25_RES_3 - Résolution José Durussel - Régulation réactive du loup.
Séance du Grand Conseil du mardi 29 avril 2025, point 40 de l'ordre du jour
Texte déposé
Le Grand Conseil:
Invite le canton à utiliser immédiatement toute la marge de manoeuvre offerte par la législation fédérale actuelle en matière de régulation réactive, de protection des troupeaux et de soutien aux éleveurs.
Soutient les démarches envisagées par des représentants vaudois aux Chambres fédérales afin de faire évoluer le cadre législatif fédérale.
Au nom des groupes PLR et UDC.
José Durussel.
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa résolution étant rédigée au nom de deux groupes politiques, le président ne demande pas l’appui de 20 membres.
Attaques par le loup dans le Nord vaudois : il est temps d’agir ! Depuis le 1er avril dernier, plusieurs troupeaux d’ovins correctement protégés ont connu des attaques par un ou plusieurs loups, à plusieurs occasions concernant certains troupeaux. Dans ce cadre, nous nous étonnons des conclusions rapides du canton de Vaud quant au fait qu’il s’agissait d’individus issus de la meute du Suchet. De ce fait, le département chargé du dossier a immédiatement communiqué qu’il ne pouvait rien faire en raison de la législation fédérale.
Nous nous retrouvons donc dans une situation inacceptable : il faudra attendre le 1er juin pour pouvoir prendre des mesures à l’encontre d’un ou de plusieurs animaux à l’évidence problématiques. Dans l’intervalle, il est nécessaire que le canton utilise l’ensemble de la marge de manœuvre offerte par la législation fédérale en matière de régulation réactive, de protection des troupeaux et de soutien aux éleveurs. En parallèle, nous ne contestons pas que l’Ordonnance sur la chasse et la protection des mammifères doive évoluer sur deux points et saluons donc les démarches prévues par des parlementaires vaudois à Berne. Il s’agira de permettre la régulation des loups problématiques tout au long de l’année, y compris ceux qui appartiennent à une meute ou qui sont présents sur le territoire d’une meute. De la même manière, il sera nécessaire que la prise en compte des prédations liées à une meute soit élargie à tout le territoire et à la période qui précède la régulation réactive.
Ainsi, au nom des groupes PLR et UDC, je me permets de déposer la résolution suivante :
« Le Grand Conseil :
- Invite le canton à utiliser immédiatement toute la marge de manœuvre offerte par la législation fédérale actuelle en matière de régulation réactive, de protection des troupeaux et de soutien aux éleveurs.
- Soutient les démarches envisagées par des représentants vaudois aux Chambres fédérales afin de faire évoluer le cadre législatif fédéral. »
La discussion est ouverte.
Je déclare mes intérêts en tant que directeur de la faîtière agricole romande et je fais partie des gens accusés d’avoir dernièrement fait preuve de mauvaise foi à la Radio Télévision Suisse. Toutefois, j’ai noté, dans les propos du conseiller d’Etat, qu’il en appelle à une modification de la législation fédérale. De ce fait, la résolution est intéressante ; elle soutient précisément une démarche qui sera initiée par plusieurs parlementaires sur le plan fédéral pour modifier l’Ordonnance sur la chasse et la protection des mammifères qui, actuellement, est plus restrictive que ce que permettrait la loi. L’ordonnance limite notamment la régulation réactive à la zone d’estivage et à la période de végétation, grosso modo. De plus et surtout, elle distingue les loups isolés et issus d’une meute. Par ailleurs, je ne suis pas d’accord avec les propos du conseiller d’Etat tenus dans différents médias, mais peut-être affirmera-t-il que c’est à nouveau de la mauvaise foi : tout de même, une marge de manœuvre existe pour les cantons. Je soutiens donc la proposition de notre collègue Durussel, car des cantons voisins – et pas uniquement le Valais – sont capables de prendre des mesures plus rapidement après des événements dramatiques comme nous en avons connu ces derniers temps dans le Nord vaudois
Nous invitons donc le canton à prendre immédiatement des mesures pour pouvoir mettre en place de la régulation réactive, un soutien aux éleveurs et – le conseiller d’Etat regrettait précisément d’être limité par la législation fédérale – à soutenir les démarches qui seront entreprises notamment par le conseiller aux Etats Broulis et le conseiller national Freymond pour modifier l’ordonnance, afin de travailler ensemble, main dans la main, en acceptant cette résolution et d’apporter notre soutien aux éleveurs vaudois. Au nom du groupe PLR, je vous invite donc à soutenir cette résolution.
La prise en compte de la diversité du monde paysan et le ralliement autour de la nécessité de travailler à une réforme profonde de l’agriculture – qui n’exclut pas le vivant, mais qui l’intègre à ses pratiques – est incontournable. Quant au loup, dont il est à nouveau question aujourd’hui, il importe de rappeler que la régulation active n’est pas possible avant le mois de juin. La législation fédérale est très claire. De plus, il ne s’agissait pas d’un loup isolé. Le canton n’est pas resté les bras croisés, contrairement à ce qui est affirmé. La régulation proactive du prédateur a eu lieu en automne et en hiver 2024-2025 et le canton a pris ses responsabilités en connaissance de cause.
Il importe de rappeler que le désengagement de la Confédération dans la protection des troupeaux − aides-bergers, bergers, chiens de protection – n’est pas sans conséquences pour les cantons. Notre canton pallie ces lacunes et a beaucoup investi dans la régulation. Toutefois, il est nécessaire d’investir également en faveur de la protection et des études de comportement en vue de trouver des solutions pérennes partagées par tous. J’invite donc ce Parlement à ne pas succomber aux solutions de facilité. Tuer n’est pas résoudre le problème, mais le déplacer. En tant qu’éleveuse – je déclare mes intérêts – je m’inspire de l’histoire de l’agriculture qui ne date pas du retour du loup en Suisse. Cette histoire est riche en enseignements sur les pratiques qui ont développé domination et servitude entre espèces. Ces relations et les problématiques qu’elles induisent, souvent tendues ou contradictoires lorsque l’humain y est engagé, sont l’essence même de l’agriculture. De mon point de vue, elles sont passionnantes plus que problématiques.
Je suis solidaire aux côtés des éleveurs et des éleveuses, victimes de nombreuses nouvelles difficultés auxquelles leur profession doit faire face, particulièrement liées au dérèglement climatique et à ses effets sur l’agriculture. Toutefois, je fustige les décideurs et décideuses d’utiliser le loup et les animaux de rente pour prendre en otage le monde agricole dans une logique d’exacerbation des fronts et ainsi de pérenniser une agriculture martiale qui veut exploiter et réguler bien au-delà du loup. Nous ne soutiendrons pas la résolution déposée aujourd’hui. Nous soutenons un changement de paradigme en matière de politique agricole et de prise en compte de la biodiversité.
Je comprends l’émotion des agriculteurs et agricultrices qui perdent leurs bêtes et découvrent, au petit matin, des bêtes qui ont souffert et juste été entamées. Il y a deux ans, je m’étais intéressé à la question des agriculteurs qui élèvent des animaux, puis les emmènent à l’abattoir pour que l’on puisse les manger. Je ne comprenais pas la différence entre le fait d’emmener un animal à l’abattoir et le fait de voir son animal attrapé, tué et mangé par un prédateur. En me rendant quelques fois sur des alpages et en discutant avec les agriculteurs, j’ai compris que leur émotion et leur peine étaient grandes et que ce n’était pas une posture larmoyante. C’était une réalité. Je comprends l’émotion suscitée par ces prédations.
En revanche, je conteste cette résolution que je trouve un peu « populiste ». Comme l’a relevé ma collègue, Mme Gerber, vous voulez proposer des solutions simples qui vont peut-être rassurer le monde paysan, mais qui n’amèneront aucune solution pérenne et ne résoudront pas les difficultés. Le droit fédéral interdit les tirs en pleine période de reproduction. Il faut attendre le 1er juin. Or, vous dites qu’il faut utiliser toutes les marges de manœuvre, mais de quelles marges de manœuvre parlez-vous ? Nous n’avons pas de marge de manœuvre quant au droit fédéral. Ce n’est pas le canton de Vaud qui va s’adresser à la Confédération et demander des mesures plus rapides et de pouvoir réguler le loup avant le 1er juin. Je trouve donc un peu populiste et réducteur de penser qu’il est possible de faire quelque chose. Nous ne pouvons rien faire actuellement. Nous devons respecter le droit fédéral.
Vous parlez de soutien aux démarches proposées par les élus vaudois. Là encore, j’aimerais connaître les mesures que vous proposez. Si c’est pour que des paysannes et des paysans puissent tirer le loup et s’occuper eux-mêmes de la régulation, c’est très problématique en matière de sécurité pour la population. Je pourrais entrer en discussion concernant une solution comme celle du Valais qui a autorisé le tir du loup par des chasseurs. Dans le canton de Vaud, les chasseurs sont formés, ils suivent une formation continue et ont les compétences pour effectuer des tirs de précision. Je doute que des agriculteurs ou agricultrices aient ces mêmes compétences pour tirer des loups en pleine nature.
Par ailleurs, concernant l’action du canton, respectivement du conseiller d’Etat, M. Vassilis Venizelos, j’estime que depuis une année et demie, les choses avancent. La problématique est complexe et demande − j’en suis désolé − de la nuance. Il ne s’agira pas de déposer des résolutions toutes les trois semaines, après chaque attaque du loup, de demander d’agir et d’affirmer – je caricature un peu : « Regardez, la droite se préoccupe du problème paysan et du problème du loup. » La solution ultime n’existe pas ; la solution sera multifactorielle avec les protections menées par l’association pour l’organisation de la protection des alpages (OPPAL), l’effarouchement, les tirs d’effarouchement ou encore − le conseiller d’Etat a été très clair − des tirs de régulation. Ces derniers ont déjà eu lieu.
J’aimerais revenir sur les tirs des garde-faunes. Il s’agit d’un aspect complexe, même si l’on ne s’en rend pas compte de prime abord. C’est en entendant M. Venizelos que l’on s’en rend compte, lorsqu’il parle des tirs de régulation de garde-faunes qui passent des nuits entières à essayer d’attraper et de tuer des loups solitaires ou en meutes.
Par conséquent, je regrette cette résolution qui fait croire que nous pourrons résoudre la problématique, alors qu’elle est bien plus complexe et demande non seulement de l’action et du volontarisme, mais aussi de la nuance.
A ce stade, je m’inscris un peu en faux par rapport aux propos de M. Denis Corboz, mon collègue, qui est venu sur les alpages, l’année dernière, et a vu le désarroi de beaucoup d’agriculteurs. Aujourd’hui, nos éleveurs ont besoin d’un soutien. Depuis pas mal d’années, nous déposons des textes en plénum, les réponses sont un peu nuancées, mises à gauche et à droite. Si j’avais une équipe de football, j’engagerais volontiers M. le conseiller d’Etat, parce que pour botter en touche, il est super ! Toutefois, à un moment, il faut prendre des décisions et avancer.
Par conséquent, je vous demande de soutenir cette résolution. A un moment, il faut des actes et je ne peux pas entendre qu’il faille attendre le 1er juin pour tirer les loups et laisser se faire dévorer les brebis avec des agneaux, qui devront donc être élevés à la main.
C’est peut-être faux, mais nous avons appris, par la presse, que le loup en question appartient peut-être à une meute, parce qu’il a été vu avec deux autres loups et que les parcs de protection auraient pu être un peu plus élevés. L’on essaie de nous donner des mesures de protection qui ne fonctionnent pas. Il faut être très clair : cela ne marche pas. Cela fait 5 ou 6 ans que nous prédisons un stade où il ne serait plus possible de contenir les grands prédateurs. Monsieur le conseiller d’Etat, il faut être clair et précis : le seul moyen est de prendre des décisions drastiques, de placer des gens compétents pour effrayer et éradiquer ces meutes, parce que nous nous dirigeons vers une catastrophe. Vous avez de la peine à l’entendre et vous trouvez des solutions différentes. Prenez le taureau par les cornes, entreprenez des actions. Avançons et soutenons donc d’abord cette résolution qui, à mon avis, est presque trop faible. Nous continuons d’avancer gentiment ! Prenons l’exemple des autres cantons : les Valaisans, les Neuchâtelois et les Grisonnais ont trouvé des solutions. Pourquoi le canton de Vaud essaye de traiter un problème cancéreux avec de l’homéopathie ? Je vous demande donc de soutenir cette résolution et d’avancer. S’il vous plaît, accomplissez des actes !
Non, monsieur Corboz, il ne s’agit pas uniquement d’émotions et de nuance. Certes, il y a de l’émotion parce que cela concerne une profession terrienne et de passion. Toutefois, cette résolution est un plein soutien à cette profession et donc à une branche économique indispensable à notre canton. Cette résolution se veut un soutien, non uniquement une réaction émotionnelle. La réaction émotionnelle a eu lieu sur le moment ; elle est complètement normale et évidente.
La marge de manœuvre cantonale existe. J’ose le dire, parce que j’ai l’impression que l’interprétation notamment des directives de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) est différente selon les cantons. Pourtant, l’Office fédéral devrait avoir une interprétation unique. Il me semble que dans les cantons de Neuchâtel, du Valais et de Vaud, l’interprétation n’est pas identique, ce qui m’amène à me poser certaines questions, malgré tout. Mon collègue Pierre-François Mottier vient de l’indiquer : les mesures de protection ne fonctionnent pas. Elles avaient été prises avant ces attaques, mais elles n’ont pas fonctionné. Il y a donc réellement lieu de se poser des questions. Les éleveurs ne demandent pas d’être indemnisés. Le canton affirme toujours : « Ce n’est pas grave, au pire, il existe les indemnisations. » J’insiste : ce n’est pas ce que veulent les éleveurs ni les auteurs de la résolution. Le but n’est pas d’indemniser, mais d’éviter.
Je vous encourage dès lors à accepter cette résolution. Il y a lieu que ces attaques et ces massacres d’animaux de rente cessent, afin que la profession d’éleveur et que ces animaux de rente puissent continuer à faire prospérer notre canton.
Je me sens un peu mal à l’aise. J’habite Baulmes, à moins de 5 km du lieu des attaques de ces derniers jours. Je suis touchée parce que je connais les paysans et les éleveurs et discute avec eux. Je comprends cette résolution.
La seule chose que je pourrais regretter c’est que nous restions sur le plan émotionnel dans les débats de notre Parlement. Il y a une attaque, puis un dépôt souvent de la droite. J’ai l’impression que, parfois, nous n’arrivons pas à prendre le recul nécessaire entre deux dépôts pour examiner ce qui est fait, ce qui ne fonctionne pas, ce qui pourrait mieux fonctionner.
Il y a quelques mois, nous discutions de répulsifs hormonaux : avons-nous du recul sur ce qui a été mis en place ? La semaine passée, il a été constaté que la hauteur des clôtures n’est pas suffisante. Le canton pourrait-il subventionner davantage la mise en place des clôtures, en tout cas en plaine, parce que dans les alpages, c’est beaucoup plus compliqué ? Nous ne disposons pas d’un bilan sur ce que le canton fait et a mis en place, sur le résultat. Chaque fois, nous restons dans un débat émotionnel qui ne nous permet pas d’avancer − si ce n’est avec une demande de tirs de régulation. Je ne m’oppose pas à ces derniers lorsqu’ils sont justifiés. L’hiver passé, dans ma région, j’ai compris et soutenu un tel tir. J’aimerais que nous parvenions à dresser le bilan de ce qui a été mis en place ces dernières années.
Personnellement, je ne soutiendrai pas la résolution et je m’abstiendrai peut-être. Toutefois, le Conseil d’Etat a peut-être pu prendre du recul sur ce qui a été mis en place ces derniers mois.
J’aimerais revenir sur les témoignages que m’ont apportés deux éleveurs. Dans ma dernière déclaration personnelle, je vous avais parlé de l’échelle de Geist. Elle prévoit l’évolution du loup en fonction des années de présence. Les deux éleveurs qui m’ont contacté pendant les semaines des vacances de Pâques ont aperçu des loups, dont l’un à proximité d’un troupeau de moutons sur la place d’armes de Bière. Le loup était à moins de 50 mètres du troupeau ; l’éleveur et les chiens de troupeau – non les chiens de protection − étaient présents. Sur la caserne de Bière, il ne peut pas y avoir de chiens de protection ni de clôtures. Pour l’éleveur, le seul moyen est de déplacer ses moutons. Le loup le suivait à moins de 50 mètres en pleine journée.
Le second témoignage est celui d’un éleveur à la Rippe, dans le district de Nyon. Egalement le matin, à 7h30, quand il est allé voir ses animaux, il a filmé le loup à proximité de son troupeau, à moins de 50 mètres. Ces animaux ne partent pas quand on les effraye. Il faudrait des tirs d’effarouchement ou ce genre de choses. La présence des humains ne les effraye plus. Nous arrivons bientôt aux derniers échelons de l’échelle de Geist, à l’attaque de l’être humain. A un moment, le Conseil d’Etat va-t-il prendre les mesures nécessaires ?
J’ai deux questions à poser au Conseil d’Etat. Je déclare mes intérêts : je suis président de la Fédération des chasseurs vaudois. Mes connaissances, plutôt modestes, me disent que deux loups ne sont pas une meute. Or, on parle d’une meute. Monsieur le conseiller d’Etat, pourquoi donc les deux loups aperçus, selon les informations à disposition, sont-ils considérés comme une meute ?
Aujourd’hui, nous avons affaire à un loup spécialisé à tuer des brebis et des animaux de rente. Pour ma part, de tels animaux sont déviants et doivent être régulés. Il est extrêmement important de le faire. Je suis très intéressé à connaître la position de l’OFEV, parce que je pense que vous êtes en contact permanent avec eux. Pourquoi ne donnent-ils pas cette autorisation, parce qu’il n’y a pas d’autre solution ? La nature est cruelle. C’est la vie, c’est ainsi. Ce n’est pas « la vraie vie », c’est la vie cette fois ! Il n’y a pas d’autre solution que de réguler ces loups déviants.
Permettez-moi de préciser que je prends la parole en mon nom et non au nom de mon groupe pour exprimer mon plein soutien aux agriculteurs touchés par ces attaques atroces. Je suis, comme l’ont dit mes préopinants, également convaincu que des actions doivent être entreprises rapidement. Pour cette raison, je soutiendrai la résolution et les démarches qui en découleront.
Premièrement, la résolution n’a pas d’effet contraignant pour ceux qui la reçoivent. Deuxièmement, elle a été déposée, parce que cela fait quand même plusieurs années que nous déposons des objets divers et variés sur ce sujet. Davantage de réactivité de la part du Conseil d’Etat nous paraît nécessaire, parce que ce sont les éleveurs qui sont en première ligne. Les mesures sont apparemment insuffisantes pour le moment. Par conséquent, monsieur le conseiller d’Etat, je vous encourage à trouver des mesures suffisamment efficaces sur place. Il y a non seulement un impact économique pour les éleveurs, mais un impact moral qui est indéniable avec ce genre d’attaques. Les éleveurs travaillent toute l’année et leur travail est complètement détruit en deux temps, trois mouvements. En plus, les loups ne mangent même pas le bétail qu’ils ont touché.
Une mobilisation du Grand Conseil est nécessaire pour apporter notre soutien aux éleveurs, malgré notre obédience politique, et leur indiquer que nous les comprenons et qu’il faut trouver des solutions. Nous sommes prêts à accompagner M. le conseiller d’Etat. De grâce, soutenez cette résolution. Elle ne mange pas de pain, en revanche, elle montre très clairement un intérêt marqué pour l’agriculture du canton de Vaud, ses éleveurs et celles et ceux qui entretiennent notre paysage. En effet, sans paysage, sans brebis, il n’y a pas d’élevage. Cet aspect est à prendre en considération. Il faut soutenir cette résolution, et c’est ce que je ferai de tout cœur, pour donner un signe le plus concret possible aux éleveurs touchés ces derniers temps et par le passé.
Je me permets de réagir à différentes prises de position de mes collègues. Tout d’abord, Mme Gerber nous dit que ce n’est pas un loup isolé. A ce propos, je m’interroge comme mon collègue Berthoud. En effet, nous avons très vite entendu qu’il s’agissait d’une meute. Toutefois, je m’étonne que l’on ait pu directement affirmer cela, mais qu’il faille environ un mois d’analyses ADN pour le prouver ou l’infirmer. C’est étonnant.
Ensuite, je note que notre collègue Denis Corboz soutient la proposition que j’avais formulée dans ma simple question de la fin du mois de février pour intégrer également les chasseurs dans la politique de régulation du loup. Il m’interrogeait sur les demandes des parlementaires au niveau fédéral. Les deux points principaux sont d’abord de ne plus distinguer loup isolé ou issu d’une meute face à des événements dramatiques et des comportements problématiques comme à Valeyres-sous-Rances. Deuxièmement, on ne fait plus de différence, lorsqu’il y a des attaques en zones d’estivage ou en surface agricole utile (SAU), entre avant ou après le 1er juin.
Par ailleurs, nous avons entendu parler des mesures de protection. A ce titre, le cas de Valeyres-sous-Rances est intéressant. Une première attaque est survenue le 14 avril, malgré des filets de protection d’une hauteur de 90 cm. L’éleveur a fait l’effort de rehausser ces barrières à 130 cm, mais cela n’a pas suffi. Par conséquent, nous constatons que c’est un faisceau de mesures – allant de la protection des troupeaux jusqu’à la régulation des animaux problématiques – qui nous permettra de faire face à ce problème.
Finalement, on nous accuse de jouer sur l’émotionnel, d’être toujours réactifs et de déposer des textes après chaque attaque. Mais mettez-vous à la place des éleveurs, notamment celui de Valeyres-sous-Rances qui a subi une attaque à la mi-avril, qui voit des loups se promener chaque nuit dans ses pâturages, qui sait que chaque nuit ses animaux seront peut-être dévorés et qui prend des mesures supplémentaires pour entendre qu’il faudra attendre le 1er juin pour prendre éventuellement des mesures et que d’ici deux ou trois ans, la situation sera stabilisée ! Peut-être que c’est l’inverse de l’émotionnel, mais, pour moi, c’est aussi l’inverse de l’humain.
J’aimerais répondre à M. Bardet. J’ai indiqué être d’accord de réfléchir à la possibilité de permettre aux chasseurs formés du canton de Vaud de participer à la régulation des loups. S’il y a une commission sur ce sujet, je me réjouirais d’y participer et de réfléchir à cette possibilité et, peut-être, que j’adhèrerais à cette idée.
Je considère votre résolution comme déclamatoire quand vous parlez de l’éleveur de Valeyres-sous-Rances. Qu’aura-t-il de plus après l’acceptation de la résolution ? D’abord, la résolution n’est pas contraignante et le Conseil d’Etat, malheureusement, peut la prendre en compte ou s’asseoir dessus et ne rien en faire. Messieurs Jobin et Mottier, ce que je vous reproche surtout, c’est de ne pas faire de proposition claire et précise. Vous dites au Conseil d’Etat : « débrouillez-vous, trouvez des solutions ! ». Quelle est la solution ? Réguler. Armons-nous tous d’un fusil, tirons tous les loups – comme le Valais l’a fait. En Valais, 35 loups ont été tirés. Toutefois, à ma connaissance, il y a déjà eu de nouvelles attaques ces derniers mois – en tout cas deux attaques sur des moutons par un loup en Valais. C’était un peu open bar − si vous me permettez l’expression – car tout le monde pouvait tirer le loup. Cela a-t-il permis de diminuer ou faire cesser complètement les attaques ? La réponse, pour l’instant, est négative. Faisons le point au mois de juillet, en période d’estive, mais pour l’instant, la réponse est négative.
Je suis désolé de me répéter, mais je trouve cette résolution très déclamatoire : elle fait accroire au monde paysan que l’on va faire quelque chose pour lui et que vous êtes soucieux de ses conditions de travail, de vie et d’élevage. Je le suis tout autant que vous, mais par respect, je ne me permettrai pas de faire des dépôts purement déclaratoires, qui font croire que l’on va résoudre la problématique. Vous ne faites pas de proposition concrète et n’êtes pas capables de dire ce qu’il faut faire, si ce n’est de supprimer les meutes ou les loups solitaires. Je l’ai déjà indiqué dans ma première intervention et je le répète : c’est compliqué. M. Borloz demandait que nous respections les fonctionnaires vaudois, notamment ceux des impôts, et que nous ne leur fassions pas de procès d’intention. Les garde-faune vaudois ont visiblement toutes les peines du monde à tirer ces loups ; cela n’a pas l’air si simple.
Je ne veux pas faire de cogestion, monsieur Corboz. Le responsable en titre et en chef est M. le conseiller d’Etat Venizelos. C’est donc à lui de trouver les solutions légales les plus efficaces sur le terrain. Sans intervention rapide et efficace, les producteurs de brebis vont continuer à subir des pertes. C’est clair, net et précis. Pour nous, c’est inacceptable. Il est donc temps que les autorités prennent leurs responsabilités et mettent en place des solutions concrètes pour garantir la sécurité des troupeaux et la pérennité de l’élevage vaudois. C’est quand même clair, et le cadre est déjà défini. Monsieur le conseiller d’Etat qui êtes à l’exécutif, c’est à vous d’effectuer le travail ; nous sommes l’organe législatif.
Je désirais déposer une motion d’ordre, parce que nous avons épuisé la discussion, mais je crois que je suis la dernière à demander la parole.
Je vous remercie pour ce énième débat sur le loup. Comme toutes les personnes qui ont pris la parole aujourd’hui, je partage et je comprends la colère et l’émotion qu’ont pu susciter ces deux attaques successives chez cet éleveur. Evidemment, c’est un choc émotionnel important et une perte économique. Même si certains estiment que cela n’est pas si important, la perte économique est aussi à prendre au sérieux. Les indemnités ne peuvent pas soigner le choc émotionnel ; il faut l’entendre.
Vous avez raison, il relève de la responsabilité des autorités de trouver des solutions pertinentes et déployables concrètement sur le terrain. Après la première attaque, l’Etat n’est pas resté les bras croisés, il n’a pas fermé les yeux. Les garde-faunes sont allés sur place immédiatement. Evidemment, l’émotion était forte et a été encore plus forte lorsque les mesures de protection supplémentaires n’ont malheureusement pas suffi pour éviter une deuxième attaque. Des mesures ont été prises. L’éleveur n'a pas été laissé livré à lui-même. Un soutien a été mis en place pour l’accompagner.
Evidemment, les solutions sont complexes, comme l’ont très bien relevé par plusieurs d’entre vous. Nous devons une certaine honnêteté et une certaine transparence à celles et ceux qui s’intéressent à la gestion du loup, que ce soient aux victimes de ses attaques comme à celles et ceux qui souhaiteraient que le loup soit sacralisé et absolument protégé. J’ai déjà eu l’occasion de l’affirmer : il n’y aura pas aucune attaque sur le territoire vaudois ni aucun tir. C’est une réalité que nous devons entendre et avec laquelle nous devons composer. Nous ne pouvons pas, à l’échelle du territoire cantonal, décider d’éradiquer l’ensemble des loups. Ce serait contraire au droit fédéral. Si le droit fédéral nous l’autorisait, il faudrait que l’ensemble des Etats limitrophes à la Suisse prennent la décision d’éradiquer l’ensemble des loups.
J’aimerais maintenant aborder les deux propositions de la résolution, la première concernant la marge de manœuvre du canton en matière de régulation. Nous avons ici affaire à une meute, car trois loups constituent une meute. Or, le droit fédéral nous interdit de procéder à la régulation réactive d’une meute en période de reproduction, c’est-à-dire jusqu’au 1er juin. Ces éléments ont été confirmés par les garde-faunes, par les juristes de l’administration et de l’OFEV – par oral et par écrit. Je répète : nous avons affaire à une meute ; or, le droit fédéral nous interdit d’envisager la régulation réactive d’une meute en pleine période de reproduction. Si, en tant que chef de département, je décidais de m’asseoir sur le droit − c’est ce que certains suggèrent ou m’invitent à faire − cela se retournerait contre le garde-faune responsable du tir : il serait confronté à une condamnation pénale. Evidemment, je ne demanderai jamais à l’un de mes collaborateurs d’enfreindre la loi. Par conséquent, il n’y a effectivement pas eu de décision ni d’ordre de ma part de procéder à une régulation dans le cas précis, puisque le droit nous l’interdit.
Toujours concernant la régulation, j’en profite pour répondre à quelques questions. Certains souhaiteraient que les chasseurs aient la possibilité de participer à la régulation. Je le répète : dans le canton, 70 chasseurs sont auxiliaires et accompagnent les garde-faunes dans différentes actions de régulation sur le loup, notamment pour la régulation proactive du Mont-Tendre. Leur soutien et leur aide sont précieux. Nous allons continuer à nous appuyer sur ces chasseurs qui suivent une formation spécifique. En effet, procéder aux actions de régulation du loup, qui se déploient souvent dans des conditions extrêmement difficiles, par exemple nocturnes, nécessite des compétences particulières. Nous allons continuer à le faire. Ce n’est pas une spécialité valaisanne que le canton de Vaud refuserait.
Concernant les comparaisons intercantonales, tous les cas cités sont des cas de loup isolé. Or, ici, nous avons affaire à une meute. Je ne connais pas tous les cas, dans les différents cantons, mais je pars du principe qu’ils respectent aussi le cadre fédéral. Dans le cas précis, le canton de Vaud n’avait pas d’autre choix que de respecter le cadre fédéral en matière de régulation.
La résolution fait des propositions pour renforcer la protection. Dans le cas qui nous occupe, des protections supplémentaires ont été mises en place, mais elles n’ont malheureusement pas été suffisantes. Cela nous rappelle donc qu’en matière de protection, nous devons peut-être réévaluer les options et les soutiens que nous envisageons aux éleveurs. La simple protection physique ne suffit pas toujours. La présence humaine est aussi nécessaire et la présence de chiens est aussi une option. Evidemment, tout cela représente un coût. J’espère que l’une des interventions annoncées aux Chambres fédérales ciblera la décision de la Confédération de couper de façon drastique dans les subventions apportées à la protection des troupeaux. Toutefois, cet aspect ne relève pas de ma compétence. En effet, la gestion du loup ne relève pas uniquement de la régulation, mais aussi de la protection des troupeaux – une compétence de ma collègue Valérie Dittli, en charge de l’agriculture. La question de la protection mérite, selon notre appréciation, d’être renforcée à l’aune des coupes fédérales inadmissibles.
Par conséquent, concernant la marge de manœuvre cantonale, vous pouvez me renvoyer la résolution. Néanmoins, je le répète, dans ce cas de figure, en matière de régulation, nous n’avions pas de marge de manœuvre. Dès le 1er juin, compte tenu des différentes attaques, la décision sera prise pour procéder à une régulation. En revanche, nous avons une marge de manœuvre en matière de protection, ce sur quoi la résolution met le doigt.
Maintenant, j’aimerais évoquer l’évolution du cadre législatif. C’est difficile, parce que je ne sais pas exactement de quel texte ni de quel type de modification législative vous parlez. Je suis toujours ouvert au débat et à l’évolution du droit dans la bonne direction. Toutefois, nous sommes en train de débattre de projets que n’avons pas sous les yeux ; c’est donc compliqué. En revanche, sur le principe, nous avons besoin de stabilité. Je le comprends, vous êtes dans votre rôle de parlementaires, vous revenez avec une résolution pour tenter de faire avancer la problématique, mais nous avons besoin de stabilité et de sérénité pour avancer concernant ce problème complexe. Cela nécessite de la nuance, mais aussi de l’honnêteté vis-à-vis de l’ensemble des acteurs concernés. Je le répète : cette saison, il n’y aura pas zéro attaque sur les différents troupeaux. Il n’y aura pas non plus zéro tir de loups – qui restent d’ailleurs une espèce protégée.
Finalement, j’aimerais rappeler quelques ordres de grandeur. Même si chaque attaque reste déplorable et que nous devons renforcer les mesures – notamment de protection – nécessaires pour éviter les attaques, plusieurs études donnent des chiffres sur la proportion de bêtes victimes d’attaques de loups en Suisse. Sur les ovins, cela représente un peu moins de 2 % des pertes en 2023. Certes, le problème est important, mais il est également essentiel de connaître cette proportion de 2 % par rapport aux 98% liés à d’autres facteurs, comme la sécheresse et les maladies, qui nécessitent aussi des interventions parlementaires et des actions fortes, notamment aux Chambres fédérales. J’espère qu’il y aura aussi des interventions aux Chambres fédérales pour soutenir les agriculteurs et les éleveurs sur les marges gigantesques réalisées par les grands distributeurs ou sur les accords de libre-échange qui mettent à mal le monde agricole local.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
La résolution est adoptée par 77 voix contre 52 et 7 abstentions.