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Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 4 mai 2021, point 26 de l'ordre du jour

Texte déposé

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Rapport de minorité de la commission - 18_MOT_065 - Grégory Devaud

Rapport de majorité de la commission - 18_MOT_065 - Jean Tschopp

Objet

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Jean Tschopp (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

La commission s’est réunie les 29 mars et 14 mai 2019. Nous voilà donc deux ans après pour — enfin ! — traiter cet objet qui a souvent été porté à l’ordre du jour, et reporté. C’est un soulagement de pouvoir avoir ce débat aujourd’hui avec vous.

Cette demande émane de plusieurs jeunes — qui le sont un peu moins aujourd’hui, plus de deux ans après leur demande — hors parti ou actifs au sein de différents partis politiques, qui, quel que soit leur bord politique et leur orientation, se sont retrouvés autour d’une idée simple : le droit de vote à 16 ans — mais pas le droit d’éligibilité — au motif que nous avons intérêt à avoir une participation aussi large et étendue que possible, qu’à 16 ans on a le discernement suffisant et attendu pour pouvoir s’exprimer sur tout un tas de sujets, que 16 ans est l’âge où l’on a eu à l’école et au collège les cours d’éducation à la citoyenneté qui permettent de se familiariser aux débats d’idées, aux débats publics, au fonctionnement de notre démocratie, aux débats contradictoires, au régime démocratique que l’on connait, au droit d’initiative et au droit de référendum. Une majorité de la commission s’est retrouvée derrière l’idée qu’à 16 ans, le temps passe plus lentement qu’à 30, 40 ou 50 ans ; et quand on a eu des cours pour savoir comment fonctionne notre système démocratique, on veut pouvoir utiliser ce droit sans devoir trop attendre. Il y a là un argument essentiel : en effet, quand on a appris les fondements de notre démocratie, on a envie de faire usage de ce droit et de ne pas devoir attendre 2 ou 3 ans de plus.

Vous le savez comme moi, les jeunes votent peu. Toutefois, en 2019, aux élections fédérales, ils se sont davantage prononcés que lors des précédents scrutins. Mais il est vrai que les moins de 30 ans est la tranche de la population qui vote le moins. Dès lors, pourquoi élargir ce vote aux moins de 18 ans ? Face à un âge moyen qui a tendance à reculer — si l’on prend l’âge moyen de participation aux élections et aux votations, qui s’inscrit d’ailleurs dans un vieillissement plus général de la population — nous avons intérêt, si nous aspirons à une représentation des différentes couches qui composent la société, à élargir également ce droit de vote aux plus jeunes. Il faut leur dire qu’ils ont leur mot à dire, que nous sommes attachés à notre démocratie, que les résultats aux référendums et initiatives lient les autorités. Ce n’est pas du vent. Il faut valoriser ce droit. Un des bons moyens de le valoriser — mais ce n’est pas le seul — c’est de donner la possibilité à celles et ceux qui le souhaitent, dès l’âge de 16 ans, car à 16 ans on a la maturité suffisante pour pouvoir s’exprimer, de faire usage de ce droit.

Tels sont les principaux arguments qui incitent la majorité de la commission, par 7 voix contre 5 et 3 abstentions, à vous inviter à suivre cette recommandation. Si ce texte est renvoyé au Conseil d’Etat, ce dernier devra, en toute logique, proposer un changement de la Constitution, puisque la révision du corps électoral est définie dans notre Constitution vaudoise. Cela signifie qu’il y aura une votation populaire, ce qui est sans doute sain et souhaitable pour un sujet de cette importance. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à soutenir cette motion.

M. Grégory Devaud (PLR) — Rapporteur-trice de minorité 1

J’espère que la minorité convaincra une majorité de ce plénum de classer cette motion. Si nous parlons de motion aujourd’hui, les avis juridiques fournis à la commission sont clairs : en cas de renvoi au Conseil d’Etat, seule une révision de la Constitution permettrait d’intégrer le droit de vote aux moins de 18 ans. En effet, qui dit révision constitutionnelle dit votation populaire, car seuls le souverain et les personnes majeures pourront finalement décider d’accorder un droit pour nos jeunes âgés de 16 à 18 ans.

Là n’est pas la seule difficulté, et en cela la motion reste bien vague et bien vaste. Il ne s’agit pas seulement de la question du droit de vote, mais qu’en est-il du droit de signer, voire de lancer, des initiatives ou des référendums destinés au corps électoral. A ce jour, nous n’avons pas cette précision et c’est bien dommage. Dès lors, nous arrivons très vite à la question de l’aspect indissociable — selon la minorité de la commission — du droit de vote et du droit d’éligibilité, qui vont de pair et qui ne peuvent être attribués qu’à des personnes en âge de majorité civile et civique, aptes et autorisées à engager leur personne, par leur signature, par exemple pour un contrat d’apprentissage. La question, pas si saugrenue, d’un élu municipal de moins de 18 ans ne pouvant engager sa commune par sa signature, mais par celle de son représentant légal, nous laisse perplexes. La motionnaire a d’ailleurs confirmé que sa volonté, à terme, était d’atteindre cet objectif et que cette motion, incluant pour l’instant seulement le droit de vote à 16 ans, n’était « qu’un premier pas dans son action ».

La minorité rappelle donc ici que la majorité à 18 ans est un tout. D’aucuns souhaiteraient rabaisser cet âge… soit, mais là n’est pas le débat ni l’objet de la motion. Nos droits et nos devoirs, c’est tout ou rien ! Pour le coup, la majorité à 18 ans est un tout. Si on peut considérer que les jeunes de 16 ans sont amenés à opérer des choix de vie importants, le nécessaire accompagnement par des parents ou des proches reste et restera très important. Rien ne vaut un bon entourage familial, une éducation moderne et de précieux conseils des plus anciens pour permettre aux jeunes de se lancer dans la vie. La minorité estime que nombreuses sont les possibilités d’incursion dans la vie active et la sensibilisation de nos jeunes aux notions d’engagement. Je citerai ici le Conseil des jeunes, très mis en valeur ces derniers temps par le Conseil d’Etat, la Commission des jeunes ou le Parlement des jeunes — de magnifiques organisations à soutenir encore davantage. On peut aussi évoquer toutes les possibilités d’implication sur le plan associatif, dans les clubs sportifs, dans les écoles de musique, dans les associations de quartier, dans les sociétés de jeunesse campagnarde, au travers d’Easyvote et tant d’autres. Il nous apparait important de favoriser la transition entre 16 et 18 ans, entre l’école obligatoire, les études ou l’apprentissage et la majorité.

Parlons-en d’ailleurs : quels engagements de l’Etat pour les cours de citoyenneté à l’école ? Quelle approche pour ces cours dans les gymnases, dans les écoles professionnelles ou post-obligatoires ? Aux partisans de cette motion, argumentant un hypothétique vide existant entre la fin de l’école et l’obtention des droits civiques, nous répondrons que le département en charge de l’enseignement serait bien inspiré de soutenir davantage les cours de citoyenneté et l’accompagnement de nos jeunes durant cette période, afin de réellement leur mettre toutes les cartes en main et les amener à pouvoir se forger une opinion librement et bénéficier pleinement de leurs droits une fois la majorité atteinte. Votre serviteur se permettra très prochainement de déposer une intervention devant ce plénum, afin d’obtenir un rapport précis sur cette question.

En conclusion, la minorité de la commission vous encourage à classer cette motion. Considérant ce fabuleux droit de vote et d’éligibilité comme un tout, ce droit pour lequel certains, ailleurs dans certains pays, se battent ou sont emprisonnés, se sacrifient même parfois pour l’obtenir — je ne parle même pas ici de la vaste thématique de l’usage de ce droit et de l’abstentionnisme — ce droit dont nous fêtons cette année les 50 ans de juste normalité et d’égalité entre les femmes et les hommes. Ce droit ne doit pas être donné au rabais. C’est tout ou rien. C’est tellement fabuleux de savoir que l’on a le droit à tout, à voter pour nos libertés et à être élus pour nos responsabilités. Pour nos jeunes, pour les femmes, pour les hommes, pour les Suisses, pour les étrangers, pour tous ceux qui ont le droit de vote et d’éligibilité, je vous invite à refuser cette fausse bonne idée.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Raphaël Mahaim (VER) —

Ce texte vise, à terme, à réviser la Constitution, parce que c’est un passage nécessaire. Il vise surtout — et c’est l’objectif que les Verts défendront au fil de ce débat — à vivifier la démocratie. Pourquoi la vivifier ? Parce que la démocratie, c’est ce qui sert à fonder la légitimité des décisions prises pour la collectivité et plus la base électorale qui vient légitimer ces décisions est large, plus elle est représentative de la société dans laquelle on vit, plus la démocratie est vivante, plus elle est forte et stable. Si on fait un retour dans l’histoire, on constate que c’est ainsi que la démocratie directe s’est construite au fil des siècles. Il n’y a pas besoin de parler de la monarchie pour se souvenir que, il n’y a si longtemps, on réservait les décisions démocratiques à un petit groupe de personnes. Ensuite, on s’est dit que ce serait sympa d’élargir un peu le cercle des personnes qui votent, mais alors il fallait que ces personnes aient quand même des moyens financiers ou qu’elles aient payé leurs impôts ; c’était le fameux suffrage censitaire. On a aussi dit qu’il ne serait pas joli-joli de faire voter des personnes qui n’ont pas fait leur service militaire ; c’était le cas en France au XVIIIe siècle. Pour pouvoir voter, il fallait donc avoir fait son service militaire ; inutile de dire qu’à cette époque la moitié de l’humanité — les femmes — n’était même pas dans la liste des papables pour faire partie des personnes ayant valablement le droit de donner leur opinion. Au XVIIIe, il a fallu se battre, le suffrage censitaire est tombé. Ensuite, ces restrictions que l’on a connues dans toutes les démocraties européennes ou du Nord se sont effritées petit à petit. Puis au XXe, péniblement, il a fallu se résoudre à cette idée farfelue que la moitié de l’humanité avait peut-être un petit quelque chose à dire dans les décisions collectives : le droit de vote des femmes, dont on a célébré cette année l’anniversaire. On s’est mis progressivement à ne pas réserver le droit de vote aux seuls citoyens titulaires du passeport suisse, du moins au plan local. On s’est finalement dit que quelqu’un qui vivait sur place, payait ses impôts, participait à la vie sociale au même titre que les Suisses, depuis des années, pouvait avoir le droit de vote à l’échelon local, ou cantonal. Petit à petit, on a élargi le socle démocratique de manière à ce que les décisions soient plus légitimes et plus représentatives de la société dans laquelle nous vivons et qui nous a élus. Tel est l’objectif de vivifier la démocratie.

Quelles objections entend-on de l’autre côté de l’hémicycle et dans la bouche du rapporteur de minorité ? Premièrement, monsieur Devant, permettez-moi de vous dire que votre premier argument selon lequel on ne devrait pas dissocier droit de vote et droit d’éligibilité me paraît un peu mesquin, dans le sens où vous connaissez l’adage « qui peut le plus peut le moins ». Ne nous faites pas croire une seule seconde que si l’on vous proposait les deux aspects, vous diriez oui ; évidemment, vous diriez non. Vous plaidez pour charger le bateau, pour mieux tenter de le couler ensuite. Plus fondamentalement, il paraît tout à fait logique d’y aller par étapes. C’est un mécanisme connu dans deux autres cantons de Suisse — Jura et Neuchâtel — au niveau cantonal, pour les personnes de nationalité étrangère qui peuvent voter, mais ne peuvent pas se faire élire. C’est donc quelque chose que l’on connait, que l’on pratique et qui est habituel. Cela parait être une bonne manière d’entrer dans ce débat de la démocratie vivifiée pour les jeunes générations.

J’en arrive à ma deuxième objection et je rentre dans le cœur de mon argumentation : vous dites, dans le rapport de minorité, qu’il faut protéger les jeunes, que jeunesse se fasse, qu’il faut les préserver de ces combats durs réservés aux adultes ; qu’il faut laisser encore ces petits jeunes tranquilles quelques années avant de les embêter. En l’occurrence, les jeunes sont à l’origine de cette démarche, pas seulement les jeunes Verts ou les jeunes socialistes, mais aussi les jeunes PLR ; à l’époque, c’étaient les jeunes UDC qui en avaient fait la demande et cela avait donné lieu à une motion de notre ancien collègue Voiblet. Il y a donc une réelle demande de la part de celles et ceux qui se plongent dans la politique, tous bords confondus, et qui aspirent à participer aux décisions. Le plus important, c’est que c’est un droit et non un devoir. Le pauvre petit jeune qui veut que jeunesse se fasse et qui n’a pas envie de se mêler de ces sales affaires d’adultes n’ira pas voter. On lui donne un droit et il l’exerce ou non. A ma connaissance, en Suisse, il n’y a qu’un seul canton qui connait le vote obligatoire, où si l’on ne vote pas, on se fait sanctionner par une amende — sauf erreur, c’est Glaris, ou peut-être Schaffhouse. Dans le canton de Vaud, une telle manière de concevoir le droit de vote est impensable. C’est donc un droit et non un devoir. Le jeune qui ne veut pas se mêler de tout cela ne va pas voter et reste à la maison ; c’est aussi simple que cela.

Si on lit entre les lignes, votre troisième objection tient au fait que vous estimez en substance qu’il n’y a pas de discernement suffisant chez les jeunes de 16 ans et plus. Vous dites, en gros, qu’ils ne sont pas tout à fait secs derrière les oreilles, pas tout à fait prêts à assumer des responsabilités civiques. On parle toujours du droit de vote et non du droit d’éligibilité qui, en effet, pose d’autres difficultés liées à la signature de contrats, à l’engagement juridique, etc. Mais pour le droit de vote, vous dites qu’ils ne sont pas assez mûrs, que ce sont des bleus, et qu’il faut donc les protéger. Cet argument ne tient pas la route, lorsque l’on sait que, dans notre pays, la majorité sexuelle est fixée à 16 ans — on peut donc disposer de son corps dès 16 ans — la majorité pour la consommation de certaines substances est aussi fixée à 16 ans — je pense à l’alcool léger — et surtout, la majorité pénale dans notre pays est fixée à 10 ans. Cela signifie que, dans le droit pénal, on considère qu’un jeune est responsable de ses actes dès 10 ans. Bien sûr, les tribunaux ne punissent souvent pas les jeunes de 10, 11, 12 ou 13 ans de la même manière qu’un jeune de 17 ans et demi, mais la loi pénale sur les mineurs considère qu’à partir de 10 ans, on peut être responsable de ses actes. Dès lors, comment pouvez-vous, avec toutes ces majorités un peu différenciées — il n’y a pas qu’un seuil à 18 ans — dire que la fixation d’un droit de participation à 16 ans vient donner des privilèges à des personnes qui sont complètement inaptes à les exercer ? Vous dites à des jeunes « vous êtes responsables pénalement », « votre corps vous appartient à la majorité sexuelle », « vous avez le droit de conduire un vélomoteur » — il y aurait plein d’exemples à différents niveaux — « vous avez le droit de faire toute une série de choses », mais en revanche, « navré, voter est réservé aux adultes responsables et vous n’en êtes pas encore ». Ce type de conception — jusqu’à 17 ans et 364 jours, on n’est rien, et à partir de 18 ans, on est un citoyen à part entière — ne résiste plus à l’examen.

Pour vivifier notre démocratie et pour permettre à cette jeune génération de s’exprimer si elle le souhaite — si elle ne le souhaite pas, elle ne le fera pas — il est urgent de donner suite à la motion Léonore Porchet. De plus, au niveau fédéral, les débats ont repris de plus belle et, possiblement, le droit de vote pourrait être discuté à l’échelon fédéral, ce qui ferait du canton de Vaud un pionnier en matière de droits politiques. Une fois ne serait pas coutume ; je pense notamment au droit de vote des femmes, dont vous connaissez l’histoire dans le canton de Vaud et en Suisse. Pour toutes ces raisons et au nom du groupe des Verts, je vous invite à suivre l’avis de la majorité de la commission et à renvoyer cette motion au Conseil d’Etat.

Mme Aliette Rey-Marion (UDC) —

Le mois dernier, le Conseil national ainsi qu’une commission du Conseil des Etats sont entrés en matière sur la proposition d’abaisser le droit de vote à 16 ans. Pour ce qui est du résultat de la commission du Conseil des Etats, c’était par 7 voix contre 6. Au niveau des cantons, seul Glaris accorde ce droit aux citoyens dès 16 ans. En 2020, Neuchâtel a refusé à 58,5 % l’abaissement du droit de vote à 16 ans ; le Parlement jurassien a fait de même. Nous constatons que cette demande fait débat dans certains cantons, mais n’est peut-être pas assez mûre aujourd’hui. Le groupe UDC n’est pas favorable à cette motion. En effet, laissons le temps aux jeunes de finir leur scolarité obligatoire, de se concentrer sur leurs études ou leur apprentissage et de profiter de leur jeunesse comme il se doit. Les années passent déjà si vite. Ne brûlons pas les étapes. Essayons d’apprécier les choses à chaque âge. Même si le droit de vote n’est pas une obligation, cela reste une responsabilité importante suivant les sujets. Laissons le temps au temps. Je vous invite à refuser cette motion.

Mme Dominique-Ella Christin (V'L) —

Représenté lors des travaux de la commission, le groupe vert’libéral soutiendra dans sa grande majorité le renvoi de cette motion au Conseil d’Etat. L’abaissement du droit de vote à 16 ans est une politique progressiste en matière de droits civiques à laquelle les Vert’libéraux sont largement favorables. Bien sûr, on peut être sensible à l’argument des opposants à cette proposition, qui estiment qu’il faut conserver la cohérence du système actuel qui associe la majorité civile à la majorité civique à 18 ans. Bien entendu, on peut adhérer au fait qu’il n’est pas idéal de dissocier les droits politiques en accordant le droit de vote, mais pas le droit d’éligibilité. Toutefois, les arguments en faveur du droit de vote à 16 ans au niveau cantonal l’emportent, notamment pour les raisons suivantes :

-          L’âge de 16 ans est déjà une étape qui est marquée par de nouveaux droits et obligations, notamment la fin de la scolarité obligatoire ou la majorité sexuelle.

-          A 16 ans, les jeunes ont clairement la maturité et la capacité de discernement leur permettant d’avoir une opinion indépendante.

-          Les jeunes de 16 à 18 ans ont montré ces dernières années leur intérêt pour les sujets de société, notamment les réponses à apporter au défi climatique.

Leur accorder ce droit de vote leur donnerait un moyen institutionnel de faire entendre leur voix. En conclusion, octroyer ce droit augmentera vraisemblablement la participation démocratique, l’intégration des jeunes et renforcera la confiance en nos institutions. Je vous invite donc à soutenir le rapport de la majorité et le renvoi de la motion au Conseil d’Etat.

M. Philippe Jobin (UDC) —

C’est un sujet délicat. Ceux qui soutiendront le rapport de la majorité seront les gentils qui veulent que les jeunes de 16 ans puissent entrer en matière sur différents sujets et les autres seront les méchants, car ils veulent rester sur des vieilleries. Je reste toujours très partagé sur cette question. J’ai des enfants qui sont plus ou moins dans cette tranche d’âge et nous en parlons relativement souvent. De 1846 à 1991, le droit de vote était fixé à 20 ans. Maintenant, c’est 18 ans. Force est de constater que le taux de participation aux élections 2019 — c’est le seul point où je rejoins M. Tschopp — était de 33 % pour les 18-34 ans et de 62 %  pour les 65-74 ans, avec une moyenne d’âge de 55 ans. Dès lors, cette moyenne ne baisserait que de 1 an si les 16-17 ans avaient voix au chapitre. L’argument de lutter contre une gérontocratie ne tient donc pas la route. Si les jeunes veulent être influents dans le débat politique, nous avons toutes et tous dans nos partis des sections jeunes ou ils ont la possibilité de pouvoir donner leur avis, voire d’influencer parfois les directions des divers partis que nous représentons.

Un grand quotidien de la place avait fait un test et avait demandé à des lecteurs de donner leur avis sur le droit de vote à 16 ans : 77,5 % des lecteurs avaient dit qu’ils y étaient opposés. Cela donne déjà une base relativement intéressante. Si nous devions accepter le vote à 16 ans, il faudrait qu’il y ait en tout cas les majorités civile, civique et pénale qui soient sur le même pied d’égalité à cet âge, sinon j’aurais de la peine à faire le pas. Il est difficile de prendre des décisions pour la communauté alors qu’on ne peut pas décider pour soi-même. C’est un tout, il faudrait que tout soit mis sur le même pied d’égalité. Ensuite, on pourrait discuter franchement pour passer à l’étape suivante. Je reste partagé sur cette question, mais je soutiendrai tout de même le rapport de la minorité.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

Monsieur Mahaim, je vous ai peut-être mal compris, mais vous avez dit que M. Devaud prenait le prétexte de cet abaissement du droit de vote à 16 ans pour ensuite, dans la foulée, refuser la baisse de la majorité à 16 ans. C’est comme si je vous disais que les Verts veulent essayer de récupérer les jeunes qui ont manifesté en 2019. Ce n’est évidemment pas le cas. D’ailleurs, d’autres l’ont dit, bien entendu.

Ce qui me dérange un peu, moi qui ai fait ma première manif à 14 ans et 11 mois et qui – soyons francs – aurait peut-être soutenu cette idée à l’époque, c’est ce hiatus entre la majorité civile et la majorité requise pour émettre des droits politiques. Je trouve que bien des jeunes de 16 ans sont parfaitement capables de se prononcer. Mais en même temps, nous sommes dans une situation un peu trouble entre 16 et 18 ans. Quelqu’un a dit que, à 16 ans, on pouvait décider pour sa propre santé et qu’on avait atteint la majorité sexuelle. Certes, mais quand le garçon de 16 ans demande à pouvoir se faire vacciner contre le COVID, ses parents lui disent « non, tu ne peux pas, car le vaccin ce n’est pas bien » ; c’est un cas qu’on m’a rapporté dans un canton qui permet le vaccin à 16 ans. C’est toujours un pas en avant, puis un pas en arrière, selon ce qui arrange chacun.

Monsieur Tschopp, si cela devait passer une fois devant le peuple, l’erreur à ne pas commettre serait de dire : « on veut donner le droit de vote à l’âge de 16 ans, car il y a un peu trop de vieux qui vont voter ». Je vous invite à revoir ce que vous avez dit à ce sujet, car c’est le meilleur moyen de se tirer une balle dans le pied. Plusieurs exemples français ont démontré que c’était la chose à ne pas dire. On parle d’élargir la base, que c’est positif de voter à 16 ans, mais il ne faut pas faire une considération de générations qui, en règle générale, se retourne contre ceux qui la font. C’est un conseil d’ami ; faites-en ce que vous voulez.

Je suis assez intéressé par ce droit de vote à 16 ans, mais cela m’interpelle quand même. J’aurai donc l’immense courage de m’abstenir. Et si cela doit passer devant le peuple, alors tant mieux. Je pense que l’on est à bout touchant d’un changement de vision des choses. Est-ce pour maintenant ou pour plus tard ? Je ne sais pas, mais je vous remercie pour le débat.

Mme Monique Ryf (SOC) —

Je rappelle mes intérêts : je suis responsable de la fondation Pro Juventute pour la Suisse romande. La fondation Pro Juventute a pris très clairement position pour le droit de vote à 16 ans. Sur quoi s’est-elle basée ? Toute la mission de Pro Juventute est basée sur le respect de la Convention de l’Organisation des Nations Unies (ONU) relative aux droits de l’enfant. On parle de plus en plus de la participation des jeunes aux décisions qui les concernent, pour façonner l’espace dans lequel ils évoluent, pour dessiner le contour du monde qui les attend dans leur vie d’adulte. Pour l’instant, c’est nous — députés de tous bords, avec une moyenne d’âge largement supérieure à 16 ans — qui décidons pour eux. Nous décidons de ce qui sera bien pour eux à l’avenir. Or, dans la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant, il existe un article 12 qui parle de participation. C’est un droit des enfants. L’article 12, alinéa 1, le dit clairement : « Les Etats parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. » On a dit qu’à 16 ans, ils étaient trop jeunes, pas assez mûrs, qu’ils avaient d’autres préoccupations. Mais si on encourage la participation politique des jeunes, c’est non seulement pour leur donner de nouvelles responsabilités, mais c’est aussi pour les rendre responsables. Une fois qu’ils ont le droit de vote à 16 ans, ils ne peuvent plus dire qu’on ne les consulte pas, qu’on ne les invite pas à participer. Le rapporteur de majorité l’a rappelé : les leçons de citoyenneté sont données en dernière année de l’école obligatoire et, en sortant de l’école obligatoire, les jeunes ne peuvent pas exercer leur droit. Ils vont donc très vite se détourner de ce qu’ils ont appris. Alors qu’avec un droit de vote à 16 ans, ils pourraient directement commencer par se familiariser avec les règles politiques.

Aujourd’hui, le taux de participation des moins de 30 ans n’atteint même pas la moitié de celui des plus de 70 ans. Selon des calculs effectués, Avenir Suisse montre qu’en 2035, la moitié des votants dans ce pays auront plus de 60 ans. Le droit de vote à 16 ans doit permettre aux jeunes de s’impliquer davantage, plus tôt. On le voit très bien dans la crise qui vient de frapper ce pays : les jeunes ont subi les décisions sans qu’on se préoccupe un seul moment de les entendre. Dès lors, ils sont en train de se mobiliser beaucoup plus fortement qu’avant. Les sections « jeunes » des partis accueillent nettement plus d’adhérents. Pour inciter les jeunes à pouvoir exercer leur droit, pour qu’on leur donne ce droit de participation, je vous invite à soutenir cette motion et à la transmettre au Conseil d’Etat.

Mme Circé Barbezat-Fuchs (V'L) —

En 1848, le suffrage universel de la jeune Confédération helvétique portait mal son nom. En effet, il ne concernait que 23 % de la population, soit les citoyens masculins âgés de 20 minimum, qui payaient leurs impôts, n’étaient pas en faillite, n’étaient ni mercenaires ni vagabonds, ou qui n’étaient pas interdits des établissements publics. Puis, il y a eu plusieurs évolutions. La grande évolution s’est déroulée le 7 mars 1971, avec l’introduction du suffrage féminin qui a permis à l’autre moitié de la population de 20 ans et plus de s’exprimer dans les urnes. La dernière évolution d’envergure s’est déroulée le 3 mars 1991, avec l’abaissement du droit de vote à 18 ans, suite à une votation soutenue par 72,7 % de la population suisse.

Au niveau cantonal, un seul canton a abaissé le droit de vote à 16 ans, et ce, depuis le 6 mai 2007. Il s’agit du canton de Glaris. Ainsi, depuis 2007, les votants depuis l’âge de 16 ans peuvent participer à la landsgemeinde. Cette décision a été prise il y a 14 ans pour essayer d’éradiquer l’exode des jeunes que ce canton connaissait. Depuis, les jeunes participent à la vie politique, et ce, tout en étant au gymnase ou en apprentissage. D’autres initiatives cantonales ont été déposées, notamment à Neuchâtel et dans le Jura, mais malheureusement elles ont été refusées par la population en 2020. En 2020 toujours, le Parlement bernois a accepté une motion demandant la modification de la Constitution pour abaisser le droit de vote ; le Conseil d’Etat vient de soumettre le projet à la députation qui devra en débattre à l’automne, selon un communiqué de presse paru hier matin. Un autre canton, celui d’Uri, a accepté une modification de sa Constitution en faveur du droit de vote à 16 ans ; le scrutin cantonal va suivre.

Au niveau international, des pays ont déjà abaissé l’âge du droit de vote à 16 ans, avec parfois des nuances. Je vous donne quelques exemples : l’Autriche, dont 90 % des jeunes entre 16 et 18 ans participent aux votations depuis 2007 ; le Brésil et l’Argentine, où le droit de vote est ouvert dès 16 ans et obligatoire dès 18 ans ; la Slovénie, où une personne âgée de 16 ans peut voter si elle occupe un emploi en tant que salariée ou indépendante. Ainsi, nous ne sommes pas les seuls à débattre de cette question.

Cela montre que c’est une question d’actualité, 30 ans après le droit de vote à 18 ans. Il est d’ailleurs intéressant de constater que les grands changements par rapport au droit de vote en Suisse se sont faits au cours d’une décennie. Ne serait-ce pas un signe que 2021 doit rimer avec le droit de vote à 16 ans ? Le groupe des Libres est en faveur de cette évolution et de l’abaissement de l’âge du droit de vote. Certes, nous reconnaissons que la séparation des âges entre celui de l’éligibilité et celui du droit de vote amènerait de la complexité dans notre système politique. Certes, cela ferait des jeunes qui doivent penser votation tout en allant au gymnase ou en apprentissage. Mais depuis 1848, le suffrage universel a réussi à surmonter un bon nombre de difficultés. En 2021, par exemple, nous avons pu voter et élire nos autorités communales alors que nous étions toutes et tous interdits d’établissements publics. Comme le dit le proverbe : « l’usage rend toute difficulté facile ».

M. Jean-Rémy Chevalley (PLR) —

Pourquoi vouloir brûler les étapes ? Les périodes de la vie sont belles et chacune mérite d’être pleinement vécue. Il y a la petite enfance, puis il y a ce moment tant attendu où son âge prend enfin deux chiffres. Ensuite, il y a cette étape merveilleuse des 14 ans qui permet d’atteindre le Graal du déplacement motorisé. A 16 ans, c’est la fin de la scolarité obligatoire, la permission de sortir plus tard et de devenir plus autonome. C’est l’orientation que va prendre sa vie active. A 18 ans, c’est la majorité civile et civique. Nos prédécesseurs qui ont mis en place ces paliers successifs ont eu raison de le faire, parce qu’ils créent une adaptation et un suivi logique de cette entrée dans la vie. Si certains jeunes, principalement du genre féminin, sont très matures à 16 ans, il n’en est souvent pas de même pour ceux du genre masculin. Je parle par expérience, ayant eu la chance d’avoir deux filles et deux garçons. La vie passe assez vite sans vouloir trop se concentrer sur une période et supprimer ces échéances qui marquent certaines étapes de l’existence. Laissons les enfants être des enfants et les jeunes être des jeunes. Laissons ces échéances qui permettent d’avoir des visions et des objectifs à atteindre. Je vous invite donc à refuser cette motion.

Mme Claire Richard (V'L) —

Je dois dire que, comme certains membres de la commission ou de ce plénum qui hésitent ou refusent ce droit de vote à 16 ans, j’ai longtemps pensé que les jeunes ont d’autres choses à faire que de s’occuper de politique et que, de toute manière, cela ne les intéresse que très peu. Mais depuis que j’ai eu l’occasion d’aller voir ce qu’il se passe réellement sur le terrain, j’ai changé d’avis. D’abord, dans le cadre d’une campagne électorale, j’ai accepté de participer à un débat dans un gymnase, devant l’ensemble des élèves. Ils étaient bien informés, très intéressés par les différents points de vue soulevés, autant par les représentants politiques de droite que de gauche. Puis j’ai assisté, un mardi du Grand Conseil, avec les présidents de groupe, à une réunion organisée par la Commission des jeunes qui était à l’époque présidée par le jeune PLR Omuku. Ensuite, j’ai participé plusieurs fois aux travaux de la Commission des jeunes, où des députés de tous bords sont invités pour animer les débats d’une session qui se tient, en principe, tous les deux ans, un samedi et un dimanche. Là encore, ces jeunes — souvent mineurs — m’ont convaincu que la jeunesse n’est pas un obstacle pour être réaliste, de bon sens, intelligent et surtout concerné par ce qu’il se passe autour de soi. Cette expérience a été très formatrice pour moi. Maintenant, je vois vivre les jeunes de mon parti, parfois encore mineurs. Une fois de plus, je suis très agréablement surprise par ce constat. Les idées sont là, l’énergie pour les faire avancer aussi, dans un esprit positif et constructif.

Entre-temps, je me suis intéressée, par une interpellation, à l’enseignement du civisme à l’école obligatoire. Il en ressort que l’éducation à la citoyenneté existe bel et bien, mais sous une forme un peu diluée, intégrée à d’autres matières comme la géographie ou l’histoire. Les enseignants utilisent des exercices pratiques, comme venir assister aux travaux de ce Parlement, ou l’utilisation de divers tutoriels ou témoignages vidéo. Mais cet enseignement s’arrête avec l’école obligatoire, soit à 16 ans. Pour les jeunes qui sont effectivement peu intéressés par la politique, il n’y a aucun mal à devoir attendre l’âge de 18 ans pour s’exprimer ou non dans les urnes. Mais pour ceux qui sont prêts à s’impliquer en politique au sens large, cette attente de deux ans entre la fin de l’éducation à la citoyenneté et la majorité politique à 18 ans est une véritable coupure dans leur élan civique. C’est très dommage de mettre de côté les compétences et l’enthousiasme dont notre société a besoin. Des jeunes de toutes tendances sont favorables au vote à 16 ans. Ils recouvrent très clairement l’ensemble de l’hémicycle politique. Enfin, et ce n’est pas le moindre des arguments en faveur du droit de vote à 16 ans, les Chambres fédérales évoluent et semblent sur le point d’y venir.

En conclusion, à une époque où des décisions majeures doivent être prises rapidement pour préserver l’avenir de notre planète, ce sont les très jeunes qui sont concernés au premier chef. Il est donc normal de permettre à celles et ceux qui désirent s’impliquer dès 16 ans de pouvoir le faire librement. Le groupe vert’libéral soutient à une très large majorité le rapport de majorité et espère que vous en ferez de même.

Mme Rebecca Joly (VER) —

Je serai brève, car beaucoup ont déjà dit ce que je voulais dire. Je trouve assez intéressant que certains arguments entendus dans cet hémicycle ressemblent aux arguments que l’on servait contre le suffrage féminin, il y a 50 ans environ. Une exposition sur le sujet qui a lieu actuellement au Musée national à Zurich nous le montre bien, les affiches d’il y a 50 ans étaient les mêmes : le jeu des partis allait corrompre les femmes, le vote n’était pas fait pour elles. On entend le même genre de discours sur les jeunes : il faut que jeunesse se fasse, c’est une sorte de corruption de la jeunesse que de leur donner ce droit politique. Je trouve le parallèle assez intéressant et je voulais le faire remarquer.

Au départ, je n’étais pas très convaincue, moi non plus, de cet abaissement de l’âge du droit de vote à 16 ans. Un des arguments qui m’a convaincue est celui de la corrélation entre la majorité civile et les droits de vote et d’éligibilité. En y réfléchissant un peu, ce n’est pas tout à fait vrai de dire qu’on obtient l’exercice des droits civils à 18 ans. Il y a plusieurs droits civils dont on obtient l’exercice à 16 ans, voire même avant, dans plein de domaines de la vie. Voir cet âge de 18 ans comme le moment où l’on devient adulte, une fois minuit passé, est quelque chose qui me perturbait déjà plus jeune, car je n’avais pas l’impression d’avoir beaucoup changé dans la nuit du 14 au 15 décembre 2008. Surtout, je trouvais perturbant de passer du droit de ne rien faire au droit de tout faire. Mais ce n’est pas tout à fait ainsi que cela se passe. A 16 ans, on fait des choix assez importants, notamment en termes de formation ; c’est la fin de l’école obligatoire, le début d’un enseignement post-obligatoire, soit dans la voie duale, soit dans la voie gymnasiale. Si l’on choisit la voie duale, il faut choisir un apprentissage, choisir un domaine professionnel, un métier. Ce sont tout de même des choix assez lourds. Je trouve compliqué de dire à ces jeunes, qui doivent faire des choix importants, qu’ils ne sont pas assez mûrs pour qu’on les consulte pour des décisions qui les touchent aussi, au même titre que le reste de la collectivité.

Il n’y a pas beaucoup d’objets que l’on peut voter en se disant qu’il s’agit de donner plus de droits à quelqu’un. Cela ne coûte rien et ne change pas l’exercice de notre droit politique. Cela donne quelque chose de plus à une certaine catégorie de la population. C’est ce qui est beau dans cette motion : tout ce qu’on nous demande, c’est de savoir si l’on est d’accord de donner à d’autres le droit que nous avons déjà. Sommes-nous d’accord d’inclure plus de personnes dans le cercle des votantes et des votants et des personnes qui peuvent faire usage de leurs droits politiques ? A cette question, je vous invite à répondre avec un grand oui.

M. Jean-Marc Genton (PLR) —

La majorité civile, dans notre pays, est fixée à 18 ans depuis 1996. Auparavant, soit à partir de 1912, elle était fixée à 20 ans. Donner un droit de vote à des jeunes avant la majorité civile me paraît disproportionné. Bien entendu, quand vous parlez avec les jeunes de moins de 18 ans qui sont affiliés à des groupes de jeunes politisés, qu’ils soient de gauche ou de droite, ils sont quasiment tous unanimement en faveur d’un droit de vote à 16 ans — La Palisse l’aurait dit — puisque c’est leur « hobby ». Les jeunes ont des idées, parfois des bonnes réflexions, qui amènent le débat. Mais nous avons tous été jeunes, que ce soit il y a 50, 30 ou 10 ans. Il est peut-être bon de se raisonner et de se rappeler les théories que nous tenions. Si je prends mon cas, dans un domaine où nous ne faisons pas de politique, je me suis inscrit à la jeunesse de mon village à 16 ans. Les plus anciens avaient 26 ans. Mes amis de mon âge et moi les prenions pour de vieux rétrogrades. Ils étaient complètement dépassés et à l’opposé de nos envies et de nos idées. Du reste, je n’ose même pas imaginer ce que les jeunes pensaient de moi quand j’ai enfin terminé la jeunesse à l’âge de 30 ans. A 16 ans, vous n’avez aucune idée de la vie d’adulte, même si vous avez eu un téléphone portable et un ordinateur depuis l’âge de 10 ans, voire avant pour certains. C’est quoi le travail à 16 ans ? Je sais qu’il y en a qui ne le savent toujours pas maintenant, même à 50 ans. Se gérer, faire ses paiements, se déplacer, ranger sa chambre, etc. Et vous voudriez que ces personnes votent ? Non, cela n’est pas raisonnable. Quand j’entends M. Mahaim, cela me fait peur. A l’entendre, il voudrait bientôt donner le droit de vote à 10 ans. Pour moi, il serait déjà bien important d’intéresser les jeunes de 18-25 ans à la vie publique et politique, avant d’aller chercher ceux de moins de 18 ans. Je vous invite à refuser cette motion.

M. Philippe Ducommun (UDC) —

Je déclare mes intérêts en tant que membre de la commission. Il est vrai que, en 2010, nous avions débattu du même sujet déposé par notre ancien collègue Rapaz — rendons à César ce qui lui appartient. Toutefois, les temps changent et, comme dit l’adage, seuls les imbéciles ne changent pas d’avis. Actuellement, tout est fait pour intégrer nos jeunes dans les enclaves de la politique, avec notamment le Conseil des jeunes. Je me permets de vous lire le dernier paragraphe du rapport de la minorité de M. Devaud : « De plus, un argument qui nous est cher consiste à respecter notre jeunesse. En effet, un député signalait dans les débats de 2010 "que s’il y a un temps pour naître, un temps pour mourir, entre-deux il y a un temps pour grandir, pour jouer, pour faire sa jeunesse et un autre pour prendre et assumer des responsabilités dans le domaine de la gestion des biens publics". Il faut laisser le temps aux jeunes de se focaliser sur leurs études et sur leur entrée dans la vie professionnelle. Cela nous semble primordial d’entendre et de respecter les jeunes, mais aussi, en quelque sorte, de les protéger, c’est aussi là, quelque part, notre responsabilité. »

Concernant le vote fédéral, pour répondre à notre collègue Mahaim, on peut sans autre attendre la décision de ces instances, sans devoir forcément être le bon élève et le premier de classe. Je vous encourage donc à suivre le rapport de la minorité et à classer cette motion.

M. Stéphane Masson (PLR) —

Je suis un partisan du fédéralisme, mais il a certaines limites. Partant du principe que, selon le droit fédéral, l’exercice des droits civils comprend l’exercice des droits civiques, il me semble que l’équation qui nous occupe est assez simple : selon l’article 13 du Code civil, toute personne majeure et capable de discernement bénéficie de l’exercice des droits civils. A contrario, est réputée incapable d’exercer les droits civils, toute personne mineure ou incapable de discernement. Dès lors, je pose la question suivante : appartient-il vraiment à notre canton de fixer cette capacité de discernement, alors même que celle-ci pourrait être fixée différemment par un autre canton ? On ne va quand même pas passer par tous les points cardinaux de ce pays pour savoir qui a la capacité de discernement et qui ne l’a pas. Il faut faire preuve d’un peu d’humilité et laisser cette question aux Chambres fédérales, sachant qu’il y a peut-être une évolution qui suit son cours, mais à mon avis c’est un peu trop tôt de le faire ici. Dès lors, je vous invite à suivre le rapport de la minorité et à classer cette motion.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Castigat ridendo mores, il faut savoir parfois révolutionner les mœurs en riant. Il y a eu des discours bien sérieux au niveau de cette question du droit de vote des jeunes de 16 ans et plus. On a parlé tout à l’heure de l’analogie — à mon avis un peu osée — avec le droit de vote des femmes. On a fait l’histoire du français ce matin, le professeur Mahaim nous a fait un petit cours d’histoire du droit tout à l’heure, alors je ferai un peu de droit civil. Il est vrai que la condition de la femme mariée dans le Code civil de 1907 était peu enviable, puisqu’elle avait le « pouvoir des clefs », c’est-à-dire un pouvoir de représentation extrêmement faible. Par exemple, elle ne pouvait pas contracter un crédit ou des emprunts ni engager sa famille par sa signature. C’est dire que l’évolution du droit civil a été de pair avec le droit de vote, et le droit de vote et d’éligibilité des femmes, car l’on voit bien par cet exemple à quel point ces deux choses sont liées. Imaginez-vous un seul instant qu’en 1940, 1950, 1960 et 1970, on ait accordé le droit de vote aux femmes sans, en même temps, leur donner le droit d’éligibilité ? Je ne peux pas concevoir une telle hypothèse. Je ne peux pas concevoir non plus qu’on en fasse de même s’agissant des jeunes de 16 ans et plus. En effet, je suis convaincu que les questions de l’éligibilité, de la capacité civile et du droit de vote sont liées. Je le dis clairement : je n’ai aucun état d’âme sur la majorité elle-même. Le débat, pour moi, est parfaitement ouvert. J’avoue, aujourd’hui, ne pas être en mesure de me forger un avis là-dessus. Je peux concevoir qu’un jour, la majorité civile descende à 16 ans, selon des études sociologiques et précises que nous aurions. Mais dissocier, ou trancher par tranches de salami, cette capacité des jeunes me paraît presque outrageuse. J’essaie malgré tout de me replacer dans la peau d’un jeune de 16 ans : vous avez le droit de vote, mais vous ne pouvez pas voter pour vous, ni pour vos amis qui ont votre âge et qui auraient probablement aussi des choses à dire, qui seraient peut-être candidats et aimeraient participer à cette représentativité démocratique. Mais qu’on ne nous fasse pas rire. Quand on dit qu’ils pourraient ainsi se manifester, mais se manifester, c’est participer intégralement à la vie politique, soit voter, élire, être élu. C’est cela la vie politique. Etre une sorte de demi-citoyen, de 16 à 18 ans, je ne suis pas sûr que cela motive les jeunes. Je regardais sur mon ordinateur les études d’Easyvote, et il vrai qu’il y a peu de jeunes qui s’intéressent à la politique, selon les statistiques. Il y a 1’052 motifs pour lesquels ils s’y intéressent moins que nous. Le premier est peut-être que, aujourd’hui, les jeunes sont surtout préoccupés par leur avenir, par leur formation professionnelle et par l’emploi — en tout cas, les jeunes de 15 à 30 ans. Ils le sont davantage que de savoir si de 16 à 18 ans ils pourront participer à telle votation ou non à l’échelle cantonale ou fédérale.

La deuxième certitude est que les jeunes d’aujourd’hui attendent des outils adaptés à leur vie. Et leur vie aujourd’hui, c’est Internet, le smartphone ou l’ordinateur. Quand vous expliquez à un jeune qu’il existe des boîtes aux lettres, il vous regarde parfois avec un minimum d’étonnement. Ce n’est pas péjoratif, c’est leur vie et leur environnement. Si vous voulez vraiment intéresser les jeunes à la vie politique, donnez-leur plutôt la totalité des droits, des outils et informations qu’ils utilisent — réseaux, moyens de communication — plutôt que de faire des théories pendant une heure pour dire que, éventuellement, si on leur donnait le droit de vote à partir de 16 ans, ils s’intéresseraient davantage à la politique. Je suis convaincu du contraire. Si l’on avait 16 ans aujourd’hui, on aimerait participer pleinement à la vie politique et pas à la moitié, au quart, voire au dixième.

M. Jérôme Christen (LIBRE) —

En 2010, notre ancien collègue Pierre-Yves Rapaz avait déposé une initiative constitutionnelle pour demander l’abaissement du droit de vote et d’éligibilité de 18 à 16 ans. Je me rappelle très bien, car j’étais rapporteur de majorité et j’avais mené cette bataille de titans avec Pierre-Yves Rapaz, mais on n’y était pas arrivé, car à gauche on était plutôt sceptique. Alors, ce qu’il se passe aujourd’hui est surréaliste. On est dans la situation inverse. Est-ce que l’électorat des jeunes de 16 à 18 ans aurait changé ? Serait-il passé de la droite à la gauche ? Avant, il était UDC et maintenant il est Vert ? Ce n’est pas sérieux… Est-ce qu’on veut faire ce pas vers les jeunes, peu importe ce qu’ils vont voter ? Je ne suis pas sûr que les jeunes de 16 à 18 ans soient plus Verts qu’UDC… Peut-être un peu plus libres, mais c’est un point de vue personnel. Je rappelle quelques arguments qui avaient été évoqués à l’époque par Pierre-Yves Rapaz : dans de nombreux domaines de la vie quotidienne, les jeunes de 16 ans sont invités à prendre des responsabilités ; c’est souvent à cet âge qu’ils débutent leur activité professionnelle et leur patron leur confie rapidement des tâches autonomes ; ils commencent à payer des cotisations sociales et des impôts ; dans les loisirs, ils sont très vite recrutés dans les comités des sociétés ; ils doivent gérer des budgets, des comptes, présider des séances ; on leur fait confiance. Le vieillissement de la population pourrait faire une modification de la structure d’âge du corps électoral, cela pourrait faire un rééquilibrage, même si ce n’est pas le meilleur argument. Le droit de vote à 16 ans va permettre de susciter chez les jeunes un intérêt accru pour la politique. C’est souvent à ce moment-là, entre 14 et 16 ans, que l’éducation civique se fait à l’école. Ensuite, de 16 à 18 ans, on oublie tout cela et finalement on ne va plus voter. Cela permettrait de mettre en pratique ce qu’on a appris directement après les cours d’éducation à la citoyenneté. Je pourrais citer plusieurs exemples et l’UDC avait fait un plaidoyer formidable, avec Pierre-Yves Rapaz. Monsieur Ducommun, peut-être que seuls les imbéciles ne changent pas d’avis, mais je ne change pas d’avis.

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

On a beaucoup parlé de droits, mais j’ai moins entendu parler de devoirs. Pourtant, c’est le corolaire. Lorsqu’on vote, on est un citoyen ou une citoyenne qui assume ses choix civiques, professionnels, financiers, voire sentimentaux. Il n’y a pas de citoyenneté au rabais ou à géométrie variable. Alors, laissons nos jeunes vivre progressivement leur vie d’adulte et les charges qui vont avec, dont le droit de vote. Cette période unique d’éveil à soi-même et aux autres doit se vivre et se développer hors des pressions et enjeux liés à une vie d’adulte et dont les droits civiques en sont l’un des symboles. Je vous invite donc à refuser cette motion.

Mme Cloé Pointet (V'L) —

Je vous rassure : je n’ai pas l’impression de gâcher ma vie en siégeant ici parmi vous. Malgré tout, j’ai 22 ans. Il y a 6 ans, j’avais 16 ans ; c’était il y a peu de temps. Je n’ai pas l’impression de gâcher ma vie et je n’avais pas l’impression de gâcher ma vie non plus quand, à 16 ans, je regardais chaque dimanche de votations les résultats et lorsque je m’intéressais aux objets proposés. Je me faisais un avis sur la situation. Parfois, avec l’aide de mon papa ou d’autres personnes m’entourant qui pouvaient m’aider à appréhender et comprendre les sujets compliqués.

J’ai entendu plusieurs personnes dire ici qu’il fallait préserver nos jeunes. Si on veut vraiment préserver nos jeunes, il faut leur interdire de manifester. Dans les manifestations — notamment la grève du climat qui a commencé il y a 2 ans environ — il y a des personnes qui ont plus de 18 ans, mais il y en a aussi qui ont entre 14 et 18 ans, voire des plus jeunes. Si on veut vraiment les préserver, il faut éviter les cours de citoyenneté. Personnellement, en dernière année scolaire, lors de mon cours de citoyenneté, je faisais un dossier sur les élections américaines. Chaque fois qu’il y avait des votations, nous en discutions en classe. J’apprenais des notions sur le droit des enfants et le droit des hommes. J’ai fait un dossier sur le droit des enfants au Burkina Faso. Je ne me trouvais pas forcément protégée. On m’apprenait à comprendre ce qui nous entourait et à essayer de l’appréhender et de me faire une opinion. Donner ce droit de vote aux jeunes, surtout vu les récentes manifestations par rapport à différentes thématiques, dont principalement le climat, est une bonne réponse pour leur dire : vous avez une opinion, nous sommes prêts à l’écouter.

Mme Alice Genoud (VER) —

Beaucoup a été dit, notamment par Mme Pointet. Aujourd’hui, il y a une vision de la jeunesse qui est soit un peu enjolivée, soit au contraire extrêmement péjorative. Finalement, ce qui me dérange dans ce débat, c’est que je suis engagée en politique depuis mes 15 ans et c’est un discours que l’on entend beaucoup : la jeunesse n’a pas forcément un avis ou elle est en phase de pouvoir se faire un avis, mais il faut lui laisser encore un peu de temps. Ce discours me dérange. Nous devons donner ce signal à nos jeunes de 16 ans : ils font aussi partie de la société, ils ont leur mot à dire et ils ont les compétences de pouvoir réfléchir tout seul, de se faire un avis et de pouvoir le dire par le biais du vote. C’est quelque chose qui m’aurait extrêmement plu, à l’âge de 16 ans. Peut-être que je faisais partie d’une minorité. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de jeunes qui s’impliquent : les grévistes du climat, les jeunesses des campagnes ou les différentes associations. Les jeunes sont tout à fait capables de se faire un avis et de réussir par eux-mêmes. On ne doit pas, dans ce Grand Conseil, faire du paternalisme, ou du maternalisme. On doit faire confiance à nos jeunes et leur donner la possibilité de voter à 16 ans, de nous dire ce qu’ils pensent. On n’est pas garants de tout ce qui peut être fait. C’est quelque chose qui me semble important, aujourd’hui. Il faut soutenir cette motion et réfléchir à la manière de la mettre en œuvre.

M. Jean Tschopp (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

Au bout d’une heure de débat, je cherche encore l’argument qui voudrait que le corps électoral — ou la population dans son ensemble — doive se sentir menacé par cet élargissement du droit de vote aux plus de 16 ans, et j’ai du mal à le trouver. Je trouve qu’il y a beaucoup de condescendance dans ce débat. On parle de période d’éveil, de jeunes de 16 ans qu’il faudrait laisser jouer. Le monde qui est le nôtre en 2021 fait apparaître une conscience politique assez précoce, des préoccupations autour d’un temps long. Quand on est jeune et qu’on a 16 ans, les enjeux environnementaux se posent avec beaucoup plus d’acuité encore, parce qu’on sait qu’on vivra jusqu’à un âge où, très certainement, le réchauffement climatique et les problèmes environnementaux auront pris de l’importance ; et on peut avoir le sentiment que sa voix n’est pas entendue. Il s’agit ici d’un droit ; le droit de vote n’est pas une obligation. Donner un signal de confiance a du sens. N’en déplaise à notre collègue Vuillemin, on peut avoir la volonté de regarder les chiffres en face. Aujourd’hui, l’âge moyen des personnes qui votent en Suisse est de 57 ans, l’âge moyen des personnes vivant en Suisse est de 42 ans. C’est un élément factuel qui peut nous interroger sur des enjeux de représentativité de la part de la population dans son ensemble et que nous devons avoir en tête au moment de nous prononcer. Nous n’avons rien à perdre — au contraire — à élargir le corps électoral aux plus de 16 ans, à donner ce signal de confiance et à avoir la volonté d’avoir une démocratie encore plus représentative, ou du moins de tendre à cette représentativité. C’est un enjeu profondément démocratique et c’est sans doute l’argument qui a fait pencher la majorité de la commission en faveur du droit de vote à 16 ans.

M. Marc Vuilleumier (EP) —

Les diverses composantes de notre groupe, dont certains ont une très longue histoire, se sont toujours battues pour l’extension des droits démocratiques, pour que le plus grand nombre de gens qui habitent et travaillent dans ce canton puissent s’exprimer. Il y a bien sûr eu tout le combat sur le suffrage féminin ; c’est aujourd’hui gagné, mais cela n’a pas été simple. Aujourd’hui, il y a tout le combat pour que les étrangers puissent voter ; certaines avancées existent dans les communes, avec le droit de vote et d’éligibilité. Certaines avancées ont eu lieu dans des cantons, où il y a le droit de vote, mais peu d’éligibilité — dans ce cas, cette différence ne choque personne ! Il y a encore énormément à faire au niveau fédéral.

On parle aujourd’hui d’abaisser l’âge de droit de vote de 18 à 16 ans pour le canton de Vaud, soit une nouvelle extension des droits démocratiques. Comme argument pour lutter contre cette extension des droits démocratiques, certains parlent de la maturité. Je ne sais pas si ces arguments, pour les gens entre 16 et 18 ans, ont déjà eu du sens, mais l’actualité toute récente montre que cet argument ne tient plus. Je pense bien sûr à la grève du climat et à ces dizaines de milliers de jeunes qui ont manifesté dans les rues ; les jeunes de 16 à 18 ans y sont représentés de manière importante, voire des personnes encore plus jeunes. Soutenir cette motion, c’est aller dans le sens de l’histoire. Si Glaris a fait le pas — et qui n’est pas un canton particulièrement progressiste — nous serions malvenus de ne pas aller au moins aussi loin. Le groupe Ensemble à Gauche et POP soutiendra cette motion.

Mme Jessica Jaccoud (SOC) —

Je ne pensais pas intervenir dans ce débat, mais je dois vous dire être frappée ici en entendant ceux – majoritairement ceux – qui se sont exprimés en défaveur de cette motion. Je suis frappée de voir à quel point certains se prévalent de cette connaissance approfondie de ce que veulent « nos jeunes » – et non les jeunes – et à quel point leur jeunesse à eux est passée depuis quelques années. Dire ici ce que veulent nos jeunes, en omettant complètement ce que certains jeunes Vaudois ont exprimé — c’est-à-dire leur souhait de pouvoir décider, de pouvoir orienter la politique sur des décisions qui les concernent éminemment — c’est cette voix que nous devons entendre aujourd’hui, en accordant un droit de vote pour les personnes de plus de 16 ans dans ce canton. Ce droit s’accompagne de responsabilités. Je crois vraiment que si vous interrogez les jeunes du canton de Vaud qui ont plus de 16 ans, ils vous feront part du nombre de responsabilités importantes qui leur incombent dans la société dans laquelle on vit : trouver un apprentissage, trouver une formation, trouver des stages, vivre dans des climats familiaux compliqués, vivre dans une société qui leur demande de plus en plus au sujet de leur positionnement, de leurs décisions, être capables de voir leur avenir de manière clairvoyante, alors qu’ils n’ont que 16 ans. Les responsabilités qui pèsent sur les épaules des jeunes de plus de 16 ans sont nettement plus importantes qu’elles ne l’étaient sur les miennes lorsque j’avais 16 ans, et j’ose imaginer qu’elles sont encore plus importantes que celles qui pesaient sur les épaules de 16 ans de ceux qui se sont exprimés contre ce texte. Il faut vraiment donner ce droit de vote aux plus de 16 ans, en leur permettant de pouvoir s’exprimer s’ils le souhaitent, sans les contraindre, en leur donnant la possibilité d’orienter la politique. Si aujourd’hui, nous avons un manque d’intérêt de la politique chez les jeunes de ce canton, le premier pas pour réorienter cela est que la politique s’intéresse à eux. Je vous encourage à soutenir cette motion.

M. Grégory Devaud (PLR) — Rapporteur-trice de minorité 1

Je réagis aux propos de Mme Jaccoud. Je dirai avec sympathie qu’elle a mieux terminé que commencer. Ce débat est passionnant. Force est de constater que notre appréciation, deux ans après la commission, a probablement évolué. Je rejoins en cela la position de notre président de parti, M. Buffat, qui disait que nous parlons d’un droit de vote. Notre position est d’avoir un vrai débat sur l’âge de la majorité. Ce débat doit avoir lieu et aura vraisemblablement lieu aux Chambres fédérales d’abord. Très vite, nous aurons à nous positionner et à voter sur ce point.

Il est dommage d’opposer hommes et femmes, droite et gauche. M. Christen l’a bien dit : il y a 10 ans, j’étais déjà dans ce Parlement, et c’était peut-être d’autres fronts et d’autres intérêts. Il n’y a pas lieu d’avoir un débat gauche-droite, mais un débat de société. Aujourd’hui, on a vraiment l’impression que ce débat de société doit intégrer les jeunes, mais c’est cette forme de « droit au rabais » qui dérange et qui cherche à aller dans le sens d’un peu de condescendance et non pas d’apprentissage.

M. Mahaim l’a dit, nous sommes beaucoup de jeunes à nous exprimer. Nous étions, lui et moi, il y a 15 ans, parmi les jeunes députés de ce Parlement. Nous avons aussi des parcours particuliers : je suis parti de la maison à 15 ans, pour aller tout seul au Tessin pour faire un apprentissage. C’est peut-être ce qui a fait notre parcours et c'est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui. Alors, loin de moi l’idée de penser qu’à 16 ans il y aurait un manque de maturité. Je pense simplement qu’entre l’école et cette majorité, c’est une étape qui se passe. Ce sont des institutions qui se mettent sur pied, avec le Conseil des jeunes et d’autres éléments. Cette forme de transition et d’apprentissage doit être mise en avant. Si vous me permettez la comparaison, la nuit du 30 avril au 1er mai, que se passe-t-il dans nos yaourts ? Que se passe-t-il entre 15 ans et 364 jours et 16 ans, respectivement 17 et 18 ans ? Rien, si ce n’est que c’est une forme de choc. Tout le monde peut l’admettre. Il faut essayer d’apporter cette transition, d’accompagner nos jeunes qui ont évolué. Dans les activités actuelles, on entend les jeunes, principalement entre 18 et 25 ans, mais les plus jeunes aussi, ici pour la création d’un Conseil des jeunes, là pour une association de jeunesse, ou encore pour l’évolution d’un skate park, d’un terrain de sport, de projets de théâtre ou de cinéma, de pôles de formation, de gymnases, etc. Notre rôle est d’entendre ces jeunes, de les associer à nos décisions, à la vie actuelle. Je crois pouvoir dire qu’à travers la vague verte, ils ont eu toute la possibilité de se faire entendre. Ils ont été entendus et écoutés. Je crois pouvoir dire que ce Parlement a d’ores et déjà pris des engagements qui vont dans leur sens. Je vous remercie de ne pas chercher aujourd’hui à donner un droit au rabais, mais de valoriser mieux que cela ce droit de vote et d’éligibilité pour les jeunes de moins de 18 ans.

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Conseiller-ère d'État

Je vous remercie pour ce débat nourri qui nous projette au cœur de notre démocratie. A l’heure de la crise, du COVID, cela fait du bien de se projeter au-delà de cette période de pandémie et de rappeler que notre démocratie ne vit que par l’engagement de toutes et tous. C’est aussi l’occasion de dire le plaisir que j’ai pu avoir, relativement aux élections communales, de voir le nombre de candidates et de candidats et le nombre de jeunes qui se sont investis. En dépit de la crise, ces élections communales ont pu se dérouler démocratiquement, avec un fonctionnement institutionnel qui a subi son stress test et avec un engagement marqué des jeunes générations.

Concernant le droit de vote à 16 ans, il n’y a pas de position formelle du Conseil d’Etat. Nous avons souhaité que le débat se fasse en plénum, de manière à pouvoir ensuite prendre acte de votre vote et agir de manière conforme à ce que vous souhaitez, en rappelant que du point de vue formel, on parle ici d’un changement constitutionnel. Nous sommes en pleine révision de la Loi sur l’exercice des droits politiques ; beaucoup de séances y sont consacrées actuellement. C’est par un changement constitutionnel qu’il faudrait passer pour mettre éventuellement en œuvre un droit de vote à 16 ans.

C’est un débat très large, très nourri, sur le plan national, mais aussi dans plusieurs cantons : Glaris a déjà fait un pas par rapport à cela, Neuchâtel l’a refusé, des discussions sont en cours dans nombre de cantons comme Berne, Soleure, Bâle-Ville, Uri ou Genève. Le choix de fond vous appartient à ce stade, étant entendu qu’il y aurait par ailleurs un débat et un vote populaires du canton si vous donniez suite à cette motion. On voit bien les deux fronts : d’un côté, il y a les arguments qui visent à booster la participation des jeunes, à leur donner la possibilité de s’exprimer, non seulement d’un point de vue associatif, mais surtout dans la réalité des urnes, de garder leur intérêt par rapport aux droits politiques au sortir de la scolarité obligatoire. De l’autre côté, deux arguments sont donnés : le fait qu’il y a un lien indissociable entre le droit de vote et le droit d’éligibilité — d’ailleurs, c’est intéressant, car lorsque j’étais constituante, quand nous avons discuté des droits politiques pour les étrangers, c’était un élément qui avait été largement thématisé : si l’on donnait le droit politique aux étrangers sur le plan communal, il fallait le faire de manière complète ; c’est le même type de débat que l’on a pu avoir — et le lien fait entre les droits civiques et les droits politiques. On voit donc les deux fronts. Mais ce qui me réjouit, c’est qu’au-delà de ces questions de droit de vote à 16 ans, je pense qu’il y a un large front pour dire que les jeunes sont l’avenir de notre démocratie, l’avenir de nos institutions, ces institutions qui ne peuvent être vivantes que si on les utilise. J’entends donc un front très large dire qu’il faut renforcer la formation, la participation sous toutes ses formes ; c’est le rôle de chacun d’entre nous, le rôle des parents, des proches, des formations, c’est aussi le rôle de l’Etat. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans le cadre de la Loi sur l’exercice des droits politiques, puisque l’on doit répondre à une intervention de M. Nicolas Rochat Fernandez. C’est l’occasion de pouvoir redécrire ce que fait l’Etat, non seulement par rapport à l’école obligatoire, mais aussi dans d’autres types d’incitation des jeunes à la participation aux droits politiques, par exemple pour des votes à blanc, pour le Parlement des jeunes, etc. Je me réjouis d’ores et déjà de ces discussions qui vont au-delà de la simple question du droit de vote à 16 ans et qui nous permettront d’évoquer l’ensemble des éléments qui sont liés à la formation des jeunes aux droits politiques et à leur participation. Dans cette attente, je me réjouis de voir le résultat du vote d’aujourd’hui, pour que nous puissions avancer sur cette question.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion par 72 voix contre 69 et 1 abstention.

M. Jean Tschopp (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

Je demande le vote nominal.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 députés.

Celles et ceux qui suivent la majorité de la commission votent oui ; celles et ceux qui y sont opposés votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion par 71 voix contre 70 et 3 abstentions.

* Insérer vote nominal

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