23_INI_4 - Initiative Joëlle Minacci et consorts au nom Ensemble à gauche & POP - Pour la levée de la réserve relative à l’art. 59 de la Convention d’Istanbul, soit le statut de résident accordé aux migrantes et migrants victimes de la violence.
Séance du Grand Conseil du mardi 8 avril 2025, point 11 de l'ordre du jour
Texte déposé
La Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique est entrée en vigueur le 1er avril 2018. Elle constitue l’accord international visant à combattre ce type de violations des droits humains le plus complet. Il s’étend aux champs d’action prévention de la violence, protection des victimes, poursuite pénale et approche globale et coordonnée (politiques intégrées).
La Suisse a signé la convention le 11 septembre 2013. Les Chambres fédérales ont voté l’adhésion le 16 juin 2017. La Suisse a émis quatre réserves dans le cadre de la ratification de la convention, dont une porte sur l’art. 59, statut de résident accordé aux migrantes et migrants victimes de la violence.
« Article 59 Statut de résident
1 Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour garantir que les victimes, dont le statut de résident dépend de celui de leur conjoint ou de leur partenaire, conformément à leur droit interne, se voient accorder, sur demande, dans l’éventualité de la dissolution du mariage ou de la relation, en cas de situations particulièrement difficiles, un permis de résidence autonome, indépendamment de la durée du mariage ou de la relation. Les conditions relatives à l’octroi et à la durée du permis de résidence autonome sont établies conformément au droit interne.
2 Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les victimes puissent obtenir la suspension des procédures d’expulsion initiées du fait que leur statut de résident dépend de celui de leur conjoint ou de leur partenaire, conformément à leur droit interne, pour leur permettre de demander un permis de résidence autonome.
3 Les Parties délivrent un permis de résidence renouvelable aux victimes, dans l’une ou les deux situations suivantes :
a lorsque l’autorité compétente considère que leur séjour est nécessaire au regard de leur situation personnelle;
b lorsque l’autorité compétente considère que leur séjour est nécessaire aux fins de leur coopération avec les autorités compétentes dans le cadre d’une enquête ou de procédures pénales.
4 Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les victimes de mariages forcés amenées dans un autre pays aux fins de ce mariage, et qui perdent en conséquence leur statut de résident dans le pays où elles résident habituellement, puissent récupérer ce statut ».
En 2022, le Conseil fédéral a adopté le plan d’action national 2022-2026 pour la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). Il n’a pas proposé aux Chambres fédérales de lever la réserve portant sur l’article 59.
Pourtant, dans la pratique actuelle, les exigences trop élevées ne permettent pas de garantir la protection des victimes et l’on constate une discrimination en fonction du statut. Aujourd’hui encore, il est parfois difficile pour les femmes étrangères victimes de violences de conserver leur autorisation de séjour, les exigences érigées dans la pratique pour prouver les violences subies et leur intensité s’avérant souvent trop élevées. Par ailleurs, la réserve émise à l’article 59 de la Convention est regrettable en ce qu’elle ferme la porte à une extension de la protection des victimes prévue par l’art. 50 LEtr aux conjoint-e-s de personnes titulaires d’une autorisation de séjour (permis B), d’une autorisation de courte durée (permis L) ou d’une admission provisoire (permis F) qui n’ont dans le droit actuel qu’une possibilité de renouvellement de leur autorisation de séjour et non un droit et ce en application de l’art. 77 OASA. Il instaure une discrimination entre victimes en fonction de leur statut – ou de celui de leur conjoint –, ce qui semble contraire aux buts poursuivis par la Convention.
En vertu de l’article 160, alinéa 1, de la Constitution fédérale, les cantons peuvent soumettre une initiative à l’Assemblée fédérale. Une telle initiative n’est pas limitée à la Constitution, mais peut porter sur tout objet de la compétence de l’Assemblée fédérale. Le canton peut soumettre à l’Assemblée fédérale soit un projet d’acte législatif, soit proposer l’élaboration d’un projet.
Les député-e-s soussigné-e-s demandent au canton de Vaud d’exercer son droit d’initiative cantonale auprès de l’Assemblée fédérale, en application de l’article 109, alinéa 2, de la Constitution vaudoise pour demander aux Chambres fédérales d’élaborer dans les meilleurs délais une proposition visant à la levée de la réserve relative à l’article 59 de la Convention d’Istanbul.
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Yves Paccaud | SOC |
Yannick Maury | VER |
Claire Attinger Doepper | SOC |
Pierre Zwahlen | VER |
David Raedler | VER |
Martine Gerber | VER |
Théophile Schenker | VER |
Géraldine Dubuis | VER |
Laure Jaton | SOC |
Valérie Zonca | VER |
Vincent Keller | EP |
Elodie Lopez | EP |
Yolanda Müller Chabloz | VER |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Felix Stürner | VER |
Céline Misiego | EP |
Marc Vuilleumier | EP |
Muriel Thalmann | SOC |
Alice Genoud | VER |
Sylvie Pittet Blanchette | SOC |
Alberto Mocchi | VER |
Claude Nicole Grin | VER |
Vincent Bonvin | VER |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa commission désignée pour étudier cette initiative s'est réunie le mardi 12 novembre 2024, à la salle Romane. Lors de cette séance, il a été rappelé que la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, également connue sous le nom de Convention d'Istanbul, représente l'accord international le plus complet en matière de prévention de la violence et de protection des victimes. La Suisse a ratifié cette convention le 11 septembre 2013, tout en émettant une réserve concernant l'article 59 relatif au statut de résident, en lien avec l'article 50 de la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI). La Convention du Conseil de l'Europe est entrée en vigueur en Suisse le 1er avril 2018. L'initiative, qui a été examinée lors de la séance, a été déposée en août 2023. Elle sollicite que le Canton de Vaud exerce son droit d'initiative auprès des Chambres fédérales afin de lever la réserve relative à l'article 59 de la Convention d'Istanbul. Il convient de souligner que l'examen de cette initiative par notre commission a eu lieu parallèlement aux démarches parlementaires menées au niveau fédéral. En effet, la Commission des institutions politiques du Conseil national avait déposé en novembre 2021 une initiative parlementaire intitulée « Garantir la pratique pour raisons personnelles majeures visées à l'article 50 de la LEI en cas de violences domestiques », laquelle a été acceptée en juin 2024.
Ainsi, la réserve de la Suisse à l'article 59 de la Convention d'Istanbul n'a désormais plus de valeur juridique, étant rendue caduque par la modification de l'article 50 de la LEI à laquelle elle était liée. En vertu de cette disposition, toutes les victimes de violences domestiques peuvent demander un permis de résidence autonome, indépendamment de leur statut en droit des étrangers. Un communiqué de presse du Conseil fédéral, publié quelques jours après la séance de notre commission, précise que, lors de sa séance du 27 novembre 2024, le Conseil fédéral a fixé au 1er janvier 2025 l'entrée en vigueur de la modification de la LEI et de son ordonnance d'application, rendant ainsi définitivement caduque la réserve émise par la Suisse concernant l'application de la Convention d'Istanbul. La modification de la LEI élargit et précise la réglementation en cas de dissolution de la communauté familiale. Elle permet notamment d'améliorer la situation des victimes de violences domestiques relevant du droit des étrangers. Ainsi, les membres de la famille d'un titulaire d'une autorisation de séjour – permis B, L ou F – ont droit, en cas de séparation, à ce que leur séjour soit régularisé, en particulier s'ils sont victimes de violences domestiques. Les directives du Secrétariat d'Etat aux migrations, relatives au domaine des étrangers, précisent également que les victimes de mariages forcés peuvent récupérer leur statut de séjour si elles l'ont perdu à la suite d'un mariage forcé à l'étranger.
Lors de la séance de la commission, nous avions sollicité le rapport statistique établi par le Service de la population (SPOP) sur les situations de violence domestique pour la période du 1er avril 2023 au 31 octobre 2024, documents qui nous ont été transmis. Au regard des explications fournies et des documents reçus du Département de l’économie, de l’innovation, de l’emploi et du patrimoine (DEIEP), nous vous proposons de prendre une décision concernant cet objet. Nous tenons également à remercier le Conseil fédéral de nous avoir permis, par le biais de cette modification législative, de supprimer l'article 50 relatif aux femmes étrangères.
La discussion est ouverte.
Mon initiative, déposée en août 2023, consistait effectivement, comme l'a mentionné ma collègue, en une demande adressée au Canton de Vaud d'exercer son droit d'initiative afin de solliciter des Chambres fédérales l'élaboration d'une proposition visant à lever la réserve relative à l'article 59 de la Convention d'Istanbul. Cette réserve avait été émise par la Suisse en lien avec l'article 50 de la LEI, et elle entraînait des conséquences directes sur les femmes victimes de violences, dont le statut de séjour dépendait de celui de leur conjoint. Depuis le dépôt de mon initiative, des travaux parlementaires ont eu lieu au niveau fédéral à la suite du traitement de l'initiative parlementaire « Garantir la pratique pour raisons personnelles majeures visées à l'article 50 de la LEI en cas de violence domestique », déposée par la Commission des institutions politiques. Cette initiative a été acceptée en juin 2024, permettant ainsi l'abandon de la réserve à l'article 59 de la Convention d'Istanbul, puisque la modification de l'article 50 remplit désormais les critères de l'article 59 de la Convention. Toutefois, au moment de la commission, le Conseil fédéral ne s'était pas encore prononcé sur la levée de la réserve, et les débats ont donc porté sur la manière dont le Conseil d'Etat pouvait formuler cette demande auprès des instances fédérales.
Je tiens ici à remercier le Conseil d'Etat pour son engagement à porter ce sujet au niveau fédéral, comme en témoigne le rapport. Il n'aura finalement pas eu besoin de le faire, puisque, peu après, le Conseil fédéral a annoncé la levée de cette réserve. Comme annoncé en commission, je m'engage donc à retirer mon initiative, en raison de la modification de la LEI ainsi que de la levée de la réserve à la Convention d'Istanbul. Je profite de cette occasion pour saluer l'immense travail de terrain qui a permis d'arriver à cette victoire au niveau du droit fédéral, un travail qu'il convient particulièrement de souligner en cette période où les droits des femmes et des personnes migrantes sont fortement menacés. Durant 20 ans, des associations, des professionnels et des responsables politiques ont lutté pour que la loi prenne enfin en compte la réalité des victimes étrangères. Aujourd'hui, la Suisse s'aligne avec les standards européens en matière de lutte contre les violences faites aux personnes migrantes, assurant ainsi une meilleure protection des victimes, indépendamment de leur statut migratoire. Ces changements législatifs ouvrent également la voie à un meilleur ancrage de la Convention d'Istanbul en Suisse.
Sur le terrain, cette avancée reste exigeante. Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour mieux informer les femmes concernées, les orienter dans leurs démarches et garantir des moyens financiers suffisants afin que chaque victime puisse bénéficier d’un accompagnement adapté. En effet, malgré des effectifs supplémentaires et un dispositif efficace mis en place par le canton, les services en charge du suivi sont considérablement surchargés, ce qui peut entraîner des délais d'attente dans des situations nécessitant pourtant des interventions rapides. Il est également important de rappeler que les places dans les hébergements pour victimes de violences domestiques restent insuffisantes, et que le canton doit s'engager davantage dans la création de nouvelles places pour répondre aux besoins croissants. Il convient également de rappeler qu'un certain nombre de féminicides ont eu lieu depuis le début de l'année, et qu'il nous manque encore des dispositifs légaux pour, par exemple, condamner le contrôle coercitif, ainsi que des mesures permettant de prévenir les récidives de violences domestiques. Comparée aux dispositifs légaux espagnols, qui sont des pionniers dans la lutte contre les violences domestiques, la Suisse présente presque cinq fois plus de risques de décès dus à des violences domestiques.
Enfin, le 24 mars dernier, le Conseil d'Etat a présenté le bilan 2024 de la criminalité dans le Canton de Vaud, faisant état d'une augmentation de 11,7 % des infractions liées aux violences domestiques par rapport à l'année précédente. Il a précisé que tous les types de violences augmentent au sein de cette catégorie. Il reste encore beaucoup à faire. La modification de la LEI et la levée de la réserve à l'article 59 de la Convention d'Istanbul vont dans la bonne direction, mais il est essentiel de poursuivre nos efforts. Lors de la commission, la conseillère d'Etat Isabelle Moret a proposé, lors de l'examen de cet objet en plénum, de fournir les chiffres actualisés du SPOP, recensant les situations dans lesquelles la division des étrangers a examiné le statut de séjour des personnes requérantes d'origine étrangère en raison de violences domestiques, ainsi qu'une restitution des démarches adoptées par le Conseil d'Etat et leur mise en œuvre dans le canton. Je me réjouis donc d'entendre la conseillère d'Etat sur ces questions.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
L’initiative est retirée.