Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 25 mai 2021, point 10 de l'ordre du jour

Texte déposé

-

Documents

19_POS_109_RC

Objet

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Pierrette Roulet-Grin (PLR) — Rapporteur-trice

Pour traiter de ce postulat, déposé le 19 février 2019 par notre collègue Jérôme Christen, la commission ad hoc a siégé le 13 mai 2019 sous la présidence de notre ancien collègue Régis Courdesse. Désigné comme président-rapporteur, M. Courdesse a démissionné du législatif à l’été 2020. Dans son rapport signé et rendu public le 23 août 2019, on relève en synthèse et parmi les éléments marquants du passage en commission que le postulant s’inquiétait du fait que les infrastructures nécessaires à une population grandissante, mais aussi vieillissante, ne suivaient pas d’assez près les données de la pyramide des âges. De plus, dans la quatrième adaptation du Plan directeur cantonal (PDCn), le postulant faisait remarquer que le Conseil d’Etat avait retenu l’option haute de la démographie, avec un scénario d’un million d’habitants en Pays de Vaud à l’horizon 2040.

Aux craintes du postulant, le Conseil d’Etat avait alors répondu qu’il déployait en continu les structures indispensables à la population et faisait notamment remarquer que l’immigration était régulièrement en baisse. L’exécutif cantonal annonçait par ailleurs qu’il avait commandé, pour fin 2021, un rapport de prospective qui devait lui permettre d’élaborer, avec plus de sûreté, les scénarios à mettre en place dès 2022.

A l’issue de l’unique séance traitant de ce postulat, la commission recommande au Grand Conseil de ne pas prendre en considération ce postulat, par 4 voix contre 3 et aucune abstention.

 

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Jérôme Christen (LIBRE) —

Ce postulat résulte d’un autre texte qui avait échoué, parce que d’aucuns considéraient qu’il se focalisait sur la politique migratoire, en particulier celle résultant du droit d’asile. Cette problématique a malheureusement biaisé cette discussion fondamentale sur l’évolution démographique. Sur les conseils de plusieurs d’entre vous, lors de ce débat de 2019, j’ai déposé un nouveau texte adapté que nous discutons aujourd’hui.

Certains sujets sont difficiles à aborder, car ils touchent à des questions sensibles qui titillent nos idéaux, mais nous devons quand même les affronter et ne pas faire la politique de l’autruche. Notre ancien collègue socialiste, Jean-Michel Favez, avait d’ailleurs, par le passé, abordé ce thème de manière indirecte en se focalisant sur les effets pervers de la promotion économique dont il soulevait les conséquences notamment sur le logement et sur la mobilité. Le Conseil d’Etat avait alors exposé les mesures prises pour lutter contre la pénurie de logements et pour améliorer les transports publics, mais malheureusement sans aborder la question de fond : jusqu’où peut-on admettre la croissance du canton et quelles mesures doit-on prendre pour la supporter ? La croissance, générée principalement par la promotion économique, favorise insuffisamment les ressources humaines locales – certes limitées, mais qui sont existantes – et provoque aussi une forte poussée démographique qui a des effets pervers aussi nombreux que variés sur les plans sociaux et environnementaux, soit la disparition d’espaces verts, la réduction des surfaces agricoles et des frictions sociales croissantes pour ne citer que les principaux.

Sans aller jusqu’à parler de décroître, il semble raisonnable de se demander jusqu’à quel point nous pouvons croître et se donner les moyens de maîtriser cette croissance. Vouloir le développement durable sans se poser la question du niveau de poussée démographique revient à foncer dans un mur. Pouvons-nous vraiment ignorer le fait que qui dit poussée démographique dit empreinte carbone supplémentaire ? Qui peut croire que l’efficience et la sobriété vont tout résoudre ? Qui peut affirmer que toutes les ressources naturelles dont nous avons besoin, même consommées raisonnablement, sont inépuisables ? En tant que pays riche, nous avons une responsabilité supplémentaire, puisque notre mode de vie pèse sur la planète. Ces dernières années, on a bâti chaque jour en Suisse une surface moyenne représentant un peu plus de huit terrains de football, selon l’Office fédéral de la statistique, dans un rapport officiel qui date de 2017. Cela se fait au détriment des surfaces végétalisées. Le canton de Vaud n’échappe pas à cette frénésie. On peut bien parler densification plutôt que mitage du territoire, mais on veut toujours plus d’espaces verts en ville et les constructions massives ne suscitent pas l’adhésion de la population qui ne veut pas sacrifier son confort aux intérêts des promoteurs. Notre territoire est réduit ; notre espace est limité, contrairement au Canada, aux Etats-Unis ou à la Russie. La situation se dégrade et les habitants du canton nous envoient régulièrement des signaux d’alarme.

Voilà pour le fond. Maintenant, pour la forme, l’échéancier mentionné dans le rapport de la commission est intéressant. Je cite : « Le postulat sera traité en plénum à la rentrée parlementaire », celle de 2019, nous avons donc bien du retard. Je continue : « Le postulat sera traité en plénum à la rentrée parlementaire, le Conseil d’État transmettra à la fin 2020 un rapport intermédiaire indiquant probablement qu’il faut attendre 2022 et le débat au Grand Conseil se tiendra en 2021, soit une année avant le traitement du prochain rapport de prospective. » L’avancement des travaux de notre Parlement étant ce qu’il est, la situation est bien plus simple : le Conseil d’Etat peut répondre à ce postulat en même temps qu’il publiera son prochain rapport de prospective 2022. Cette réponse devrait constituer une orientation politique gouvernementale claire, basée sur ce fameux rapport de prospective. Il est indispensable que le Conseil d’Etat nous indique s’il a revu ses prévisions en matière démographique, s’il entend maintenir le cap ou non et pourquoi. Cas échéant, comment va-t-il pouvoir gérer la croissance démographique souhaitée ?

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

« Gouverner, c’est prévoir », mais au Grand Conseil vaudois, gouverner, c’est se voiler la face et mettre la tête dans le sable, en espérant que les choses se régleront par elles-mêmes. Je dois dire que je suis un peu catastrophé. Je tombe sur ce sujet auquel je n’ai pas réfléchi jusqu’à présent, mais il s’impose à moi, parce que quand Jérôme Christen pose une question, il y a un parfum de provocation, mais est-ce une provocation que de dire que nous augmentons d’environ 10’000 habitants par année dans ce canton ? Est-ce une provocation de dire qu’il faut 35 m² par habitant nouveau, en omettant de dire que l’on multiplie par deux cette surface pour tenir compte des équipements communautaires ? En effet, il faut des moyens de déplacement, d’instruction, de santé et autres. On arrive donc à 70 m² par nouvel habitant. Jérôme Christen parle de prendre des surfaces agricoles, mais c’est faux, puisque les surfaces d’assolement (SDA) ont été sacralisées et que l’on ne peut pas y toucher, même pas pour faire une piste cyclable. Alors que faisons-nous ? On densifie à grands coups de slogans : on construit la ville en ville. Pas de problème, mais – je le vois à Lausanne – à chaque fois qu’il y a une mise à l’enquête, le slogan est toujours le même : densifier oui, mais pas devant ma fenêtre. Si nous ne sommes pas capables, pour des raisons « politiquement correct », de pouvoir réfléchir un tout petit peu où nous mène cette politique d’augmentation et de densification de la population, si nous n’avons pas le courage d’empoigner ces questions et d’esquisser des pistes, qui le fera ? Le café du commerce ? Merci, mais ça ne sera pas de bonne qualité.

A titre personnel – je n’en ai pas parlé avec mon groupe – il me saute aux yeux que nous devons renvoyer le postulat de Jérôme Christen au Conseil d’Etat.

M. Yves Ferrari (VER) —

Ce postulat a quelque chose d’intéressant, non pas en termes du nombre de personnes que nous pouvons accueillir – je reste persuadé que, dans l’immédiat, nous pouvons encore accueillir un certain nombre de personnes dans notre canton – mais il pose deux éléments au travers desquels il semble difficile de passer. Le premier concerne la notion de croissance absolue. Si l’on peut encore aujourd’hui s’interroger sur le nombre de nouveaux habitants que nous pouvons accueillir, il faut aussi se poser la question suivante : pendant combien de temps ? Aux yeux des Verts, il importe aussi que cette population soit accueillie sur une surface déterminée, avec des ressources qui ne sont pas infinies. C’est bien là que réside l’enjeu de ce postulat : ce n’est pas le nombre de personnes que nous pouvons accueillir, mais comment nous allons partager ces ressources.

Les Verts se sont toujours montrés opposés à une limitation de la croissance de la population, mais cela nous amène d’autant plus à réfléchir à la manière dont nous pouvons partager ce que nous avons et qui est limité, aussi bien dans l’espace qu’en termes de ressources. C’est pour cette raison que j’ai voté le renvoi de ce postulat au Conseil d’Etat, sachant que, comme l’a dit notre collègue Jérôme Christen, on se rend bien compte aujourd’hui qu’il peut y avoir une réponse à ce postulat qui sera donnée dans le cadre du prochain rapport sur la prospective qui arrivera en 2022. C’est bien pour savoir comment le Conseil d’Etat entend orienter l’intérêt général de la population à devoir plus partager, parce que nous continuons à accueillir de la population sur notre territoire vaudois, sans quoi nous courons nécessairement vers des conflits sociaux ou autres, comme cela est indiqué dans ce postulat. Ces réponses à la question suivante pourraient également être données dans le cadre de ce rapport : comment faire en sorte que la population accepte de mieux partager ? M. Chollet l’a dit, c’est un problème de mètres carrés, un problème de partage des ressources. Il a cité le slogan « pas devant ma fenêtre », en anglais on dit « not in my backyard » : on est toujours d’accord tant que ça ne nous concerne pas. Aujourd’hui, il faut que la population prenne conscience que si nous souhaitons continuer à aller dans ce paradigme, il va falloir faire un effort.

A cet égard, pour que nous puissions trouver les meilleures pistes et de ne pas devoir affronter des conflits trop importants, je vous encourage à soutenir le renvoi de ce postulat au Conseil d’Etat.

M. Stéphane Masson (PLR) —

Le postulant, de façon légitime, demande quelles mesures nous pourrions prendre pour maîtriser la croissance démographique, et ce, sous son angle qualitatif, dans un esprit de développement durable, sans s’en prendre à l’immigration et tout en reconnaissant que la problématique va au-delà du canton de Vaud et même de notre pays. Je pense que M. Christen pose un certain nombre de bonnes questions, sans toutefois y apporter des solutions, mais ce n’est pas le but de sa démarche. Face à cette difficulté, faut-il baisser les bras ? Non, bien sûr, et le Conseil d’Etat nous le rappelle à travers une série de mesures et d’études décrites dans le rapport de la commission.

Dans ces circonstances, je m’en remettrai à la position du Conseil d’Etat et ne soutiendrai pas ce postulat, mais j’aimerais toutefois invoquer ici la piste suivante, une piste teintée de responsabilité individuelle et allant au-delà de toute mesure étatique ; elle est applicable non seulement à notre canton, mais à notre planète entière : sachant que le prédateur écologique numéro un est l’être humain, cessons de nous reproduire et de nous multiplier à tout-va et restons en haut chiffre naturel de deux, à savoir celui du couple. Pas de croissance, pas de décroissance, ainsi pourrons-nous gérer efficacement notre environnement.

M. Pierre Dessemontet (SOC) —

Historiquement, avant les grandes vagues de croissance de la population depuis la Deuxième Guerre mondiale, ce canton comptait entre 200’000 et 300’000 habitants. Quand je suis né, il y a exactement un demi-siècle, il en comptait tout juste 500’000. Actuellement, il compte environ 820’000 habitants, cela signifie que l’on a gagné 300’000 habitants en un demi-siècle. La perspective prise en compte par l’Etat de Vaud dans la manière dont il planifie le déroulement des vingt prochaines part du principe que cette croissance va se poursuivre et peut-être atteindre le million d’habitants dans un quart de siècle à peu près.

La question posée dans ce postulat est de savoir si c’est quelque chose que nous choisissons et que nous choisissons de manière parfaitement souveraine. J’ai un peu le sentiment, lorsqu’on regarde la manière dont la croissance démographique et économique de ce pays s’est produite durant le dernier siècle, que cette croissance dépend de facteurs qui sont largement hors de portée et du contrôle de ce Grand Conseil ou du gouvernement du canton de Vaud. On le voit bien, les poussées démographiques ont eu lieu à des moments de grande croissance économique. On a vu aussi que lorsque des périodes de récession économique se produisaient, cette croissance s’arrêtait. On a notamment très bien mesuré ce phénomène dans les années 90 : pendant une dizaine d’années, le pays n’a pratiquement pas gagné de population. Ces paramètres, dont l’économie dans laquelle nous vivons est extrêmement intégrée à l’économie extérieure, ne dépendent évidemment pas forcément de nous. Il y a quelque chose de dérangeant dans l’idée de dire que c’est au canton de choisir souverainement combien d’habitants il va avoir dans 10 ou 20 ans. Je ne pense pas que cela doit se passer de cette manière ; je pense que notre rôle – et c’est ce que fait l’organe de prospective, dont vous savez toutes et tous et je suis un fervent défenseur depuis que je siège dans ce Grand Conseil – est d’imaginer à quoi peut ressembler le futur. Est-ce que nous allons effectivement continuer à enregistrer une croissance économique et démographique ? Jusqu’à quand ? Et jusqu’où va-t-elle nous mener ? A partir de ce postulat, de dessiner des futurs possibles. C’est là que la question se pose à nous : à partir du moment où l’on enregistre des mouvements, qu’ils soient démographiques ou économiques, sur lesquels nous n’avons qu’une prise relativement partielle, qu’allons-nous en faire ? Cela déjà été dit, il s’agit notamment de la question de savoir si nous devons gérer ce phénomène par la densification ou par l’étalement urbain. Pendant quelques décennies, on a géré ce problème par l’étalement urbain, mais on cherche désormais à le gérer de manière beaucoup plus concentrée sur certains territoires. La question est de savoir si nous gérons cette situation en renforçant la protection des sols et de l’environnement – c’est le fameux débat autour des SDA qui viennent d’être citées – ou si nous y allons par consommation des ressources. Ce sont de vrais débats politiques que nous pouvons avoir. Malheureusement, le postulat ne met pas vraiment l’accent sur ces questions, mais uniquement sur le paramètre démographique. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de refuser le renvoi de ce postulat au Conseil d’Etat.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Je n’ai rien contre le fait qu’une réflexion soit menée sur l’impact de la croissance démographique dans notre canton, mais j’aimerais quand même vous mettre en garde, comme l’a fait M. Dessemontet, contre certains traits de ce postulat, contre certaines affirmations que je trouve trop caricaturales, notamment sur la problématique de la densification. Dans ce postulat, on a l’impression que la densification est forcément synonyme de bétonisation et de construction de blocs d’immeubles sans âme. Or, si vous regardez la réalité des quartiers denses, il n’y a pas du tout d’opposition entre qualité de vie et densité. Pour prendre l’exemple de la ville de Lausanne – un exemple mentionné par M. Chollet et que je connais aussi un peu – l’un des quartiers les plus denses de la ville et même du canton est le quartier Sous-Gare, un quartier très recherché par les habitants et où la qualité de vie est généralement considérée comme bonne. Une densification peut donc tout à fait s’accompagner de nombreux espaces verts et d’une ville qui respire.

D’autres éléments de ce postulat me heurtent un peu, par exemple le lien direct qui est fait, sans grand argument, entre la croissance démographique et une augmentation de l’incivilité. Je ne vois pas pourquoi une région plus peuplée serait forcément une région dans laquelle il y aurait davantage d’incivilités. On peut prendre l’exemple du canton de Zurich qui est extrêmement dense dans son centre et qui est plus peuplé que le canton de Vaud : à ma connaissance, il n’y a pas un taux de criminalité plus élevé que dans le canton de Vaud. Pour moi, la question de fond n’est pas celle de la croissance démographique. Une croissance de 1 % par année n’est pas un problème en soi, mais il faut bien sûr, en parallèle, accompagner cette croissance démographique d’un tournant écologique réellement conséquent, fondé notamment sur le développement des transports publics, la piétonnisation des centres-villes, le développement d’espaces verts qui passe aussi par le fait de retirer le béton de certains espaces pour les reperméabiliser et renaturer. Cela passe aussi par une densification qui tient compte de l’avis des habitants et qui inclut de réelles démarches participatives. A mon avis, tous ces éléments devraient figurer dans une réflexion sur la croissance démographique. Comme ils ne figurent que très peu dans le postulat qui nous est soumis, je ne vais pas le soutenir, parce que je pense qu’il présente une vision trop unilatéralement négative de la croissance démographique.

M. Jérôme Christen (LIBRE) —

M. Dessemontet a raison, il est difficile d’influer sur la démographie si on veut éviter des mesures contraignantes qui sont inimaginables dans un pays libéral – au sens noble du terme – mais on peut y arriver par le ciblage de la promotion économique sur le plan quantitatif et qualitatif. C’est ce à quoi je fais allusion de mon postulat. Lorsque nous avions traité du postulat de notre collègue Despot, j’avais cité nombre de projets immobiliers contestés dans tous les districts, ce qui montrait bien que la population n’était pas prête à accepter les conséquences d’une croissance démographique. Quelques années plus tard, la situation n’a pas changé : Epalinges a tiré le frein à main face à la densification en refusant le plan de quartier du Closalet. A Lausanne, la municipalité sous pression a été contrainte d’établir une zone réservée dans la campagne de Rovéréaz pour empêcher la construction de trois immeubles très contestés. A Tolochenaz, il y a eu le refus du projet Sud-Village et la crise politique qui s’en est suivie. Cossonay a décrété une zone réservée au centre de son village. Et on peut encore citer le plan de quartier En Chise à Crissier – notre collègue Rezso en a fait les frais – qui a provoqué une levée de boucliers du groupe « Sauvegardons Crissier » qui a fait une arrivée tonitruante en remportant plus d’un quart des sièges au Conseil communal, il y a quelques semaines.

Aujourd’hui, on peut considérer que la plupart des plans de construction font l’objet d’oppositions collectives de poids. Certains vont pouvoir passer, parce qu’ils sont peut-être plus acceptables ou plus intéressants sur le plan qualitatif, mais il y a une forte résistance, avec comme conséquence inévitable une pression sur le logement. Bien sûr, si nous devenions tous des citoyens exemplaires, capables de vivre selon le mode zéro déchet, sans véhicule à moteur, nous resterions toujours des consommateurs qui participent malgré tout à l’épuisement des ressources naturelles. Le débat que nous avons eu récemment au sujet de la colline du Mormont est emblématique : on aimerait préserver les sites naturels, mais nous avons besoin de matières premières pour la construction. La fameuse Birette dont on a beaucoup parlé ces derniers mois doit permettre de fournir 2,8 millions de mètres cubes de calcaire. Pourquoi ? Pour assurer la croissance démographique romande et ses infrastructures. Si ce n’est pas le béton, c’est le bois ou d’autres ressources qui ne sont pas non plus illimitées. Comme, en Suisse, nous sommes incapables de transformer du bois de feuillus – je souligne qu’on le fait venir de Chine ou d’ailleurs – nous avons du souci à nous faire.

En matière énergétique, les obstacles se multiplient aussi avec le rejet des éoliennes. Il y a eu un petit sursaut, cela semble repartir, mais dans le domaine de la géothermie et du solaire, il y a aussi énormément de résistance. Aujourd’hui, nous devons nous préoccuper de cette question. Bien sûr, c’est ce que fait la Commission de prospective, mais j’ai le sentiment qu’elle ne nous apporte pas les bonnes réponses. C’est pour cela qu’il faut titiller le Conseil d’Etat en lui demandant des réponses beaucoup plus claires, même si elles sont peut-être difficiles à admettre et que, à un moment donné, il va falloir faire un effort très important pour cadrer et cibler la promotion économique, parce que c’est là que réside le nœud du problème.

M. Pascal Broulis — Conseiller-ère d'État

Je vous encourage à refuser ce postulat qui faisait suite à un texte de Mme Despot. Comme M. Buclin l’a dit, dans ce texte, il y a beaucoup de choses qui dérangent. Aujourd’hui, la question qui se pose est la suivante : voulons-nous vivre dans un pays qui continue à être ouvert, donc avec une faible limitation possible de l’augmentation de notre population, ou voulons-nous fixer des critères de limitation ? La semaine dernière, je vous ai déjà expliqué que certains ne voulaient pas de panneaux solaires, de panneaux photovoltaïques, sans un examen préalable en lien avec le paysage. Ce sont les mêmes qui ne veulent pas des éoliennes, qui ne veulent pas de barrage, qui veulent classer les forêts et ne pas couper le bois, qui ne veulent pas qu’on touche au Mormont. Nous commençons à inventorier tout cela. Vous aurez une vision assez claire dans le cadre du débat sur la prospective.

Je vous donne quelques chiffres sur lesquels je vais vous attendre : dans trois semaines, je fais une nouvelle conférence de presse sur les perspectives démographiques. Nous franchirons le million d’habitants dans le canton de Vaud en 2040 environ, donc demain. Je n’ai pas de problème avec ceux qui ne veulent pas d’un million d’habitants ou qui sont favorables à Ecopop. Néanmoins, votre vote de tout à l’heure sera important, parce que c’est ce qui est posé dans ce postulat. M. Masson a raison : il ne faut pas soutenir des politiques natalistes, puisque même à 2000 Watts, un être humain consomme, donc il pollue. Il faut de la cohérence dans l’action. Je me réjouis de voir ce que vous direz. Tous les cinq ans, nous refaisons le travail, nous sortons les perspectives – et non pas la prospective – démographiques : à l’horizon 2040, le canton de Vaud comptera un million d’habitants.

Par ailleurs, nous sommes l’un des cantons qui a la pyramide des âges la plus jeune de Suisse. Monsieur Christen, ce n’est pas une question de promotion économique. Les jeunes en formation – à l’Université, dans des écoles professionnelles ou en formation continue – souhaitent un débouché économique après leur formation. Comme nous avons environ 20 % de la population qui est en formation dans le canton, il faut lui assurer un emploi. Cela va de pair. Aujourd’hui, la population estudiantine dans le canton est l’une des plus jeunes de Suisse. C’est aussi notre responsabilité de savoir où on la localise, ce que l’on fait avec elle : est-ce qu’on lui offre des débouchés professionnels ou est-ce qu’on veut une paupérisation et exporter notre main-d’œuvre, comme la Suisse et le canton de Vaud en particulier le faisaient il y a à peu près 150 ans ?

Votre vote de tout à l’heure sera important : c’est un vote pour ou contre la croissance démographique. Le Conseil d’Etat continuera à faire des rapports de prospection. La question est simple : voulons-nous ou pas enregistrer une croissance démographique utile à avoir la pyramide des âges la plus jeune possible et garantir du travail pour nos enfants ? M. Masson a raison : c’est la question qui se pose à vous. L’autre question est de savoir si vous voulez une limitation. Ces questions viendront naturellement. Lorsqu’on bloque les gens, lorsqu’on met trop d’impôts, des sanctions, lorsqu’on interdit de plus en plus... En 1968, l’adage était « il est interdit d’interdire », aujourd’hui je crois que c’est « il est permis d’interdire » : pas de pesticides, pas de ceci, pas de cela…

Comme l’a fait la majorité de la commission, je vous encourage à refuser ce texte et à garder un canton xénophile, ouvert, en croissance démographique utile à la cohésion de ce canton entre les personnes qui vieillissent, celles qui travaillent et celles qui sont sur les bancs d’école. Au nom du Conseil d’Etat, je vous encourage à classer ce texte.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération du postulat par 80 voix contre 44 et 10 abstentions.

M. Stéphane Masson (PLR) —

Je demande un vote nominal.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 députés.

Si vous acceptez le postulat, vous votez oui, si vous le refusez, vous votez non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, le Grand Conseil refuse la prise en considération du postulat par 90 voix contre 37 et 6 abstentions.

* insérer vote nominal

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :