Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 23 mai 2023, point 4 de l'ordre du jour

Texte déposé

Le 2 mai dernier, la Police cantonale a procédé aux renvois de deux familles vers la Croatie en vertu du règlement Dublin :  une mère Somalienne seule avec un bébé d’une année et demie, et des parents Afghans et leurs trois enfants scolarisés, dont le plus jeune n’avait que 7 ans. Les récits de ces deux opérations, rapportés par un article du Temps du 5 mai[1] et qualifiés de cauchemardesques, sont durs à lire.

 

Les récits dramatiques, remplis du désespoir des personnes cherchant refuge en Suisse et frappées d’un renvoi vers un pays pas sûr, se multiplient et font l’objet de réactions au parlement. En février, 52 député·es ont demandé au Conseil d’État de suspendre les renvois vers la Croatie via courrier. Fin mars, je questionnais le Conseil d’Etat sur la tentative de suicide d’un requérant d’asile résidant au centre EVAM de Crissier dans la même situation. Le Conseil d’Etat a apporté des réponses détaillées à ces sollicitations, et a interpellé le Département fédéral de juste et police, tout en rappelant que les Cantons ne sont pas partie à la procédure d’asile, les décisions étant prises par le Secrétariat d’état aux migrations - SEM.

 

Ces récits devraient nous questionner sur les précautions prises dans le cadre des renvois forcés de personnes vulnérables, et notamment des enfants. Aucun enfant ne devrait vivre et assister à ces scènes, être réveillés en pleine nuit par les forces de l’ordre, arrachés des bras de leurs parents, et voir ces derniers maitrisés de force et menottés. 

 

En 1997, la Suisse a ratifié la Convention des droits de l’enfant de l’ONU. Il convient de rappeler deux des principes de cette convention : l’intérêt supérieur de l’enfant (Art. 3 CDE ONU) et le droit à la protection (Art. 19 CDE ONU). Chaque fois que l’on prend des décisions susceptibles d’avoir des conséquences pour les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant (son bien) prévaut. Ceci est valable aussi bien au sein de la famille qu’au niveau de l’action de l’Etat. L’enfant doit être protégé contre les mauvais traitements et de la violence (physique ou psychologique).

 

Dans l’espoir d’inciter ce questionnement, j’aimerais poser les questions suivantes au Conseil d’État :

 

  1. Quel est la position actuelle du Conseil d’État sur les renvois en Croatie, notamment concernant des personnes vulnérables, les familles et les femmes seules et les enfants ?
  2. Est-ce que la sécurité et la dignité des personnes vulnérables, notamment des enfants, est assurée en Croatie ?
  3. Quelles précautions sont prises dans le cadre des opérations de renvoi par les autorités vaudoises des personnes vulnérables, des familles et des femmes seules et des enfants ?
  4. Est-ce que les renvois sous contrainte sont conformes à l’obligation de protection et à l’intérêt supérieur des enfants ?
  5. Depuis l’interpellation de la Conseillère d’état auprès du DFJP en mars, quelle a été l’évolution des discussions avec les autorités fédérales sur la question des renvois en Croatie ?
  6. Est-ce que le Conseil d’État entend défendre une suspension des renvois en Croatie auprès des autorités fédérales, notamment à l’égard de l’intérêt supérieur des enfants concernés ?

 

[1]https://www.letemps.ch/suisse/vaud/renvoyee-force-une-somalienne-temoigne-enfant-pleure-long-point-vomir

 

Conclusion

Souhaite développer

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Céline MisiegoEP
Oriane SarrasinSOC
Théophile SchenkerVER
Vincent JaquesSOC
Romain PilloudSOC
Muriel ThalmannSOC
Sylvie PodioVER
Marc VuilleumierEP
Vincent BonvinVER
Joëlle MinacciEP
Alberto CherubiniSOC
Martine GerberVER
Jessica JaccoudSOC
Laurent BalsigerSOC
Patricia Spack IsenrichSOC
Anna PerretVER
Monique RyfSOC
Denis CorbozSOC
Vincent KellerEP
Felix StürnerVER
Cédric RotenSOC
Cendrine CachemailleSOC
Yves PaccaudSOC
Guy GaudardPLR
Claude Nicole GrinVER
Isabelle FreymondSOC
Jean TschoppSOC
Pierre DessemontetSOC
Alice GenoudVER
Sébastien CalaSOC
Hadrien BuclinEP
Pierre FonjallazVER
Nathalie JaccardVER
Sandra PasquierSOC
Jean-Louis RadiceV'L
Elodie LopezEP
Valérie InduniSOC
Claire Attinger DoepperSOC

Document

23_INT_78-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Carine Carvalho (SOC) —

Mon interpellation porte sur les renvois de personnes requérantes d’asile vulnérables, notamment des familles et des enfants dans le cadre des accords Dublin. D’un point de vue éthique, mais aussi des droits des enfants, ces renvois interrogent de plus en plus les citoyens et citoyennes de ce canton. Plusieurs organisations de défense des personnes migrantes dénoncent aujourd’hui des renvois dans des pays qui ne sont pas sûrs pour elles, comme la Croatie. Les personnes passées par la Croatie et qui arrivent ensuite en Suisse ont dû faire face à des violences dans leur pays d’origine, durant leur parcours migratoire ainsi que lors de leur enregistrement en Croatie. En décidant de renvoyer automatiquement ces personnes et familles en Croatie, nous participons à une forme supplémentaire de violence.

Renvoyer à tout prix afin d’éviter des pénalités financières imposées par Berne : allons-nous réduire notre politique d’accueil à ce précepte ? Pouvons-nous garantir que, dans le cadre des renvois Dublin, la sécurité et la dignité de ces personnes vulnérables sont prises en compte ? Quelles précautions sont prises dans le cadre des opérations de renvoi par les autorités vaudoises des personnes vulnérables, des familles, des femmes seules et des enfants ? Est-ce que les renvois respectent l’intérêt supérieur des enfants ? Ce sont les questions que je pose au Conseil d’Etat dans cette interpellation.

Pour rappel, en 1997, la Suisse a ratifié la Convention des droits de l’enfant de l’ONU. A chaque fois que l’on prend des décisions susceptibles d’avoir des conséquences pour les enfants, l’intérêt de ces derniers doit prévaloir. L’enfant doit être protégé contre les mauvais traitements et la violence. Je vous demande quel prix nous sommes prêts à donner à la vie, à la sécurité et au bien-être des enfants dans le cadre de notre politique d’asile. Aucun enfant ne devrait être réveillé en pleine nuit, arraché des bras de ses parents, voir ces derniers être maîtrisés de force, menottés et être déplacés constamment d’un lieu à l’autre. Au contraire, si l’on veut être à la hauteur de notre tradition humanitaire, nous devons veiller à leur développement, à leur bien-être et garantir leur scolarisation.

Pour terminer, la famille afghane – la mère somalienne et son enfant, qui a été renvoyée à Zagreb début mai – est aujourd’hui de retour en Suisse. Je ne peux que souhaiter un meilleur sort à leur demande de protection. Si ces familles reviennent, et elles sont d’ailleurs loin d’être ni les premières ni les dernières à le faire, cela montre bien l’inefficacité du système Dublin. Ce système ne fonctionne pas et il n’a pas uniquement un impact sur les personnes concernées, celui d’être condamnées à une errance forcée, il a aussi des effets sur notre population vaudoise solidaire qui est en contact quotidien avec ces familles.

M. Laurent Miéville (V'L) — Premier vice-président

L’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.

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