Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 22 mars 2022, point 12 de l'ordre du jour

Document

Texte adopté par CE - R-CE INT Glayre 21_INT_142 publié

Transcriptions

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M. Yann Glayre (UDC) —

Les réponses du Conseil d’Etat apportent de nombreux éléments, mais certains ont de quoi surprendre. En introduction, permettez-moi de souligner à quel point il a été maladroit de rappeler plusieurs fois que la Fondation Urgence Santé (FUS) a continué de fournir les prestations exigées. Ces prestations ont uniquement été possibles grâce aux efforts et à la détermination du personnel de la FUS qui s’est littéralement sacrifié. A de nombreuses reprises, le Conseil d’Etat rappelle qu’il s’agit d’une fondation de droit privé et que le fait de subventionner une institution ne le légitime pas à gérer ladite institution. Et pourtant, réalisant enfin que la situation n’est plus tenable, le Conseil d’Etat indique le 9 février, soit 14 jours après la publication de cette réponse, que le chef de l’Etat-major cantonal de conduite (EMCC) est mandaté pour stabiliser la situation de la FUS. On peut mieux faire en matière de rapidité d’action.

La première réponse me laisse perplexe. En effet, on peut lire : « il n’y a pour l’heure pas de problème d’effectif. Des mesures urgentes ont été prises pour faire face à la situation de surcharge ». Il est également indiqué que « la centrale téléphonique des médecins de garde a été fermée durant la nuit du 22 décembre jusqu’au 9 janvier inclus » et que « le Conseil d’Etat constate que l’activité a été assurée et que la FUS a pu répondre avec satisfaction aux besoins de la population durant la période des fêtes de fin d’année ». Si, pour le Conseil d’Etat, maintenir l’activité équivaut à réduire les services à la population, nous n’avons pas la même définition du « maintien de l’activité ».

Par ailleurs, le Conseil d’Etat informe que la situation est sous contrôle, alors que la Centrale téléphonique des médecins de garde (CTMG) a été fermée pendant 17 nuits, au lieu des trois nuits indiquées initialement dans le communiqué du 24 décembre. Le fait que la CTMG ait été fermée beaucoup plus longtemps que prévu et que le Conseil d’Etat fasse appel à l’EMCC démontre que, au mois de janvier, il n’y avait absolument aucune maîtrise de la situation et c’est visiblement le cas depuis 2017. Déjà en 2017, la fondation cumulait un important nombre de jours d’arrêt maladie des collaborateurs, avec 2’235 jours d’arrêts cumulés. Pour la période 2017-2021, le total est de 8’000 jours. C’est beaucoup et je m’étonne que le Conseil d’Etat n’ait pas saisi l’urgence de la situation et ait laissé la fondation à l’abandon durant toutes ces années.

Par rapport aux événements qui se sont produits fin 2021, la chronologie annoncée concernant les audits est troublante. Une lettre anonyme a dénoncé des dysfonctionnements et a été transmise au Département de la santé et de l’action sociale en janvier. Une deuxième lettre a été envoyée par le Syndicat des services publics (SSP) au nom des cadres de la fondation en été 2021. Et, dans la réponse, il a été indiqué qu’une série d’actions avaient été mises en place dès la réception de la lettre à la fin du mois d’août. Le 30 septembre, la cheffe du Département de la santé et de l’action sociale a annoncé à la FUS le lancement d’un second audit. Les audits mandatés en octobre 2021 permettront également d’évaluer le degré d’implémentation des mesures de l’audit de 2018. Comme vous pouvez le constater sur le document projeté (*insérer document), en date du 19 novembre, la séance de lancement des audits a été planifiée au 24 novembre. Le lancement des audits intervient donc 15 jours après le dépôt de ladite interpellation et de l’enquête de la Radio Télévision Suisse (RTS). Toutefois, le Conseil d’Etat certifie être déjà actif sur le dossier depuis de nombreux mois. Madame la conseillère d’Etat, pouvez-vous nous donner plus d’explications ? J’ai également d’autres interrogations, indépendamment du moment de votre réaction en 2021. Pour quelles raisons la lettre du mois de janvier n’a pas été l’élément déclencheur ? Comment est-ce que le Conseil d’Etat justifie les trois mois séparant mon interpellation urgente de la réaction visant à stabiliser la fondation le 9 février ?

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Rebecca Ruiz (C-DSAS) — Conseiller-ère d’Etat

Je suis en mesure de vous donner un certain nombre d’informations supplémentaires par rapport à la situation de la FUS et aux événements qui se sont déroulés après que le gouvernement a adopté la réponse à l’interpellation dont il est question. Je répondrai également à certaines de vos remarques, mais vous avez été très rapide, monsieur Glayre. La réponse du gouvernement à votre interpellation a été publiée le 27 janvier dernier. Or, le 9 février, le Conseil d’Etat a décidé de mandater le chef de l’EMCC, M. Denis Froidevaux, afin d’établir un diagnostic permettant de stabiliser et d’assurer le bon fonctionnement de la FUS, puisqu’en date du 8 février, j’ai été personnellement informée d’une détérioration du climat de travail, en particulier par l’annonce de la démission de deux cadres très importants au sein de la fondation. Cette détérioration a généré une sollicitation immédiate du Conseil d’Etat afin de donner ce mandat au chef de l’EMCC, en vue de stabiliser la situation dans un contexte de crise – vous avez raison, monsieur Glayre – qui existait et qui avait déjà été porté à la connaissance non seulement du département, mais également du Conseil d’Etat. Le lendemain, le gouvernement a décidé de mandater M. Froidevaux.

Comme je vous l’ai dit, cette décision de confier les rênes de l’action et de la stabilisation d’une fondation privée – je pèse mes mots – n’est pas anodine. Il s’agit de prestations essentielles pour la sécurité et la santé de notre population, raison pour laquelle l’EMCC a été mandatée par le gouvernement pour, encore une fois, stabiliser une situation très difficile depuis plusieurs mois, et qui en était même, au moment où la décision a été prise, à un point critique. La FUS est une fondation de droit privé qui est dotée d’un Conseil de fondation et avec laquelle l’Etat passe un contrat de prestations annuel. Il est important de rappeler que, juridiquement, l’Etat n’a pas la mainmise sur cette fondation et ne peut pas intervenir directement dans sa gouvernance.

Quant aux deux audits, ils ont été lancés en septembre dernier. Le premier porte sur le climat de travail à l’interne et le deuxième a pour objet la gouvernance de la fondation. L’audit concernant le climat de travail émane du Conseil de fondation, puisqu’il s’agit de l’autorité d’engagement, et ce, après toute une série de réflexions à l’interne. Le lancement de l’audit était dans le pipeline du Conseil de fondation depuis un certain temps. En revanche, mon département et moi-même avons demandé à avoir accès aux différentes questions et points qui seraient abordés dans cet audit. Le Conseil de fondation a accepté cette demande au moment où la décision a été prise. Le deuxième audit portant sur la gouvernance de la FUS provient d’un mandat donné par mon département. La FUS est une institution qui connaît plusieurs perturbations depuis des années et un premier audit avait été réalisé avant mon arrivée à la tête du Département de la santé et de l’action sociale en 2018. Il s’agissait de l’audit Favre – j’imagine que vous le connaissez – et il faisait état d’un certain nombre de recommandations pour revoir la gouvernance de la fondation. Une partie de ces recommandations ont pu déboucher sur toute une série de mesures prises par le Conseil de fondation. Toutefois, s’agissant de la refonte de la gouvernance, ces recommandations se sont heurtées au refus de membres fondateurs de modifier les statuts de la fondation. A l’époque, mon département avait contacté l’autorité de surveillance des fondations, qui a clairement indiqué à l’Etat qu’il ne pouvait pas passer outre la volonté des membres fondateurs pour imposer un changement de gouvernance. Ces éléments ont pour objectif d’élargir quelque peu le contexte.

Concernant la situation actuelle, soit celle d’il y a quelques semaines, sur la base, d’une part, de l’intervention de l’EMCC – M. Froidevaux et son équipe sont présents sur le site pour stabiliser la fondation – et, d’autre part, des conclusions des deux audits qui sont actuellement remis au Conseil de fondation et à la délégation du Conseil d’Etat qui suit le dossier – je ne suis désormais plus seule puisque Mme Métraux est à mes côtés dans le suivi de ce dossier, l’EMCC étant plus qu’impliqué dans la gestion de la fondation – des propositions de réorganisation seront faites. Il va sans dire que le Grand Conseil sera saisi dans les meilleurs délais. En effet, au vu de la situation critique, nous aurons certainement des arguments forts pour réformer la gouvernance de cette fondation qui assure des tâches essentielles pour notre population.

Pour en venir aux éléments mentionnés par M. Glayre, il est vrai que la situation entre les fêtes a été extrêmement difficile. Nous faisions face à l’augmentation des cas Omicron, qui ont aussi touché la FUS, comme d’autres institutions de santé. Ces cas sont venus s’ajouter à d’autres absences pour maladie, épuisement, burn-out, etc., qui ont mis à mal les prestations ainsi que les horaires d’ouverture nocturnes.

Ayant été tous les jours en contact avec le président de la fondation durant les fêtes de Noël, j’ai interrogé ce dernier sur le suivi ainsi que sur les mesures qui pouvaient être prises. Notre préoccupation principale était de ne pas surcharger le 144, dès lors que la CTMG allait devoir être fermée pendant plusieurs nuits, et afin d’éviter que des citoyennes et des citoyens, faute de réponse auprès de la CTMG, se tournent vers cet appel d’urgence et saturent ainsi les lignes téléphoniques, ce qui aurait eu pour conséquence de mettre potentiellement en danger des prises en charge vitales de la population. Nous nous sommes donc assurés que le 144 soit renforcé, en faisant appel à des médecins qui sont venus renforcer, par le biais de la Société vaudoise des médecins (SVM), les capacités de réponse auprès de ce numéro. Chaque nuit, tout a été monitoré pour connaître quel était le nombre d’appels se dirigeant vers la CTMG.

A titre de précision, ces appels étaient « perdus » avec un message téléphonique de renvoi pour rassurer la population, en lui indiquant la nécessité, pour les situations non urgentes – nous étions encore en période COVID et il y avait beaucoup d’appels liés aux questions de mise en isolement, parfois à des heures très tardives – d’attendre l’ouverture des cabinets le matin et, si nécessaire, de faire appel au 144. La situation du 144 n'a pas été la seule à être monitorée : la situation des urgences hospitalières des grandes villes du canton a fait l’objet d’une démarche pour étudier s’il n’y avait pas de report physique de personnes qui, faute de réponse auprès de la CTMG, auraient pu faire le choix de se rendre directement aux urgences. Pour ce faire, nous avons étroitement collaboré avec les chefs des services d’urgence du CHUV et des Etablissements hospitaliers du Nord vaudois (EHNV). Tout cela a contribué à la stabilisation de la situation ; il n’y a pas eu de problème du côté de la ligne du 144 et les missions ont pu être assurées. Il est toutefois clair que la CTMG a dû être fermée pendant plusieurs nuits, ce qui est problématique. La transparence a été de mise et nous avons sans cesse indiqué que les absents reviendraient rapidement, mais cela n’a pas été le cas. Nous avons dû ainsi élaborer un deuxième communiqué de presse. Il n’y a eu aucune volonté de cacher la situation, d’autant plus que cela se serait su immédiatement, soit lorsque des citoyens auraient appelé pendant la nuit et auraient trouvé en guise de réponse un message téléphonique leur indiquant que la centrale était fermée. Outre d’assurer l’activité, la transparence a été donc au centre de nos préoccupations.

Vous mentionnez une lettre anonyme du mois de janvier que nous avons effectivement reçue. Elle m’a été adressée directement et elle n’a pas été classée, monsieur Glayre. En tant que cheffe du Département de la santé et de l’action sociale, je reçois un certain nombre de lettres anonymes faisant état de situations difficiles dans des institutions qui sont soit subventionnées, soit placées sous une surveillance plus ou moins forte de la part de l’Etat. Toute dénonciation anonyme fait l’objet d’actions. Il est parfois compliqué d’agir sur la base d’éléments figurant dans des lettres anonymes. Toutefois, ces éléments sont amenés à être traités soit par mes soins, soit par les directions du Département de la santé et de l’action sociales ou d’autres départements. Des actions ont été entreprises lors de la réception de cette lettre anonyme. La Direction générale de la santé a pris contact avec la fondation et a dressé toute une série d’éléments pour obtenir des réponses. Les réponses obtenues de la part de la direction de la FUS étaient plutôt rassurantes, notamment sur les réformes actuellement mises en place et sur ce qui pouvait expliquer certaines réactions du personnel. Il est toutefois difficile d’agir sans avoir des détails et c’est sans doute ce qui explique qu’une deuxième lettre, soutenue par les syndicats, est arrivée. Celle-ci a également généré plusieurs actions, dont le lancement des audits. Elle a, en outre, été suivie d’une séance entre la Direction générale de la santé et les collaboratrices et collaborateurs signataires de la lettre en présence du syndicat qui ont pu adresser toute une série d’éléments.

Je ne peux donc pas accepter qu’on dise que la fondation a été laissée à l’abandon. Je le répète : il s’agit d’une fondation privée et ce n’est pas un service de l’Etat. Ce dernier a agi dans la mesure de ses possibilités et, face à une situation extrêmement critique, il est allé au-delà de ce qui peut se faire et je l’assume totalement. Les événements qui nous amèneront à réfléchir sur l’avenir de cette fondation devront faire prendre conscience à l’entier du Parlement que nous sommes face à une institution qui assure en réalité des tâches régaliennes de l’Etat. Or, ces tâches ne peuvent pas, selon moi, être confiées à des instances qui, faute de gouvernance suffisamment précise ou encore dans une situation de crise comme celle que connaît la FUS, ne peuvent assurer ces prestations si essentielles pour la population. Je suis à votre disposition si vous avez encore d’autres questions.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

Ce point de l’ordre du jour est traité.

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