Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 15 février 2022, point 28 de l'ordre du jour

Texte déposé

Ce n’est un secret pour personne : notre système de santé souffre d’un problème de transparence. A cet égard, le communiqué de presse du 17 décembre 2020 de la FINMA, autorité de surveillance pour les assurances privées, est révélateur. Revenant sur le marché des assureurs maladies complémentaires, l’autorité précitée mentionne que « les factures dans le domaine de l’assurance-maladie complémentaire sont souvent opaques et semblent parfois trop élevées ou injustifiées ».

 

Concrètement, la FINMA fait état entre autres des problèmes suivants :

  • Doubles facturations : des prestations déjà couvertes par l’assurance obligatoire des soins (ci-après : AOS) sont à nouveau décomptées dans l’assurance privée, au moins en partie.
  • En cas d’assurance en division privée ou semi-privée, les honoraires de médecins peuvent être automatiquement plus élevés. La FINMA a même identifié des cas où près de 40 médecins (!) ont fait valoir des honoraires pour un seul patient, sans justification.
  • Pour une même opération, comme une prothèse de hanche, des coûts de 1500 francs à 25'000 francs supplémentaires ont été facturés à l’assurance complémentaire, en plus du montant de 16'000 francs déjà couvert par l’AOS. De grandes différences de coûts sont aussi identifiées pour les prestations hôtelières.
  • Enfin, les assurés ne reçoivent « en règle générale aucune copie de la facture » du prestataire pour les prestations fournies. De l’aveux même de la FINMA, « la transparence n’est pas garantie ».

 

Sur la base de ses analyses, la FINMA considère que, sur l’ensemble du marché, « le montant qui ne devrait pas être assumé par les payeurs de primes est significatif ».

 

Au vu de la grandeur du marché concerné - d’un volume de primes de plus de 3,7 milliards de francs -, ces révélations sont significatives, et mettent en lumière un secteur trop peu contrôlé. Au final, ce sont les personnes assurées, de l’assurance obligatoire ou de l’assurance privée, qui subissent de plein fouet cette surfacturation.

 

Selon une étude de l’OFSP, la surmédicalisation des personnes assurées bénéficiant d’une assurance complémentaire conduit à des coûts supplémentaires – complètement inutiles – à hauteur de 400 millions par année pour l’AOS.

 

Au niveau du Parlement fédéral, le problème a été soulevé par plusieurs parlementaires.Une dénonciation pénale est même envisagée. Dans ses réponses, le Conseil fédéral mentionne que la surveillance des fournisseurs de prestations ressort de la compétence des cantons. On se rappelle à ce propos que l’Etat de Vaud avait déjà soulevé ce problème il y a plusieurs années déjà, en lien avec des facturations de cliniques genevoises. Cependant, la procédure avait été stoppée à la suite d’un arrêt du Tribunal cantonal.

 

Selon les soussigné.e.s, il est urgent de renforcer le contrôle de la facturation par les fournisseurs de prestations. Si la FINMA est l’autorité de surveillance de l’activité de contrôle par les assureurs, la réponse du Conseil fédéral aux différentes questions orales en la matière souligne que les cantons sont compétents pour assurer la surveillance des fournisseurs de prestations. 

 

Une base légale formelle en la matière serait néanmoins indispensable pour effectuer concrètement, des contrôles. Il serait également souhaitable de connaître les actions qui ont/auraient été prises par le FINMA et l’OFSP à la suite du communiqué de presse précités, afin de pouvoir cas échéant coordonner les différentes réponses. 

 

Au vu de ce qui précède, les soussignés ont l’honneur de demander à ce que Conseil d’Etat présente au Grand conseil un projet de loi permettant de contrôler, au niveau cantonal, les prestations facturées à charge de l’assurance privée. Le cas de la double facturation, à l’assurance de base et à l’assurance complémentaire, doit être investigué de manière prioritaire, tout comme la violation du droit à l’information du patient sur sa facture. L’objectif doit être double, pour plus de transparence et d’économie dans l’intérêt des personnes assurées. 

 

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Yves PaccaudSOC
Salvatore GuarnaSOC
Monique RyfSOC
Carine CarvalhoSOC
Jean-Claude GlardonSOC
Denis CorbozSOC
Stéphane BaletSOC
Sébastien CalaSOC
Valérie InduniSOC
Muriel ThalmannSOC
Léonard Studer
Alexandre DémétriadèsSOC
Claire Attinger DoepperSOC
Alberto CherubiniSOC
Arnaud BouveratSOC
Muriel Cuendet SchmidtSOC
Rebecca JolyVER
Julien EggenbergerSOC
Stéphane MontangeroSOC
Delphine ProbstSOC
Cédric EchenardSOC
Jean-Marc Nicolet
Jean TschoppSOC
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Alexandre RydloSOC
Cendrine CachemailleSOC
Isabelle FreymondSOC

Documents

21_MOT_12-Texte déposé

Rapport de la commission RC-21_MOT_12 - Sylvie Podio

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

Décision du Grand Conseil après rapport de la commission - Motion transformée en postulat

Mme Sylvie Podio (VER) — Rapporteur-trice

La commission s’est réunie le 22 novembre 2021 pour traiter la motion Jessica Jaccoud et consorts au nom du groupe socialiste. Cette motion faisait suite à la communication du 17 décembre 2020 de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) relative à la facturation à l’assurance complémentaire. Cette communication met en lumière que, dans le cadre de l’assurance complémentaire, lorsque le prestataire fait une double facturation, à savoir lorsqu’il facture une même prestation à l’assurance obligatoire et à l’assurance complémentaire, il est difficile pour les parties concernées de vérifier l’exactitude desdites factures. La motion demande au Conseil d’Etat d’agir sur le plan légal, ce qui permettrait de contrôler la facturation des prestations à charge des assurances privées afin d’éviter une double facturation et de garantir les droits des patientes et patients.

Le Conseil d’Etat a entrepris plusieurs démarches depuis 2016 concernant cette problématique. Elles sont relatées dans le rapport de commission. Dans le contexte actuel, sur la base de l’avis de droit du Professeur Kieser qui stipule que le Conseil d’Etat a la responsabilité de délivrer les autorisations aux fournisseurs de prestations et de contrôler le respect par ceux-ci de la loi, Mme la cheffe de département estime que la motion est bienvenue.

Lors de la discussion générale, la commission s’est accordée sur le fait que la double facturation est un problème et n’est pas légale. Toutefois, elle ne s’est pas accordée sur la nécessité de prévoir une base légale. Pour les opposantes et opposants à la motion, il s’avère inopportun de légiférer sur les relations contractuelles privées. Ils estiment que les assureurs ont pris le problème au sérieux en adoptant les grandes lignes sectorielles, et que cette feuille de route est contraignante et suffisante. Pour les personnes qui soutiennent la motion, il est de la responsabilité de l’Etat de protéger les assurés et de veiller au respect des lois. Il est relevé que le Conseil fédéral estime que c’est aux cantons d’assurer la surveillance en la matière et que sans base légale, cette surveillance est impossible pour le Conseil d’Etat.

Au-delà des divergences, toute la commission reconnaît l’existence d’un problème à résoudre. Les commissaires s’opposent surtout à l’outil parlementaire proposé, à savoir la motion, mais sont prêts à se rallier à un postulat qui permettrait la poursuite de ce débat important tout en laissant la porte ouverte à une diversité de réponses.

Compte tenu des opposantes et opposants, la motionnaire accepte cette transformation. La commission recommande donc au Grand Conseil de renvoyer au Conseil d’Etat la motion transformée en postulat, à l’unanimité.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Jessica Jaccoud (SOC) —

Je prends la parole en tant qu’ancienne motionnaire et désormais postulante. En effet, j’ai accepté de transformer mon texte en postulat, en séance de commission. Cela a permis une prise de considération de celui-ci à l’unanimité de la commission thématique qui l’a traité. Je suis particulièrement ravie des débats que nous avons eus en commission et surtout de l’unanimité qui s’en est dégagée quant au fait qu’il existe un problème de grande ampleur. Il est absolument nécessaire de trouver une solution. Le débat en commission a permis de dégager un consensus qui n’existait peut-être pas il y a quelques années. Il a pu émerger des enquêtes de la FINMA et des chiffres importants mis en avant concernant la double facturation. Cette dernière pèse sur les épaules des assurés qui paient les primes d’assurance-maladie couvrant ces doubles facturations.

Ce n’est pas parce que la double facturation touche les assurances complémentaires que l’Etat n’a pas à intervenir. Il est nécessaire que l’Etat intervienne dans un domaine comme celui de la santé lorsque des prestataires facturent les mêmes prestations à double, à savoir à l’assurance-maladie de base et à l’assurance complémentaire. Au fond, il n’y a aucune raison que les uns s’enrichissent sur le dos des autres par des procédés incorrects. Même si les prestataires qui effectuent les doubles facturations sont minoritaires dans le milieu des soins, il est nécessaire d’agir afin que ce procédé cesse. Je suis donc ravie que l’unanimité de la commission ait décidé de renvoyer ce postulat au Conseil d’Etat. Elle a donné un signal clair sur la nécessité, pour l’Etat, d’intervenir afin d’éviter les doubles facturations.

C’est sur la méthode et la manière d’intervenir que les voix se sont opposées. Pour cette raison, j’ai accepté de transformer ma motion en postulat afin de laisser au Conseil d’Etat la latitude nécessaire pour trouver le moyen d’intervenir le plus efficacement afin de préserver l’intérêt des assurées et assurés du canton de Vaud et d’autres cantons, qui pourraient demander à leur propre canton d’agir, puisque le Conseil fédéral a décidé de ne pas agir sur ce sujet pour l’heure. Je vous remercie de réserver un bon accueil à ce postulat, à l’instar de la commission, et de le renvoyer au Conseil d’Etat.

Mme Josephine Byrne Garelli (PLR) —

La CTSAP a traité la motion de notre collègue Jessica Jaccoud le 22 novembre 2021. La motion faisait suite à la communication du 17 décembre 2020 de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) relative à la facturation à l’assurance complémentaire, ainsi qu’à la lettre d’information de la Surveillance des prix d’octobre 2021, qui confirme le constat de la FINMA. Il a été constaté qu’il existe une double facturation pour la même prestation à l’assurance obligatoire des soins et à l’assurance complémentaire, et que des différences importantes de coût existent d’un établissement à l’autre pour une même opération.

La motionnaire demandait la création d’une base légale cantonale permettant de contrôler la facturation des prestations à charge de l’assurance privée afin d’éviter la double facturation et de garantir le droit à l’information aux patientes et patients. La conseillère d’Etat a informé la commission que cette question préoccupe son département depuis 2016. Sous l’impulsion d’un courrier de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), plusieurs démarches ont été entreprises dans le cadre de la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé. Des discussions ont eu lieu entre la Fédération des hôpitaux vaudois, Vaud Cliniques, le CHUV et la Société vaudoise de médecine. Sur le plan fédéral, l’OFSP a échangé avec la FINMA, la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé, l’association faîtière des hôpitaux suisses H+, Cliniques privées suisses, la Surveillance des prix et l’Association des assureurs maladie, dans le dans le but d’élaborer une compréhension commune de la problématique et d’éventuelles mesures à prendre pour éviter la double facturation. A la suite de la communication de la FINMA et de la Surveillance des prix, l’Association suisse d’assurances a édicté les grandes lignes sectorielles sur les prestations supplémentaires selon la loi sur les contrats d’assurance. Ces grandes lignes, publiées en juin 2021, soit à peine six mois après la communication de la FINMA, prévoient un rythme de mise en œuvre accéléré. Elles visent à renforcer la transparence dans les contrats tarifaires conclus avec les cliniques privées et à instaurer des principes communs relatifs à la facturation des prestations complémentaires pour la fin 2021.

A partir de janvier 2022, les assureurs disposent du droit de signer des conventions de prestations supplémentaires uniquement si lesdites prestations répondent aux principes établis dans les grandes lignes sectorielles. Jusqu’en décembre 2024 au plus tard, toutes les conventions existantes devront être dénoncées et remplacées par des conventions qui appliquent les principes de grandes lignes sectorielles. La feuille de route établie est contraignante et les compagnies d’assurance sont tenues de respecter les étapes définies.

Au-delà des divergences exprimées pendant le débat en commission – pour ou contre l’inscription du contrôle de la facturation par l’Etat dans la Loi sur la santé publique (LSP) – toute la commission a reconnu l’existence d’un problème à résoudre. C’est pourquoi il fut demandé à la motionnaire de transformer sa motion en postulat. Certains commissaires estiment prématuré de prévoir une base légale si, dans l’intervalle, les assureurs respectent leurs engagements. Le postulat permet de poser le dossier sur la table du Conseil d’Etat et d’envisager une législation dans le cas où l’action des assureurs complémentaires ne devait pas donner satisfaction.

La motionnaire a accepté de transformer sa motion en postulat, que les membres de la commission recommandent de renvoyer au Conseil d’Etat. Le groupe PLR vous invite à faire de même.

M. Sébastien Cala (SOC) —

La problématique soulevée par notre collègue Jaccoud est particulièrement pertinente. Le mois dernier, une concitoyenne m’a interpellé concernant la facturation d’une opération cardiaque réalisée sur son père. Ce dernier, assuré en privé, a été orienté par son cardiologue auprès d’un établissement privé afin d’effectuer la pose d’un pace maker. La facture arrivée, ce citoyen de la Vallée de Joux s’est posé quelques questions. En effet, dans le détail des prestations réalisées, on constate que l’implantation d’un stimulateur cardiaque a été facturée à deux reprises. Cet homme et sa fille ont alors appelé l’assureur afin de recevoir des explications, qu’ils n’ont pu obtenir. Sans faire de généralités sur cette pratique, on constate que la facturation s’élève à un peu plus de 9’000 francs pour une facture globale de 23’000 francs. Ce cas concret et ce montant significatif démontrent le besoin de mener une réflexion et d’agir. Je vous encourage donc, dans l’intérêt des assurés, à soutenir la motion transformée en postulat de notre collègue Jessica Jaccoud.

M. François Cardinaux (PLR) —

J’entends ce qui est dit et ces magnifiques exemples, mais ils n’ont rien à voir avec ce qui nous est demandé. J’ai accepté la motion transformée en postulat, car il est toujours intéressant d’accéder à une vision claire et nette de qui paie quoi. Mais quand on écoute bien – je vous encourage à revoir ce qui a été dit par les différents intervenants – on confond la Loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) et la Loi fédérale sur le contrat d’assurance (LCA). Je soutiens le renvoi au Conseil d’Etat parce que c’est un postulat qui apportera de la clarté et donnera aux services de l’Etat la possibilité de nous expliquer la situation ; il convient de ne pas confondre les choses.

Mme Rebecca Ruiz (C-DSAS) — Conseiller-ère d’Etat

La double facturation contrevient à la protection tarifaire ancrée à l’article 44 de la LAMal. C’est pourquoi, il y a quelques années, le Département de la santé et de l’action sociale, par l’entremise de mon prédécesseur, avait sollicité un avis de droit auprès du Professeur Kieser pour déterminer quelle était l’instance compétente, d’une part, pour contrôler la facturation des cliniques privées et, d’autre part, pour approuver les conventions tarifaires des hôpitaux dits conventionnés. Cet avis de droit a mis en évidence une série d’éléments que je ne vais pas citer ici et il exprime de manière claire que les cantons ont la légitimité de contrôler la facturation effectuée par les fournisseurs de prestations au titre de leur compétence de police sanitaire. Je ne reviens pas sur tous les travaux en cours concernant ce dossier auprès d’autres instances que le canton et auxquels vous êtes nombreux à avoir fait référence.

Si aucun changement n’intervient sur le plan fédéral et sur celui des prescriptions de la FINMA, mener ce type de contrôle au titre de police sanitaire nécessiterait une base légale formelle qui permettrait d’en préciser les contours. Cette base légale devrait concerner non seulement les établissements sanitaires, mais également les médecins qui y exercent de manière à accéder à une vision complète de la facturation établie en lien avec un séjour hospitalier, avec une possibilité de mener des contrôles dans le domaine ambulatoire. Un tel ancrage devrait être apporté dans la Loi sur la santé publique et sur la base des différents contrôles et des démarches entreprises depuis 2017 par le département de la santé.

Le Conseil d’Etat se montre ouvert au renvoi du postulat, ce qui permettra de présenter les évolutions du dossier, en lien avec les autres échelons et instances que j’ai évoqués, et cas échéant, de faire au Grand Conseil une proposition d’ancrage, dans une base légale, des dispositions nécessaires pour que de tels contrôles soient possibles, si cela s’avère utile le moment venu.

Mme Laurence Cretegny (PLR) —

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération avec quelques avis contraires et plusieurs abstentions.

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