Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 25 mai 2021, point 11 de l'ordre du jour

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Objet

Rapport Commission 20_MOT_137_ Motion Etienne Räss et consorts - Pour que la prospective soit plus qu'un prospectus du Conseil d'Etat

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Mme Muriel Thalmann (SOC) — Rapporteur-trice

La motion demande d’élargir la composition de la Commission de prospective sans augmenter pour autant le nombre de membres ; il est proposé d’y intégrer les milieux artistiques, culturels, associatifs, économiques et sportifs ainsi que deux membres de la société civile, tirés au sort.

M. le conseiller d’Etat rappelle que le Conseil d’Etat s’est engagé à élargir la composition de la Commission de prospective pour la prochaine législature en 2022 et qu’il n’est donc pas favorable à cette motion. Il relève :

-        que la Commission de prospective laisse actuellement une large place aux milieux académiques et que la composition actuelle permet de rallier les acteurs et de conserver un équilibre entre les mécanismes institutionnels ;

-        que la Commission de prospective peut s’entourer des compétences requises en fonction des thèmes à traiter, qu’elle peut confier des mandats de recherches ou procéder à des auditions ;

-        qu’il existe une section « prospective et aide à la décision » au sein de Statistique Vaud qui livre les données nécessaires à l’analyse prospective et que Statistique Vaud coordonne la Commission de prospective ;

-        que le Conseil d’Etat prend connaissance non seulement du rapport de prospective, mais aussi des programmes des partis politiques, ce qui lui permet de capter les principaux signaux ;

-        que ses différents échanges avec les députées et députés s’apparentent à de la prospective et que ces derniers représentent les différentes couches de la société ;

-        qu’une réduction du nombre de représentants du Conseil d’Etat à deux personnes poserait problème, les départements participant en fonction des défis du moment et qu’une réduction du nombre de représentants du Conseil d’Etat pourrait avoir pour conséquence d’exclure le conseiller d’Etat en charge de Statistique Vaud, qui perdrait ainsi une de ses prérogatives.

Pour certains membres de la Commission, la composition actuelle est déséquilibrée et monocolore, les professeurs et les recteurs étant issus plus ou moins du même milieu ; ils estiment que la délégation du Conseil d’Etat est trop importante, au vu de leurs agendas chargés, et qu’il conviendrait d’accroître l’intelligence collective et la créativité, ainsi que d’élargir la vision.

Pour d’autres, les propositions formulées par le motionnaire ne sont pas adéquates pour les raisons suivantes :

-        la temporalité, cette discussion devant avoir lieu dans le cadre de la constitution de la prochaine Commission de prospective ;

-        les difficultés liées à la définition et à la délimitation des cercles proposés par le motionnaire ;

-        la mise à mal de la cohésion de la commission, un élargissement aux différentes corporations risquant d’ouvrir la porte aux lobbyistes et d’intégrer des membres représentant des intérêts plus restreints, ce qui renforcerait les clivages et les divisions ;

-        l’inadéquation avec l’objectif recherché, la commission ayant pour rôle d’orienter le Conseil d’Etat et d’établir une feuille de route pour la politique à venir ;

-        son scepticisme quant aux avantages apportés par le tirage au sort.

M. le conseiller d’Etat s’engage à intégrer un chapitre consacré à l’analyse et au bilan de la composition de la Commission de prospective 2017-2022 dans le prochain rapport de la Commission de prospective et de venir avec une proposition permettant de rééquilibrer sa composition tout en évitant les antagonismes.

Au vu de ce qui précède, le représentant du motionnaire accepte de transformer la motion en postulat, et de la modifier comme présenté dans le rapport.

La commission recommande au Grand Conseil de prendre partiellement en considération la motion transformée en postulat par 4 voix pour, 3 voix contre et 0 abstention et de la renvoyer au Conseil d’Etat. Il y a une petite erreur dans le rapport : il s’agit bien de renvoyer ce postulat au Conseil d’Etat.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Pour la bonne forme, je confirme qu’il s’agit d’un postulat et que les postulats portent sur une compétence propre ou déléguée du Conseil d’Etat. Si vous veniez à adopter cette motion transformée en postulat, un renvoi au Conseil d’Etat s’imposerait.

La discussion est ouverte.

M. Léonard Studer —

(remplaçant M. Etienne Räss, ancien député) Je suis amené aujourd’hui à remplacer le motionnaire, notre ancien collègue Etienne Räss, qui a renoncé à sa fonction de député afin de se consacrer à son nouveau rôle de jeune papa. Je l’ai eu au téléphone hier soir et, en premier lieu, je vous transmets ses salutations. Je vous communique également qu’il a pris connaissance du rapport de la commission et qu’il salue le fait que nous puissions traiter de cette problématique et que le Conseil d’Etat aborde le questionnement d’une composition mieux réfléchie pour cette Commission de prospective.

Pour mémoire, Etienne Räss et les autres motionnaires demandaient au Conseil d’Etat de proposer au Grand Conseil une modification de la Loi d’organisation du Conseil d’Etat. Cette proposition de modification concerne la composition de la Commission de prospective, comme l’a dit la présidente de la commission. Je vous rappelle aussi que, au début de l’année 2020, il nous avait fallu trois débats pour simplement ratifier la composition de la dernière Commission de prospective. Le souci principal du Grand Conseil était lié, non pas aux compétences des membres scientifiques ou académiques de cette commission, compétences qui étaient reconnues, mais à la trop grande proximité de ces commissaires avec l’Etat de Vaud. Cette trop grande proximité ne nous paraît pas judicieuse pour une Commission de prospective qui doit, de par sa nature même, penser hors des chemins battus et rebattus et trop bien connus par les politiciens et les grands décideurs des institutions étatiques. Les motionnaires proposaient un nouveau schéma pour la composition de cette commission, schéma qui faisait appel à des points de vue élargis, des éclairages originaux ou des réflexions nouvelles et non convenues.

Ceci étant dit, la commission qui s’est penchée sur cet objet a suivi le représentant du motionnaire et a opté pour une transformation de cette motion en postulat. Il est clair que la voie du postulat, en lieu et place d’une motion, est en quelque sorte moins contraignante, efficace ou rapide, mais en procédant ainsi, cela permettra au Conseil d’Etat de prendre connaissance du prochain rapport de la Commission de prospective qui intégrera une analyse et un bilan de sa composition. Le Conseil d’Etat pourra ensuite proposer au Grand Conseil une composition de la commission de prospective permettant le rééquilibrage souhaité. Comme il nous paraît préférable de faire évoluer la situation d’une manière constructive, je vous invite donc à soutenir cette motion transformée en postulat et à renvoyer ce dernier au Conseil d’Etat.

M. Alain Bovay (PLR) —

Le Conseil d’Etat respecte la Constitution vaudoise avec la mise en place de la Commission de prospective. C’est un fait. Il appartient au Conseil d’Etat de s’organiser en s’entourant des meilleures compétences. C’est le cas. Le tirage au sort de deux représentants de la société civile ouvre la porte aux lobbys qui, au travers des différentes corporations, pourraient casser une certaine cohésion de cette commission. Il est aussi important de donner de la liberté au Conseil d’Etat afin de sélectionner les membres adéquats pour cette commission, afin qu’elle puisse bien fonctionner. Au nom du groupe PLR, je vous recommande de classer ce postulat.

M. Jérôme Christen (LIBRE) —

Je m’exprime au nom de notre collègue Circé Fuchs qui est absente aujourd’hui et au nom du groupe des LIBRES. Il y a environ 16 mois, nous avions déjà débattu de la composition de la Commission de prospective, mais ce n’était pas la première fois que ce débat avait lieu au sujet des membres de cette commission. Pourquoi cela ? Il y a deux arguments principaux : d’une part, une surreprésentativité du Conseil d’Etat et, d’autre part, une composition monochrome composée des personnalités des hautes écoles. Bien que nous comprenions les craintes et les arguments du motionnaire, nous n’étions pas prêts à suivre cette motion pour diverses raisons. Tout d’abord, nous ne comprenions pas pourquoi tirer au sort dans la population et comment mettre cela en place. Devrait-on présélectionner des personnes ? Cela reviendrait à annuler l’aspect du tirage au sort. Nous ne comprenions pas très bien non plus comment les cinq membres issus des milieux associatifs, culturels, artistiques, économiques et sportifs allaient être choisis ; pourquoi ces milieux et pas d’autres et comment ces milieux non interconnectés auraient pu se mettre d’accord pour choisir leurs représentants. Ainsi, cette idée du tirage au sort pour deux membres de la société civile et l’idée, bien que très noble, pour les cinq autres membres ont freiné notre acceptation de cette motion. Cependant, lors des travaux de la commission, cette motion a été transformée en postulat avec l’accord de son auteur. Les conclusions ont aussi été modifiées. Nous allons donc accepter le renvoi de ce postulat au Conseil d’Etat. Cependant, nous émettons un sérieux doute sur l’équilibre des genres. En effet, bien que nous comprenions la volonté du postulant, nous ne voudrions pas que des candidatures soient écartées par le simple fait que ce genre est déjà trop représenté au sein de la commission. En effet, dans la composition de cette commission, ce sont des rôles et des profils particuliers qui sont membres et non des genres féminins ou masculins. Ainsi, pour nous, l’important est que le Conseil d’Etat nous fasse parvenir le bilan prévu de cette commission. Si nous acceptons le renvoi de ce postulat, c’est pour permettre de mieux réfléchir et de développer la composition de cette commission pour qu’elle soit la plus représentative possible de notre société. Les LIBRES vous recommandent donc de renvoyer ce postulat en émettant un doute sur le juste équilibre entre les genres.

M. Olivier Petermann (PLR) —

Sachant que chaque parlementaire de ce plénum représente les différentes couches de la société ayant la possibilité d’avoir des échanges constructifs avec le Conseil d’Etat, c’est déjà une forme de prospective. Je ne vois pas l’utilité de créer un « Petit Grand Conseil ». Cette commission est là pour orienter le Conseil d’Etat, en plus du Grand Conseil, afin d’établir sa feuille de route pour la politique à venir de ce canton. Je vous recommande de refuser cette motion transformée en postulat.

Mme Muriel Thalmann (SOC) — Rapporteur-trice

Je voulais simplement rassurer M. Christen : de nos jours, il est tout à fait possible d’avoir des femmes compétentes et donc d’assurer un équilibre des genres. Je crois qu’il peut donc ne plus avoir de doute quant à cette possibilité.

M. Dylan Karlen (UDC) —

Cela a été dit, cet outil de prospection est un outil à la disposition de notre exécutif qui doit finalement garder la main sur les outils qui lui sont nécessaires,  sur les milieux qui seront représentés et qui lui seront utiles pour définir une politique de prospective. La volonté de vouloir élargir autant que possible cette commission à de nouveaux publics revient finalement à envoyer des éclaireurs dans la nature à la recherche des signaux faibles, qui ne sont peut-être même pas des signaux du tout. Ainsi, la pertinence de cette composition est potentiellement à remettre en cause. De nouveau, la composition de ces représentants élargis pose la question de la légitimité de ces personnes. Avec un représentant par public-cible, aurons-nous la certitude qu’il ne prêchera pas uniquement pour sa paroisse ? Aura-t-il une vision plus élargie ? Apportera-t-il vraiment quelque chose au débat consensuel en matière de prospective ? Pour toutes ces raisons, je vous invite à classer cette proposition.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

Il n’y avait effectivement pas de quoi faire une motion. Je suis assez tenté de suivre la transmission de ce postulat au Conseil d’Etat, parce que la pandémie a démontré qu’il est très urgent, non pas de savoir qui on met dans cette commission, mais comment on fait de la prospective. Votre serviteur en a soupé de tous ces experts en prospective qui présentent comme principale caractéristique qu’un mois plus tard, ce n’était pas comme ça… On ne pouvait pas le savoir avant la pandémie, mais après celle-ci, il devient urgent de savoir ce qu’est une prospective. Dans ces conditions, les gens que l’on souhaiterait y voir sont-ils toujours utiles pour déceler ces signaux faibles — mais parfois pas si faibles que cela — qui agitent la population vaudoise ? La transmission de ce texte au Conseil d’Etat aurait cet avantage. En classant ce postulat, on continuera à faire de la prospective, peut-être pas comme au carnotzet du Conseil d’Etat, mais comme à celui de Grandson.

M. Pascal Broulis — Conseiller-ère d'État

Nous avons déjà eu ce débat lors de la mise en œuvre de la Commission de prospective 2017-2022. M. Räss est revenu à la charge avec cette idée de tirage au sort. Je crois que le Conseil d’Etat a déjà tout dit : un rapport sera déposé, puis il sera suivi d’un autre rapport et ainsi de suite. Je rappelle que l’objectif, pour le Conseil d’Etat, c’est que ce rapport soit aussi utile pour l’établissement de son propre programme. M. Karlen a raison de rappeler que c’est le Conseil d’Etat qui doit choisir ce qui est utile pour préparer son programme et fixer une stratégie en matière de prospective.

Tout à l’heure, nous avons parlé de perspectives démographiques, il y a aussi de la prospective démographique. Ce sont deux univers totalement distincts. Nous travaillons aussi en permanence sur cette prospective démographique. En ce qui concerne la pandémie, je partage l’analyse de M. Vuillemin : il y aura forcément des études sur le comportement de certains, sur les excès, sur les manquements, sur nos erreurs – parce qu’il y en a forcément. J’espère que nous en tirerons les leçons pour construire un autre concept plus prompt à voir les enjeux. Je pensais que, lors du très large débat qui avait eu lieu lors de la mise en œuvre de la prospective 2017-2022, nous avions répondu à cette question. Je pense que c’était le cas, puisque la majorité de ce Grand Conseil avait classé les différentes propositions de l’époque. Avec ce postulat, je ne vois pas ce que nous pourrions amener de plus. Nous ferons naturellement comme vous le souhaitez, mais je vous encourage à classer ce postulat.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération du postulat par 82 voix contre 47 et 3 abstentions.

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