Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 18 mai 2021, point 31 de l'ordre du jour

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Mme Carine Carvalho (SOC) — Rapporteur-trice

La commission s’est réunie le 7 septembre 2020, en présence du chef du Département des finances et des relations extérieures et du responsable de la construction durable de la Direction générale des immeubles du patrimoine (DGIP). La motion de notre collègue Arnaud Bouverat demande au Conseil d’Etat d’établir un inventaire des potentiels et une planification globale du développement de l’énergie solaire thermique et photovoltaïque sur les infrastructures publiques et parapubliques du canton de Vaud.

Le motionnaire relève que sa motion concerne non seulement les toits, mais également l’ensemble des infrastructures, comme les bordures d’autoroute ou les parkings. Il y a des opportunités à saisir, car les technologies en matière d’énergie solaire s’adaptent désormais à des supports diversifiés et permettent de maximiser les rendements. La motion vise à dépasser la logique de l’autonomie insuffisante pour assurer le tournant énergétique. On peut réduire la consommation d’énergie des bâtiments, mais on doit réfléchir en termes de dispositifs plus durables et renouvelables. La motion demande à l’Etat d’être pilote non seulement pour les bâtiments du canton, mais aussi pour les infrastructures parapubliques. De plus, il s’agit de réfléchir aux partenaires — comme les entreprises électriques, les services industriels, les distributeurs — et partir du principe que tous les acteurs doivent collaborer à la réalisation des potentiels.

Finalement, pour son auteur, la motion est pertinente sur le plan économique : l’installation de panneaux photovoltaïques génère des emplois dans les entreprises. En allant plus loin que l’autonomie, le dispositif vise à réaliser des économies d’échelle : la concentration de la production au lieu d’installations individuelles est plus rentable et le canton pourrait bénéficier d’aides fédérales supplémentaires, la Confédération évoluant dans cette direction.

Pour le chef du département, les intentions de la motion s’inscrivent dans la politique cantonale actuelle, en particulier dans le Plan climat. Il ne s’oppose donc pas au texte qu’il assimile toutefois plutôt à un postulat. Le motionnaire mentionne avoir déposé une motion en raison de la nécessité de modifier le cadre réglementaire et légal, ainsi que le Plan directeur cantonal (PDCn), la Conception cantonale de l’énergie (CoCEN) en particulier. Selon lui, une réponse au texte par une demande de crédit serait incomplète, car la motion demande une dynamique de collaboration entre les institutions pour la planification et l’identification des potentiels. Il ne s’oppose pas à la transformation de sa motion en postulat, si le Conseil d’Etat annonce qu’il peut, dans le cadre de ce postulat, commencer la mise à jour du PDCn et de la CoCEN et adapter la réalisation du Plan climat dans le sens de la motion. Le chef du département indique qu’un investissement ne constituerait pas la seule réponse à l’intervention parlementaire ; le rapport permettrait d’offrir une base à la révision des fiches du PDCn en 2024. La rédaction du rapport nécessitera la coordination de plusieurs départements et la réunion de tous les acteurs pour réfléchir à l’ensemble des possibilités d’infrastructures en regard des technologies actuelles. Le rapport pourra proposer quelques pistes pour modifier des lois et des fiches du PDCn, ainsi que des propositions pour coordonner l’action des acteurs du patrimoine et de l’énergie. S’il y a des modifications légales réglementaires à apporter, le Conseil d’Etat les soumettra au Grand Conseil sans attendre une nouvelle intervention parlementaire.

Ainsi rassuré, le motionnaire transforme sa motion au postulat et, à l’issue de la séance, la commission recommande au Grand Conseil de renvoyer au Conseil d’Etat la motion transformée en postulat à l’unanimité de ses membres.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Arnaud Bouverat (SOC) —

Le développement des dispositifs de production d’énergie renouvelable est, à notre avis, une pièce maîtresse de la politique climatique que doit mener une collectivité publique. Une étude publiée par l’Office fédéral de l’énergie, au printemps 2020, a démontré que la transition énergétique suisse vers les énergies renouvelables est possible d’ici à 2050, avec une multiplication par cinq du rythme de déploiement du photovoltaïque notamment. En parallèle, un rapport d’août 2019 rédigé par le bureau EBP Schweiz sur mandat du WWF Suisse a montré que, à l’exception du canton de Bâle-Ville, sur plusieurs points, la plupart des cantons sont à la traîne en matière de politique énergétique sur le bâti. Le canton de Vaud est notamment mal noté sur ses prescriptions en matière d’énergie renouvelable, en tout cas pour ce qui concerne le bâti, même si la motion originelle traite d’un domaine plus large, comme l’a mentionné la rapportrice.

Notre CoCEN mentionne que l’énergie solaire est aujourd’hui la seconde source de production électrique du canton, derrière l’hydraulique. Son potentiel de développement est grand et pourrait passer comme le principal contributeur dès 2035. Un rapport diligenté par la Direction générale de l’environnement, publié en mars dernier, montre des pistes intéressantes pour le développement de l’énergie solaire par des financements participatifs. Des pistes sont données pour accroître son développement, notamment par l’intermédiaire de l’organisation de campagnes de communication envers les propriétaires privés et publics dans le canton. Néanmoins, de telles pistes, même si elles sont intéressantes, ne suffisent pas, à notre avis. Nous souhaitons en effet que l’Etat, en collaboration avec d’autres collectivités publiques, ne soit pas seulement facilitateur ou communicateur, mais vraiment moteur et planificateur de production d’énergie renouvelable et du solaire en particulier. Pour mettre ce coup d’accélérateur au développement de l’énergie solaire dans notre canton, il convient de mettre en place une planification globale et coordonnée du développement de l’énergie solaire sur des bâtiments et infrastructures publics et parapublics.

Pourquoi le solaire ? Le canton dispose, parmi les 1400 bâtiments dont il est propriétaire, de très grandes surfaces particulièrement bien orientées pour la production d’énergie solaire, que ce soit sur les toits ou les façades, mais également sur d’autres infrastructures ¾ arrêts de bus, collèges, garages et parkings ¾ sur lesquels les technologies permettent le développement de l’énergie solaire photovoltaïque. Il ne faut pas oublier la quantité de participations dont l’Etat dispose dans des fondations et établissements parapublics, qui eux aussi peuvent être impliqués dans le développement de ces énergies. Et ce, d’autant plus qu’ils se retrouvent très souvent localisés à proximité de lieux à forte densité de population, donc de consommation d’énergie.

La motion transformée en postulat demande au Conseil d’Etat d’établir un inventaire des potentiels et une planification globale du développement d’énergie solaire thermique et photovoltaïque sur les infrastructures et bâtiments publics et parapublics. La volonté est réelle de dépasser simplement la question de l’autonomie énergétique du bâtiment, mais aussi d’envisager vraiment le développement de l’énergie renouvelable pour des consommations externes. La solution de mettre à jour le PDCn nous paraît pertinente. Le postulat a aussi pour ambition d’amener une collaboration interdépartementale et interinstitutionnelle qui est encore aujourd’hui manquante pour atteindre les objectifs ambitieux de la conversion énergétique. Il faudra bien entendu des moyens financiers pour réaliser cette politique et des moyens humains pour la coordonner. Ici, entre en jeu le devoir d’exemplarité d’une collectivité publique cantonale dans le défi énergétique pour le futur. Ce postulat permet aussi de contribuer à la reconversion écologique de notre économie, une nécessité non seulement pour des questions environnementales, mais aussi pour le développement d’un emploi durable et la préparation du marché de l’emploi des générations futures. Je remercie l’unanimité qui s’est dessinée en commission et j’espère qu’elle saura également convaincre ce plénum.

Mme Séverine Evéquoz (VER) —

J’ai pris connaissance — cet après-midi seulement, je l’avoue — du texte de M. Bouverat et j’ai écouté son développement avec attention. N’ayant pas suivi les travaux de la commission, je m’interroge sur le dépôt de ce texte. Evidemment, je le trouve très pertinent, mais je souhaiterais que l’on puisse intégrer dans la réflexion les aspects paysagers. Je sais que cela a été intégré dans la commission. Toutefois, dans le cadre de ce débat, j’aimerais que l’on retienne le mot « multifonctionnalité ». En effet, la biodiversité est un enjeu et lorsque j’entends parler d’installations solaires sur des toitures ou des façades, il y a un vrai enjeu de rendre la ville et les infrastructures de transport plus organiques. On parle de « ville éponge », de végétalisation des bâtiments, de potentiel des bâtiments pour la nature et le paysage. En lisant le rapport de la commission et en entendant le débat que nous avons maintenant, j’entends peu d’attentes sur ce point. Je pense malgré tout que cela reste essentiel. Lorsque j’entends parler du PDCn, j’estime que cette logique de multifonctionnalité entre nature-paysage et énergie solaire doit être intégrée dans la réflexion. J’aimerais vraiment que ce point puisse être intégré dans la logique qui sera développée à la suite de la prise en considération du postulat de M. Bouverat, postulat que je trouve évidemment très pertinent en raison des enjeux qu’il défend.

M. Guy Gaudard (PLR) —

Je décline mes intérêts : je suis propriétaire d’une entreprise d’installation électrique, à Lausanne, nous procédons également à l’installation de cellules photovoltaïques. Je crois que personne dans cet hémicycle ne saurait s’opposer, pour une raison ou pour une autre, à ce postulat et je remercie mon collègue Arnaud Bouverat de l’avoir déposé. Néanmoins, à la lecture du rapport de la commission, je remarque que l’on parle beaucoup de la Romande Energie comme partenaire quasi officiel. J’aurais souhaité savoir si le Conseil d’Etat avait quand même prévu de distribuer des travaux aux entreprises privées, soit par du gré à gré ou du marché public, par lot, par périphérie, ou je ne sais par quel système d’adjudication ? J’aimerais entendre M. le conseiller d’Etat sur la stratégie de distribution des mandats pour la pose des cellules photovoltaïques.

M. Pascal Broulis — Conseiller-ère d'État

Je remercie M. Bouverat d’avoir accepté de transformer sa motion en postulat. Comme cela a été relevé, il y a plusieurs départements concernés. Par ailleurs, il y a une interaction avec les fiches d’aménagement du territoire. Du côté de l’Etat, il y a une volonté claire d’implanter des énergies alternatives et durables.

Je pense que, sur la question du paysage, le Parlement a déjà tranché. Je vous rappelle que ce dernier a souhaité que le Conseil d’Etat installe un maximum de panneaux solaires photovoltaïques. Pour moi, cette question est tranchée aujourd’hui. Des arbitrages se font, mais le Parlement a été très clair sur ce sujet : il souhaitait implanter, sauf sur la Cathédrale et sur un ou deux bâtiments, un maximum de panneaux photovoltaïques.

M. Gaudard a demandé avec qui nous souhaitions travailler. L’Etat va forcément confier des mandats ou mettre à disposition des pans de toitures ou d’infrastructures. Cela n’empêche nullement de travailler avec des privés. Si nous parlons de la Romande Energie, c’est parce qu’elle est en mains minoritaires de l’Etat. Mais lorsqu’on fait le point global, au niveau de la Romande Energie, avec les communes, il y a une majorité liée à cette compagnie. Il est donc logique qu’une interaction se fasse, comme pour d’autres objets, avec des partenaires directs de l’Etat. Encore une fois, cela n’empêche pas de travailler avec des privés. Pour l’heure, c’est néanmoins prématuré, puisque ce que demande le postulant, c’est d’avoir une stratégie globale et d’utiliser le maximum du potentiel qu’offre ce profil d’énergie.

Il faudra que je voie avec mes collègues le tempo de réponse que nous pourrons apporter à ce postulat, puisque, dans ces différents secteurs de l’énergie renouvelable, il y a une forte interaction avec mes collègues Luisier Brodard et Métraux. Nous ferons néanmoins diligence pour répondre à M. Bouverat.

Mme Séverine Evéquoz (VER) —

Les propos de M. le conseiller d’Etat me heurtent un peu lorsque j’entends que la pesée d’intérêts se fait déjà, alors que c’est au moment de la planification concertée entre différents départements que vous pourrez réellement définir les enjeux énergétiques enjeux de paysage et de diversité, soutenus par le Plan climat. Evidemment, cela se passe au niveau technique et pas uniquement politique. Il y a suffisamment de cadres et de jalons posés en faveur de ces thèmes. Aujourd’hui, l’on ne peut pas seulement affirmer que l’énergie prend le dessus. Ce n’est justement pas le cas. L’ensemble doit être pertinent et performant. J’espère réellement que la Direction générale de l’environnement sera intégrée à cette logique d’aménagement du territoire. Si vous ne le faites pas en amont, c’est par la voie traditionnelle des oppositions que vos projets n’avanceront pas. Il est donc important, dès le départ, d’avoir une logique intégrée et inclusive.

M. Pascal Broulis — Conseiller-ère d'État

Je rappelle quelques demandes de votre Parlement. Ce dernier a demandé, dans une motion, que le Conseil d’Etat soit proactif sur la pose de panneaux solaires : partout où on peut en mettre, il faut en mettre. Néanmoins, cela n’empêche pas la coordination. A un moment donné, il faudra aussi fixer des priorités : on ne veut pas du nucléaire, on ne veut pas des éoliennes, on ne veut pas des barrages, on ne veut pas des panneaux solaires… En vérité, il faudra un jour se poser la question : veut-on encore des êtres humains ? Un être humain — même dans une société à 2000 Watts — consommera toujours. Comme la population du canton augmente quotidiennement — pour le bien de la pyramide des âges — j’aimerais une fois vous entendre dire à quel moment la croissance démographique posera des problèmes à certaines personnes. Personnellement, cela ne me pose aucun problème : je suis favorable à un canton avec 1 million d’habitants. D’ailleurs, dans quelques instants, nous aurons à débattre de cette question avec un texte qui concerne la croissance démographique. Forcément, s’il y a plus de monde, même à 2000 Watts, il faudra plus énergie. Il y aura donc une pesée d’intérêts à faire. Pour la qualité de vie des êtres humains, nous devrons trouver des solutions, mais à force de tout interdire, il devient compliqué pour le Conseil d’Etat d’agir. Je voulais simplement vous rappeler ces quelques valeurs.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération par 62 voix contre 58 et 1 abstention.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

Je demande un vote nominal.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 députés.

Si vous acceptez la prise en considération de ce postulat, vous votez oui. Si vous la refusez, vous votez non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, 62 députés acceptent la prise en considération du postulat et 62 s’y opposent.

Le postulat est pris en considération, la présidente ayant tranché en sa faveur.

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