Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 31 août 2021, point 14 de l'ordre du jour

Texte déposé

Le Grand Conseil demande au Gouvernement Vaudois de prendre expressément toutes les mesures afin de réguler l’importante présence de loups sur notre territoire et de garantir aux éleveurs la totalité des dédommagements inhérents à ce prédateur,soit la protection des troupeaux,les pertes animales et tous les travaux supplémentaires liés à ce carnivore.

José Durussel .

Transcriptions

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M. José Durussel (UDC) —

Le titre de ma résolution résume les problèmes de la présence de ce prédateur sur notre territoire : « Les loups ; une situation devenue incontrôlable ? ». C’est une réalité. Suite aux trop nombreuses attaques subies dans la région du Marchairuz-Vallée de Joux, cet été a été très difficile et stressant pour passablement de bergers et éleveurs. Le développement de ces meutes ne fait que commencer. En effet, il faut s’attendre à des attaques lors des prochaines saisons sur toute la chaîne du Jura vaudois, de la Dôle au Creux-du-Van. Il s’agit d’une source d’inquiétude et de tensions très présente sur les alpages de ces régions. Il est actuellement incompréhensible qu’en cas d’attaque sur des bovins ou des moutons, on n’assure pas les dédommagements sous prétexte de manquements dans les mesures de protection, que ce soit avec des chiens ou des clôtures. La protection des troupeaux à l’aide de chiens – les Patous qui sont très connus – est onéreuse. Cela crée d’innombrables conflits avec les touristes et prend un temps considérable aux bergers. Pour les bovins, il n’y a pas de chiens pour les protéger et on propose de les rentrer la nuit ou de créer des parcs supplémentaires autour des chalets et différents pâturages. Il s’agit d’un énorme travail et, d’un point de vue sanitaire, cela ne tient pas la route. Réduire les bovins la nuit n’est pas le but de l’estivage. C’est un travail pénible et astreignant pour ces bergers et éleveurs.

Il faut que le public et les citoyens sachent que la présence de ces loups est totalement volontaire. Je dispose d’un rapport sur le Plan d’action pour la conservation du loup et le ré-ensauvagement de nos contrées. Ce rapport explique tout. Au point 4.9 de la page 40, il y a un petit paragraphe très intéressant sur les buts recherchés dans la réintroduction du loup dans nos contrées que je souhaite vous lire : « Assurer la rentabilité économique des loups. Les environnementalistes invoquent trois raisons principales : philosophique, écologique et sociologique pour conserver la population de loups ou encourager le retour des loups en Europe. Cependant, ces raisons ne sont pas souvent partagées par la population locale qui vit en permanence à proximité des zones naturelles. Afin de trouver de nouveaux moyens de rendre le loup plus acceptable aux yeux des agriculteurs locaux, il serait utile de souligner quelques-uns des avantages économiques pouvant découler de la présence du loup. Néanmoins, pour être efficaces, ces avantages économiques doivent représenter un profit pour l’ensemble de la collectivité et pas uniquement quelques habitants. En présentant les aspects positifs du loup, il est important d’expliquer les avantages potentiels pouvant découler de sa présence. Le tourisme, l’éco-tourisme en particulier, aura plus de chance de se développer et pourra donner lieu à une augmentation de l’emploi dans la région ». Pour moi, cette remarque est très inquiétante et, bien que n’ayant pas lu ce rapport dans son intégralité, je peux vous certifier que certaines rubriques vous font décoller de votre chaise et c’est navrant.

Au début du siècle passé, dans les districts des Préalpes vaudoises, on payait les gens pour abattre les loups. Et aujourd’hui on veut les réintroduire au détriment des activités pastorales… Si les alpages ne sont plus suffisamment pâturés, c’est la biodiversité qui en souffrira, avec notamment des problèmes d’avalanche, comme cela se passe déjà en France dans les Hautes-Alpes, dans la région de l’Alpe d’Huez où les stations de ski ferment gentiment leurs portes au-dessus de 2000m, là où la neige est naturelle... J’en ai terminé avec mon développement, mais je souhaite vous rappeler que la résolution n’est pas contraignante et je vous invite donc à l’accepter.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

Vingt membres appuient-ils cette résolution?

La résolution est soutenue par au moins 20 membres.

La discussion est ouverte.

M. Philippe Germain (PLR) —

Je déclare mes intérêts : je suis un amodiataire et éleveur dans la région du Marchairuz et suis donc directement concerné par la problématique du loup. Il y a une dizaine de jours, j’ai participé à la séance organisée par les services de l’Etat qui avaient convoqué les agriculteurs et éleveurs des alpages du Jura vaudois pour les informer de la situation du loup dans la région. Plusieurs de nos collègues – y compris certains dont le bétail a subi des attaques – ont eu le sentiment d’être démunis face à cette problématique. Il y a une année encore, nous étions persuadés qu’il y avait suffisamment de gibiers pour nourrir la meute et que celle-ci ne s’attaquerait pas aux troupeaux de bovins. Or, force est de constater, une année après, que le comportement des loups a changé. Les services de l’Etat nous ont informés de leur suivi et des mesures déjà mises en place et prévues. Il nous semble malheureusement qu’ils sont dépassés par les événements et c’est pour cette raison que je soutiendrai cette résolution et que j’ai déposé cet après-midi un postulat demandant un rapport complet sur la situation actuelle et future.

M. Olivier Epars —

Comme cela arrive souvent, le postulat de M. Germain sera sûrement couplé à mon interpellation. Je souhaitais rebondir sur les propos de M. Durussel concernant l’éco-tourisme. A la fin des vacances, j’ai été marcher pendant une semaine dans le parc des Alpes-Maritimes italiennes, lesquelles jouxtent le parc du Mercantour, un des premiers endroits en Europe où le loup est revenu naturellement, il y a de cela plus de 20 ou 30 ans. Il est vrai que l’éco-tourisme lié aux loups constitue un joli business et c’est un aspect très positif de la présence du loup chez nous. L’éco-tourisme est de nature à créer des emplois en campagne et, à ce niveau-là, les éleveurs ou les personnes qui en sont proches pourront en tirer profit et bénéfice.

Par rapport à cette résolution, nous avons actuellement de l’argent, ce qui implique que nous pouvons payer, faire des recherches, protéger les troupeaux. Beaucoup de choses sont déjà faites et le Conseil d’Etat nous donnera des informations dans le cadre des réponses aux deux interventions susmentionnées. Il faut faire un maximum pour protéger ces troupeaux. J’approuve dès lors la deuxième partie de la résolution. En revanche, la première partie de la résolution me pose un petit problème. Si les mesures – c’est bien défini dans l’ordonnance sur la chasse du Conseil fédéral – de protection que l’on a essayées ne fonctionnent pas, c’est uniquement à ce moment-là qu’il faut prélever quelques loups. Je ne soutiendrai cette résolution que si M. Durussel est prêt à inverser les deux parties de sa résolution, c’est-à-dire d’abord de garantir une protection aux éleveurs et de payer les dégâts et, ensuite, la régulation du prédateur. Cette mesure doit venir en dernier ressort. Par ailleurs, je crois savoir qu’au Machairuz il y aurait un jeune loup ayant des comportements inconnus et qui serait déviant – je ne sais pas si c’est vrai – et il est important que si l’on tire un ou deux loups, on en connaisse le résultat. En effet, s’il n’y a aucun résultat sur le comportement du loup, cela ne sert à rien et il faut arrêter de les tirer. Je peux suivre la résolution pour autant que les deux parties de la phrase soient inversées, car il faut respecter une certaine priorité consistant à ne pas tirer les loups, mais à protéger les troupeaux, voire de ne plus mettre des veaux à l’alpage, mais il s’agit d’un problème annexe à la résolution.

M. Pierre-François Mottier (PLR) —

Je serai bref, car le temps presse. En effet, la gestion du loup a visiblement échappé à ceux qui prétendent le gérer et le défendre. La première série de mesures à prendre est de suivre la résolution de M. Durussel que je vous encourage à accepter. Je m’engage en outre devant ce Grand Conseil à offrir du travail à M. Olivier Epars, député, dès que le loup m’aura rapporté économiquement et touristiquement des revenus.

M. Sylvain Freymond (UDC) —

J’annonce mes intérêts : je suis agriculteur et j’estive une centaine de bêtes dans la région la plus touchée par ces attaques. Les éleveurs se sentent abandonnés et ce n’est pas en annonçant des mesures irréalisables à mettre en place dans les alpages que ce sentiment va s’améliorer. Les observations du loup dans les villages du Pied du Jura sont de plus en plus nombreuses. Que va-t-il se passer quand les animaux seront descendus de l’alpage ? Les loups vont-ils déménager en plaine pour passer l’hiver ? La communication des différents services du canton a souvent mentionné des attaques de veaux. Toutefois, dans la réalité, ce n’est pas toujours le cas, puisque des bêtes de plus d’une année ont également subi des attaques. Les troupeaux ayant subi des attaques sont beaucoup plus nerveux et agressifs. La question de la responsabilité des éleveurs, en cas d’accident avec les promeneurs notamment, doit être clarifiée. C’est la raison pour laquelle je déposerai également un objet allant dans ce sens.

M. José Durussel (UDC) —

Je souhaite répondre à M. Epars. Dans la région de la Vallée de Joux, nous avons un magnifique parc situé au col du Mont d’Orzeires, dont j’ignore malheureusement la date de création. Ce parc abrite même des ours et il est magnifique, bien entretenu. Des écoles peuvent le visiter, discuter, voir le loup avec des explications très complètes. Ce parc me semble suffisant dans un espace somme toute réduit. Le Jura vaudois n’est pas le Jura ou les Alpes-Maritimes, régions où il y a déjà des ours. A long terme, les alpages seront désertés, les loups auront au moins de l’espace et ils pourront définitivement nettoyer tout ce qui reste.

En ce qui concerne la régulation, nous avons appris ce matin par le biais de la presse que les tirs avaient été autorisés. Toutefois, il faut lire la dernière colonne : il y aura encore une publication dans la Feuille des avis officiels (FAO) et un délai pour formuler des oppositions. Cet automne, pas un seul loup ne sera donc retiré de la meute, le temps n’étant pas suffisant. Il faut aussi savoir qu’à la fin du mois de septembre, une bonne partie des alpages sera en plaine, la saison – les mois de septembre-et d’octobre – étant propice à ce retour.

Il y a de nouveau une incohérence et un manque de rapidité, raison pour laquelle ma résolution indique « expressément ». Il aurait fallu intervenir début juillet, c’est déjà trop tard. Les loups vont se retirer, mais avec notre climat de plus en plus clément, ils passent des hivers relativement tranquilles dans le Jura et ils se reproduiront facilement pour enfin augmenter la meute et se déplacer en direction de l’est du Jura vaudois. Dire qu’il faut rétribuer avant de réguler est donc totalement faux. Je ne modifierai dès lors pas ma résolution.

M. Yvan Pahud (UDC) —

Je souhaite également réagir aux propos tenus par notre collègue Epars, lesquels me surprennent venant d’un amodiateur. En indemnisant les éleveurs, cela règle le problème. Toutefois, partir du principe que l’argent compense tout, c’est montré peu de respect vis-à-vis des éleveurs de bétail. Je ne suis donc pas d’accord. En outre, je m’oppose à la proposition indiquant qu’il faut tirer deux loups et si cela ne résout rien, arrêter de les tirer. Monsieur Epars, si on en tire deux et que cela ne suffit pas, il faut en tirer plus. Voilà une solution concrète et réalisable.

M. Olivier Epars —

Je n’ai pas déclaré d’intérêts, puisque je n’en ai pas. Je suis en effet amodiateur sur France et j’ai un alpage familial que je gère, soit 130 hectares. Nous avons une quarantaine de veaux. Ce ne sont pas mes bêtes, mais je les prends en pension. Je n’ai jamais dit que l’argent résoudrait tout, mais qu’il fallait faire un maximum pour protéger le bétail et cela coûte de l’argent, d’où un paiement. Il ne s’agit en aucun cas de donner de l’argent aux gens sans contrepartie, mais bien de protéger, mettre des clôtures, des chiens et plus de bergers. In fine, s’il le faut, on tire un ou deux loups. Si vous souhaitez tuer tous les loups de la République, allez-y... Toutefois, pour le moment et depuis le mois de novembre de l’année passée, le loup est protégé par le peuple.

M. Didier Lohri (VER) —

Je soutiens mon collègue Epars et je réagis aux propos tenus par M. Durussel ainsi que par d’autres personnes. Ils admettent eux-mêmes qu’il est trop tard. La proposition de notre collègue Epars vise à inverser les priorités et cela semble assez opportun, vu le climat émotionnel de cette discussion par rapport au loup. Vous admettez vous-mêmes que, fin septembre, il n’y aura plus de bétail sur les alpages et que l’on peut tout mettre en œuvre, en collaboration avec le parc jurassien, de telle façon qu’il y ait une synthèse de la situation. Si la procédure veut qu’il y ait des tirs, il n’y a pas de problème, mais nous ne devons pas sombrer dans les excès en indiquant qu’il faut tous les tuer, etc. Il est important de prendre le temps de réfléchir, d’arriver avec des mesures concrètes pour la prochaine saison d’alpage, puisque le coup, si j’ose le dire, est déjà parti et il faut également s’accorder entre les agriculteurs et les milieux qui défendent des loups, de telle façon que la prochaine saison d’alpage se passe au mieux avec une formation pour les bergers et une autre pour tous les autres intervenants. Il faut éviter de faire peur aux gens en évoquant la possibilité de déplacer des sentiers pédestres pour éviter le loup. Lorsqu’il y a des rave party, cela va partout et il n’est pas indispensable d’activer les choses. Il faut donc aller dans le sens de la proposition de M. Epars, soit modifier l’ordre de la résolution car, de toute façon, ce sera pour le printemps prochain.

Mme Béatrice Métraux — Conseiller-ère d’Etat

Je vous remercie pour les propos tenus concernant cette problématique difficile qu’est l’installation des meutes de loups dans ce pays. Je souhaite avant toute chose exprimer plusieurs considérations. Un député a indiqué que l’Etat avait invité des éleveurs la semaine dernière ; or, cela n’est pas le cas. En effet, c’est bien l’organisation Prométerre qui a invité l’ensemble des éleveurs et nous avons été invités comme vous, monsieur le député, et nous avons pu faire valoir nos propositions. Nous étions toutefois des invités et nous n’étions pas à l’origine de l’organisation de cette séance.

Concernant la prise en charge des coûts du bétail attaqué, le canton a financé et continuera à financer le dédommagement complet, si le décès est clairement imputable au loup. Pour répondre à M. Durussel, le département n’a jamais indiqué qu’il n’y aurait pas d’indemnisation en raison de manque de mesures. Il s’agit peut-être d’une mauvaise compréhension de votre part, monsieur Durussel, car nous continuerons à indemniser.

Pour la publication dans la FAO, je vous rappelle qu’il s’agit d’une décision administrative que je vais devoir prendre. En effet, il doit y avoir publication pour notification. Nous publierons donc vendredi, il s’agit du premier délai utile. Du reste, le canton du Valais va faire exactement la même chose que nous, en publiant, le même jour, dans la FAO, la décision. Nous n’avons pas accordé d’effet suspensif ; autrement dit, dès publication, la décision entre en force. Nous avons demandé à Berne l’autorisation de tirer dès que nous avons eu la preuve des dégâts causés par le loup, d’autres dégâts ne provenant pas de ce dernier. Dès que nous avons eu toutes ces preuves, nous avons aussitôt demandé à Berne l’autorisation de tirer. Nous avons donc fait diligence. Que veulent la Confédération, l’ordonnance et la loi ? Cette dernière indique très clairement, soutenue par l’ordonnance et le rapport explicatif du 15 juillet 2021 que je vous invite à lire, qu’avant d’autoriser le tir du loup, la Confédération exige que l’on prenne des mesures particulières pour protéger les alpages. Nous agissons dans le cadre légal fixé par la Confédération et nous ne pouvons pas décider par nous-mêmes de tirer tous les loups, d’éradiquer les meutes. Non, il y a un cadre légal fédéral qu'il convient de respecter.

Enfin, nous prenons déjà beaucoup de mesures et nous vous les expliquerons dans les réponses aux diverses interpellations et postulats qui vont être déposés. Nous avons renforcé et financé le monitoring du loup dans le Jura pour suivre ses déplacements et nous collaborons avec la fondation Landry notamment. Nous avons développé une application informatique pour informer par SMS les éleveurs en cas de loup observé. Nous avons testé et financé la mise en place d’un parc de nuit. On peut être pour ou contre, cela vous appartient, mais nous finançons et testons ces mesures. Nous sommes actuellement en train de financer la sécurisation d’un parc entier, il s’agit du projet pilote du Grand-Plat de vent de deux hectares.

Pour la prévention des élevages d’ovins et de caprins – je l’avais déjà évoqué lors de notre dernière discussion sur le loup – il y a eu une réunion entre l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), le vétérinaire cantonal et la Direction générale de l’environnement (DGE) le 27 août dernier. Cela est très récent et cette réunion a permis de débloquer la question du placement de chiens de protection des troupeaux dans les alpages vaudois. L’évolution du comportement des troupeaux vis-à-vis des promeneurs constitue un vrai problème sur lequel nous n’avons que peu de prise par rapport à la responsabilité de l’agriculteur. Cette question des chiens est donc résolue et je m’en réjouis.

Nous avons reçu l’autorisation de Berne de tirer deux jeunes loups. Nous verrons bien les conséquences de ce tir et nous n’allons pas attendre l’hiver prochain pour répondre à l’inquiétude des éleveurs. Toutefois, comme cela est indiqué dans le communiqué de presse, nous devons prendre en considération le fait que le loup est une espèce protégée et la Confédération demande que nous prenions des mesures de protection avant le tir de régulation. Nous agissons dans le cadre légal, et ce dans l’intérêt de tous.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

La résolution est adoptée par 67 voix contre 58 et 8 abstentions.

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