25_REP_19 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Joëlle Minacci et consorts au nom d'Ensemble à gauche et POP - Des chiffres pour évaluer la pertinence d’une révision générale de l’estimation fiscale des immeubles dans le Canton (25_INT_7).
Séance du Grand Conseil du mardi 16 septembre 2025, point 31 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourDans votre réponse à mon interpellation, vous souhaitez nuancer l’affirmation selon laquelle les immeubles sont sous-estimés en raison de l’absence de révision générale. Vous rappelez que les estimations fiscales font régulièrement l’objet de révisions, qu’il n’est pas possible de chiffrer l’impact à la hausse ou à la baisse d’une révision générale sans la réaliser, et qu’ainsi les chiffres demandés ne sont malheureusement ni connus ni facilement compilables. Permettez-moi de souligner la légèreté et les imprécisions de votre réponse, qui souligne une volonté politique non voilée de ne pas traiter la question, alors même qu’une démarche de révision générale des estimations fiscales des immeubles rétablirait une égalité devant l’impôt, d’une part et d’autre part, apporterait de nouvelles recettes fiscales au canton et aux communes.
Du fait de ces décisions politiques, la majorité bourgeoise a fait plonger les finances de notre canton. Le frein à l’endettement a été enclenché et avec lui des coupes budgétaires, alors que notre époque nous oblige à investir dans une bifurcation écologique pour limiter un dérèglement climatique qui, pour l’heure, condamne les générations à venir et nous pousse à investir dans des secteurs sous forte pression, comme la santé, le social, ou encore l’éducation.
Dans sa réponse à la première question, le Conseil d’Etat répond qu’il ne dispose pas d’outils permettant de chiffrer la sous-estimation fiscale des immeubles. Or, les chiffres existent sous la forme d’extraits du Registre foncier qui comprennent toutes les estimations et la date à laquelle elles ont été établies. La création d’un logiciel qui compile ces données et analyse ces extraits est une question de volonté politique. Par ailleurs, le canton aurait pu s’enquérir auprès de communes et villes significatives du canton pour savoir si certaines ont déjà chiffré la sous-estimation. En effet, l’initiative de Vevey a été particulièrement scrutée. Voici ma première question : le Conseil d’Etat aurait-il connaissance d’estimations effectuées par d’autres villes ? Si oui, avec quels résultats ?
Il faut aussi savoir qu’une demande de révision générale ou, à tout le moins, d’une première analyse de la sous-estimation fiscale des immeubles n’a rien de farfelu. D’autres cantons entament une démarche de révision générale des immeubles ; le canton de Zurich, par exemple, estime le potentiel de recettes supplémentaires à 170 millions de francs. Il faut rappeler qu’après la dernière révision générale vaudoise, le Conseil d’Etat préconisait une révision automatique tous les 10 ans. Vous prétendez que le précédent exercice de révision générale a pris 7 ans – c’est juste, mais, en réalité, la grande majorité des immeubles a été réestimée entre 1992 et 1994. Dans votre réponse à la question 3, vous avez décidé de réaliser un exercice d’estimation fiscale des immeubles sur une commune que vous avez sélectionnée. J’ai été surprise de lire que « pour répondre à l’objectif de l’interpellation », vous avez analysé uniquement les immeubles appartenant aux caisses de pensions, et non l’ensemble des immeubles. De là ma deuxième question : pourquoi une telle sélection ? Toutefois, vos chiffres sont intéressants : en additionnant les immeubles réestimés avant 2013, nous arrivons à plus de 50 % des immeubles n’ayant pas été réestimés depuis plus de 12 ans. Je rappelle que la commune de Vevey a effectué une évaluation des immeubles de la ville dont près de 60 % n’avaient pas été réestimés depuis plus de 10 ans. Alors, avec la commune que vous avez prise pour exemple, je me demande comment vous pourriez nuancer l’idée qu’il n’existe pas de sous-estimation fiscale des immeubles ?
Dans sa réponse à l’interpellation Del Pero, en 1996, le Conseil d’Etat indiquait que, suite à la révision de 1992, la fortune nette imposable des contribuables détenteurs des immeubles affectés en particulier à leur logement était passée de 318 millions à 5,138 milliards ! L’évolution de l’estimation de la fortune avait donc augmenté et s’était multipliée par 16 ! Comme le relevait le Conseil d’Etat de l’époque, ces chiffres sont élevés et depuis lors, le prix de l’immobilier a fortement augmenté. Entre 2005 et 2025, le prix au mètre carré d’un appartement a augmenté de 128 % ; l’augmentation est de 98 % pour les maisons. Ces chiffres sont à mettre en perspective avec ceux que le Conseil d’Etat avance dans sa cinquième réponse. Premièrement, vous parlez d’une chute drastique de l’augmentation de la fortune imposable et ensuite, vous parlez d’une chute provoquant des pertes de 2 milliards par année pour le canton. Mais de quelle perte parlez-vous ? Il est parfaitement normal qu’après une révision générale, il y ait une stagnation, voire une baisse de l’évolution des estimations fiscales. Mais il s’agit d’une absence d’augmentation après une forte augmentation générale, et non d’une perte. Ensuite, vous parlez notamment d’une augmentation de la matière imposable s’élevant de 3 à 4 milliards par an, entre 2015 et 2025. Si l’on met ces variations en perspective, par rapport aux augmentations énormes du prix de l’immobilier depuis les années 90, ce sont des variations de 3 à 4 milliards sur un montant total que l’on peut estimer à environ 200 milliards. En réalité, on se rend compte que l’augmentation des estimations fiscales est extrêmement faible par rapport à l’augmentation massive du coût de l’immobilier.
Vous dites aussi que la Lex Weber ou la Loi sur l’aménagement du territoire ont fortement dévalué la valeur des immeubles concernés. C’est vrai pour des zones précédemment à bâtir qui sont devenues non constructibles, mais c’est faux pour les parcelles dédiées à la densification, qui ont vu leur valeur augmenter et dont le nombre est plus important. Vous parlez également d’une dépréciation de la valeur des résidences secondaires dans les Alpes vaudoises, mais vous ne prenez en compte que l’acquisition d’immeubles par des personnes résidant à l’étranger. Or, entre 2015 et 2025, il s’est plutôt produit une hausse globale des prix des résidences secondaires, de 30 à 40 %, qui s’est encore accentuée depuis le Covid avec parfois une hausse annuelle de 6 à 10 % entre 2020 et 2024 pour certaines communes des Alpes vaudoises ! Je ne comprends donc absolument pas comment vous pouvez avancer de tels arguments, au vu des chiffres globaux. Finalement vous parlez d’un bilan mitigé dressé par le Conseil d’Etat lors de sa réponse à la question Del Pero en 2000. Visiblement, nous n’avons pas lu la même réponse : le Conseil d’Etat de l’époque souligne justement des écarts importants avant et après la révision générale et préconise une révision générale tous les 10 ans.
En conclusion, dans toute votre réponse, on a l’impression que certains chiffres sont tordus de manière passablement caricaturale. Sans même procéder à une évaluation générale de l’estimation fiscale des immeubles, nous disposons de suffisamment d’éléments permettant de conclure qu’une révision générale produirait des recettes fiscales importantes. Vu le déficit produit par la majorité bourgeoise depuis le début de cette législature, ces recettes permettraient de renoncer à des coupes budgétaires dans des prestations indispensables. Je comprends ainsi que l’objectif du Conseil d’Etat est de maintenir un statu quo et de protéger les personnes qui actuellement ne payent pas ce qu’elles devraient du point de vue de l’impôt foncier comme sur la fortune. Dès lors, au vu de cette réponse, je vous annonce que je reviendrai sur la question par le biais d’un nouveau dépôt.
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