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Le CHUV adapte son hôpital aux besoins des seniors

© CHUV, Hôpital Adapté aux Aînés

L’augmentation de l’espérance de vie s’accompagne d’une proportion croissante de personnes âgées hospitalisées. Aujourd’hui déjà, près de la moitié des patients du CHUV sont des personnes âgées. Pour adapter l’hôpital à ces changements démographiques et épidémiologiques, le CHUV a développé le programme « Le CHUV, Hôpital adapté aux aînés » (HAdAs). Inspiré du modèle canadien « Senior Friendly Hospital » et recommandé dans la Politique Vieillissement et Santé du canton de Vaud, ce projet est la première initiative en Suisse qui vise à transformer l’hôpital dans toutes ses dimensions pour qu’il s’adapte mieux aux besoins et attentes spécifiques des seniors.

« La meilleure façon d’agir dans ce contexte est de développer une approche structurée et coordonnée entre les professionnels, tous métiers confondus. Nous sommes en train de renforcer les compétences de nos équipes et de promouvoir une culture du savoir-être pour que la prise en charge du patient âgé soit au cœur des préoccupations de l’ensemble des collaboratrices-teurs », expliquent les responsables du projet, Cédric Mabire et Joanie Pellet.

HAdAs vise donc à mener à un changement global dans la culture hospitalière et s’articule autour de plusieurs axes :

  • Implanter une nouvelle culture des soins aux personnes âgées, qui se manifeste à la fois dans la pratique clinique et dans la gouvernance de l'hôpital (par exemple, dans l'organisation du travail).

  • Améliorer les connaissances et compétences des professionnel/-les dans ce domaine spécifique, notamment en renforçant la dimension préventive des soins aux seniors vulnérables grâce à la formation.
  • Aménager l’environnement hospitalier.

Plus globalement, il s’agit de faire évoluer la représentation des personnes âgées que peuvent avoir parfois les professionnel-l-es de santé. L’équipe du programme HAdAs vise à améliorer ainsi l’expérience globale des patients à l’hôpital – notamment l’accueil, la manière dont les informations leurs sont transmises, leur confort, leur autonomie et le partage de décisions.

Cédric Mabire, Joanie Pellet, pourquoi faut-il adapter le CHUV ?

Près de la moitié de la patientèle du CHUV est composée de personnes âgées de 65 ans et plus ; il est clair que l’hôpital doit s’adapter pour répondre à leurs besoins spécifiques. Il faut éviter à tout prix qu’une personne âgée et fragile ne s’affaiblisse davantage lors d’une hospitalisation. En effet, les données d’études montrent qu’un senior hospitalisé sur trois développe une complication durant son hospitalisation et ceci en raison de différents facteurs sur lesquels nous pouvons exercer une influence : la personne se mobilise peu, ne boit pas assez, ne mange pas suffisamment, ce qui péjore son état. Elle s’affaiblit encore à force d’être couchée ou assise la plupart du temps, et son risque de chute augmente. Certaines personnes hospitalisées perdent aussi leurs repères et peuvent devenir confuses. Ces complications provoquent souvent un choc pour les familles qui se retrouvent avec un parent affaibli, devenu dépendant, parfois agité ou désorienté alors qu’il a été hospitalisé initialement pour se rétablir et guérir.

En quoi consiste le changement que HAdAs vise à apporter ?

D’une part, il est important que les professionnels puissent mettre en perspective leurs soins par rapport à la trajectoire spécifique de chaque patient âgé. Cela implique en particulier d’individualiser la prise en charge de ces patients, en tenant mieux compte de leurs attentes et de leurs préférences. Il s’agit, d’autre part, d’adopter et appliquer les pratiques préventives qui ont démontré leur efficacité pour réduire les risques liés à une hospitalisation chez les personnes âgées. Il s’agit donc de faire évoluer la culture institutionnelle à travers tous les métiers au CHUV permettant d’améliorer les savoirs, renforcer les savoir-faire, et promouvoir un savoir-être qui améliore l’expérience des aînés et de leurs proches lors du parcours hospitalier. Pour opérationnaliser cette approche, le programme est constitué de cinq projets : (1) l’adaptation des pratiques de soins, (2) la formation des professionnels, (3) l’adaptation de l’environnement physique et sensoriel, (4) l’organisation du travail et (5) l’éthique clinique.

Quels sont les points forts du programme « Hôpital Adapté aux Aînés » ?

C’est l’un des projets pilotes de la future politique cantonale du vieillissement Vieillir2030 ; il doit permettre d’améliorer l’expérience de soins des personnes âgées prises en charge dans notre hôpital. Cela comporte aussi une meilleure anticipation de leurs besoins, ainsi qu’une meilleure prévention des risques lors d’une hospitalisation. En effet, les personnes âgées fragiles (atteintes de maladies chroniques) sont plus à risque de développer ou d’aggraver un déclin fonctionnel, cognitif et une perte d’autonomie lorsqu’elles sont hospitalisées.

Ceci devient possible grâce à des formations du personnel – non seulement des soignants mais aussi de toutes et tous les collaboratrices-eurs du CHUV qui interagissent avec des seniors. Nous proposons ainsi une sensibilisation aux spécificités du vieillissement afin de lutter contre les stéréotypes liés à l’âge et favoriser une attention particulière aux besoins des seniors. Dès 2023, 7500 collaboratrices-eurs du CHUV pourront bénéficier de cette sensibilisation à l’accueil des aînés. Pour les professionnels soignants, des modules spécifiques sur la prévention et le traitement des problématiques gériatriques acquises à l’hôpital sont développés, par exemple l’état confusionnel aigu, la nutrition et les troubles de la déglutition, la mobilisation, etc. Pour s’assurer que les seniors hospitalisés bénéficient ensuite de l’application des connaissances et des compétences acquises en formation, des accompagnements cliniques dans les unités et des ateliers de simulations seront également développés.

Mais la formation seule n’est pas suffisante. Le point fort du programme HAdAs est d’agir sur tous les axes qui peuvent améliorer la prise en charge des seniors. La formation en est un, mais elle doit diffuser des pratiques cliniques adaptées aux aînés et transverses aux différents services du CHUV. Ce développement doit être également soutenu par une gouvernance et une organisation du travail qui promeut la prévention des complications acquises à l’hôpital, qui peuvent être également limitées par un environnement hospitalier adapté.

Vous menez aussi ce programme en partenariat avec des seniors qui ont une expérience d’hospitalisation au CHUV ?

Oui en effet, les patients partenaires sont impliqués à tous les niveaux de notre programme en leur qualité d’experts et d’intervenants en lien avec les professionnels. Leur expérience de patient-e-s- hospitalisé-e-s nous aide à développer des solutions mieux adaptées à leurs besoins et à leurs attentes.

A part les formations et le partenariat avec des seniors, avez-vous prévu d’autres actions ?

Nous encourageons les meilleures pratiques cliniques adaptées aux seniors dans les soins. L’objectif est qu’une personne âgée hospitalisée dans différentes unités du CHUV au cours de son séjour puisse bénéficier des mêmes approches de soins, par exemple des approches non pharmacologiques pour traiter un état confusionnel aigu, ou des recommandations pour limiter l’utilisation de cathéter urinaire et limiter la durée de leur maintien. Ensuite, nous travaillons aussi sur l’environnement et l’équipement hospitalier.

Pouvez-vous donner des exemples ?

Un architecte spécialisé dans les aménagements adaptés aux personnes âgées collabore actuellement avec nous. En effet, lors de la construction ou de la rénovation des bâtiments hospitaliers, les aménagements ne répondent pas toujours aux besoins spécifiques des personnes âgées. Par exemple, l’absence de mains courantes dans les escaliers extérieurs ou intérieurs, des chaises sans accoudoir dans les salles d’attente, un éclairage insuffisant dans les couloirs et pas adapté dans les chambres, une signalétique complexe, etc.

Qu’est-ce qui a été fait et que reste-t-il à faire ?

Les projets du programme HAdAs ont débuté au mois de janvier 2022. D’ici la fin de l’année, le projet sur les pratiques cliniques aura développé des principes de prise en charge des principales complications acquises à l’hôpital, qui pourront être appliqués tant dans une unité de chirurgie qu’aux urgences ou en médecine par exemple. Le module e-learning de sensibilisation aux spécificités du vieillissement sera disponible pour les collaborateurs-trices, et au premier semestre 2023 deux modules thématiques seront proposés aux professionnels soignants. Actuellement, 5 unités pilotes du programme HAdAs ont bénéficié d’une expertise de l’environnement, avec à la clef des propositions d’aménagements simples et peu coûteuses, mais qui feront la différence pour les seniors qui y séjournent. Le projet de rénovation du hall principal du CHUV a également fait l’objet de plusieurs visites avec les patients partenaires du programme qui ont pu partager leurs expériences et leurs suggestions pour une entrée adaptée et accueillante pour les seniors.

Quand est-ce que le CHUV sera un hôpital complètement adapté aux aînés ?

La programme HAdAs est en phase de projet jusqu’à fin 2024. Dès 2025, l’approche HAdAs sera implantée dans les unités à moyenne et forte densité de seniors.

Propos recueillis par Giovanna Panese, Chargée de projet et Benoît Tabin, Chef de projet Vieillir2030

Joanie Pellet, Cheffe de projet "Hôpital Adapté aux Aînés"
Cédric Mabire, vice-directeur à l’Institut universitaire de formation et de recherche en soins (IUFRS) et infirmier consultant en recherche à la Direction des soins du CHUV

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