L’âgisme : une discrimination encore méconnue

Entretien avec Delphine Roulet Schwab, professeure HES ordinaire à l’Institut et Haute École de la Santé La Source

Delphine Roulet Schwab, vous menez des recherches depuis de nombreuses années sur les discriminations liées à l’âge. Quand on parle d’âgisme, qu’est-ce que cela signifie ?

L’âgisme désigne tous les préjugés (sentiments), stéréotypes (pensées) et discriminations (comportements) fondés sur l’âge, c’est-à-dire le fait de considérer ou de traiter différemment une personne en raison de son âge. L’âgisme est très présent, notamment dans les domaines de la santé et de l’emploi. Ainsi, les plaintes des personnes âgées sont souvent banalisées en disant par exemple « c’est normal à votre âge d’avoir mal ». Il arrive aussi que certains traitements médicaux ne soient plus prescrits ou remboursés à partir d’un certain âge (à diagnostic égal) et il est plus difficile pour les personnes vieillissantes de retrouver du travail (à compétences égales avec une personne plus jeune). L’âgisme passe souvent inaperçu, car il est très accepté socialement et parfois intégré par les personnes âgées elles-mêmes. Les jeunes en sont également fréquemment victimes.

Est-ce que ce phénomène touche beaucoup de personnes ?

Selon l’enquête sur le vivre ensemble en Suisse menée par l'Office fédéral de la statistique en 2024, 15% de la population suisse entre 15 et 88 ans indique avoir été victime de discriminations liées à l’âge. Selon l’Organisation mondiale de la santé, une personne sur deux dans le monde aurait des attitudes et des comportements âgistes. On peut donc considérer que l’âgisme touche une part très importante de la population.

Selon vous, comment pouvons-nous lutter contre cette discrimination ?

L’âgisme envers les personnes âgées est souvent lié à un manque de connaissances sur le vieillissement, qui donne lieu à des généralisations abusives sur la base d’exemples isolés. C’est le cas lorsque l’on affirme que « toutes les personnes âgées sont des dangers au volant, on devrait systématiquement leur retirer le permis de conduire » ou encore « les personnes âgées entendent mal, il faut leur parler fort ». Un champ d’action consiste donc à diffuser des données fiables et réalistes sur le vieillissement. Cela passe notamment par le choix des images utilisées dans les médias et la publicité, mais aussi dans la recherche et dans les administrations publiques.

Et le rôle de la population ?

Un autre axe d’action concerne les relations sociales, en particulier intergénérationnelles. Pour contrecarrer les effets des préjugés et stéréotypes liés à l’âge, il importe d’être en contact avec des personnes de différentes générations. Cela peut être dans le cadre d’associations de quartier, de sociétés locales, de bénévolat tel que l’aide aux devoirs, ou encore en veillant à un équilibre des âges dans les équipes de travail. Finalement, il existe aussi un âgisme structurel inscrit dans les lois et les règlements. Il se manifeste généralement sous la forme de suppléments financiers ou d’exclusion des prestations pour les personnes à partir de 65 ou 75 ans, que cela soit la tarification médicale, les assurances de manière générale, la location d’une voiture ou des prêts hypothécaires. Comme l’âgisme est largement toléré dans la société, il n’est pas toujours facile de le reconnaître. Une manière simple de l’identifier est de se demander « Est-ce que j’agirais de la même façon si cette personne était plus jeune ? » ou encore « Est-ce que cette situation serait jugée acceptable si elle concernait un autre groupe marginalisé ».

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Delphine Roulet Schwab

Delphine Roulet Schwab est Professeure à l’Institut et Haute École de la Santé La Source (HES-SO) et co-responsable du senior-lab. Elle est l’auteure de nombreuses recherches, publications et communications en lien notamment avec les violences et maltraitances envers les personnes âgées et les discriminations fondées sur l’âge (âgisme). Elle est Présidente de GERONTOLOGIE CH, de la Swiss Platform Ageing Society des Académies suisses des sciences, ainsi que de l’association alter ego (Association romande pour la prévention de la maltraitance envers les personnes âgées) et du Centre de compétence national Vieillesse sans violence.

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