Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 17 novembre 2020, point 14 de l'ordre du jour

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Projet de loi à l’issue du 1er débat en plénum (175)

RC-175

Texte adopté par CE - Empl

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Nicolas Suter (PLR) —

En vertu de l'article 91 de notre Loi sur le Grand Conseil (LGC), je dépose une motion d'ordre demandant de reporter ce vote, pour une double raison de temporalité. Premièrement, il ne semble pas que ce soit la première urgence parmi les objets que nous devons traiter. Deuxièmement, après que Mme la présidente ait fait l'appel ce matin, nous avons pu constater que sept députés PLR étaient absents. Or, une loi aussi importante mériterait d'être votée de manière légitime. Quant aux commentaires de la gauche, il est important que, même si cette loi passe, elle ne pose pas de questions et qu'elle soit acceptée de manière légitime. Je dépose donc une motion d'ordre.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Monsieur le député, j'en prends note. Étant donné que j'effectue un suivi des absences depuis plusieurs mois, je peux vous indiquer qu'il y a eu certaines séances avec bien plus d'absents. Toutefois, si vingt personnes soutiennent votre demande, nous discuterons de l'opportunité de surseoir à cet objet et de le reporter à une autre séance. Vingt personnes soutiennent-elles cette demande ?

 

La motion d’ordre est appuyée par au moins 20 députés.

 

La discussion sur la motion d’ordre est ouverte.

M. Felix Stürner (VER) — Rapporteur-trice

Cet objet a été déplacé à plusieurs reprises, puisqu'il a déjà figuré à l'ordre du jour. J'estime donc nécessaire de le traiter. De plus, si M. Suter indique qu'il y a une unanimité, je ne comprends pas en quoi l'absence de représentants du PLR pourrait changer quelque chose au vote. Je vous rappelle juste que cet objet était censé, théoriquement, entrer en vigueur le 1er juillet 2020 et que nous sommes au mois de novembre. Il est donc utile d'avancer rapidement dans ces discussions et de ne pas encore une fois déplacer cet objet à un autre ordre du jour.

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

Je vais dans le sens de mon préopinant. C'est un abus de la droite que de demander le report de ce vote. Nous sommes tous ici députées et députés et, lorsque nous sommes élus, nous nous engageons à venir régulièrement. Si parmi leur rang, quelques-uns de leurs membres manquent, ce sera peut-être notre cas la prochaine fois. D'ailleurs, nous sommes rarement tous les députés réunis dans cette salle le mardi, lors des séances du Grand Conseil. Je vous demande par conséquent de maintenir ce point à l'ordre du jour.

M. Yves Ferrari (VER) —

Je suis quelque peu surpris par cette demande, et ce, pour deux raisons. La première tient au fait que si l'ordre du jour peut être discuté en plénum, il n'en demeure pas moins qu'il est validé avant de nous être envoyé. Ce qui me gêne le plus, c'est de décider que certains objets peuvent être traités en l'absence de certaines personnes et d'autres pas. A ce moment-là, j'aimerais bien que l'on puisse prendre l'ensemble de l'ordre du jour et que, pour chaque point sensible, on puisse reporter les votes de telle manière qu'on ne se pose pas de question. On fait ainsi que des choses qui ne servent à rien, pour lesquelles il n'y a pas d'enjeu — vous me le dites, comme ça je ne viens pas et je vais travailler ailleurs. Cela évitera tous les problèmes qu'on pourrait entrevoir à chaque vote important.

Cette demande revient en effet à reporter les votes importants, soit à ce que l'on ne traite absolument rien d'intéressant sitôt que quelques personnes sont absentes. Je trouve cette position gênante, alors que j'ai été moi-même soumis à un confinement professionnel et social. J'ai d'ailleurs été excusé pour ce motif, car il s'agissait d'une demande du médecin cantonal. Cela peut arriver à tout le monde, mais je souhaite en être averti, comme cela je peux continuer à travailler chez moi, compte tenu du fait que nous allons traiter que des réponses qui n'ont absolument aucun intérêt, ou très peu, pour l'avancement de nos travaux. Je souhaiterais dès lors que notre collègue Suter nous indique l'ensemble des points qu'il ne veut pas traiter aujourd'hui en raison de l'absence d'un nombre trop important de députés. Sur cette base, je jugerai s'il est pertinent ou non que je reste dans cette salle.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Il est finalement important que nous ayons ce débat ce matin car, comme l'ont dit tous ceux qui se sont exprimés avant moi, nous devons fixer les règles du jeu. Ces règles du jeu nous ont été données depuis le début de l'état de nécessité proclamé par le Conseil d'Etat et elles indiquaient que la pandémie ne devait en aucun cas influer sur les équilibres politiques de ce Grand Conseil. Or, la pandémie frappe à priori sans discernement d'appartenance politique et, ce matin, sept députés PLR sont absents pour des raisons non professionnelles et totalement indépendantes de leur volonté. En effet, il y a celles et ceux qui sont infectés et d'autres qui sont en quarantaine tels que notre cheffe de groupe, Carole Dubois, qui ne demanderait pas mieux que de pouvoir voter et participer aux débats de ce Grand Conseil. Certes, nous siégeons dans des conditions très complexes et difficiles. Ce printemps, nous n'avons pas siégé. Nous devons nous livrer à cet exercice délicat d'équilibrisme. Toutefois, le groupe PLR pense qu'un vote d'une telle importance — ne serait-ce qu'en vertu du critère de légitimité pour ne pas avoir un vote au rabais — devrait être reporté.

Qui sait, la situation va peut-être s'améliorer — on ne peut que le souhaiter — au fil des semaines grâce aux mesures prises par le Conseil d'Etat. J'ose espérer que ce sera un cas aussi isolé que possible, mais cela reste une question de règles du jeu. Je peux en outre imaginer que s'il en allait de même du côté des Verts ou du parti socialiste, il serait tout aussi légitime de revendiquer un report du vote sur un objet de cette importance. Il faut donc être fair-play. Quand le Bureau a pris la décision de poursuivre les débats du Grand Conseil, j'en ai été très heureux. Permettre à la démocratie parlementaire de continuer à s'exprimer, c'était aussi — j'espère que vous l'admettrez madame la présidente du Grand Conseil — sous la condition expresse que les équilibres politiques ne soient pas rompus par la pandémie actuelle. En l'état, il faut malheureusement constater qu'avec sept députés PLR absents — cela représente un septième, ce qui n'est pas négligeable — l'équilibre politique est rompu.

Mme Jessica Jaccoud (SOC) —

Pour toute une série d'arguments, mon intervention va vous inviter à rejeter cette motion d'ordre. M. Ferrari l'a dit tout à l'heure, nous avons été convoqués aujourd'hui pour débattre de quarante-neuf points valablement portés à l'ordre du jour, lequel n'a fait l'objet d'aucune demande de modification en ouverture de nos débats. Si cette motion d'ordre devait être acceptée et avant de passer au vote, je prierais son auteur de nous indiquer précisément quels sont les points à l'ordre du jour sur lesquels nous ne pourrions pas avoir de légitimité, comme l'a indiqué M. Buffat, en raison de l'absence de sept députés PLR. Si ne pouvons pas prendre de décisions aujourd'hui parce qu'il nous manque sept PLR, nous allons donc passer une journée — vous et moi, ici — à débattre sans prendre de décision, puisque nous n'avons bien évidemment aucune légitimité. Or, quelle légitimité aurions-nous avec sept PLR en moins ? Quelle légitimité aurait ce Grand Conseil de débattre sur la place de la Cité, d'argumenter, d'échanger des points de vue et des opinions et de décider avec sept PLR en moins ? Au fond, il s'agit de la question dont nous devons discuter.

Si nous sommes aujourd'hui réunis en journée plénière et que nous ne pouvons pas prendre de décision étant donné qu'il nous manque sept PLR, je ne vois pas comment nous pourrions justifier notre indemnité. Vous aurez bien ressenti le sarcasme dans ma prise de position, puisque c'est précisément le PLR qui estime également tout aussi injustifié que nous ayons touché une indemnité la semaine passée pour une séance convoquée n'ayant pas eu lieu. Si nous venons ici pour nous tourner les pouces parce qu'il manque sept PLR et que nous ne pouvons pas valablement décider dans cette salle, je vous propose dès lors que la démocratie s'arrête. On laisse l'état de nécessité, notre gouvernement à majorité de gauche prend toutes les décisions par voie d'arrêté. Je ne vois pas l'utilité que notre Parlement se réunisse pour valider finalement la bonne marche de l'Etat.

Monsieur Buffat, la seule règle du jeu qui s'applique est celle de la LGC, laquelle définit un quorum. Or, ce quorum est respecté. Dans chacun de nos groupes et durant ces dernières semaines et mois, nous avons eu des cas de quarantaine. Nous avons tous pesé le pour et le contre des votes de circonstances qui peuvent avoir lieu dans ce plénum en fonction des présences. Venir aujourd'hui dire dans ce Grand Conseil, devant nos citoyens, que nous n'avons aucune légitimité parce qu'il manque sept PLR constitue un abus de démocratie. Je vous invite par conséquent à refuser cette motion d'ordre, à débattre comme notre mandat l'exige, à décider comme le peuple l'attend de nous, dans des conditions respectables sous l'angle sanitaire, ici à l'EPFL, et d'aller de l'avant dans ce débat. Contrairement à ce que M Suter a indiqué tout à l'heure, il y a urgence à ce que nous dotions l'administration cantonale d'un congé paternité et donc que nous votions sur ce sujet. Je vous invite donc à refuser cette motion d'ordre.

M. Dylan Karlen (UDC) —

M. Buffat ayant résumé l'essentiel de mon propos, je n'irai pas plus loin. Je souhaite toutefois vous rappeler vos engagements pris devant les groupes parlementaires le 27 octobre dernier où vous aviez effectivement promis qu'il n'y aurait pas de sujets clivants en cette période de pandémie.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Avant que nous continuions avec la discussion et puisque je suis interpellée, sachez que les personnes qui se sont annoncées absentes ont eu la transparence, comme tous les députés l'ont eue depuis cette pandémie, de me faire connaître la raison pour laquelle elles seraient absentes. Sur les sept députés PLR, il y en a en tout cas trois qui ne sont pas absents pour des raisons liées au COVID.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

Avec de grandes déclarations, M. Ferrari et Mme Jaccoud entament la journée sur les chapeaux de roue. Je les félicite. Il s'agit maintenant de retomber sur terre. S'il y avait eu dix voix d'écart lors du vote du premier débat, il n'y aurait pas eu de commentaire de quelque nature que ce soit. Toutefois, cela s'est joué à deux voix et pour un objet qui est important. Cette demande est donc légitime et cela n'a rien à voir avec les grandes envolées lyriques telles que « dites-nous quels sont les points dont vous ne voulez pas parler », etc. C'est du grand n'importe quoi. Si j'étais membre du parti socialiste et que j'avais perdu par deux voix, j'utiliserais les processus parlementaires pour essayer de faire en sorte que je puisse éventuellement gagner au deuxième débat et c'est normal.

Cette demande ne tombe pas de nulle part : il y avait deux voix d'écart. Cet état de fait nous permet de dire qu'il serait plus judicieux de pouvoir voter ce point de l'ordre du jour une prochaine fois. Par contre, il est évident que nous n'allons pas reporter ce vote ad vitam æternam. Nous vous faisons aujourd'hui cette proposition et, si la prochaine fois il manque dix PLR, tant pis. Toutefois, lorsqu'il y a deux voix d'écart, on peut se permettre de ne pas trop faire de commentaire et se dire que, si cela nous concernait personnellement, on ferait la même chose.

Mme Valérie Induni (SOC) —

C'est ce que j'entends aujourd'hui qui constitue du grand n'importe quoi. Arriver aujourd'hui dans une séance et dire que, compte tenu du nombre d'absents d'un groupe politique, on ne souhaite pas traiter certains sujets est en effet du grand n'importe quoi. Dans la Loi sur les communes, il existe bien un article sur le quorum et c'est la seule règle qui peut être valablement mise en avant. Je rappelle que pour certaines votations telles que la pétition pour Sangar Ahmad, il y avait aussi eu beaucoup d'absents au sein de la gauche. Or, cet objet a été refusé. Je peux donc arriver aujourd'hui et dire que nous annulons ce vote et que nous allons revoter, parce qu'il y avait une inégalité dans la balance entre la droite et la gauche. Vous voyez jusqu'où peut nous amener ce genre de démarche. Finalement, cela pourrait signifier que, chaque semaine, nous allons effectuer de petits calculs en arrivant pour voir qui est là et qui est absent afin de déterminer quels sont les points à retirer de l'ordre du jour et obtenir de meilleurs équilibres. Ce jeu constitue du grand n'importe quoi et je vous invite fortement à refuser cette motion d'ordre.

M. Raphaël Mahaim (VER) —

Cher collègue Vuillemin, permettez-moi de commencer par une boutade : vous savez, à gauche, on a l'habitude de perdre par quelques voix. Pour le PLR, c'est peut-être un peu plus douloureux parce que c'est plus rare, mais je suis sûr que cela va bien se passer (rires). Plus sérieusement et sur le fond, vous nous demandez un quorum à la carte. Vous nous demandez de fixer un quorum en fonction du sujet et des absences des uns et des autres. Or, cela n'est pas possible. Sans reprendre les arguments des uns et des autres, Mme Jaccoud a entamé une vraie réflexion, il y a un instant. Voulons-nous nous en tenir au quorum légal ? C'est ce que la loi prévoit et je pense que c'est la seule solution robuste. Il y a peut-être une autre option sérieusement envisageable entre partenaires politiques qui se respectent et qui comprennent les difficultés liées à la situation, c'est de se dire que l'on peut créer une sorte de quorum COVID, c'est-à-dire veut-on concrétiser ce que la présidente a toujours dit ? Soit, si les rapports de force sont à ce point déséquilibrés que l'on ne peut plus siéger dans de bonnes conditions, est-il judicieux de remettre en question une telle situation ? Un tel quorum COVID ne peut pas être issu d'une motion d'ordre déposée un matin, sur un sujet particulier car, encore une fois, cela ne peut pas être un quorum à la carte. Il faut donc favoriser une discussion générale qui aura ensuite une portée pour tous les objets, chaque fois et chaque mardi.

Un quorum COVID de ce type devrait idéalement être prévu dans la loi, mais cela n'est malheureusement pas possible dans ce laps de temps. Nous devons donc nous en remettre au Bureau pour qu'il définisse à quoi ressemblerait ce quorum COVID. Faut-il qu'un quart de groupe soit absent ? Faut-il que ce soit la moitié ? Est-ce un nombre absolu ou relatif ? C'est une cuisine très difficile, c'est même de l'épicerie. Nous devrons donc en rester au quorum légal. Toutefois, si on souhaitait réellement aller dans la direction d'un quorum COVID, il faut que le Bureau s'en saisisse. Ce dernier a d'ailleurs posé informellement les jalons de cette réflexion. En dehors de cette hypothèse, il faut privilégier soit le quorum légal, qui semble être la seule solution viable, soit un quorum COVID. Il ne peut pas y avoir de quorum à la carte, sinon on ne va pas s'en sortir et chaque mardi on devra avoir les mêmes discussions. Pour toutes les raisons évoquées, je vous invite à refuser cette motion d'ordre.

M. Didier Lohri (VER) —

Loin de moi l'idée de favoriser des débats d'avocats ou de juristes, mais lorsque nous avons effectué le test de présence, nous avons récolté 92 oui, 26 abstentions et quelques voix contre. La présidente peut-elle nous donner le nombre d'absents total ? En démocratie, nous représentons environ 5333 citoyens vaudois. Pour la grande majorité des Vaudois, cette absence de sept ou de vingt députés — tout compris — se situe au-dessus de la moyenne des objets que nous avons votés depuis le début de la législature. J'en appelle donc à un certain bon sens et, à 10 h 32, il serait temps de passer à un vote utile pour la majorité de la population vaudoise.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Pour répondre rapidement à votre question, l'espèce de « vote bidon » que nous avons effectué tout à l'heure pour tester le matériel n'a aucune valeur, étant donné que certaines personnes n'étaient pas dans la salle à ce moment et que d'autres sont peut-être arrivées depuis. A l'heure actuelle, j'ai treize personnes excusées sur la liste dont je vous ai donné lecture tout à l'heure. Une treizième personne ne faisant pas partie du PLR, mais des Verts s'y est ajoutée.

M. Nicolas Suter (PLR) —

Je suis navré d'avoir provoqué un tel débat ce matin. Je ne remets pas en cause la légitimité de ce Grand Conseil, ni son quorum. Je m'interroge plutôt sur la légitimité de la décision que nous allons prendre. En pleine crise du COVID, quand les gens sont dans la rue et se battent pour la survie de certains commerces, la question de savoir si nous allons accorder un congé paternité ne tombe pas dans un bon timing (brouhaha). Cette décision sera entachée du fait qu'une majorité est biaisée, raison pour laquelle je vous propose de voter sur cette motion d'ordre, droit garanti dans la LGC.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

Madame la présidente, puis-je vous rendre service en déposant une motion d'ordre demandant de passer au vote immédiatement ? Il s'agit de questions de procédure et il est temps de passer à autre chose. Si je dois me fendre d'un texte numérique, je renonce. On peut toutefois essayer d'être pratique. Je dépose dès lors une motion d'ordre demandant de passer au vote.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Avant que vous ne la déposiez, puis-je vous informer du fait qu'il ne reste plus qu'une députée souhaitant s'exprimer et que je dois ensuite impérativement donner la parole à Mme la conseillère d'Etat en charge du dossier ? En d'autres mots, souhaitez-vous retirer le droit à la parole de la collègue qui la demande ?

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

Par courtoisie, on peut donner la parole à cette collègue. Je ne souhaite toutefois pas que l'on poursuive le débat entamé par mon collègue Suter et qui n'est pas très bon.

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

Le débat ayant été lancé, je me propose de continuer sur cette voie et je vous encourage à soutenir l'amendement, soit quatre semaines de congé paternité pour les jeunes pères employés du canton...

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Excusez-moi madame Attinger mais nous sommes en train de débattre sur la possibilité de ne pas traiter cet objet porté à l'ordre du jour. Je n'ai donc pas d'autres demandes de parole et je laisse Mme la présidente du Conseil d'État s'exprimer.

Mme Nuria Gorrite (C-DCIRH) — Conseiller-ère d'État

Il n'appartient évidemment pas au Conseil d'Etat de se prononcer sur la demande de motion d'ordre déposée par M. Suter. Il vous appartient de déterminer le fonctionnement de vos institutions pour les prochaines semaines à venir, parce qu'il m'apparait que la situation du jour risque fort de se produire à nouveau. Je vous invite dès lors à réfléchir à ce fonctionnement. A l'instant, une rencontre a réuni une délégation du Conseil d'Etat vaudois et vos présidents de groupe et de parti, le Bureau élargi et le Bureau de la Commission des finances. Dans ce cadre, nous avons traité des dispositions que le Conseil d'Etat entend prendre rapidement concernant l'accompagnement économique de tous les secteurs impactés par la crise du coronavirus.

En la présence de mon collègue Pascal Broulis, je me permets une brève parenthèse sur ce point. Comme vous le savez, nous avons actionné l'état de nécessité. Ce dernier nous permet de décréter des objets et de dégager de l'argent sans attendre de décisions de votre parlement, et ce, pour venir en aide économique à tous ces secteurs en souffrance et pour lesquels nous avons estimé qu'il est impératif de pouvoir agir rapidement, soit ces prochaines semaines. Cet état de nécessité ne constitue pas un fonctionnement que le Conseil d'Etat souhaite privilégier à l'avenir. En actionnant la clause générale de police, l'état d'urgence est nécessaire, parce que le rythme parlementaire connaît quelques aléas et retards. Or, les hommes et les femmes qui attendent nos décisions, que ce soit celles et ceux dont l'activité a été décrétée fermée par une autorité fédérale ou cantonale ou encore celles et ceux qui en subissent les conséquences annexes, ont besoin que nous puissions rapidement apporter une réponse concrète, sonnante et trébuchante à leurs préoccupations et c'est ce que nous entendons faire.

Je le dis, parce que je sais qu'ils nous écoutent aujourd'hui, mais aussi parce que vous toutes et tous, dans vos différents rangs politiques respectifs, avez exprimé et réitéré, dans des formules différentes mais toujours avec la même préoccupation, le souhait que nous puissions apporter cette réponse immédiate. Je le dis également parce qu'il n'est jamais aisé pour un exécutif de suspendre provisoirement les droits du parlement et parce que la Commission des finances — nous avons encore eu un entretien avec son président Alexandre Berthoud tout à l'heure — va elle aussi faire son possible pour pouvoir régulariser les décrets que le Conseil d'Etat entend prendre ces prochains jours pour apporter cette réponse si attendue.

Mesdames et messieurs, je ne peux m'empêcher de faire un parallèle avec le débat que nous sommes en train de vivre en ce moment. Le rythme parlementaire est tel qu'il m'apparaît que la commission qui a traité cet objet a siégé le 30 janvier de cette année. Nous sommes le 17 novembre et il n'est pas exclu que le débat soit encore reporté. Personnellement, cela ne me pose aucun problème. Je constate toutefois qu'il y aura une conséquence. Elle est liée à l'introduction du nouveau droit fédéral concernant le congé paternité. Ainsi, même si votre parlement devait accepter aujourd'hui d'entrer en matière sur ce projet, je fais une brève digression pour corriger un détail exprimé dans l'intervention de M. Vuillemin — vous ne m'en voudrez pas monsieur Vuillemin — mais s'agissant des votes, c'est l'amendement qui soutenait la version du Conseil d'Etat qui a été refusé par quatre voix, soit 69 oui contre 65. Toutefois, l'entrée en matière sur le projet d'introduire un congé paternité de 20 jours à l'Etat de Vaud pour l'ensemble des collaborateurs a quant à elle été acceptée par 88 voix contre 52, à savoir près de 30 voix d'écart, ce qui est loin des deux signalées tout à l'heure. C'est dire qu'il existe dans ce parlement une volonté large d'entrer en matière pour offrir un congé paternité plus large que les cinq jours actuels offerts aux collaborateurs de l'Etat.

Ainsi, même si aujourd'hui il devait y avoir une entrée en matière sur cette version qui n'est pas celle du Conseil d'Etat, mais celle adoptée en premier débat, le dispositif réglementaire — vous modifiez la Loi sur le personnel de l'Etat de Vaud (Lpers) qui doit ensuite faire l'objet d'un projet de règlement — sera sous toit au mieux le 23 novembre de cette année. Le Conseil d'Etat pourra l'adopter dans le courant du mois de décembre. Ce délai exclut donc la consultation des syndicats et, si le Grand Conseil adopte cette année encore cette révision, elle devra ensuite être soumise à un délai référendaire de 60 jours, ce qui empêche de fait une entrée en vigueur au 1er janvier de cette année. Or, à cette date, le congé paternité prévu au niveau fédéral entrera en vigueur. Dans l'attente de la révision de la Lpers qui pourrait être soumise à un délai référendaire, les collaborateurs de l'Etat ayant droit au congé paternité ne pourront pas bénéficier de celui-ci. Ils auront un congé paternité de cinq jours payés à 100%, complété, pour ceux qui en remplissent les conditions, par un congé non payé de deux semaines durant lequel ils recevront des indemnités journalières à hauteur de 80 % de leur salaire. Nous n'avons pas de base légale pour compléter la rémunération à 100%, puisqu'elle se situera pendant la période transitoire.

Reporter dès lors encore une fois cette décision reviendra à prolonger aussi le délai transitoire durant lequel les collaborateurs de l'Etat — alors même que votre Grand Conseil ne s'est pas opposé à introduire un congé paternité de 20 jours payé à 100% — resteront payés à 80 %, faute de base légale suffisante dans ce délai. Je vous invite donc à aussi tenir compte de cet élément lors de votre décision de tout à l'heure.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Monsieur Suter, pourriez-vous nous préciser la durée de ce renvoi ?

M. Nicolas Suter (PLR) —

Je vous propose de déplacer cet objet à la semaine prochaine.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Avant de procéder au vote, je souhaite attirer l'attention de chacun et chacune d'entre vous sur la teneur de l'article 100 de la LGC qui implique que, si d'aventure nous votions aujourd'hui d'une façon différente, soit que nous choisissions un texte différent de celui du premier débat, nous serions obligés d'effectuer un troisième débat et que pour effectuer ce dernier de façon immédiate, il nous faudrait la majorité des trois quarts de cette assemblée.

Cela étant dit, nous pouvons procéder au vote de la motion d'ordre visant à surseoir à cet objet et de le porter à l'ordre du jour de la semaine prochaine. Que celles et ceux qui sont favorables à cette solution votent oui et que celles et ceux qui s'y opposent votent non. Les abstentions sont possibles.

La discussion est close.

La motion d’ordre Nicolas Suter est refusée par 68 contre 65 et 2 abstentions.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Il est passé à la discussion du projet de loi, article par article, en deuxième débat.

Article premier. —

Art. 35. —

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

Je demande un vote nominal, un collègue n'ayant pas inséré sa carte de vote.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 députés.

Si vous acceptez la motion d’ordre vous votez oui, si vous la refusez, vous votez non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, la motion d’ordre Nicolas Suter est refusée 67 contre 66 et 3 abstentions.

(Voir annexe en fin de séance.)

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

Madame la présidente, je salue vos talents de prestidigitation. Nicolas Suter dépose une motion d'ordre qui doit être traitée comme telle. Vous entamez le débat et c'est parfait. Lassé par un débat qui dure, votre serviteur dépose une motion d'ordre pour que l'on passe directement au vote sur la motion d'ordre. Vous deviez donc immédiatement demander si 20 personnes soutenaient ma motion d'ordre et la faire voter. Puis, ensuite, on passait à la motion Suter. Je suis donc perplexe : est-ce lié au fait qu'avec le logiciel SIEL il faut tout écrire et tout envoyer au Secrétariat général pour que l'on poursuive la discussion ? Je souhaite que vous nous expliquiez comment vous envisagez ultérieurement traiter les motions d'ordre demandant que l'on procède directement au vote. J'ai en effet le sentiment de ne pas avoir été correctement suivi et j'aimerais donc obtenir quelques explications, à moins que je ne connaisse plus — c'est possible — la procédure que le COVID implique dans le fonctionnement du Grand Conseil.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Pour répondre à votre question, ne vous faites pas de souci : SIEL ne vous oblige aucunement à déposer une motion d'ordre par écrit. C'est d'ailleurs ce qu'a fait votre collègue de parti, M. Suter, en déposant cette motion d'ordre visant à surseoir à cet objet et de passer à l'objet suivant à l'ordre du jour. Lorsque je me suis adressée à vous suite à votre intervention, je vous ai demandé si vous souhaitiez laisser la parole à une collègue qui était la dernière désirant prendre la parole sur cet objet et je vous ai également signalé que nous devions de toute façon donner la parole à la conseillère d'Etat. Vous avez renoncé, d'après ma compréhension, à maintenir cette motion d'ordre et j'ai donné la parole à la conseillère d'Etat. J'ai rappelé le cadre dans lequel nous travaillons. Nous avons voté, il y a eu une demande de vote nominal et nous avons voté de façon nominale. Je pense par conséquent avoir suivi en tout point la direction des débats telle qu'elle m'incombe. Si vous pensez que tel n'est pas le cas, nous aurons tout loisir d'en discuter ensemble à l'issue de cette séance.

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

Je dépose l’amendement suivant :

 « Art. 35. — Al. 1, lettre c) : Un congé paternité de vingt jours ouvrables, en sus du congé paternité prévu par le droit fédéral. »

Plus de 80 % de la population vaudoise a signifié dans les urnes sa volonté de moderniser les lois, de suivre l’évolution de notre société, de rendre la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle plus égalitaire. En soutenant cette proposition, on ne s’adresse qu’aux employés de l’Etat — c’est tout de même beaucoup de personnes. Pour répondre à celles et ceux qui sont favorables à un congé paternité, mais qui s’inquiètent de l’iniquité de traitement vis-à-vis des petites PME, nous nous trouvons ici devant une modification de la Loi sur le personnel de l’Etat de Vaud et nous agissons là où nous pouvons agir. Cette mesure rend l’Etat — le plus gros employeur du canton — exemplaire, attractif et cela est nécessaire. En parallèle, nous sommes des élus, même si certains ici pensent que d’aucuns le sont plus que d’autres, et nous devons défendre nos concitoyens. En soutenant la proposition initiale du Conseil d’Etat — de l’ensemble du collège gouvernemental, qui nous présente une modification de loi en suivant l’avis majoritaire de sa population — les pères auront le droit, dès le mois de janvier prochain, à dix jours de congé paternité à la naissance de leur enfant. En acceptant notre amendement, nous permettons à l’Etat de Vaud d’offrir à ses employés, jeunes pères, d’assurer de manière plus équitable le quotidien domestique et de construire le lien avec leur enfant en cette période privilégiée d’arrivée dans la vie. Je vous invite à soutenir cet amendement.

Mme Céline Baux (UDC) —

Je reviens sur la position que j’avais prise lors de la séance de la commission. Il me semblait que l’on avait eu une bonne discussion pour supprimer le passage « en sus du congé paternité par le droit fédéral ». J’appelle au rejet total de l’amendement, mais aussi de l’article. J’estime qu’il n’est plus l’heure de donner un avantage à une seule catégorie de personnes, qui a déjà la chance d’avoir un employeur tel que notre canton. Je suis persuadée que, si les électrices et électeurs du canton de Vaud ont appuyé massivement le congé paternité, ils et elles ne se positionneraient pas pour une nouvelle augmentation du nombre de jours de congé au papa réservée uniquement au personnel de l’Etat. Etre fonctionnaire comporte quelques avantages, dont un inestimable à l’heure actuelle : la sécurité de l’emploi. Savons-nous combien de personnes vont perdre leur emploi dans les jours qui viennent, en raison de la crise actuelle, dans le tourisme, les transports, l’hôtellerie ou la restauration ? Et combien de fonctionnaires risquent de se retrouver au chômage cet hiver ? Lors du premier débat, il a été affirmé que les jeunes étaient derrière ce projet. Or, je vous affirme que ce n’est pas le cas. Ces dernières semaines, j’ai eu l’occasion de discuter avec des jeunes de tous bords politiques, voire d’aucun bord politique : si la grande majorité des jeunes soutient un congé parental pour tous, il n’y en a pas beaucoup qui comprennent que l’on voudrait maintenant avantager uniquement les collaborateurs de l’Etat. Bien sûr, l’Etat est le plus grand employeur du canton et il doit faire face aux avantages qu’offrent les grandes entreprises privées. Mais ces entreprises paient elles-mêmes leurs avantages, alors que nous les finançons avec l’argent public, en faisant de la concurrence à nos petites PME. Même si l’on discute maintenant d’un nombre restreint de personnes touchées par cet avantage, alors que nous avons soutenu les étudiants précarisés à la quasi-unanimité de notre plénum, il y aura encore beaucoup de personnes dans des situations de détresse à aider. Ne creusons pas plus d’écarts dans l’égalité de traitement des travailleurs de notre canton, d’écarts dans le monde médical, qui n’ont pas besoin de voir des différences de traitement se creuser entre les collaborateurs travaillant au CHUV et ceux travaillant dans d’autres hôpitaux. Je vous appelle à refuser l’amendement de Mme Claire Attinger Doepper, ainsi que tout l’article 34. En effet, cet article n’est pas un pas en avant dans le sens d’un congé parental, mais un pas en arrière dans l’égalité de traitement des personnes actives de notre canton.  

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

Je vais rajouter une couche à l’excellent plaidoyer de Mme Baux, sous forme d’un cri du cœur. Le député doit avoir le regard sur le long terme et ne peut pas se laisser influencer par les aléas du moment. Cette stabilité est le gage de la confiance que la population peut et doit avoir en ses autorités. A l’heure où un certain nombre d’entreprises et de personnel, donc de familles, jouent le tout pour le tout et voient comme perspective, pour l’an prochain et les fêtes de Noël, le spectre du licenciement ou de la fermeture, quelle image allons-nous, nous Parlement, donner en accordant ce que Mme la conseillère d’Etat appelait un droit, mais qui, lorsqu’il s’applique à une partie de la population, devient un privilège ? Nous ne donnons pas du tout l’image d’un Parlement au service de la population, qui est au courant et sensible à ce qu’il se passe maintenant. Les aléas du moment sont suffisamment importants et graves — Mme la conseillère a dit que le Conseil d’Etat avait repris la main par état de nécessité. Sans me prononcer sur le fond, je crois que le moment est particulièrement mal choisi. Par égard pour ceux qui nous font confiance, nous nous devons de surseoir jusqu’à la fin de cette crise. 

M. Philippe Jobin (UDC) —

Comme je l’ai dit au premier débat, il y a toujours ce décalage entre les personnes qui travaillent à l’Etat et la société en général, mis à part les entreprises qui ont fait un pas privé en avant avec leurs propres deniers. On le sait, ce sont toujours les mêmes qui vont passer à la caisse. C’est ce qui va accentuer la grogne dans notre société. En plus de cela, il y a la crise du Covid. Il faut sauver ce que l’on peut, le Conseil d’Etat fait le nécessaire. On a aussi donné un coup de butoir supplémentaire avec un fonds de 200 millions, qui dote uniquement les entreprises pour pouvoir maintenir et soutenir le travail qui se fait dans le canton de Vaud et surtout les PME. Cet amendement, et l’article 35 en général, me paraît disproportionné à l’heure que l’on vit. On n’a même pas le courage de dire que l’on a déjà fait une avancée au niveau fédéral, et que l’on peut s’en contenter pour le moment, au lieu de creuser ces inégalités qui vont agacer la population. Je rappelle que la caisse de pensions de l’Etat de Vaud n’a pas été « recapée » par le canton tout seul, mais par celles et ceux qui paient des impôts. Je ne suis pas convaincu que toutes les personnes travaillant à l’Etat de Vaud sont du même avis que la gauche sur cet article 35. Il n’est pas bon de creuser ce genre d’inégalités. Je vous invite à rejeter cet amendement et l’article 35. 

M. Jean Tschopp (SOC) —

Il faut être deux pour faire un bébé. L’arrivée d’un nouveau-né dans une famille est une révolution. Il faut rester éveillé la nuit, se caler sur le rythme de ce nouveau venu auquel rien ne vous prépare, qui se réveille toutes les deux ou trois heures, il faut tâtonner, essayer de comprendre ce que veut un bébé et l’initier au concept jour-nuit, qui n’a rien d’intuitif — dormir la nuit et rester éveillé le jour, et non l’inverse. L’arrivée d’un bébé est un bonheur que peu d’autres événements vous amène au cours d’une vie. C’est aussi une charge mentale. Pour tous les couples hétéros ou homosexuels qui l’ont voulu, il est hautement souhaitable que chacun fasse sa part. Ce qui se joue dans ces premiers jours, ce sont les premières habitudes, les réflexes que l’on développe, et une nouvelle répartition des tâches plus ou moins équilibrée. Les habitudes se prennent rapidement, elles mettent beaucoup plus de temps à se perdre. En établissant un congé paternité digne de ce nom, un employeur valorise la conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Je suis devenu père une première fois en 2014, sans congé paternité — je siégeais déjà au Grand Conseil — et une seconde fois en 2015, et mon employeur m’a accordé cinq jours de congé paternité. Je m’implique dans mon rôle de parent et, pourtant, je ne me suis pas senti reconnu dans mon rôle de père par mon employeur. Pour les prochains parents, j’aimerais qu’il en soit autrement. Reconnaître le droit à un congé paternité suffisant est une incitation forte à ce que chacun dans le couple fasse sa part. Nous avons intérêt à ce que ce droit soit aussi étendu que possible. Quatre semaines de congé paternité — ou 4 + 2 — paraît de ce point de vue un seuil acceptable, mais il ne faudrait pas que ce soit moins. L’Etat de Vaud, premier employeur du canton, a un rôle à jouer non seulement compte tenu de son importance — 38'000 collaborateurs : aides-soignants, nettoyeurs, infirmiers, ouvriers qui construisent nos routes, enseignants et non des fonctionnaires, madame Baux ; ce statut a été aboli il y a vingt ans. L’Etat de Vaud doit être exemplaire. Nous constatons que de nombreux employeurs du secteur privé le sont plus encore, et pas des moindres : Novartis prévoit, par exemple, un congé parental de 18 semaines. Aujourd’hui, nous avons l’occasion de donner un signal clair de soutien aux parents, de meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle : oui à un congé paternité de 4 semaines — ou 4 + 2 — pour le personnel de l’Etat de Vaud ! 

M. Jean-Rémy Chevalley (PLR) —

Lors de la longue séance de commission, un compromis a été trouvé, pour accepter partiellement le texte proposé par le Conseil d’Etat. L’amendement qui vient d’être proposé balaie d’un revers de main ce compromis trouvé et accepté par l’ensemble de la commission. Je ne peux donc accepter cet amendement. Je vous demande de le refuser. De plus, depuis le 30 janviers dernier, la situation que nous connaissons a fondamentalement changé. La crise sanitaire est passée par là. Même si cette crise sanitaire peut paraître virulente, la crise économique qui va suivre sera dix, voire cent fois plus virulente. En acceptant le projet tel que proposé par le Conseil d’Etat, nous allons creuser un fossé encore plus énorme entre l’économie privée et publique. Il faut être raisonnable et prendre des décisions qui correspondent à la situation d’aujourd’hui. L’allongement d’un congé paternité n’est plus d’actualité. Ce qui sera d’actualité, c’est d’être sûr d’avoir du travail, un salaire à la fin du mois, et plus les jours de congé. Je vous invite à refuser la modification de l’article 35 et de s’en tenir, pour l’instant, au congé fédéral qui est de dix jours — c’est le double de ce qui était en vigueur jusqu’à maintenant — et de revenir à la modification de l’article 35 en des temps meilleurs, soit dans cinq ou dix ans. 

Mme Chantal Weidmann Yenny (PLR) —

Lors du premier débat, Mme la présidente du Conseil d’Etat a argumenté en faveur d’un congé paternité supplémentaire, en faisant état de la nécessité pour l’Etat d’être un employeur exemplaire, afin de fidéliser ses collaborateurs. Mais je vous l’assure, madame la conseillère d’Etat, vous êtes déjà un employeur extrêmement attractif : la sécurité de l’emploi, un critère inestimable de nos jours, et une caisse de pensions solide et généreuse ainsi que, pendant cette période de pandémie, une indemnisation à 100 % du salaire. Nombre d’employeurs aimeraient pouvoir offrir les mêmes conditions : au hasard, les entrepreneurs qui se battent actuellement pour garder leurs employés grâce aux réductions de l’horaire de travail (RHT) — mais pour combien de temps ? — les cafetiers-restaurateurs-hôteliers indépendants ou les hôpitaux-EMS-CMS qui essaient de recruter du personnel, mais ne peuvent déjà plus concurrencer les conditions offertes par le CHUV. Alors, sincèrement, je ne pense pas que le canton de Vaud a besoin de l’argument des quatre semaines de congé paternité pour être encore plus attractif. Les employés de l’Etat de Vaud bénéficient de certains avantages non négligeables, et je pense qu’ils en sont conscients. Ne nous trompons donc pas de combat. Il ne s’agit pas d’un débat pour ou contre le congé paternité, mais d’un débat pour savoir si un secteur plus qu’un autre doit bénéficier d’avantages supplémentaires et particuliers. Mais on ne peut pas toujours avoir le « et », il faudrait plutôt le « ou », alors qu’aujourd’hui beaucoup d’employés craignent le « plus du tout », malgré les décisions du Conseil d’Etat annoncées ce matin sur une réponse financière rapide à celles et ceux qui en ont le plus besoin. Je vous invite, au nom du groupe PLR, à refuser cet article et l’amendement proposé. 

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

Il faut remettre l’église au milieu du village. Nous parlons ici d’un projet de société. C’est un regard sur le long terme, monsieur Chollet. Il ne s’agit pas de mettre en concurrence employés de l’Etat et autres salariés et de les monter les uns contre les autres, de faire un nivellement vers le bas. Demander un nivellement vers le bas, ce n’est pas l’égalité. En raisonnant de cette manière, nous n’aurions pas le droit de vote, ni l’égalité salariale qui est garantie au sein des collectivités publiques, ni les semaines de vacances payées. Cela correspond à une attente de la jeune génération, c’est un pas en direction de l’égalité entre hommes et femmes. C’est à l’Etat et aux collectivités publiques d’être un employeur exemplaire et progressiste. Enfin, l’Etat n’est pas toujours compétitif, contrairement à ce que vous dites, par rapport au privé. Nous avons besoin de personnel dans le domaine des soins ; on se l’arrache dans le privé. Nous avons aussi besoin de personnel dans l’informatique, car nous ne sommes pas compétitifs avec le privé. L’Etat doit être compétitif dans ce domaine et dans bien d’autres. C’est ce type d’avantages qui fait la différence. Je vous invite à soutenir l’amendement de Mme Attinger Doepper.    

M. Alain Bovay (PLR) —

Le peuple suisse a plébiscité le congé paternité, avec près de 82 %, en septembre dernier. Un compromis bien helvétique a conduit ce choix, qui prévaut pour tous les cantons. Dans le canton de Vaud, le chant des sirènes ne s’est pas fait attendre et l’aile gauche de ce plénum veut déjà en faire plus. Je reprends les propos de Mme Attinger Doepper, soit d’offrir ce congé paternité pour les fonctionnaires vaudois, alors que l’économie est à la limite de l’asphyxie, entraînant de grandes inquiétudes pour les salariés et pour le maintien de l’emploi. Dans ce contexte extraordinaire, nous ne pouvons octroyer de nouveaux avantages aux fonctionnaires. Pour ce canton, qui entre dans une dimension financière difficile en raison du Covid, les projections sur l’avenir sont plutôt sombres. Il faudra payer la note. Alors que le canton ne peut pas redonner aux communes vaudoises ce qu’il a pris pour assainir son endettement, il s’est fendu d’un accord d’une cohésion sociale qui s’étend jusqu’en 2028. Ces mêmes communes vaudoises, pour la grande majorité, ne pourront pas octroyer ces avantages pour leurs propres collaborateurs. De plus, cette loi va continuer de creuser le fossé entre les employés du CHUV et le secteur parapublic, les PME et les indépendants. Ne tombons pas dans l’excès des deux mondes, celui de l’économie créateur d’emplois et de richesses qui profite à ce canton, qui se décline par des impôts nécessaires pour financer les tâches et le fonctionnement de l’Etat. La sagesse devrait nous conduire à observer le déploiement des dix jours de congé, accord tel que proposé par la Confédération et voulu par le peuple suisse, à l’ensemble des jeunes pères de ce canton, avant d’envisager d’autres mesures — dans le cas présent, de doubler la mesure. Evitons le deux poids, deux mesures : celle de la Confédération pour l’ensemble des parents suisses et celle de la gauche vaudoise pour les collaborateurs de l’Etat de Vaud. Je vous invite à refuser l’amendement de Mme Claire Attinger Doepper et l’article 35.

M. Felix Stürner (VER) — Rapporteur-trice de majorité

Je souhaite revenir sur trois points. Premièrement, le fameux « ce n’est pas le moment ». Par rapport à l’argument de M. Suter, je suis étonné ; le peuple suisse, en pleine crise de la pandémie, a bien voté pour cela. Si ce n’est pas le moment, le peuple suisse s’est aussi trompé. Je ne vois pas pourquoi le peuple vaudois devrait être désavantagé. Par ailleurs, au même titre que ce que le peuple suisse a décidé, il s’agit plutôt d’une ouverture vers l’avenir. Mme la présidente du Conseil d’Etat a bien montré la durée que prendrait la mise en vigueur de cet élément, mais j’espère qu’il y aura un après-pandémie et que les gens auront encore envie de faire des enfants. Creuser les inégalités ou creuser les fossés, il me semble au contraire qu’il s’agit de les combler. Dans ce sens, je ne soutiens pas la position de la droite.

Deuxièmement, concernant les fonctionnaires privilégiés. Je vous rappelle qu’il s’agit d’environ 400 personnes par année, avec un total en 2022 de 2 millions de francs. Ce n’est pas un arrosoir discrétionnaire qui donne à 38'000 privilégiés des moyens financiers extraordinaires. De plus, c’est financé en bonne partie par l’assurance pertes de gains (APG). Je ne vois donc pas qui arrose qui. Il y a des éléments très factuels auxquels on doit se tenir. 

Troisièmement, si le congé paternité tel que proposé dans le projet du Conseil d’Etat est le fruit d’une négociation, il s’agit de respecter un équilibre. On a trouvé un équilibre entre investissements sociaux et allégements fiscaux. Or, si on supprime ce volet, on reste d’accord pour l’allégement fiscal, mais plus pour le soutien. Le peuple vaudois a voté pour cet équilibre. C’est le fruit d’un compromis et d’une négociation au sein du gouvernement de l’Etat de Vaud. Respectons ces démarches et ne jetons l’enfant avec l’eau du bain. 

Je vous invite donc à soutenir l’amendement de Mme Attinger Doepper, qui remet les choses dans leur équilibre, telles qu’elles avaient été prévues. Il ne s’agit pas d’une cohorte de fonctionnaires qui sera arrosée par de l’argent sorti des caisses de l’Etat. Je rappelle qu’il s’agit d’un accord qui précède. S’appuyer sur une situation circonstancielle d’aujourd’hui, c’est vraiment faire preuve de mauvaise foi.  

M. Jean-Luc Bezençon (PLR) —

Je m’associe aux nombreux propos de mes collègues de la droite, spécialement à ceux de nos collègues Baux et Chevalley. Le clivage politique gauche-droite habituel est valable en situation normale. Or, nous ne sommes pas en situation normale. Offrir aux collaborateurs de l’Etat une nouvelle prestation en cette période de crise jamais connue à ce jour me fait dire que ce n’est pas le bon moment pour le faire. Nous connaissons tous les soucis que traversent les nombreuses entreprises qui se battent chaque jour pour leur survie. De nombreuses faillites seront inévitables, avec la disparition des places de travail associées. Quelle image allons-nous donner à tous ces secteurs impactés qui attendent une aide financière ? Le moment est mal venu. Les moyens financiers vont manquer pour sauver tout ce tissu économique qui contribue, par les impôts, à financer toutes les prestations sociales. Je demande à nos collègues de gauche de faire preuve de raison et de reporter cette proposition à des temps meilleurs. Je vous demande de refuser cet amendement.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

Il est difficile de prendre la parole quand presque tout a déjà été dit. On a tous un idéal dans la vie, dans les partis. L’idéal chez les Vert’libéraux, c’est un vrai congé parental pour tous. Nous nous battrons toujours pour cela. Comme plusieurs d’entre vous, j’ai eu la chance d’avoir des enfants — quatre enfants adultes — et je suis une nouvelle grand-maman. Je comprends ce qu’est l’investissement d’un papa à la maison et l’importance de ce rôle. Avec mon cœur, j’ai envie de soutenir ce congé et de donner toujours plus pour permettre aux parents de passer du temps avec leurs enfants. Mais on ne peut pas faire abstraction du monde qui nous entoure, on ne peut pas ne pas voir la crise qui tombe sur beaucoup de gens qui ont peur de perdre leur emploi. Quel message va-t-on donner à tous ces gens ? Ce sera perçu comme un avantage pour les fonctionnaires. C’est très bien que le canton de Vaud, en tant qu’employeur, défende ses employés, mais le canton de Vaud doit aussi défendre le reste de la population. Le message disant que l’on donne 4 semaines de plus que ce qui a été voté au niveau fédéral est un message qui va très mal passer et qui va être ressenti comme une injustice profonde. 

Par rapport aux propos de Mme Baux, il ne faut pas oublier que, dans le secteur de la santé, il y a énormément de gens qui travaillent dans le parapublic et qui ont souffert autant que leurs collègues employés par l’Etat. Or, ils ne verront pas la couleur de cette augmentation, car ils n’ont pas les mêmes conditions salariales. On ne doit pas oublier ce genre de choses, on ne peut pas faire abstraction de la situation dans laquelle nous sommes. Il est bien d’accorder un congé aux parents, mais ce n’est pas le moment de donner ce message aux Vaudois. Vous avez parlé de consensus, mais il ne faut pas oublier que la commission qui a travaillé le sujet est, elle aussi, arrivé à un consensus. L’amendement de Mme Attinger Doepper risque de faire voler en éclats ce consensus et que toute la proposition du Conseil d’Etat, amendée en commission, soit rejetée ; ce serait dommage. Il faut en rester à la conclusion amendée par la commission.

M. Pierre-André Romanens (PLR) —

Je déclare mes intérêts : je suis membre de la Fédération des entrepreneurs vaudois. Dans ce débat, il manque un éclairage sur le côté privé. On parle de 38'000 employés à l’Etat de Vaud, dans une mixité assez importante — assez proche de l’équilibre. En comparaison, dans le domaine de la construction, il y a 30'000 employés, mais il n’y a pas de mixité. On parle plutôt de personnel masculin, sur les chantiers en particulier. Sur ces 30'000 employés, il y a beaucoup de jeunes pères. Imaginez comment le domaine privé peut concurrencer ce qui est en train de se mettre en place avec des congés paternité de 4 semaines ! C’est impossible ! Nous sommes dans une phase critique, dans un moment délicat. Nous ne savons pas où nous allons, nous ne savons pas quand sera la sortie du tunnel. Une concurrence va être amenée par les employés de l’Etat, alors que le pourcentage est plus élevé dans le domaine de la construction, en comparaison à l’Etat. Vous amenez une disparité illégale. Je vous invite à refuser cet amendement, par respect pour les citoyens vaudois qui travaillent dans le domaine de la construction. 

M. Pierre Volet (PLR) —

Je faisais partie de la commission et j’étais farouchement contre un cumul de 20 jours plus ce qui allait se faire au niveau fédéral — au moment de la commission, nous ne savions pas encore ce qui allait se faire au niveau des votations fédérales. J’avais accepté les 20 jours en compromis, mais maintenant je suis farouchement contre, puisque l’on ressort cette épée de Damoclès. 

Première question : est-ce que les députés auront un congé paternité ou pourront avoir des indemnisations au Grand Conseil en invoquant que nous sommes députés masculins ? Pourra-t-on partir deux mardis tout en étant payés ? 

Deuxième question : est-ce que les députés fonctionnaires ne devraient pas se récuser, puisqu’ils votent quelque chose pour eux ? Normalement, en politique, quand on a des intérêts, on se récuse et on ne vote pas. 

Troisièmement, j’aimerais vous rappeler tous les avantages des fonctionnaires : congé maternité de 4 mois, congé d’allaitement d’un mois qui suit le congé maternité, congé de paternité de 5 jours ouvrables, congé de 5 jours aux parents pour les enfants malades, congé d’adoption de 4 mois, congé parental d’une année au maximum, etc. De multiples avantages. De plus, il y a la caisse de pensions, avec la primauté de prestations qui nous coûte très cher. Ils sont payés à 100 % pendant des périodes de crise, alors que notre personnel bénéficiant des RHT est payé à 80 %. On donne une très mauvaise image de la fonction publique à nos citoyens, en leur accordant encore plus d’avantages qu’aux citoyens de notre canton. Je l’ai dit en commission : on ne peut pas s’octroyer des droits dans la fonction publique, alors que l’on ne peut pas le donner au canton. Un congé paternité de 20 jours ne me choquait pas, mais j’ai été choqué que l’on revienne en arrière lors du premier débat. Maintenant, je tiens mordicus à ce que l’on fasse comme le Conseil fédéral ; la situation a changé. On en reste à 10 jours. Si l’on soutient cet amendement et qu’il y a un référendum, je pense que nos citoyens vont nous écouter et balayer ce que vous auriez décidé ici.

Mme Rebecca Joly (VER) —

« Rien n'est jamais définitivement acquis. Il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Votre vie durant, vous devrez rester vigilantes. » A l’écoute de nos débats, je n’ai pas résisté à citer Simone de Beauvoir pour commencer mon intervention. La droite de cet hémicycle profite de la crise pour remettre en cause, encore et encore, les droits des femmes. Il est aussi et surtout question d’égalité dans ce débat. Si nous demandons aujourd’hui un congé paternité, c’est parce que c’est un élément essentiel au combat pour l’égalité entre les hommes et les femmes. C’est parce que les hommes peuvent et doivent être là au début de la vie à plusieurs que nous pouvons commencer sur des bases solides qui permettent une meilleure répartition du travail non rémunéré entre les hommes et les femmes. Aujourd’hui, invoquer la crise, c’est montrer encore une fois que toutes les crises remettent une couche sur les plus fragiles, sur les inégalités. En 2020, dans ce Parlement, je suis en colère d’entendre ce genre de discours ! La crise est encore une excuse pour fragiliser des personnes qui sont déjà dans une situation d’inégalité. Je tiens à rappeler que le Grand Conseil n’a pas les compétences pour l’ensemble des employées et employés de ce canton ; nous n’avons pas compétence pour définir les congés paternité ou maternité des autres employés de ce canton. Nous avons la compétence et la responsabilité pour les employés de l’Etat de Vaud, puisque nous sommes leur employeur. C’est à nous de définir de bonnes conditions de travail, des conditions concurrentielles, car nous avons la responsabilité d’engager des personnes compétences et de ne pas nous les faire voler par d’autres entreprises qui ont de meilleures conditions. Mon préopinant a parlé de plein de congés, mais qui sont des congés non payés. En effet, à l’Etat de Vaud, on permet aux employés de prendre un certain nombre de congés non payés, comme c’est le cas dans beaucoup d’entreprises ; je ne crois pas que cela coûte beaucoup à l’Etat. Le cœur de mon propos était de parler des inégalités entre les hommes et les femmes, dont on n’a pas suffisamment parlé dans ce débat.

On parle beaucoup des avantages des employés de l’Etat. C’est vrai, il y a des avantages, notamment en ce moment une sécurité de l’emploi. On dit qu’ils ont été payés durant la crise, mais heureusement, car ils ont travaillé durant cette période de semi-confinement ; quand on travaille, c’est normal d’être payé. Mais il y a aussi un tas de secteurs dans lesquels l’Etat n’est pas compétitif ; il y a aussi des inconvénients à travailler pour une grande machine qu’est l’administration publique — et j’ai moi-même travaillé pour deux administrations publiques différentes : pour le canton et pour la Confédération. C’est parfois usant de travailler pour une machine qui nous dépasse, dont tous les processus prennent des années, sans pouvoir prendre de décisions facilement. Il n’y a pas que des avantages. Il y a une pluralité de métiers à l’Etat et il y a des domaines dans lesquels nous ne sommes pas compétitifs. Je vous invite à accepter l’amendement Claire Attinger Doepper et à ne pas remettre en cause les avancées sur le congé paternité en ces temps de crise, car c’est justement dans ces temps de crise que nous devons nous élever et continuer à nous battre pour les plus fragiles de notre société et contre les inégalités, notamment entre les hommes et les femmes.

M. Jean-Christophe Birchler (V'L) —

Je souhaite revenir sur trois points cités aujourd’hui : concurrence, privilèges et image. 

Je suis surpris que l’Etat de Vaud soit en concurrence avec nos PME. C’est grave et il s’agit d’identifier ces concurrences. Sont-ce des concurrences dans la police ? Aux écoles, vis-à-vis des écoles privées ? Dans l’informatique ? Je ne sais pas où nous sommes réellement en concurrence avec les PME. On entend qu’il est possible de faire à l’Etat ce qu’il est impossible de faire dans le secteur privé, notamment de la construction. En Allemagne, ils ont aussi des congés paternité, ils ont aussi un secteur de la construction et ils arrivent apparemment à le faire ; c’est valable aussi dans d’autres pays similaires au fonctionnement suisse. Je ne vois donc pas pourquoi on ne pourrait pas le faire aussi au niveau privé. En plus, ces congés ne sont pas forcément à prendre d’un coup ; on pourrait envisager que les employés se mettent à 80 ou 60 % durant une certaine période.

Il est étonnant de parler de privilèges ; j’ai plutôt tendance à parler de devoir. On ne parle pas de vacances, on ne donne pas le droit au jeune père de partir aux Bahamas, on leur demande d’être à la maison pour aider et de créer une ambiance de famille, qui a tendance à de plus en plus dépérir, avec les dérives qui peuvent en découler. Il s’agit de présence familiale, et bon nombre de pères de famille sont sûrement très contents de ne pas bénéficier de congé paternité, car ils sont mieux au travail que de devoir écouter les cris d’un enfant et changer des couches. Je parlerais donc plutôt de devoir — et je parle en connaissance de cause.

Quelle image souhaitons-nous donner en ces temps de pandémie ? On a deux choix : donner une image d’un Parlement progressiste, qui pense au droit de la famille, qui a une vision à long terme et qui regarde les égalités entre hommes et femmes au niveau de l’emploi — quand on engage une femme, on pense à son congé maternité, contrairement à l’homme ; on peut aussi donner l’image d’un Parlement court-termiste qui fait des sautes d’humeur et qui avait négocié quelque chose avant de revenir en arrière. Ce n’est pas l’image que j’ai de ce Parlement et j’espère que ce n’est pas l’image que l’on va donner aujourd’hui. 

Pour revenir à ce qu’a dit M. Jobin au sujet du projet de 200 millions pour soutenir les emplois en cette période, cela paraît totalement nécessaire et justifié. Si l’on revient sur les coûts du congé paternité proposé, les 200 millions sont l’équivalent de 150 à 200 ans de congé paternité. On ne doit pas opposer les deux. Il ne s'agit pas de se dire que c'est «ou, ou» — investir dans les écoles ou dans les hôtels? — mais bien se dire que c'est «et, et», afin de garder cette vision à long terme...., sachant que cette période de crise s’arrêtera. Je vous encourage à accepter l’article 35. En revanche, il n’est pas nécessaire d’entrer en matière sur l’amendement Attinger Doepper.      

M. Jean-Daniel Carrard (PLR) —

Je l’ai dit lors du premier débat : je suis favorable à aider les nouveaux pères et j’aurais plutôt tendance à avoir une réflexion sur un congé parental, comme il existe dans d’autres pays. Toutefois, il faut reconnaître que, depuis qu’on en discute, les conditions-cadres ont extrêmement changé. Le congé paternité ou parental devrait être fait lorsque l’économie nous le permettra. Actuellement, l’économie souffre, les emplois vacillent. On a débattu pour savoir s’il fallait reporter ce vote d’une semaine, mais ce n’est pas un problème d’une semaine ; il faut permettre à l’économie de se relever de cette situation pandémique épouvantable. Il faut peut-être prendre le temps d’avoir cette réflexion. 

Ce n’est pas une position contre les femmes, bien au contraire. Nous sommes tous parents et avons envie d’aider les jeunes couples et les jeunes pères. Mais ne créons pas d’inégalité entre les jeunes pères. Tous les jeunes pères ont le droit d’avoir les mêmes conditions-cadres, à l’Etat ou ailleurs. Si, au niveau cantonal, et peut-être au niveau suisse, on doit avoir des réflexions, il faut les mener. Vous me direz que l’on vient de voter 10 jours, mais peut-être faut-il aller par étapes : accepter ces 10 jours votés par le peuple et voir comment l’on peut, tous ensemble, créer quelque chose pour tous les pères, et pas seulement pour les employés de l’Etat. Dans la situation pandémique et économique actuelle, qui va vers une catastrophe annoncée, ce n’est pas le moment d’aller dans cette direction. On devrait suspendre ces réflexions et ne pas nous emballer.    

M. Gérard Mojon (PLR) —

Privilège ou pas ? Pour moi, la réponse est claire. Je déclare mes intérêts : je suis président d’une société industrielle et commerciale dont le but est de défendre les intérêts des petites et moyennes entreprises dans ce canton. Je vous l’affirme très clairement : les PME de ce canton ne pourraient pas faire face à un tel congé supplémentaire. Tout simplement, parce qu’elles travaillent avec leur propre argent. Imaginez une petite société de service qui engage une dizaine de jeunes collaborateurs, elle a besoin en permanence de l’ensemble de son équipe et de ses compétences. Je vous rappelle que le travail d’un absent, dans une petite entreprise, se reporte automatiquement et immédiatement sur les autres collaborateurs. Quand on est 30'000 collaborateurs dans une société ou à l’Etat, c’est faisable, quand on est 10, c’est beaucoup plus compliqué. Les PME ne pouvant pas le faire, on a affaire à un privilège.

J’ai entendu quelques remarques terriblement désobligeantes par rapport à notre tissu économique privé. On nous dit que donner ces quelques jours de congé supplémentaires, c’est faire preuve d’humanité, d’un état d’esprit progressiste. A contrario, cela veut dire que les PME qui ne peuvent pas le faire seraient inhumaines et rétrogrades. Je pense que l’ensemble des chefs d’entreprise de PME de ce canton apprécieront. Pour ma part, il est clair que je refuserai l’article et l’amendement proposé.

Mme Jessica Jaccoud (SOC) —

Je souhaiterais évoquer avec vous un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Il s’agit du temps du compromis dynamique. Ce temps où notre canton, où les bords politiques de ce Parlement, faisaient des deals, invoquaient plusieurs politiques publiques, associaient les besoins des uns et des autres pour trouver des majorités et pour construire ensemble l’avenir de ce canton. Cette époque, qui s’est achevée il n’y a pas si longtemps, a permis notamment d’adopter la stratégie fiscale 2022. Cette stratégie fiscale comportait un certain nombre d’éléments qui ne nous plaisaient pas beaucoup à gauche : baisse du coefficient du point d’impôt, augmentation des déductions fiscales et mise en œuvre de l’initiative des Jeunes libéraux-radicaux. Mais nous étions aussi soucieux de pouvoir voir émerger d’autres politiques publiques qui nous tiennent à cœur, qui faisaient partie de ce deal. C’était du donnant-donnant ; chacun faisait un pas vers l’autre. Dans ce deal, mesdames et messieurs de la droite qui souteniez à l’époque ces baisses de point d’impôt pour soutenir l’économie — c’étaient vos arguments — nous avons eu en échange de votre part, la possibilité d’un allongement du congé paternité pour les employés de l’Etat. Or, je constate aujourd’hui que l’accord que nous avons eu ne tient plus, puisque vous revenez sur vos engagements et votre parole. A titre personnel, je le regrette, car si j’avais su, je n’aurais sûrement pas voté les baisses d’impôt que nous avons accordées et qui étaient dans votre programme politique. Beaucoup d’entre vous ont évoqué le fait que ce n’était pas le moment de mettre en place un congé paternité de cette ampleur pour les employés de l’Etat, parce que nous vivions une crise. Je suis satisfaite de constater qu’il y a une quasi-unanimité ici pour développer des politiques de soutien à l’économie. Mais je suis surprise de voir que l’on cherche encore à opposer des politiques de soutien à des politiques d’égalité. Je constate également que la grande majorité de ceux qui se sont exprimés avant moi sont des hommes. Quand on parle de politique d’égalité et qu’on vient nous dire que ce n’est pas le moment de la mettre en place, car c’est la crise, il est toujours curieux d’entendre que ce sont des hommes qui s’expriment contre ces politiques d’égalité et qui les opposent à des politiques de soutien qu’apparemment personne ne conteste ici. Au lieu d’opposer systématiquement les uns aux autres, les idées les unes aux autres, je vous invite à défendre une nouvelle manière de faire de la politique, qui s’éloigne de celle que la droite défend, à l’instar de MM. Parmelin et Maurer, à savoir la consolidation budgétaire du tout à la dette et, au contraire, de défendre une politique de raison et d’envoyer un message fort à la population en disant que nous devons avoir des politiques de relance et des politiques d’égalité ambitieuses, car ce sont les raisons principales pour lesquelles nous avons été élus. Je vous invite à respecter l’engagement que vous aviez fait lors de la stratégie fiscale 2022, l’engagement que vous avez pris lorsque nous avons accordé des baisses d’impôt, l’engagement que vous avez pris devant les Vaudoises et les Vaudois de vous engager pour l’égalité. Je vous invite à soutenir l’amendement proposé.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

Je dépose une motion d’ordre afin que nous passions au vote.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La motion d’ordre est appuyée par au moins 20 députés.

La discussion sur la motion d’ordre est ouverte.

M. Daniel Ruch (PLR) —

Je vous propose de voter cette motion d’ordre. (Rires dans la salle.)

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La motion d’ordre Graziella Schaller est acceptée par 118 voix contre 10 et 4 abstentions.

L’amendement Claire Attinger Doepper est refusé par 72 contre 57 et 4 abstentions.

L’article 35 est accepté tel qu’admis en premier débat par 67 voix contre 66 et 2 abstentions.

M. Pierre Volet (PLR) —

J’avais posé une question à Mme la conseillère d’Etat. Pourrais-je avoir une réponse ? Il serait important d’avoir une réponse avant de voter. Les députés pourront-ils avoir un congé paternité au Grand Conseil ? 

Mme Nuria Gorrite (C-DCIRH) — Conseiller-ère d'État

Les députés ne sont pas des employés de l’Etat de Vaud ; vous n’êtes pas soumis à la Loi sur le personnel (LPers). Il y a une autre proposition qui demande l’introduction de ce type de droit pour les députés, mais cela passe par une modification de la Loi sur le Grand Conseil (LGC). Vous aurez le loisir de dire ce que vous en pensez, en vous exprimant sur le sujet. Vous avez posé une autre question, à savoir si les députés membres de l’administration ont le droit de vote, en les invitant à se récuser. Je crois que ce Parlement ne fonctionne pas ainsi. Dans cette salle, il y a des gens qui touchent une aide aux primes d’assurance que vous votez dans le budget, il y a des députés paysans qui peuvent toucher des améliorations foncières ; vous êtes vous-même un entrepreneur et vous bénéficiez sans doute d’une aide à un titre ou un autre ; il y a des enseignants, etc. Nous sommes toutes et tous concernés par l’un ou l’autre des postes du budget de l’Etat. Il n’y a pas d’article dans la LGC qui prévoit une récusation de ce type pour un droit général et non particulier. 

Je vous invite à soutenir cet article non modifié et d’en rester au vote du premier débat. C’est cette voie consensuelle qui avait été trouvée en commission. Cette voie consensuelle permet de garantir que l’ensemble des éléments du paquet qui avait été négocié par le Conseil d’Etat avec un certain nombre d’acteurs, dans une vision générale de ce que l’Etat peut faire pour un certain nombre de ses citoyens… Il y avait le paquet fiscal, dans le cadre de la stratégie fiscale 2020-2022, qui a eu un impact financier plus important que les 3 millions dont il est question ici. Les éléments de la baisse du coefficient fiscal ont un impact de l’ordre de 50 millions. L’application de l’initiative des Jeunes PLR sur la déduction des primes d’assurance-maladie a été chiffrée, dans la planification financière de l’Etat, avec un impact de l’ordre de 40 millions immédiatement et dans une dynamique qui pouvait atteindre 92,5 millions sur le budget de l’Etat. J’ajoute que, au côté de ce paquet fiscal, nous avions aussi décidé d’une politique de soutien accru à toute une série de domaines qui nous paraissaient importants pour la dynamique d’investissement, la dynamique économique de notre canton. Nous avions notamment décidé d’un paquet de 50 millions d’investissement en faveur des énergies renouvelables, en faveur de la biodiversité, en faveur de la transition numérique. Ce sont des éléments qui sont susceptibles de nous aider à nous relever de la crise du Covid, avec une dynamique de relance et d’investissements dans les secteurs d’avenir. Aider l’économie dans la transition numérique est fondamental pour rester compétitif dans ce marché. Nous allons nous relever de la crise du Covid ; il faut que nous préparions l’avenir. Il y avait également eu une négociation avec les communes, qui avaient demandé que nous venions les soutenir pour les aider à traverser l’impact financier lié à la troisième réforme d’imposition des entreprises (RIE III). Enfin, il y avait cette valeur d’ajustement en direction du congé paternité, avec un impact de 3 millions. Si l’on regarde les chiffres dont je vous ai parlé, vous vous rendrez compte que sur les environs 150 millions d’argent du contribuable qui faisait partie du paquet, nous sommes en train de discuter de 3 millions sur un budget de plus de 10 milliards.

Le Conseil d’Etat sait qu’une partie de l’économie, des travailleuses et travailleurs est en difficulté. L’Histoire a montré que ce n’est jamais en dressant les salariés et les travailleurs les uns contre les autres que nous sortons grandis des crises. Les crises se gèrent en écoutant chacune et chacun dans leurs besoins, en ne les opposant pas. L’Etat de Vaud a fait la démonstration de sa résilience. Nous entendons continuer à le faire, en articulant les besoins des uns et des autres. Le moment est celui de rejoindre les autres cantons suisses. Nous sommes le seul canton qui n’offre pas au minimum 10 à 20 jours de congé paternité pour nos employés ; c’est à cela que nous devons nous comparer. C’est ce que vous avez confirmé en premier débat. Je vous invite à en rester à cela. Soyez assurés que le Conseil d’Etat entend les besoins de l’économique, des PME. Nous l’avons démontré par les diverses décisions que nous avons prises, y compris sur le plan fiscal et sur les mesures de soutien. Nous nous apprêtons à matérialiser plus de 100 millions d’investissement. M. Broulis a dit qu’il y aura un impact de plus de 180 millions d’effets directs dans l’économie. Nous entendons passer ce moment difficile. L’Etat de Vaud, grâce au fait que nous n’avons pas abusé des yo-yos fiscaux, a une économie et une solidité financière qui nous permettent de ne pas entrer dans des politiques austères. Nous sommes un Pays de Vaud solide et uni face à la crise. Au nom de cela, je vous invite à confirmer votre vote.

M. François Cardinaux (PLR) —

Je demande un vote nominal, afin que les 375'000 personnes qui sont employées, mais qui ne font pas partie de l’Etat de Vaud puissent savoir qui va voter comment.   

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 députés.

Celles et ceux qui acceptent l’article 35 non amendé votent oui, celles et ceux qui s’y opposent votent non ; les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, l’article 35 est accepté tel qu’admis en premier débat par 68 voix contre 66 et 1 abstention.

L’article 4, formule d’exécution, est accepté tel qu’admis en premier débat.

Le projet de loi est adopté en deuxième débat.

La discussion générale est ouverte.

Mme Céline Baux (UDC) —

Mme la conseillère d’Etat vient de dire que tous les cantons de Suisse accordaient un congé paternité. Je viens de vérifier : le canton de Fribourg accorde 5 jours. J’aimerais qu’elle précise ce qu’elle voulait dire par « tous les autres cantons que le canton de Vaud ont un congé paternité de longue durée ».

Mme Nuria Gorrite (C-DCIRH) — Conseiller-ère d'État

Je vous confirme que le canton de Neuchâtel offre 20 jours, le Jura 2 semaines. J’ai transmis ces éléments en commission. En effet, Fribourg offre 5 jours, mais le Valais, Berne, le Tessin offrent 10 jours. Nous sommes le troisième canton de Suisse et vous venez de décider de modifier les 5 jours en faveur d’un autre régime et je vous en remercie.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le projet de loi est adopté en deuxième débat et définitivement par 69 contre 64.

M. Philippe Jobin (UDC) —

Je demande le vote nominal.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 députés.

Celles et ceux qui soutiennent ce projet de loi en vote final votent oui, celles et ceux qui s’y opposent vote non ; les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, le projet de loi est adopté définitivement par 69 contre 65.

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