24_POS_35 - Postulat Céline Misiego et consorts au nom de Blaise Vionnet - Un chez-soi stable pour mieux avancer !.
Séance du Grand Conseil du mardi 4 novembre 2025, point 22 de l'ordre du jour
Texte déposé
L'accès à un logement stable, avec son nom sur la porte, est l'un des droits fondamentaux les plus élémentaires qui soient. C'est le socle sur lequel se construit toute vie en société, un pilier de la dignité humaine. Malheureusement, dans notre canton de Vaud et ailleurs en Suisse, l'itinérance et le sans-abrisme de longue durée sont des réalités qui touchent de nombreuses personnes, les privant de cette sécurité et de cette stabilité.
La Constitution suisse, dans son article 41.e, énonce clairement que "toute personne en quête d’un logement puisse trouver, pour elle-même et sa famille, un logement approprié à des conditions supportables". Il est essentiel de rappeler ce fondement juridique, car il proclame sans équivoque que l'accès au logement est un droit fondamental inaliénable, accessible à tous, quelle que soit leur situation économique ou sociale. La simple idée de pouvoir disposer de son propre logement avec son nom sur la porte ne devrait donc pas être un privilège, mais un droit pour chaque individu. Nous considérons qu'il est grand temps de faire du "Logement d'Abord" une priorité dans notre politique sociale, économique et humanitaire.
Malheureusement la réalité est toute autre. Aujourd'hui, dans notre canton de Vaud, un nombre considérable de personnes lutte pour trouver un logement stable. Certaines parcourent des années, voire des décennies, à la recherche d'un endroit où poser leurs valises de manière permanente. L'itinérance n'est pas simplement une absence de toit. Elle a des conséquences dévastatrices sur la vie des personnes touchées. Tout d'abord, elle complique considérablement la recherche et le maintien d'un emploi stable, perpétuant ainsi le cycle de la précarité. De plus, l'itinérance a un impact grave sur la santé mentale et physique des individus, tout en détruisant leurs relations familiales et sociales. Les coûts sociaux qui en résultent, tels que les frais de santé, les hospitalisations, les interventions des prestataires sociaux et les procédures judiciaires, sont exorbitants. Pour illustrer, loger une personne dans un hôtel coûte le double du prix que la collectivité devrait supporter si cette même personne vivait dans son propre appartement.
L'Europe a été témoin de l'émergence d'une approche révolutionnaire en matière de lutte contre l'itinérance de longue durée. Depuis 2008, la Finlande a mis en place un programme national ambitieux visant à fournir un logement à des personnes sans-abri, sans aucune condition préalable. Cette approche novatrice considère le logement comme une ressource fondamentale qui permet à la personne de mieux exercer ses droits et devoirs, ainsi que de développer son identité. Contrairement à une approche graduelle, qui espère que l'hébergement d'urgence mène à la stabilité, le "Logement d'Abord" offre dès le départ un chez-soi.Grâce à cette approche, la Finlande a réussi à diviser par deux le nombre de personnes sans logement personnel en moins de 15 ans. De plus, la situation sociale, sanitaire et économique de la majorité de ces personnes s'est nettement améliorée. Le gouvernement finlandais a investi initialement 240 millions d'euros pour construire et acquérir des logements, mais il économise maintenant 10 000 euros par an et par personne relogée. Cette approche démontre que l'investissement initial dans le logement abordable est non seulement humaniste, mais également économiquement pragmatique.
Dans le canton de Vaud, plusieurs établissements, dont La Fondation du Levant et l'établissement psycho-social du Rôtillon (Fondation de l’Orme), ont entrepris des projets de "Logement d'Abord" inspirés des modèles existants. Ces initiatives sont intégrées au pôle santé mentale et addiction de la DGCS et ont démontré des résultats prometteurs en termes d'amélioration de la situation socio-économique des personnes concernées.
- Fondation du Levant
Le projet pilote « D’abord chez soi ! » a été lancé depuis 2018, soutenu par la Direction générale de cohésion sociale (DGCS) du Canton de Vaud et en collaboration avec la Fondation ABS et le Service de psychiatrie communautaire du CHUV. Basé sur le modèle housing first ou « Logement d’abord » le programme « D’abord chez soi ! » a pour but d’offrir un logement stable comme préambule à toute autre démarche visant à stabiliser l’état de santé de personnes qui remplissent les critères suivant : souffrir de problèmes d’addiction à des substances, être sans logement stable ou sur le point de le perdre, avoir entre 18 et 65 ans, être de nationalité suisse ou au bénéfice d’un permis de séjour valable. Dans une perspective de réduction des risques, l’abstinence n’est pas un prérequis à la participation au programme. propose un logement a des personnes. L’objectif est de favoriser l’autonomie et le rétablissement par l’accès à un logement individuel. L’accompagnement est assuré par une équipe mobile et réactive. Actuellement plus de 53 personnes sont suivies dans ce programme.
- EPSM Le Rôtillon
A l'avant-garde dans la mise en œuvre du modèle du "Logement d'Abord" dans notre canton. Depuis 2012, l'EPSM Le Rôtillon a collaboré avec des gérances locales pour faciliter l'accès au logement autonome et pérenne pour des personnes en grande précarité psychosociale. Ils ont créé une gérance et conclu des baux à loyer avec d'autres gérances, offrant ainsi des contrats de sous-location aux personnes concernées. Ce modèle a déjà montré son efficacité dans l'amélioration de la vie de nombreuses personnes. Les taux de maintien en logement sont supérieurs à 80 %, et il y a une stabilisation de l'état de santé des bénéficiaires, réduisant ainsi leur recours aux services d'urgence.
De plus, les coûts directs du programme sont nettement inférieurs à ceux des établissements psycho-sociaux, ce qui en fait une approche économiquement viable. La revue médicale suisse a publié une évaluation du dispositif Housing first mise en place par l'EPSM du rotillon1. Les résultats sont plus que probant. L’évaluation de l’utilisation des services de soins aigus dans l’année qui précède et celle qui suit l’intégration dans le programme révèle les éléments suivants : la durée totale d’hospitalisations psychiatriques est passée d’en moyenne 81 jours les douze mois précédant le programme « chez soi d’abord » à 15 jours les douze mois suivant le programme.
Le nombre total d’hospitalisations psychiatriques a également diminué, passant d’en moyenne 1,31 les 12 mois précédant Housing first à 0,44 les 12 mois suivants.
L'évaluation économique compare les coûts directs entre le programme « chez soi d’abord » et un hébergement dans un établissement psycho-social de la filière psychiatrique. Le coût annuel moyen pour des prestations par personne en EMS psychosocial est de 76'000 à 118'000 francs par an. Ce coût en établissement de type housing first est de 50'000 francs par an. Le coût direct du programme est donc inférieur de 30 à 60 % à un hébergement en établissement psycho-social.
L'efficacité du modèle "Logement d'Abord" est démontrée par une série de résultats convaincants qui témoignent de son impact positif sur les individus ainsi que sur la société dans son ensemble.
1. Taux de Maintien en Logement : L'un des indicateurs clés du succès du "Logement d'Abord" réside dans les taux de maintien en logement. Ces taux mesurent la capacité des bénéficiaires à rester dans leur logement à long terme, ce qui est essentiel pour leur stabilité. Les données montrent que les taux de maintien en logement dépassent généralement les 80 % dans les programmes "Logement d'Abord." Cela signifie que la grande majorité des personnes relogées par ce biais parviennent à maintenir leur logement de manière stable, mettant ainsi fin à leur situation d'itinérance.
2. Stabilisation de l'État de Santé : Le "Logement d'Abord" contribue également à la stabilisation de l'état de santé des bénéficiaires. Les personnes sans logement fixe sont souvent confrontées à des problèmes de santé graves, physiques et mentaux, qui sont exacerbés par leur précarité. En leur fournissant un logement stable, avec un accès à des soins de santé adéquats, le "Logement d'Abord" contribue à améliorer la santé des individus. Cela se traduit par une réduction significative des hospitalisations et des recours aux services d'urgence.
3. Réduction des Coûts Sociaux : Le "Logement d'Abord" s'accompagne d'une réduction notable des coûts sociaux pour la collectivité. Les personnes en situation d'itinérance ont tendance à recourir fréquemment aux services de santé, aux services sociaux, et à se retrouver impliquées dans des procédures judiciaires coûteuses. En leur offrant un logement stable, le programme réduit ces coûts en limitant le besoin de services d'urgence et en favorisant l'accès aux soins de santé préventifs. Par exemple, la durée totale d'hospitalisations psychiatriques diminue de manière significative, passant de plusieurs mois à quelques semaines seulement.
4. Contribution à l'Insertion Sociale : L'accès à un logement stable avec le "Logement d'Abord" favorise également l'insertion sociale des bénéficiaires. Les personnes sans logement fixe ont souvent du mal à maintenir des relations familiales et sociales stables. Le fait d'avoir un chez-soi leur permet de renforcer leurs liens familiaux, de retrouver un certain équilibre dans leur vie et de s'engager plus activement dans la société. Cela peut se traduire par une meilleure intégration professionnelle et une participation plus active à la vie communautaire.
5. Économiquement Rentable : Enfin, il est important de souligner que le "Logement d'Abord" s'avère économiquement rentable pour la collectivité. Bien que des investissements initiaux soient nécessaires pour créer ou acquérir des logements, les économies réalisées à long terme sont significatives. En conséquence, la collectivité économise des ressources précieuses tout en offrant une solution plus efficace et humaine aux personnes en situation d'itinérance.
En somme, les résultats du "Logement d'Abord" montrent que cette approche n'est pas seulement altruiste, mais également rationnelle d'un point de vue économique. Elle améliore la vie des individus, réduit les coûts sociaux et contribue à la stabilité sociale.
Partant de ces résultats plus que probant, tant du point de vue social, médical et économique, le présent postulat demande de passer à une phase de développement durable du housing first, avec un accès au programme d’une vingtaine de personnes par an, la professionnalisation du soutien à l’accès au logement, la pérennisation de l’équipe mobile et la poursuite d’une collaboration avec une palette large de partenaires du réseau socio-sanitaire.
1Revue médicale suisse, 2017 : « Chez soi d’abord » : se rétablir chez soi d’un trouble psychique sévère
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
| Signataire | Parti |
|---|---|
| Jean-Louis Radice | V'L |
| Sébastien Cala | SOC |
| Cendrine Cachemaille | SOC |
| Yves Paccaud | SOC |
| Vincent Bonvin | VER |
| Claude Nicole Grin | VER |
| Pierre Zwahlen | VER |
| Patricia Spack Isenrich | SOC |
| Nathalie Vez | VER |
| Hadrien Buclin | EP |
| Joëlle Minacci | EP |
| Vincent Keller | EP |
| Sébastien Kessler | SOC |
| Muriel Thalmann | SOC |
| Valérie Zonca | VER |
| Yolanda Müller Chabloz | VER |
| Géraldine Dubuis | VER |
| Claire Attinger Doepper | SOC |
| Martine Gerber | VER |
| Kilian Duggan | VER |
| Alexandre Démétriadès | SOC |
| Carine Carvalho | SOC |
| Elodie Lopez | EP |
| Marc Vuilleumier | EP |
| Sylvie Podio | VER |
| Andreas Wüthrich | V'L |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourA titre liminaire, la postulante rappelle que son postulat soutient le développement du modèle « Logement d’Abord » ou Housing First dans le canton de Vaud, pour combattre l’itinérance et favoriser l’insertion sociale. Ce programme est inspiré par diverses expériences et par une approche qui propose de fournir aux personnes sans abri un logement stable, sans conditions préalables. L’accès à un logement est un droit fondamental ainsi qu’un préalable essentiel pour améliorer la santé, la stabilité et la réintégration sociale des individus. Expérimenté dans le canton de Vaud, le modèle « Logement d’Abord » rencontre un certain succès, permettant à des individus en grande précarité de bénéficier d’un logement autonome, améliorant leur qualité de vie et leur état de santé tout en générant des économies significatives pour la collectivité. De plus, le maintien en logement dépasse les 80 % dans ces projets pilotes, tandis que les hospitalisations psychiatriques et les recours aux services d’urgence diminuent drastiquement.
Par ailleurs, la postulante note que le Groupement romand d’études des addictions (GREA) soutient l’approche du « Logement d’Abord » comme une alternative viable aux scènes ouvertes de la consommation, qui sont connues dans plusieurs de nos villes. En somme, les résultats du « Logement d’Abord » montrent que cette approche n’est pas seulement altruiste, mais également rationnelle d’un point de vue économique. Elle améliore la vie des individus, réduit les coûts sociaux et contribue à la stabilité sociale : il s’agit donc d’une politique efficiente. Dès lors, le présent postulat cherche à étendre cette approche, en intégrant davantage de bénéficiaires chaque année, en professionnalisant les équipes mobiles et en consolidant les partenaires avec les acteurs du réseau socio-sanitaire pour garantir une prise en charge complète.
La cheffe du Département de la santé et de l’action sociale (DSAS) indique tout d’abord que l’administration soutient ce type de projets, dont les bénéfices ont d’ores et déjà pu être démontrés. Dans le canton de Vaud, 620 personnes bénéficient d’une convention politique socio-éducative (PSE) et reçoivent une aide socio-éducative à domicile. Deux projets de « Logement d’Abord » existent dans le canton, en l’occurrence pour 103 places. Au vu de la demande et des effets constatés de manière empirique, ces dispositifs sont en effet efficaces sur le maintien en logement. Les besoins s’expriment à travers la demande qui est plus importante que le nombre de places à disposition. C’est pourquoi il existe actuellement des listes d’attente pour de nombreuses personnes qui pourraient bénéficier de ce type d’accompagnement. Aussi, il est souligné que peu de partenaires dans le canton développent ce type de prestations, étant donné les exigences qu’elles demandent en termes de compétences pour les professionnel-e-s qui travaillent avec les publics concernés, mais aussi pour les fondations qui doivent injecter beaucoup de moyens financiers. Dès lors, l’enjeu consiste à maintenir l’existant et à ne pas prendre le risque que les deux fondations actives dans le domaine décident, à un moment donné, de tirer la prise, faute de financements suffisants pour assurer l’entier des prestations qu’elles proposent.
Enfin, l’offre qui existe dans le canton permet à moindre coût de libérer des places en établissements psychosociaux médicalisés (EPSM), grâce à des prestations qui sont plus adaptées aux besoins des publics concernés. La Haute école de travail social et la Haute école de santé de Fribourg (HETS FR) ont aussi mis en lumière le programme « Logement d’Abord », dans le cadre d’une étude qui portait sur l’évaluation du dispositif d’hébergement d’urgence dans le canton de Vaud et qui traitait également du phénomène du sans-abrisme.
Concernant les demandes du présent postulat, la conseillère d’Etat apporte les précisions suivantes :
- Passer à une phase de développement durable du « Logement d’Abord » : comme mentionné, l’administration souhaite que les expériences et l’existant puissent être amenés à durer. Pour poursuivre ce développement, des logements supplémentaires sont nécessaires, en veillant ainsi à ce que les risques pris par les deux fondations actives dans le domaine ne soient pas considérés comme n’étant plus supportables. La question des moyens supplémentaires qui devraient potentiellement être accordés à ces fondations est évidemment un enjeu, d’autant plus en raison du contexte financier actuel.
- Ouvrir le programme à une vingtaine de personnes par année : l’ouverture d’un tel programme dépend évidemment du point de vue précédemment décrit, soit que les conditions doivent être réunies pour assurer l’accompagnement. Il convient donc de savoir combien d’heures d’intervention sont nécessaires pour les personnes concernées, tout comme il est nécessaire de répondre aux problématiques du cap financier ainsi que de l’obtention de nouveaux baux à loyer.
- Professionnaliser le soutien à l’accès au logement : cette professionnalisation a trait à la reconnaissance des activités liées à la recherche de logements qui, aujourd’hui, ne sont pas rémunérées. Les fondations prennent ainsi des risques financiers, étant donné qu’il n’y a pas de rémunération pour ce type d’activité.
- Pérenniser l’équipe mobile : les fondations ont constitué des équipes dédiées à la prise en charge de ces personnes. Ces accompagnements sont financés par le biais de la convention et non pas par une directive de dotation comme pour les établissements psychosociaux médicalisés.
- Poursuivre la collaboration avec une large palette de prestataires du réseau socio-sanitaire : ce travail est d’ores et déjà effectué par les différentes entités qui fournissent la prestation, et c’est évidemment à elles qu’il revient de créer ces collaborations sur le terrain.
En conclusion, toutes ces mesures sont conditionnées à la question financière et à l’obtention de moyens supplémentaires pour assurer des prestations, et à reconnaître les actions menées par les fondations en vue du maintien du logement. De plus, il serait opportun que les communes soient incitées à mettre à disposition des baux à loyers au bénéfice de la population concernée.
Au cours de la discussion générale, plusieurs points sont abordés : les critères d’accès, le nombre de personnes concernées parmi les sans-abri, la localisation des logements, le type d’hébergement d’urgence, le dispositif d’aide d’urgence, les genres de pathologies ou de dépendance des personnes bénéficiant du « Logement d’Abord », le potentiel d’économie offert par ce modèle, les avantages de ce dernier par rapport à un placement en EPSM, le rôle de surveillance de l’Etat, les investissements étatiques, les obligations des bénéficiaires, les dimensions sécuritaires dans l’espace public, la lutte contre la précarité, la dignité des personnes concernées et leur insertion sociale, la pénurie de logements ou encore les aspects liés à la mobilité individuelle.
Pour terminer, la postulante rappelle que l’article de la Revue Médicale Suisse a évalué le coût annuel moyen des prestations par personne à 50’800 francs en « Logement d’Abord », contre un coût s’élevant entre 76’650 à 118’990 francs dans un établissement psychosocial. En ce qui concerne la recherche de logements, la postulante considère qu’un appui politique permettra justement aux fondations de trouver plus facilement des logements. En conclusion, la commission recommande au Grand Conseil de prendre en considération ce postulat par 9 voix et 5 abstentions.
La discussion est ouverte.
En complément de l’excellent résumé de la commission et de mon postulat qui vient d’être réalisé, je voulais rappeler quelques exemples et relister quelques bénéfices de ce dispositif, à commencer par celui du Patio qui a été mis en place par la ville de Lausanne en décembre 2016. C’est une structure qui combine logement et accompagnement social pour les personnes en grande précarité. Avec 61 appartements et un suivi socio-éducatif, le Patio aide les résident-e-s à développer leurs compétences de vie, à s’insérer professionnellement et à réintégrer le marché du logement. En limitant la durée du séjour à deux ans, le Patio vise également à éviter les placements en hôtel. Une évaluation de 2018 a montré que 70 % des résidents ont pu quitter le Patio avec un bail à leur nom, principalement pour des logements subventionnés, illustrant l’efficacité de ce modèle pour favoriser une transition durable vers une autonomie complète.
Au niveau des bénéfices, le taux de maintien en logement s’élève à 80 % des bénéficiaires, qui restent durablement dans leur logement. Cela montre la stabilité du modèle, même auprès de personnes en grande précarité ou atteintes de troubles psychiatriques. Concernant les économies financières substantielles, le coût annuel moyen par personne en « Logement d’Abord » est de 50’800 francs, alors que le coût en EPSM se chiffre, comme relevé auparavant, entre 76’000 et 118’000 francs. Par conséquent, une économie moyenne entre 25’000 et 60’000 francs par personne et par an est possible. Ces économies proviennent de la baisse des hospitalisations psychiatriques, la réduction du recours aux urgences, la diminution des placements hôteliers – qui coûtent entre 1’200 à 1’400 francs par mois par bénéficiaire – et la libération de place en EPSM pour d’autres patients.
Concernant la réduction de la charge hospitalière, la durée moyenne d’hospitalisation psychiatrique avant le programme – dans les exemples qui ont déjà eu lieu et qui ont été évalués – était de 81 jours par an. Après son intégration dans le programme, elle équivaut à 15 jours par an, correspondant à une réduction de 80 % des séjours d’hospitalisation et de 65 % des crises nécessitant une prise en charge intensive.
Dans l’aspect amélioration de la santé globale, nous notons une stabilisation marquée de l’état de santé mentale et physique, ainsi qu’une réduction de la consommation de soins, les bénéficiaires consultant moins souvent les urgences et suivant mieux leur traitement, réduisant ainsi les rechutes et les passages à l’hôpital. Pour l’aspect réinsertion sociale et autonomie, 70 % des résidents du Patio quittent la structure avec un bail à leur nom. Les bénéficiaires développent des compétences de vie, reprennent un emploi ou une formation et rétablissent des liens familiaux et sociaux, ce qui favorise une meilleure participation à la vie communautaire. Pour l’aspect dignité et stabilité psychologique, les personnes retrouvent un sentiment de sécurité et d’autonomie. Nous observons une diminution des symptômes liés au stress de rue et un engagement accru dans les soins, avec une meilleure gestion des troubles psychiques. Enfin, le GREA cite, parmi les bénéfices collectifs et sociaux, une réduction visible des scènes ouvertes de la drogue et de la marginalisation urbaine, une meilleure cohabitation dans l’espace public avec une baisse des tensions sociales, et surtout une réponse plus humaine et efficace au sans-abrisme, en privilégiant une solution durable plutôt qu’un hébergement d’urgence.
En somme, les résultats du « Logement d’Abord » montrent que cette approche n’est pas seulement altruiste, mais également rationnelle d’un point de vue économique. Elle améliore la vie des individus, réduit les coûts sociaux ainsi que les coûts de la santé et contribue à la stabilité sociale. Il s’agit donc d’une politique très efficiente.
Selon un article du mois de février de cette année de la Revue Médicale Suisse, le sans-abrisme est en extension en Europe, mais aussi en Suisse. On y apprend également que les personnes sans-abri présentent un moins bon état de santé que la population générale, et cela essentiellement en raison des barrières d’accès aux soins. De plus, cette population est moins accessible aux interventions de promotion de la santé et de prévention. Pour ces raisons, il est impératif de développer des approches multisectorielles et innovantes, dont fait partie l’approche Housing First ou « Logement d’Abord ».
Comme il est rappelé dans le postulat, avoir un logement fait partie des droits fondamentaux de l’être humain. C’est même un pilier de la dignité humaine. Les projets pilotes du Levant et de l’EPSM du Rôtillon ont permis de démontrer une baisse du nombre d’hospitalisations psychiatriques, mais également une baisse de la durée des séjours, si l’on compare l’année avant et l’année après l’acquisition d’un logement. Au vu de ces résultats encourageants, l’extension de tels projets à une vingtaine de sans-abri par année me paraît être une nécessité, relevant de la dignité humaine. Cela permettra de stabiliser l’état de santé de cette population, de réduire les coûts en évitant des recours inappropriés aux services d’urgence, de favoriser leur réinsertion sociale et, finalement, d’encourager des projets économiquement rentables. Par conséquent, je vous encourage à soutenir le renvoi de ce postulat au Conseil d’Etat.
Le postulat de la députée Céline Misiego, intitulé « Un chez-soi stable pour mieux avancer ! », défend l’idée que le logement stable, sans condition préalable, est un droit fondamental afin de combattre l’itinérance et favoriser l’insertion sociale. Des projets pilotes, tels que « D’abord chez soi ! » et le Patio à Lausanne, ont montré le succès de cette approche, avec un taux de maintien en logement supérieur à 80 % et une réduction des hospitalisations psychiatriques. Le modèle favorise l’autonomie et génère des économies pour la collectivité.
Toutefois, si des économies directes sont prouvées, les places laissées vacantes par les utilisateurs des structures citées en amont sont utilisées par de nouveaux bénéficiaires. Dans les faits, c’est une augmentation des frais réels. Cependant, la postulante demande d’élargir ce modèle pour inclure une vingtaine de bénéficiaires supplémentaires par année et de professionnaliser le soutien. La conseillère d’Etat a souligné l’efficacité du programme et a annoncé que le DSAS soutenait financièrement les fondations. Même s’il existe des listes d’attente, l’enjeu consiste à maintenir l’existant et à ne pas courir le risque que les fondations actives dans le domaine décident, à un moment donné, de tirer la prise faute de financements suffisants. Les cinq questions posées dans le postulat ont déjà reçu bon nombre de réponses lors de la commission, et la conseillère d’Etat a bien stipulé que toutes les initiatives qui pourraient être prévues pour améliorer le système dépendraient de la disponibilité financière de l’Etat.
Depuis la séance de la commission, une année s’est écoulée et ce n’est en tous les cas pas les finances de l’Etat qui se sont améliorées. Les commissaires PLR estiment qu’un postulat n’apporterait pas de réponse supplémentaire à celle donnée lors de la séance. Si lors de la séance de la commission, les députés PLR se sont abstenus, aujourd’hui, au vu des difficultés financières du Canton, ils vous recommandent, tout comme la grande majorité du groupe PLR, de refuser ce postulat.
L’accès au logement pour tous et toutes est évidemment primordial, comme l’est son soutien. La pérennité de toutes les approches professionnelles doit être développée. Les différentes actions qui ont déjà été décrites sont confirmées dans le rapport qui, s’il le fallait, montre l’importance de la thématique, mais aussi une forme de fragilité, car aux mains de nombreuses fondations. Si, bien entendu, tout projet a un coût, la pénurie de logements est avérée. Cependant, les écrits scientifiques – cela a aussi été rapporté – montrent l’économicité des mesures, en plus des autres avantages sociaux et médicaux. Ainsi, pour chaque franc investi, davantage est récupéré. A contrario, si l’on fait moins ou rien, nous dépensons globalement plus, conséquence vers laquelle nous ne souhaitons pas aller. Le groupe socialiste soutient et vous recommande vivement de renvoyer le postulat au Conseil d’Etat.
Laisser tomber des personnes qui ont des problèmes de santé mentale, fragiles et sans logement stable, n’est pas une option. Ces personnes ont besoin d’être logées pour se retrouver dans un environnement sécurisant et stabilisant afin de reprendre pied et de réintégrer la société. Or, la demande pour des logements de type Housing First dépasse actuellement les places disponibles. Le « Logement d’Abord » est un modèle qui fonctionne, dans le sens où il répond aux besoins des personnes concernées et réduit les coûts sociaux et de la santé. Comme le suggère la postulante, il faut donc le développer et chercher les solutions aux défis énoncés, notamment financiers. Ainsi, au nom des Verts, je vous encourage vivement à accepter ce postulat afin qu’il puisse être renvoyé au Conseil d’Etat.
La discussion est close.
Le Grand Conseil prend le postulat en considération par 67 voix contre 60.
Je demande un vote nominal.
Retour à l'ordre du jourCette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui soutiennent la prise en considération du postulat votent oui ; celles et ceux qui la refusent votent non ; les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, 69 membre se prononcent en faveur de la prise en considération du postulat et 69 s'y opposent.
Le postulat est pris en considération, le président ayant tranché en sa faveur.
* Insérer vote nominal