Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 27 avril 2021, point 33 de l'ordre du jour

Texte déposé

La plupart de moyens de transport de notre pays s’électrifient pour réduire la combustion de carburant d’origine fossile et son impact en termes d’émissions de CO2 qui reste une des plus grandes priorités de notre pays.

 

A titre d’exemple, la coopérative de partage de véhicules Mobility vient d’annoncer qu’elle va progressivement remplacer sa flotte actuelle par des véhicules électriques.

L’augmentation de la densité d’énergie dans les batteries ouvre la voie aux avions électriques dont un exemple est le H55 développé par André Borschberg et son équipe à Sion. A l’heure où ce postulat est déposé, une équipe tente d’établir un nouveau record du monde de vol électrique entre Zürich et la mer du Nord en avion électrique.

 

Au niveau de la mobilité électrique sur l’eau, beaucoup de choses sont encore à faire mais le potentiel est présent. A titre d’exemple la Norvège pratique avec succès le transport de personnes et de voitures sur ses Fjords par bateau électrique. Plus proche de nous Bertrand Picard et la CGN font la promotion de l’utilisation d’hydrogène comme source énergétique pour des bateaux à propulsion électrique. Des fabricants locaux (Grove Boats) ou encore européens (Candela boats) offrent des solutions de mobilité électrique sur plan d’eaux accessibles à une toujours plus grande proportion de clients.

 

A la vue de ces développements rapides et prometteurs, ce postulat demande au Conseil d’Etat de produire un rapport examinant les mesures d’encouragement qu’il pourrait envisager dans ce domaine dont notamment (mais pas exclusivement) :

 

             Encourager la CGN à rénover sa flotte par des moteurs à propulsion électrique

             Encourager les ports à développer les accès à des bornes de recharge dédiées

             Encourager les utilisateurs privés via des subventions (cf modèle du vélo électrique)

           Encourager les loueurs professionnels de bateaux sans permis à passer à l'électrique

Conclusion

Renvoi à une commission sans 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Cloé PointetV'L
Dominique-Ella ChristinV'L
Claire RichardV'L
Jean-Christophe BirchlerV'L
Jean-François ChapuisatV'L
Blaise VionnetV'L
Graziella SchallerV'L
Claude-Alain GebhardV'L

Documents

Rapport de majorité de la commission (20_POS_2) - Jean-Francois Thuillard

Rapport de minorité de la commission (20_POS_2) - Didier Lohri

Objet et développement

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Jean-François Thuillard (UDC) — Rapporteur-trice de majorité

Le postulant souhaite remplacer tous les moteurs à énergie fossile, partout où cela est possible, par des moteurs électriques ou à hydrogène. La question de la mobilité sur nos lacs se pose. Le postulant a eu contact avec des députés membres du conseil d’administration de la Compagnie générale de navigation (CGN). Il est demandé que le Conseil d’Etat réfléchisse et encourage la mobilité électrique sur nos lacs. Il souhaite qu’une stratégie soit présentée au Grand Conseil. Selon le Conseil d’Etat, les études actuelles sont priorisées sur le trafic routier et plus particulièrement sur le trafic individuel. Pour ce qui est de la CGN, elle est engagée en matière de durabilité et quatre points sont décrits dans le rapport concernant son engagement. Je vous fais grâce de la lecture de ces quatre points.

La majorité de la commission est satisfaite de l’engagement de la CGN en faveur du zéro émission. La flotte historique ne serait pas touchée par ce postulat. Le subventionnement pour incitation de changer la propulsion d’un bateau en grande partie de loisirs, l’équipement de bornes de recharge sur tout le tour de nos lacs, y compris en zones frontalières, le nombre d’heures d’utilisation moyenne annuelle de chaque bateau ont incité la commission, par 8 voix contre 7, à ne pas prendre ce postulat en considération.

M. Didier Lohri (VER) — Rapporteur-trice de minorité 1

Je ne vais pas répéter les propos tenus par mon préopinant. Lors du débat en commission, il est ressorti que la minorité ne pouvait pas se contenter d’attendre que des solutions soient trouvées au petit bonheur la chance, mais la minorité désirait que le Conseil d’Etat informe ou soit proactif en établissant un tableau de bord des mesures à compléter pour réussir la transition vers une diminution des nuisances sonores et de limitation des effets de serre. La minorité de la commission désire, par le biais de ce postulat, offrir une pérennisation d’un inventaire volontariste, afin d’élargir aux lacs le périmètre de développement de motorisations alternatives aux moteurs thermiques, d’étudier l’impact des mesures écologiques envisageables non seulement pour le secteur public, mais aussi les privés et la flotte historique, de coordonner à échelle internationale et intercantonale les différentes législations pour rendre la mobilité vaudoise utilitaire et de loisirs plus respectueuse des eaux et de l’air. La minorité de la commission propose au Grand Conseil de renvoyer le postulat au Conseil d’Etat.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Laurent Miéville (V'L) —

En tant que porteur du postulat déposé au nom du groupe vert’libéral, sous l’impulsion de l’ancien député Jacques-André Haury, je ne peux que vous encourager à renvoyer ce postulat au Conseil d’Etat tel que proposé par le rapport de minorité. La mobilité au sens large s’électrifie sous la pression de réduire nos émissions de CO2 et les nuisances sonores. Notre canton, sous l’impulsion quasi unanime de notre plénum, a récemment présenté une série d’actions visant à promouvoir le remplacement de voitures thermiques par des voitures électriques pour les personnes vivant dans des immeubles. Ce postulat a pour but d’étendre cette réflexion à la mobilité électrique des bateaux sur nos lacs. Que ce soit la CGN, mais aussi les PME locales, de nombreux acteurs développent des solutions plus respectueuses de l’environnement et de la faune lacustre. La Confédération s’attache également, dans sa loi sur le CO2, à encourager une mobilité électrique moins génératrice de gaz à effet de serre. Fort de ce constat, il me semble logique et naturel de demander au Conseil d’Etat d’étendre ses réflexions dans un domaine en pleine évolution, la mobilité électrique sur nos plans d’eau, et d’informer notre plénum sur ce sujet. Pour toutes ces raisons, je vous encourage à soutenir le rapport de la minorité, qui propose le renvoi de ce postulat au Conseil d’Etat.

M. Alexandre Rydlo (SOC) —

Le groupe socialiste vous invite à accepter ce postulat, à une époque où les économies d’énergie et la transition vers des énergies durables sont devenues nécessaires pour assurer la durabilité de notre société. Les propositions de ce postulat sont logiques et ont du sens. La mobilité électrique est une réalité dans le domaine ferroviaire depuis plus de 100 ans. Elle devient une réalité dans le domaine automobile. Des tentatives existent dans les domaines naval et aéronautique. Allons de l’avant pour les eaux vaudoises. Cela ne pourrait être qu’au bénéfice de notre flore et faune lacustre ainsi que des populations qui vivent aux abords des rives. Par ailleurs, en attendant la téléportation quantique, il faut bien dire que la mobilité électrique est la mobilité de demain. C’est aussi quelque chose qui nous amènera une amélioration notable pour l’ensemble des acteurs qui ont des bateaux sur le lac. Je rappelle que c’est un postulat qui amène des demandes de propositions, qui n’amène pas des obligations. L’ensemble des idées émises dans ce postulat ont un sens logique pour celles et ceux qui ont un bateau. Je tiens à préciser que les quelques subventions que l’on octroierait dans le cadre de ce postulat ou dans le cadre des mesures qui seraient prises par le Conseil d’Etat ne concernent pas des personnes qui auraient la possibilité d’acheter un bateau car ils sont riches, mais l’ensemble des gens qui ont un bateau sur le lac, notamment les pêcheurs, des gens qui vivent du lac. La mobilité électrique est l’avenir pour notre société. Je vous invite à accepter ce postulat.

M. José Durussel (UDC) —

C’est un postulat coûteux, avec très peu de résultats et énormément de propositions difficiles à respecter. Force est de constater que les surfaces lacustres entièrement vaudoises et navigables sont faibles : le lac de Joux, le lac de Bret… et encore… allez faire la différence avec les navigateurs genevois, valaisans, français, fribourgeois, neuchâtelois et bernois. Au nom du groupe UDC, je vous recommande de ne pas prendre ce postulat en considération.

M. Pierre Volet (PLR) —

A l’exception des propos de mon préopinant, tout ce qui vous a été dit n’est pas tout à fait juste. Pour moi, c’est une mauvaise idée, du moins pas adaptée à l’économie ou à un avantage écologique. Pourquoi ? La flotte des bateaux historiques vient d’être rénovée et continue de l’être ; on ne va pas les transformer en moteur électrique. Ce n’est pas touché par ce postulat, mais on ne sait pas… En revanche, selon Mme la conseillère d’Etat, tous les nouveaux achats devront être faits avec des propulsions moins polluantes. Pour les bateaux de nos citoyens, si l’on veut passer à la propulsion électrique, il faudra des dizaines d’années pour les changer ; à moins que vous vouliez leur imposer de changer de bateau plus rapidement, mais je ne sais pas comment vous ferez avec la population. Il faut en moyenne 40 à 50 ans pour changer un parc de bateaux — et je ne suis même pas certain que cela soit suffisant, car un bateau dure longtemps — contrairement à un parc de véhicules qui peut changer entre 10 et 12 ans pour passer à l’électricité. Dans une entreprise, si avec 20 % d’énergie, on peut régler 80 % des problèmes, on le fait. Par contre, essayer d’améliorer l’écologie de 0,3 % d’émissions de gaz et 0,7 % de carburant, soit 1 %, avec 99 % de financement ou d’énergie, cela ne vaut pas la peine. Je pense que l’argent et l’énergie peuvent être placés ailleurs et avec de meilleurs résultats. Je vais vous donner un exemple pour que vous compreniez bien l’inutilité de ce postulat et qu’il y a mieux à faire ailleurs avec une vraie économie de CO: 90 % des propriétaires de bateau l’utilisent trois à quatre mois maximum par année, le taux de sortie étant de quinze sorties annuelles ; si l’on passe au tout-électrique, il faudra charger des batteries toute l’année et les changer tous les deux ans, car elles ne seront plus utilisables, pour aussi peu d’utilisation. Je prends l’exemple d’un vélo : si j’achète un vélo pour l’utiliser trois ou quatre fois par année, pour le fun et pour dire que j’économise du CO2, ma batterie sera foutue en deux ou trois ans et je devrai la changer ; où est l’économie là-dedans ? En revanche, une personne qui utilise son vélo électrique toute l’année verra sa batterie durer de nombreuses années. Celui qui utilise son bateau verra donc sa batterie durer des années. Selon moi, il n’y a donc pas d’économies de CO2, au contraire, car les batteries seront sous tension toute l’année. Les bateliers vont brancher la prise sur leur bateau pour charger les batteries et éviter qu’elles soient foutues. Il y a des gens qui les laissent pendant plusieurs mois sans les utiliser, voire qui les enlèvent de leur bateau. Comment les bateliers vont faire pour le cabotage dans les ports non équipés pour recharger les bateaux électriques, soit le Valais, Genève, Neuchâtel, Fribourg, Berne, etc. ? Et la France, pour le lac Léman ? De plus, les ports sont propriété des communes, pour la plupart. Ce sont donc les communes qui devront équiper leur port à grands frais. De plus, l’électricité et l’eau ne font pas toujours bon ménage : risques d’accidents, il y a eu des morts. Je déclare mes intérêts : je suis administrateur d’un port à la Pichette. C’est très compliqué de gérer l’électricité. Il y a d’autres énergies et économies de CO2 beaucoup plus importantes. Avec 1 franc, on économiserait beaucoup d’énergie de CO2. Là, on va dépenser 99 francs pour économiser 1 % d’énergie. C’est idiot ! Tout cela est un très mauvais calcul. Concentrons notre argent et notre énergie pour les vraies économies de CO2.

Mme Alice Genoud (VER) —

Les Verts soutiennent ce postulat. Comme tout postulat, des propositions sont faites, mais elles restent des propositions ; l’idée est de pouvoir y réfléchir. On a déjà pu dégrossir le projet en commission, notamment sur la question de la CGN et de sa flotte plus ancienne. On a déjà dit que l’idée n’était pas de tout changer, mais que cela concernait plutôt les nouveaux bateaux. On a pu réfléchir à l’idée des bornes, qui a été évoquée par M. Volet. Il est noté dans le rapport de minorité que l’idée n’est pas de favoriser ces bornes. C’est une peur qu’il faut enlever. Aujourd’hui, on réfléchit beaucoup à la mobilité de demain, à la mobilité sur la terre, notamment avec les transports individuels motorisés, avec la question des transports de marchandises, mais on réfléchit encore assez peu à la navigation lacustre. Ce n’est pas parce que c’est seulement une petite partie de la mobilité et donc une petite partie des émissions CO2 dans notre canton qu’il ne faut pas y réfléchir. C’est un mauvais argument, car si l’on réfléchit ainsi, on ne fait rien. Il faut renvoyer ce postulat. Nous avons vu en commission que le Conseil d’Etat va déjà dans ce sens, que ce soit au niveau de la CGN ou pour une réflexion plus globale. Cela permettrait d’asseoir une politique qui me semble importante pour notre avenir et pour une mobilité entièrement durable, sur les lacs ou sur la terre.

Mme Cloé Pointet (V'L) —

L’électrification de notre mobilité n’est pas la solution totale pour régler le problème des émissions dans ce domaine, mais c’est sûrement une des solutions les plus intéressantes et une partie importante de ce que nous pouvons et devons mettre en œuvre. C’est pourquoi les Vert’libéraux vous encouragent à soutenir ce postulat qui demande une réflexion autour de la mobilité électrique sur notre lac. Nous vous invitons donc à soutenir le rapport de minorité.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

Le Vaudois a peur de l’eau. Il n’a pas pu supporter un canal du Rhône au Rhin, car il y avait de l’eau, et peut-être des bateaux sur cette eau, peut-être même des bateaux motorisés. Il ne supporte pas non plus quand on parle de bateaux sur le lac, hors les restaurations. Votre serviteur avait dit que le lac Léman est aussi un lac qui permet le transport et qu’il imaginait qu’il y ait des bateaux qui fassent Villeneuve-Lausanne-Morges le matin et le soir, pour amener des pendulaires, ce qui ferait moins de monde sur la route et dans les trains. J’ai déjà vu passer toutes sortes de postulats ; celui-là ne fait pas partie des plus stupides. Bien entendu, je ne vais pas demander que l’on change les moteurs des bateaux historiques rénovés à grands prix. Cela serait stupide. Cela fait partie de notre histoire ; les défenseurs de l’environnement sont priés de les prendre comme ils sont.

Heureusement que l’on ne nous propose pas de ramer, parce que quand on rame, la quantité de CO2 émise par des rameurs en plein effort est évidemment incompatible avec les objectifs que l’on se fixe en matière de protection de l’environnement. En revanche, est-il interdit de réfléchir sur des modes de transport motorisés autres que ceux qui existent maintenant ? Il ne sert à rien de refuser ce postulat. De toute façon, les générations qui viennent poseront quand même la question et finiront par imposer ce qui leur semble être juste — comme n’importe quelle génération qui arrive au pouvoir et qui est certaine que ce qu’elle croit est juste. Pour ma part, je trouve cela intéressant. Il est intéressant de discuter de la réponse du Conseil d’Etat et de permettre le débat, car ce débat va se faire, qu’on le veuille ou non. Je suis intéressé par un débat sur l’utilisation des voies d’eau comme moyen de transport — en regrettant encore une fois le canal. On n’est pas obligé, du jour au lendemain, de motoriser tout le monde à l’électricité. On prend le temps, comme un bateau, et on essaie de trouver de bonnes solutions qui conviennent à tout le monde, tout en respectant l’histoire et en permettant les transports. Je trouve ce postulat intéressant. 

M. Alexandre Rydlo (SOC) —

En effet, cela prendra un certain temps de changer le parc thermique des bateaux des différents lacs vaudois. Mais il faut quand même se rendre à l’évidence, beaucoup des bateaux que l’on a aujourd’hui sur le lac Léman, du moins pour les plus petits qui sont équipés d’un moteur thermique, ne sont déjà plus dans les normes admissibles au contrôle des bateaux. A un moment ou un autre, les gens qui ont ce type de bateaux devront de toute façon procéder à un changement de motorisation thermique. Et c’est là que ce type de postulat, avec les mesures que l’on peut imaginer dans le cadre des réponses apportées par le Conseil d’Etat, mèneront les gens à changer de motorisation pour une motorisation électrique plutôt que thermique. Evidemment, pour celles et ceux qui souhaitent faire du bruit et montrer qu’ils ont un gros bateau qui va vite sur le lac, ce n’est pas forcément avec de l’électrique qu’ils pourront équiper leur bateau, mais peut-être changeront-ils d’état d’esprit.

Pour la question de la flotte historique de la CGN, à titre personnel, je ne suis pas pour un changement du système de propulsion de ces bateaux. Par contre, il se posera la question lorsqu’il s’agira de changer les blocs thermiques qui permettent de créer la vapeur qui fait fonctionner les différentes turbines qui équipent ces bateaux : comment produira-t-on la vapeur ? On ne va pas changer les roues à eau ; elles sont aujourd’hui acquises dans la flotte historique de la CGN. Mais la manière de produire l’énergie et les moyens de propulsion de ces bateaux pourront être remis en question. Pour l’instant, on a fait un changement sur un certain nombre de ces bateaux. On va encore probablement les avoir un certain temps, mais les générations futures qui devront se poser la question pour le maintien de ces bateaux en état seront amenées à se poser la question d’un point de vue de l’ingénierie : comment voudront-elles produire le moyen de propulsion ?

Lorsqu’il s’agira d’acheter de nouveaux bateaux à la CGN — c’est la tendance qui se développe de plus en plus pour ce type de compagnies de transport de personnes par voies fluviales ou lacustres — on aura très certainement de plus en plus de bateaux de nature électrique dans les nouvelles générations de bateaux dans le commerce. La réflexion menée dans ce postulat est tout à fait logique et j’imagine que la CGN ne l’a pas attendu pour y réfléchir. Par conséquent, on ne peut que saluer ce postulat pour encourager le financement de ce type de bateau.

M. François Cardinaux (PLR) —

Je m’inscris en faux sur ce que vient de dire mon préopinant. En effet, ce postulat a un énorme défaut : à travers une entité simple qui semble être absolument logique, on entend déjà dire « si quelqu’un a un bateau qui va vite ou qui pollue, on doit le supprimer ». On sent très bien que l’intention de M. Laurent Miéville de parler de notion de bateaux de type CGN est en train de tourner vers le bateau du type privé. Je pense que l’on est en train de faire faux dans notre Grand Conseil ; nous devons réfléchir à l’ensemble des concitoyens, nous ne pouvons pas suivre le postulat Miéville qui fait un joyeux mélange entre la CGN, les bateaux utilitaires et les bateaux privés. Laissons vivre les gens, laissons-les aller tranquillement en ayant un avantage : celui de la réflexion. Et là, on ne va vraiment pas dans le bon sens.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Je déclare mes intérêts : je suis membre du Conseil d’administration de CGN Groupe et de CGN SA, sur mandat du Conseil d’Etat. Je ne vais pas entrer dans des détails particuliers, mais attirer l’attention sur deux ou trois éléments. Tout d’abord, le rapport le souligne, des efforts considérables sont déjà entrepris par la CGN en vue d’arriver à une mobilité la plus douce possible. Ce sera le cas des deux nouveaux bateaux qui seront bientôt mis en service ces prochaines années, avec une réduction d’émissions d’environ 50 %.

J’ai quelques doutes sur les déclarations de M. Rydlo, qui dit que l’on va transformer les machines à vapeur par un système de combustion électrique. J’ai de très sérieux doutes, car à mon avis tout est classé et on ne pourra rien toucher ; de plus, comme les anciennes locomotives à vapeur, je pense que ce n’est pas la voie la plus simple.

S’agissant des autres bateaux navigants, l’expérience des futurs Naviexpress nous a enseigné que ce n’est pas si facile de trouver des motorisations électriques ou semi-électriques. J’entendais notre collègue dire que ce serait sur le marché, mais pour la motorisation traditionnelle ce n’est déjà pas simple de trouver des chantiers navals qui font ce type de bateaux lacustres. Il y a passablement de concurrence sur certains bateaux, et beaucoup moins sur d’autres. Dire que cela ira tout seul avec le marché me semble très compliqué ; même pour des bateaux relativement classiques les problématiques liées à l’appel d’offres ont été très compliquées.

Il faut distinguer deux choses. Tout d’abord, la navigation privée sur le lac Léman ; à terme, comme la motorisation sur route, l’évolution va se faire inévitablement. En ce sens, le postulat met l’accent sur des éléments à ne pas oublier en termes de mobilité. Mais évitez de compliquer les choses en ayant de grands projets, à mon avis difficilement applicables, pour accompagner la CGN qui a, en cette période de COVID, passablement de choses à gérer et qui accomplit cette double mission délicate à concilier : d’une part de tourisme et d’autre part de transport pur du point A au point B. Il ne faut pas rêver sur certains aspects, en ce qui concerne la CGN, même si je répète que la tension est permanente pour améliorer la diminution de consommation de carburant, améliorer la motorisation et aller vers une transition verte. Mais je vous prie de croire que c’est très compliqué et que le marché ne va pas tout seul.

M. Laurent Miéville (V'L) —

J’aimerais préciser quelques chiffres, par rapport à l’impact de cette réflexion. Dans un article de Le Temps paru il y a quelques semaines sur le sujet — ce qui montre l’actualité de la chose — il est mentionné le chiffre de 90'000 tonnes de CO2 émises en Suisse chaque année. Cela est l’équivalent de 6'500 ménages. Ce n’est donc pas quelque chose que l’on peut balayer d’un revers de la main. Le sujet est intéressant. Je précise que le postulat ne vise pas, à ce stade, d’exiger des mesures contraignantes ou financièrement impactantes pour l’Etat. Le postulat vise à clarifier la position de l’Etat, son rôle dans cette activité. Il ne faut pas interpréter de manière trop exigeante ce que ce postulat demande. A ce stade, il demande juste un rapport du Conseil d’Etat, afin qu’il se positionne sur un sujet d’actualité. On voit aussi Bertrand Piccard faire la promotion de ce type de propulsion sur nos lacs. Cela montre qu’il y a un intérêt. Pour terminer, je réitère que, en effet, les bateaux historiques ne sont pas concernés ; nous sommes conscients de l’impact extrêmement compliqué qu’il y aurait à modifier ces bateaux. Nous voulons plutôt nous projeter vers l’avenir et définir plus précisément le rôle du canton, qui est déjà actif au niveau de la mobilité des véhicules sur nos routes. Avec ce postulat, il va pouvoir se positionner sur cet aspect complémentaire.

M. Pierre Volet (PLR) —

Lors de la commission, Mme la conseillère d’Etat nous a dit qu’il ne valait pas la peine de dépenser de l’énergie administrative pour un résultat qui n’a pas d’intérêt. Je vous ai donné l’exemple des batteries. Faisons quelque chose ailleurs. C’est comme si le propriétaire d’un chauffage pollue un petit peu, et qu’on s’occupe de lui plutôt que de s’occuper de la Satom ou de Tridel, parce que lui, avec un filtre ou un investissement, pourrait diminuer drastiquement la pollution. Nous sommes des politiques. Nous devons agir sur la pollution et le CO2, nous sommes tous d’accord. On doit aller vite, mais ce postulat va partir dans les archives ; le résultat sera nul à cause des batteries. Il faudra de l’énergie pour brancher tous ces bateaux tout l’hiver. C’est un faux calcul. Le débat a été fait en commission, il est encore fait ici. Je ne vois pas l’intérêt de perdre du temps pour quelque chose qui n’économise pas d’énergie, voire au contraire. Cela vous a été expliqué pour les bateaux de la CGN, la flotte historique ne sera pas touchée. Tout ce qui va être acheté aura comme critère d’être le moins gourmand possible en énergie. C’est donc en ordre, on peut s’arrêter là.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Rapporteur-trice de majorité

J’aimerais rappeler le titre du postulat : « Pour un soutien clair à une mobilité électrique sur nos lacs ». De plus, j’ai entendu plusieurs fois dire, dans ce plénum, que ce n’est qu’un postulat. L’expérience que j’ai de ce Grand Conseil, c’est que chaque fois que l’on accepte un postulat, le lendemain on lit par voie de presse que le postulat accepté donne la direction et la population pense que c’est la direction que le canton souhaite. Je me méfie toujours des postulats.

M. Pierre Volet (PLR) —

J’aimerais ajouter, comme mon préopinant l’a dit, que vous voulez donner des subsides à des gens qui ont des gros moteurs, alors que c’est faux : dans le lac, il y a toutes les couches de la population. Il y a des gens qui mettent des centaines d’heures pour réparer leur petit bateau à moteur électrique ou à moteur thermique. Il ne faut pas croire qu’il y a seulement deux ou trois imbéciles — certes, il y en a ! — qui veulent mettre leur moteur à fond et faire du bruit et des vagues. C’est une minorité, comme pour les motos. Il y a toujours une minorité qui dérange. Mais là, ce n’est pas vrai. Quand on va sur le lac, c’est pour se reposer, pour avoir du plaisir. Vous êtes en train de demander au Conseil d’Etat des subsides pour changer leur bateau thermique en bateau électrique, alors que je suis persuadé — prouvez-moi le contraire, avec des études, ce n’est pas possible — que l’on ne peut pas faire d’économies avec ces batteries qu’il faut recharger. Un bateau s’utilise trois à quatre mois par année ; il y a au maximum quinze sorties par année. Il y a des centaines de bateaux qui ne bougent pas toute l’année, mais il faudra charger leur batterie pour rien. Il y a des bateaux qui ne sortent jamais, mais qui ont des batteries. Quand la batterie sera foutue, on la changera, car ils veulent un bateau pour éventuellement sortir une fois. C’est une aberration ! C’est le praticien qui a vécu 25-30 ans sur le lac, qui y a passé ses vacances, qui a visité tous les ports du lac, qui vous le dit, en tant qu’administrateur d’un port. C’est une aberration, du travail et de l’énergie pour rien ! L’économie est de zéro. Mettons notre énergie et notre argent pour faire de vraies économies de CO2. Les jeunes nous demandent d’aller rapidement, mais pas pour des peccadilles et des conneries.

M. Maurice Mischler —

Je me sens obligé de répondre à M. Volet, qui dit quand même beaucoup de bêtises. S’il est demandé des bateaux à énergie électrique, évidemment les économies d’énergie se mesureront pour savoir comment a été produit l’électricité, exactement de la même manière que pour des voitures électriques. On le dit depuis 10 à 20 ans : si on produit de l’énergie avec du solaire, que ce soit avec des barrages ou des éoliennes, non seulement il y a des économies d’énergie, mais cela fait surtout des économies de gaz à effet de serre. C’est cela la problématique : quand on se demande comment se déplacer, se chauffer et utiliser les énergies, c’est pour éviter les gaz à effet de serre. On en a marre des élucubrations de M. Volet.

M. Jean-Rémy Chevalley (PLR) —

On a là un grand débat pour pas grand-chose. Si on se réfère à ce qu’a voté le peuple en 2017, soit la Loi énergétique pour 2050, on trouve l’obligation à terme d’utiliser des énergies renouvelables et, si possible, indigène. Cela veut dire que tous nos moyens de locomotion devront changer, à terme, d’alimentation en énergie. Cela se fera tout seul ; il suffit de respecter la volonté du peuple d’ici 2050. Il n’y pas besoin de faire de grands débats, tout va se faire tout seul. Restons-en là avec ce débat.

M. Pierre Volet (PLR) —

Monsieur Mischler, je ne vous ai pas parlé d’énergie, mais de batteries. Pour faire des batteries, il faut les construire, les rénover, les changer, les transformer, en refabriquer. C’est cela qui est une aberration dans ce postulat. Je rappelle à la gauche, quand on parlait des chauffages électriques, qui a défendu l’abolition des chauffages électriques dans nos maisons : c’était vous ! Vous avez attaqué les chauffages électriques et maintenant, je vous rétorque le contraire. Si c’est de l’énergie propre et renouvelable, et pas du charbon d’Allemagne, chauffons nos maisons avec de l’électricité. Vous changez d’avis en fonction de la météo. Je ne suis pas d’accord avec vous.

Mme Béatrice Métraux — Conseiller-ère d'État

Mes propos en commission ont été mal compris. En commission, je n’ai jamais dit qu’il ne fallait pas soutenir le postulat. J’ai simplement indiqué ce que la CGN faisait, ce qui a d’ailleurs été rappelé par le député Buffat. Je vous ai aussi rappelé les mesures que nous avions prises pour favoriser le développement de l’infrastructure publique et privée des bornes de rechange dès le mois de février 2021. Ce sont des mesures à hauteur de 14 millions. Mais ce que je vous ai surtout dit, c’est que le Conseil d’Etat a une réflexion et cette réflexion est itérative. Cela veut dire que nous avons, dans les mesures d’impulsion du Plan climat, développé un certain nombre de mesures, que ce soit pour les bâtiments, pour le transport individuel, la biodiversité, l’agriculture ; ce sont ces 173 millions. Je vous ai également dit que nous envisageons déjà la deuxième génération du Plan climat, avec des réflexions qui vont de l’électricité à l’hydrogène, en passant par toutes les énergies renouvelables. C’est cela qu’il faut voir, cette réflexion itérative. Non, le Conseil d’Etat ne se transportera avec l’énergie quantique ; on va réfléchir à des énergies renouvelables, à comment produire et utiliser au mieux l’électricité. On a déjà commencé avec le transport individuel, on a déjà commencé à aider les personnes qui voulaient avoir une voiture électrique, on a déjà des discussions avec les départements de Mmes Luisier Brodard et Gorrite, mais notre réflexion est permanente. M. Vuillemin l’a dit : en effet, on nous demande d’anticiper et de réfléchir au-delà des mesures particulières. En commission, je n'ai jamais appelé à refuser ce postulat. La décision appartient à votre autorité, mais toute réflexion est bonne à faire. Pour l’instant, nous sommes concentrés sur les transports individuels motorisés, mais rien n’empêche les réflexions futures.   

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération par 71 voix contre 58 et 4 abstentions.

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