiatique qui lui s’attaque aux arbres feuillus. Ici, les moyens sont mis par l'Office fédéral de l'environnement et l'Office fédéral de l'agriculture, qui tous deux forment le Service phytosanitaire fédéral, conformément à l’ordonnance sur la santé des végétaux (OSaVé)[1].
Venons-en au frelon asiatique. Quasiment inexistant sur notre territoire il y a cinq ans, la population de cet insecte explose depuis 2022, et les expert.e.s s’attendent à une situation difficile en 2024 suite à un hiver particulièrement doux. Ces frelons s’attaquent aux colonies d’abeilles européennes et sont un grave danger pour ces pollinisateurs. Au printemps la première génération de nids (dit nids primaires) peut héberger des centaines de reines potentielles, qui se disséminent ensuite pour former des nids secondaires. La lutte contre ce frelon est menée par une Task force constituée d’expert.e.s du domaine sous la houlette du prof Daniel Cherix. Ils font un travail remarquable d’identification des insectes suspects (plateforme frelonasiatique.ch), de traque de frelons, d’identification puis de destruction des nids primaires et secondaires. Ce travail se fait en collaboration avec les apicultrices et apiculteurs et les Communes. Cette équipe développe des outils innovants avec la HEIG-VD, facilitant notamment le traçage des frelons, outils qui serviront certainement à l’ensemble de la Suisse.
On pourrait donc se dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Néanmoins, on peut s’inquiéter du fait que toute la lutte et la prévention contre ces différentes espèces d’insectes envahissants soit menée par quelques personnes fournissant du travail en grande partie bénévole, portées par des individus-clé qui devraient en fait plutôt profiter de leur retraite, et des membres de l’administration dont l’implication déborde de leur cahier des charges. La pérennité d’un tel fonctionnement pose question. Il semble que l’appareil législatif soit nettement insuffisant pour permettre une lutte efficace contre ces différentes espèces invasives. Concernant le partage des responsabilités, on voit bien dans la situation du frelon asiatique que de faire porter les mesures de prévention ou d'éradication à charge des propriétaires et exploitants met en péril l’annonce suffisamment précoce des nids primaires par ces personnes, ce qui fragilise l’ensemble du dispositif.
Si on revient à la prévention de l’installation du moustique tigre, plusieurs actions peuvent être entreprises, comme informer la population et les entreprises sur le risque posé par les petites surfaces d’eau stagnantes fort appréciées par les femelles moustique pour leur ponte (coupelles, pneus à l’air libre), mais aussi traiter les surfaces plus larges à l’aide de larvicides naturels. Cela se fait déjà, mais là encore les actions communales se font sur une base volontaire. Les communes n’ont en fait aucune d’obligation d’agir contre les moustiques depuis l’abrogation de l’arrêté Mouches de 1948 en 2008[2].
Le 18 mai 2016, le Conseil fédéral a adopté la "Stratégie suisse contre les espèces exotiques invasives"[3], dont la mise en œuvre entraînera des changements dans la base juridique. L’ensemble des partenaires attend impatiemment cette mise en œuvre, notamment la force obligatoire du système de classification des espèces ainsi que la possibilité d'une participation financière de la Confédération aux mesures de lutte des cantons, dans le cadre de la révision de la loi sur la protection de l'environnement. Mais globalement on sait que de toute façon cette lutte devra être organisée au niveau cantonal, avec un monitoring au niveau fédéral. Il est donc grand temps pour le Canton de Vaud de prendre les devants pour se doter de bases légales suffisantes.
Par la présente, la motionnaire souhaite que le Conseil d’Etat présente un projet de loi ou de décret :
- Renforçant les mesures de prévention et de lutte contre les espèces exotiques envahissantes
- Clarifiant les situations où les mesures de sensibilisation ou de lutte contre les organismes exotiques envahissants n'incombent pas aux propriétaires
- Clarifiant les compétences et les responsabilités des différents services de l’administration cantonale et des Communes dans le cadre de la lutte contre les espèces exotiques envahissantes
[1] Ordonnance du DEFR et du DETEC relative à l’ordonnance sur la santé des végétaux (OSaVé-DEFR-DETEC) du 14 novembre 2019. https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/2019/787/fr
[2] Arrêté 818.11.1 prescrivant l’obligation de détruire les mouches et les moustiques sur le territoire du canton de Vaud (AMouches). https://www.lexfind.ch/tolv/132497/fr
[3]Stratégie de la Suisse relative aux espèces exotiques envahissantes du 18 mai 2016. https://www.bafu.admin.ch/dam/bafu/fr/dokumente/biodiversitaet/fachinfo-daten/strategie_der_schweizzuinvasivengebietsfremdenarten.pdf.download.pdf/strategie_de_la_suisserelativeauxespecesexotiquesenvahissantes.pdf
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Martine Gerber | VER |
Géraldine Dubuis | VER |
Sébastien Humbert | V'L |
Alice Genoud | VER |
Cédric Echenard | SOC |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Nathalie Jaccard | VER |
Vincent Bonvin | VER |
Yannick Maury | VER |
Felix Stürner | VER |
Circé Barbezat-Fuchs | V'L |
Kilian Duggan | VER |
Théophile Schenker | VER |
Jacques-André Haury | V'L |
Blaise Vionnet | V'L |
Anna Perret | VER |
Julien Eggenberger | SOC |
Céline Misiego | EP |
Yves Paccaud | SOC |
Nathalie Vez | VER |
Séverine Evéquoz | VER |
Isabelle Freymond | SOC |
Valérie Zonca | VER |
Rebecca Joly | VER |
Jean-Louis Radice | V'L |
Pierre Zwahlen | VER |
Mathieu Balsiger | PLR |
Document
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourSi veaux, vaches et moutons sont régulièrement cités dans cet hémicycle, en hommage à Jean Villard-Gilles, l’idée de la présente motion consiste à changer d’échelle pour s’intéresser à des espèces plus petites, mais qui seront néanmoins bien plus nombreuses, à terme, à savoir les espèces invasives d’insectes. En effet, ces espèces envahissent le territoire vaudois, favorisées par la croissance des transports internationaux de biens et de personnes, mais également, pour certaines d’entre elles, par le réchauffement climatique. En plus d’être une source de nuisances – comme c’est par exemple le cas du moustique-tigre – elles peuvent également causer des dommages à la santé humaine ; d’autres espèces menacent plutôt les pollinisateurs – c’est le cas du frelon asiatique – et d’autres encore peuvent être une menace pour les cultures ou les vergers.
Selon les espèces, différents départements sont en charge, mais finalement, les mesures à prendre impliquent souvent des équipes de biologistes qui posent des pièges, fondent l’identification d’espèces et mettent en place différentes mesures qui permettent le contrôle de ces insectes. Cela passe par la promotion de mesures visant à éliminer les gites larvaires, pour les moustiques, ou la destruction des nids dans le cas du frelon asiatique. Nous avons que, dans ce domaine, il est crucial de ne pas être pris de vitesse par les insectes, car une fois qu’ils sont installés dans un territoire, il est trop tard. En Suisse, le Tessin a été précurseur sur cette question et a permis un contrôle du moustique-tigre bien meilleur qu’en Italie voisine.
La révision de la Loi fédérale sur la protection de l’environnement, qui prévoit de combler une partie des lacunes du droit en vigueur, tarde à être approuvée, alors que les actrices et les acteurs du domaine attendent impatiemment des ordonnances d’application. Dans l’intervalle, le frelon asiatique s’installe à toute allure ! Si le canton de Vaud est très actif et innovant dans ce domaine, actuellement une grande partie des mesures sont prises sur une base totalement volontaire. Le but de la motion est donc de demander une adaptation des bases légales cantonales afin de permettre une meilleure lutte contre les espèces envahissantes d’insectes exotiques.
Retour à l'ordre du jourLa motion, cosignée par au moins 20 membres, est renvoyée à l’examen d’une commission.